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Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110607

Dossier : A-278-09

Référence : 2011 CAF 193

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

 

HELI TECH SERVICES (CANADA) LTD. et

CORPORACION LA CAMPANA DE LA VILLA S.A. et

PHILIP JARMAN

appelants

et

 

WEYERHAEUSER COMPANY LIMITED/

COMPAGNIE WEYERHAEUSER LIMITÉE

faisant affaire sous le nom de CASCADIA FOREST PRODUCTS et FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE ISLAND TIMBERLANDS et

CASCADIA FOREST PRODUCTS LTD. et ISLAND TIMBERLANDS GP LTD. et TIMBERWEST FOREST CORP. et

BRASCAN TIMBERLANDS MANAGEMENT GP INC. et

550777 B.C. LTD. EXERÇANT SES ACTIVITÉS SOUS LE NOM DE

« R.E.M. CONTRACTING » et

CANADIAN AIR-CRANE LIMITED et VIH LOGGING LTD. et

INTERNATIONAL FOREST PRODUCTS LIMITED

intimées

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 juin 2011

Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 7 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LE JUGE EN CHEF BLAIS

LA JUGE TRUDEL


Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

 

Date : 20110607

Dossier : A-278-09

Référence : 2011 CAF 193

                                                                                                                                      

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

 

HELI TECH SERVICES (CANADA) LTD. et

CORPORACION LA CAMPANA DE LA VILLA S.A. et

PHILIP JARMAN

appelants

et

 

WEYERHAEUSER COMPANY LIMITED/

COMPAGNIE WEYERHAEUSER LIMITÉE

faisant affaire sous le nom de CASCADIA FOREST PRODUCTS et FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE ISLAND TIMBERLANDS et

CASCADIA FOREST PRODUCTS LTD. et ISLAND TIMBERLANDS GP LTD. et TIMBERWEST FOREST CORP. et

BRASCAN TIMBERLANDS MANAGEMENT GP INC. et

550777 B.C. LTD. EXERÇANT SES ACTIVITÉS SOUS LE NOM DE

« R.E.M. CONTRACTING » et

CANADIAN AIR-CRANE LIMITED et VIH LOGGING LTD. et

INTERNATIONAL FOREST PRODUCTS LIMITED

intimées

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

 

[1]               Le présent appel se rapporte à une action en contrefaçon de brevet intentée le 11 janvier 2006 devant la Cour fédérale par dépôt d’une déclaration. Les appelants (ci‑après collectivement appelés Heli Tech) sont les demandeurs à l’action. Ils interjettent appel de l’ordonnance rendue le 8 juin 2009 par le juge O’Reilly, dont les motifs sont publiés sous l’intitulé Heli-Tech Services (Canada) Ltd. c. Weyerhaeuser Co., 2009 CF 592. Dans cette ordonnance, le juge, après examen de novo, a maintenu l’ordonnance du 21 novembre 2008 du protonotaire Lafrenière accueillant les requêtes des intimées Brascan Timberlands Management GP Inc. (Brascan Timberlands MGP) et Island Timberlands GP Ltd. (Island Timberlands GP) visant la radiation sans autorisation de modification de toutes les allégations faites contre elles dans la deuxième déclaration remodifiée (la DDR) et le rejet de l’action à leur égard. Pour les motifs exposés ci‑dessous, je rejetterais l’appel.

 

Observations préliminaires

[2]               La DDR n’a pas été déposée. Elle a été soumise en Cour fédérale en réponse à une directive du protonotaire Lafrenière donnant à Heli Tech une [traduction] « dernière chance de proposer d’autres modifications à [sa] déclaration » (inscription enregistrée le 8 septembre 2008 dans le dossier T‑56‑06). Il y a eu débat au sujet de la DDR lors de l’audition en Cour fédérale des requêtes à l’origine du présent appel. Par conséquent, l’appel sera instruit en tenant pour acquis que les questions en litige se rapportent uniquement aux allégations de la DDR.

 

[3]               Dans la DDR, les mots « Island Timberlands » désignent l’intimée Island Timberlands GP. La DDR renferme toutefois des allégations portant que certaines actions accomplies par une autre intimée, Weyerhaeuser Company Limited/Compagnie Weyerhaeuser Limitée (Weyerhaeuser), dans le cadre d’une entreprise exploitée sous le nom d’« Island Timberlands », ont contrefait le brevet en cause. Je considère que ces allégations visent uniquement Weyerhaeuser. Elles ne sont donc pas pertinentes pour le présent appel et elles ne seront pas examinées.

Le brevet en cause

[4]               Le brevet en cause, le brevet canadien no 2,251,236, porte le titre « Système de récolte de tronc unique par hélicoptère ». Une copie des lettres patentes a été versée au dossier d’appel. Elle est censée être annexée à la DDR comme annexe A. Dans les actes de procédure, Heli Tech emploie parfois les mots [traduction] « brevet de système de récolte [Harvesting Patent] », et je ferai de même dans les présents motifs.

