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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110606

Dossier : A-490-10

Référence : 2011 CAF 191

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

PREMIÈRE NATION WAYCOBAH

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 30 mai 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LE JUGE NADON

                                                                                                 LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110606

Dossier : A-490-10

Référence : 2011 CAF 191

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

PREMIÈRE NATION WAYCOBAH

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

Introduction

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par la Première nation Waycobah (Waycobah) à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2010 CF 1188), dans laquelle le juge de Montigny (le juge) a rejeté la demande de contrôle judiciaire de Waycobah visant à faire annuler une décision de Brian McCauley, sous-commissaire, Direction générale des politiques législatives et des affaires réglementaires de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Dans cette décision, contenue dans une lettre datée du 9 novembre 2009, le sous-commissaire a refusé de recommander la remise de l’importante dette fiscale de Waycobah.

 

[2]               La dette découle du fait que Waycobah n’a pas perçu la taxe de vente harmonisée (TVH) auprès des non-autochtones qui achetaient de l’essence et des produits du tabac dans une station‑service située sur la réserve. Deux personnes avaient acheté l’entreprise en 2000 en fiducie pour Waycobah qui, tout comme le propriétaire antérieur, était persuadée que ses activités commerciales étaient exemptes de taxation en vertu d’un traité conclu avec la Couronne au 18siècle. Apparemment, cette opinion était largement répandue chez les premières nations de la Nouvelle-Écosse, mais elle n’était pas partagée par le gouvernement fédéral ou, comme cela a été démontré, par les tribunaux. Après avoir perdu en appel sur cette question devant la Cour canadienne de l’impôt en 2000, Waycobah a reconnu qu’elle avait perdu la bataille juridique lorsqu’en juin 2003, la Cour suprême du Canada a rejeté sa demande de pourvoi contre la décision de notre Cour, confirmant la décision de la Cour de l’impôt. Waycobah a commencé à percevoir la TVH sur les ventes taxables à des non-autochtones à partir de juin 2003.

 

[3]               Comme Waycobah n’avait pas perçu la TVH pour se protéger contre la possibilité que les tribunaux rejettent sa demande d’exemption, elle avait accumulé une dette fiscale de plus de 1,3 million de dollars (incluant les pénalités et les intérêts) au moment où une cotisation a été établie à son égard pour la période du 1er avril 2000 au 31 décembre 2001. Après de nouvelles vérifications des affaires de la station-service, des cotisations ont été établies pour les années subséquentes, jusqu'au 31 mars 2005.

[4]               Des négociations portant sur le remboursement ont commencé en 2002 entre Waycobah et les fonctionnaires de l’ARC et ont duré plusieurs années. Waycobah a finalement accepté de se plier à un calendrier de remboursement et l’ARC a renoncé à des pénalités et des intérêts importants. Toutefois, Waycobah n’a pas respecté l’entente de remboursement et les problèmes de perception de la TVH ont persisté jusqu’en 2005. En septembre 2009, la dette dépassait 3,4 millions de dollars.

 

[5]                Waycobah est une communauté petite et pauvre : ses infrastructures de base (écoles, habitations, réseau d’aqueduc et d’égout) doivent être remplacées et leur capacité accrue. La situation financière de la première nation est précaire : elle a un déficit budgétaire important et, à la demande du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, elle poursuit ses activités en vertu d’une entente de cogestion depuis 2001. Le déficit, dû principalement à la dette fiscale, a grandement nui à sa capacité d’emprunter des fonds afin de corriger ses problèmes d’infrastructures.

 

Décision de l'ARC

[6]               Le sous-commissaire a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire en tant que représentant du ministre du Revenu national. Il a exercé le pouvoir prévu au paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11 (Loi), qui dispose :

23(2) Sur recommandation du ministre compétent, le gouverneur en conseil peut faire remise de toutes taxes ou pénalités, ainsi que des intérêts afférents, s’il estime que leur perception ou leur exécution forcée est déraisonnable ou injuste ou que, d’une façon générale, l’intérêt public justifie la remise.

23(2) The Governor in Council may, on the recommendation of the appropriate Minister, remit any tax or penalty, including any interest paid or payable thereon, where the Governor in Council considers that the collection of the tax or the enforcement of the penalty is unreasonable or unjust or that it is otherwise in the public interest to remit the tax or penalty.

 

 

[7]               Tout en reconnaissant les difficultés financières importantes de Waycobah, le sous‑commissaire a également souligné l’historique de non-respect de la Première nation concernant ses obligations fiscales, en dépit des mises en garde répétées des fonctionnaires de l’ARC. Il a conclu ce qui suit :

Compte tenu de ce qui précède, les faits de la présente affaire ne sont pas conformes aux lignes directrices de l'ARC concernant les remises et ne justifient pas un allègement.

 

Décision de la Cour fédérale

[8]               Waycobah a contesté la décision du sous-commissaire devant la Cour fédérale pour essentiellement deux raisons.

 

[9]               Premièrement, la lettre de décision indique qu’il a indûment limité l’exercice de son pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 23(2) de la Loi en fondant sa décision uniquement sur les critères des lignes directrices de l’ARC touchant aux remises (les lignes directrices), sans se référer au critère plus large contenu dans la loi, à savoir si la perception de la taxe ou des pénalités ou leur exécution forcée serait « déraisonnable ou injuste » ou s’il serait dans « l’intérêt public » d’accorder la remise de la taxe ou des pénalités. Plus particulièrement, l’avocat a fait valoir que le sous-commissaire n’a pas considéré la demande de remise à la lumière de la politique gouvernementale visant à encourager l’autonomie administrative des premières nations.

 

[10]           Deuxièmement, le sous-commissaire a violé l’obligation d’équité en omettant de lire les observations de Waycobah à l’appui de sa demande et en se fiant plutôt au résumé qu’en ont fait les fonctionnaires : celui qui tranche doit entendre.

 

[11]            Dans des motifs détaillés et complets, le juge a confirmé la décision du sous‑commissaire et a conclu que Waycobah n’avait pas démontré que la décision était entachée d’erreur à l’égard d’un des motifs sur lesquels elle s’appuyait. Je suis d'accord avec la conclusion du juge. Pour les motifs fournis par le juge et ceux que j’ai exposés ci-dessous, je rejetterais l’appel.

 

Analyse       

a) Norme de contrôle

[12]           La raisonnabilité est la norme de contrôle applicable au contrôle judiciaire des décisions discrétionnaires du sous-commissaire : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au par. 53 (Dunsmuir). Je conviens avec l’avocat de Waycobah que la Cour peut annuler une décision discrétionnaire si le décideur a limité indûment l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant de considérer un facteur pertinent sur le plan juridique parce qu’il ne figurait pas dans les lignes directrices administratives.

[13]           Une analyse relative à la norme de contrôle n’est pas requise concernant l’allégation d’irrégularité procédurale. La seule question est de savoir si, dans toutes les circonstances, le processus décisionnaire était équitable.

 

b) Issue déraisonnable

[14]           L’avocat de la bande a principalement fait valoir en appel que le refus du sous‑commissaire de recommander la remise était déraisonnable parce que la décision n’appartenait pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, au par. 47.

 

[15]           Plus particulièrement, il a plaidé que les lignes directrices exigent que le décideur accorde une grande importance au « préjudice financier grave » que le contribuable subirait s’il devait payer la taxe. Par contre, elles ne traitent que brièvement de la non-conformité comme motif de refuser de recommander la remise, ce qui prouve – selon l’avocat  que l’intention était d’accorder peu de poids à cet élément. Il a déclaré que le refus du sous‑commissaire de recommander la remise était entachée d’erreur parce qu’il sous-évaluait les difficultés financières de Waycobah et exagérait son degré de non-conformité.

 

[16]           L’avocat de Waycobah s’est appuyé sur l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au par. 72, où la juge L’Heureux-Dubé a déclaré que le fait que la décision examinée était contraire aux lignes directrices applicables était d’une « grande utilité pour évaluer si la décision constituait un exercice déraisonnable » du pouvoir d’origine législative en question. Ainsi, elle a conclu en se fondant en partie sur les lignes directrices que le rejet par l’agent d’immigration d’une demande de demeurer au Canada pour des considérations humanitaires était déraisonnable parce que l’agent n’avait pas accordé suffisamment d’importance aux intérêts supérieurs des enfants de la demanderesse qui étaient nés au Canada.

 

[17]           Je ne suis pas d’accord avec l’inférence que l’avocat nous demande de tirer en l’espèce sur la base des lignes directrices, à savoir que la remise doit normalement être accordée dès lors que le demandeur a fait la preuve d’un préjudice financier grave. À mon avis, l’espace que les lignes directrices accordent aux difficultés financières n’est pas représentatif du poids que doit leur accorder le décideur. Un fait tout aussi important, à mon avis, est que les lignes directrices prévoient expressément que la remise ne sera probablement pas recommandée dans le cas où la non-conformité résulte de la négligence, de l’insouciance ou d’une décision imprudente de la part du contribuable, comme c’est le cas en l’espèce.

 

[18]           Le libellé du paragraphe 23(2) (« déraisonnable ou injuste » ou « l’intérêt public justifie la remise ») n’indique pas non plus que l’intention du législateur était qu’il devait normalement y avoir remise dans le cas où le paiement entraînerait un préjudice financier grave. Il s’agit de termes très larges qui permettent au ministre de prendre en considération l’effet général qu’aurait une remise, y compris par exemple l’intérêt public à l’égard de l’intégrité du système fiscal, de sa bonne administration et de l’équité à l’égard des autres contribuables. Le décideur doit considérer les intérêts divergents pour déterminer si, à la lumière des faits particuliers, la perception de la taxe serait déraisonnable, injuste ou contraire à l’intérêt public.

 

[19]           En l’absence d’indications claires dans les lignes directrices ou dans le paragraphe 23(2) exigeant que le ministre accorde un poids quasiment décisif au préjudice financier grave, l’argument de l’avocat équivaut à inviter notre Cour à reconsidérer les facteurs examinés par le sous-commissaire dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. C’est une invitation que les tribunaux doivent normalement refuser : voir Chogolzadeh c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 405, 327 F.T.R. 39, aux par. 36-40 (juge Shore), particulièrement comme en l’espèce lorsque le pouvoir discrétionnaire est conféré dans des termes larges, axés sur des politiques, et qu’il peut être exercé par un ministre ou son représentant dans le cadre d’un processus décisionnel pouvant se conclure par l’octroi d’un allégement fiscal spécial par le gouverneur général en conseil.

 

[20]           Dans ces circonstances, il n’est pas facile pour un plaideur de convaincre une cour de révision que l’exercice du pouvoir discrétionnaire était déraisonnable. Waycobah n’a pas réussi à me convaincre à cet égard.

 

c) Entrave au pouvoir discrétionnaire

[21]           Subsidiairement, l’avocat a plaidé que le sous-commissaire a interprété les lignes directrices comme étant exhaustives et n’a pas considéré les autres facteurs sur lesquels Waycobah a fondé sa demande de remise, malgré leur pertinence pour l’application des critères régissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. Plus particulièrement, le sous‑commissaire ne s’est pas référé à la prétention de Waycobah selon laquelle elle ne pourrait pas atteindre l’autonomie administrative visée par les politiques gouvernementales, si sa dette fiscale n’était pas remise.

 

[22]           Je ne suis pas de cet avis. Tout comme le juge, j’estime que le sous‑commissaire n’a pas omis de considérer certains facteurs parce qu’ils ne figuraient pas dans les lignes directrices  lesquelles prévoient expressément qu’elles ne sont pas exhaustives. En effet, la lettre de décision fait état de la prétention de Waycobah selon laquelle la remise lui donnerait [traduction] « l’occasion d’atteindre l’autonomie administrative et financière ». Bien qu’il n’ait pas repris expressément ce facteur, le sous-commissaire l’avait à l’esprit et rien ne prouve qu’il l’ait subséquemment exclu. À mon avis, il a reconnu les difficultés financières de Waycobah et cela permet de penser qu’il en comprenait la portée, y compris l’effet négatif sur la capacité de la première nation de remplacer ses infrastructures inadéquates (ainsi que les problèmes de santé et les autres problèmes sociaux qui y sont liés) et d’atteindre l’autonomie administrative et financière.

 

[23]           Je ne suis pas non plus d’accord pour dire que la lettre du sous-commissaire traitait la non-conformité comme un frein virtuel à une recommandation positive, sans égards à d’autres considérations. À l’évidence, il a considéré que les cas de non-conformité par Waycobah étaient nombreux et il leur a accordé un poids décisif « dans les circonstances » de l’affaire, lesquelles ont toutes été exposées plus en détail dans les rapports préparés par les fonctionnaires de l’ARC pour l’aider à prendre sa décision.

 

[24]           Je conviens que le sous-commissaire peut avoir donné l’impression qu’il considérait les lignes directrices comme obligatoires et déterminantes vu la façon dont il a conclu sa lettre après avoir traité de la question de la non-conformité :

[traduction] Compte tenu de ce qui précède, les faits de la présente affaire ne sont

pas conformes aux lignes directrices de l’ARC concernant les remises

et ne justifient pas un allègement.

 

L’avocat a également souligné qu’il ne s’agissait pas d’un exemple isolé. Des extraits similaires figurent dans les deux principaux documents que le sous-commissaire avait devant lui au moment de rendre sa décision : un rapport de Karen Stirling de la Direction de l’accise et des décisions de la TPS/TVH daté du 25 juin 2009 qui résume le dossier et recommande de refuser la remise et le procès-verbal de la réunion du comité des remises de l’administration centrale daté du 2 septembre 2009, qui recommande de refuser la remise.

 

[25]           Ces documents peuvent donner à voir la « philosophie » du ministère selon laquelle la remise ne peut être accordée que dans le cas où la demande respecte les lignes directrices, un point de vue ayant déjà suscité des commentaires négatifs dans la jurisprudence concernant l’utilisation par des fonctionnaires de lignes directrices similaires sur la renonciation aux pénalités et aux intérêts : voir Robertson c. Canada (Ministre du revenu national), 2003 CFPI 16, 2003 D.T.C. 5068, au par. 12; McNaught Pontiac Buick Cadillac Ltd. c. Canada (Douanes et Revenu), 2006 CF 1296, 302 F.T.R. 117, au par. 10.

[26]           L’avocate du ministre a concédé que l’emploi de mots qui donnent l’impression qu’une demande de remise ne peut être accueillie parce qu’elle ne respecte pas les lignes directrices est « malencontreux ». Néanmoins, elle a fait valoir qu’une interprétation des documents dans leur ensemble permet clairement de voir que ni le sous-commissaire, ni les auteurs des autres documents sur lesquels il s’est appuyé n’ont exclu des considérations sous prétexte qu’elles ne figureraient pas dans les lignes directrices ou que la non-conformité constituait automatiquement un obstacle à une recommandation de remise.

 

[27]           Je souscris à cet argument. La lettre du sous-commissaire et les documents déposés en preuve font état des difficultés financières de Waycobah et expliquent les graves conséquences que celles-ci pourraient avoir pour la première nation, dont leur effet sur la capacité de Waycobah d’atteindre l’autonomie administrative, sur ses biens et sur l’environnement. Bien que les antécédents de non-conformité de la part de Waycobah aient été considérés comme fatals pour sa demande de remise, je suis convaincu que la décision a été rendue à la lumière des faits particuliers de la présente affaire et qu’elle n’a pas été prise à l’avance de manière irrégulière, sur la base d’une interprétation rigide des lignes directrices et sans égard à la totalité des faits et à l’ampleur du pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 23(2).

 

[28]           Il n’est pas illégitime pour le décideur administratif de fonder sa décision sur des lignes directrices valides et non exhaustives, formulées de manière à constituer un cadre pour la prise de décisions afin d’assurer une certaine cohérence dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Cependant, il ne peut considérer les lignes directrices comme des règles de droit, énonçant de manière exhaustive les facteurs à prendre en compte dans l’exercice du large pouvoir discrétionnaire que la loi lui confère. J’estime que ce n’est pas ce que le sous-commissaire a fait.

 

[29]           Incidemment, je note que la première page des lignes directrices pertinentes quant à la présente affaire indique [traduction] « [p]our l’usage de l’ARC seulement ». J’estime que c’est malheureux si cela signifie que le public n’y a pas accès. Les demandeurs de remise, ainsi que le public en général, doivent pouvoir savoir sur quels fondements repose l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 23(2).

 

d) manquement à l’équité procédurale

[30]           La Loi ne prévoit aucune procédure pour régir les demandes de remise de taxe. Cela est laissé à la discrétion du ministre. Néanmoins, l’avocat de Waycobah a fait valoir que l’obligation d’équité s’applique et qu’elle exige que le ministre, ou son représentant, examine personnellement les observations présentées par les demandeurs avant de décider de recommander une remise ou non. Il a fondé son argument sur le principe de l’obligation d’équité selon lequel celui qui tranche doit entendre.

 

[31]           À ma connaissance toutefois, et l’avocat n’a présenté aucune jurisprudence établissant le contraire, l’obligation d’équité n’a jamais exigé qu’un ministre, ou un cadre supérieur du ministère, fasse personnellement tout le travail préparatoire avant de prendre une décision administrative, ce qui comprend la tâche de résumer les observations présentées par ceux qui sont susceptibles d’être affectés par la décision.

[32]           Le contenu de l’obligation d’équité est variable et prend en compte la nature de la décision en question et les contextes administratifs et institutionnels dans lesquels la décision est prise. En l’espèce, le sous-commissaire s’est acquitté de son obligation s’il disposait d’un résumé des observations de Waycobah suffisamment précis et complet pour lui permettre de rendre une décision indépendante. Du point de vue de Waycobah, cela peut ne pas constituer une occasion aussi satisfaisante que de « parler » directement au décideur, fût-ce par écrit. Toutefois, l’obligation d’équité donne aux particuliers une occasion appropriée, bien qu’imparfaite, d’éclairer le décideur dans l’affaire qui les concerne.

 

[33]           Je conviens que les résumés du dossier préparés pour le sous-commissaire n’étaient pas parfaits. Par exemple, ils ne faisaient pas mention des risques pour la santé attribuables à la surcharge du réseau d’égout, dont faisait état le rapport d’un consultant que Waycobah avait envoyé à l’ARC à l’appui de sa demande. Néanmoins, malgré certaines lacunes, je suis convaincu que les résumés dressaient un portrait précis et complet des principaux fondements de la demande de remise de Waycobah. La Première nation a donc obtenu une occasion raisonnable de se faire entendre du décideur, lequel a été en mesure de prendre une décision indépendante à la lumière des observations présentées par Waycobah. À mon avis, il n'y a eu aucun manquement à l'obligation d'agir équitablement.

 

CONCLUSION

[34]           Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter l'appel, le tout sans frais, compte tenu des circonstances.

 

« John M. Evans »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            M. Nadon j.c.a.  »

 

« Je suis d’accord.

            Carolyn Layden-Stevenson j.c.a.  »

 

Jean-François Vincent

Traduction certifiée conforme


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                                            A-490-10

 

(APPEL D'UN JUGEMENT RENDU LE 26 NOVEMBRE 2010 PAR LE JUGE de MONTIGNY DE LA COUR FÉDÉRALE DANS LE DOSSIER T-2011-09)

 

INTITULÉ :                                                                          Première NationWaycobah c. Procureur général du Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                                 Le 30 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               LE JUGE EVANS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                            le juge Nadon

                                                                                                LA JUGE LAYDENSTEVENSON

 

 

DATE :                                                                                  Le 6 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Bruce S. Russell, c. r.

Daniel F. Wallace

Pour l’appelante

 

 

Caitlin Ward

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Pour l’appelante

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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