 

[5]               L’abrégé du brevet de système de récolte est ainsi conçu :

[traduction] La méthode de coupe d’arbres comprend les étapes suivantes : couper en partie le tronc près de la base en y pratiquant deux entailles se situant généralement sur le même plan de façon à laisser une bande de bois (la charnière) entre les deux entailles généralement parallèles et ensuite enfoncer des coins d’appuis ou l’équivalent dans les deux entailles afin de stabiliser le tronc. Un hélicoptère survolant l’arbre est attaché à un point situé près de la cime. L’hélicoptère s’éloigne de l’arbre, rompant ainsi la bande de bois (la charnière) et permettant de ce fait le transport de la partie supérieure de l’arbre. Dans cette méthode, on se sert d’un grappin suspendu à l’hélicoptère au moyen de deux câbles, l’un fixé sous le siège du pilote et l’autre sous le centre de gravité.

 

 

[6]               Le paragraphe 29 de la DDR allègue que le brevet de système de récolte [traduction] « porte sur un procédé nouveau et utile de préparation de parcelle et de récolte de bois par hélicoptère, sur de l’équipement servant à agripper et assujettir les troncs et sur de l’équipement comprenant un hélicoptère pourvu de certaines caractéristiques ».

 

[7]               Le brevet de système de récolte comporte 35 revendications. Les revendications 1 à 16 et 27 à 35 concernent des méthodes de récolte de bois ou de préparation des arbres à récolter. Chaque méthode revendiquée correspond généralement à la description donnée dans l’abrégé, mais comporte des variations. Les revendications 17 à 25 concernent un grappin monté sur un hélicoptère, les revendications 18 à 25 étant dépendantes de la revendication 17. La revendication 26 concerne de l’équipement d’exploitation forestière par hélicoptère, comprenant un hélicoptère pourvu de certaines caractéristiques et de certains dispositifs.

 

Paragraphes pertinents de la DDR

[8]               Au mois de février 2006, Brascan Timberlands MGP et une autre intimée, Cascadia Forest Products Ltd., ont déposé un avis de requête visant notamment l’obtention d’une ordonnance radiant toutes les allégations les concernant et rejetant l’action à leur égard. D’autres requêtes émanant d’autres intimées ont été déposées au même moment. Le 1er mars 2006, le protonotaire Lafrenière a rendu une ordonnance statuant sur beaucoup de ces requêtes. Il a notamment ordonné qu’il y ait gestion d’instance, autorisé Heli Tech à déposer une déclaration modifiée et fixé la date d’audition de beaucoup des requêtes. Le 26 mars 2006, le juge en chef Lutfy a assigné la gestion de l’instance au juge Hugessen et au protonotaire Lafrenière.

 

[9]               Heli Tech a déposé sa déclaration modifiée le 2 mars 2006. Lorsque le protonotaire Lafrenière a entendu les requêtes restantes, cette déclaration modifiée figurait au dossier ainsi qu’une [traduction] « déclaration remodifiée ». À l’issue de l’audition, le protonotaire a rendu l’ordonnance du 27 avril 2006, exigeant que certaines modifications soient apportées à la déclaration remodifiée.

 

[10]           La déclaration remodifiée comprenait deux paragraphes qui sont pertinents en l’espèce. Ils sont reproduits dans le tableau présenté ci‑dessous. On peut lire, dans la colonne de gauche, les paragraphes tels qu’ils étaient énoncés dans la déclaration remodifiée soumise par Heli Tech, et dans celle de droite, les mêmes paragraphes, modifiés en application de l’ordonnance du 27 avril 2006 du protonotaire Lafrenière :

[traduction]

Déclaration remodifiée, telle qu’elle a été soumise par Heli Tech

[traduction]

Déclaration remodifiée, modifiée de nouveau par l’ordonnance du 27 avril 2006

60. Exception faite de la défenderesse VIG Logging Ltd., toutes les défenderesses ont causé la contrefaçon des revendications de méthode no 1-16 et 26-35 du brevet de système de récolte en incitant d’autres personnes à contrefaire ledit brevet en utilisant les méthodes exposées auxdites revendications.

60. Exception faite de la défenderesse VIG Logging Ltd., toutes les défenderesses ont causé la contrefaçon des revendications de méthode no 1-16 et 26-35 du brevet de système de récolte en incitant d’autres personnes à contrefaire ledit brevet en utilisant les méthodes exposées auxdites revendications de la façon suivante :

61. Les défenderesses Weyerhaeuser, Brascan [Timberlands Management GP Inc.], [Cascadia Forest Products Ltd.] et Island Timberlands [GP Ltd.] ont incité d’autres personnes, dont Select Air et Husby Forest Products (Husby), à employer les méthodes de l’invention décrites aux paragraphes 31 et 34 de la présente déclaration en retenant leurs services pour récolter du bois de cette manière. Les défenderesses ont donné des instructions et directives à ces personnes, y compris les tables nécessaires relatives aux charnières, en sachant que Select Air et Husby elles‑mêmes ou leurs sous‑contractant emploieraient les méthodes de l’invention ou en étant insouciantes à cet égard

(a) Les défenderesses Weyerhaeuser, Brascan [Timberlands Management GP Inc.], [Cascadia Forest Products Ltd.], et Island Timberlands [GP Ltd.] ont incité d’autres personnes, dont Select Air et Husby Forest Products (Husby), à employer les méthodes de l’invention décrites aux paragraphes 31 et 34 de la présente déclaration en retenant leurs services pour récolter du bois de cette manière. Les défenderesses ont donné des instructions et directives à ces personnes, y compris les tables nécessaires relatives aux charnières, en sachant que Select Air et Husby elles‑mêmes ou leurs sous‑contractant emploieraient les méthodes de l’invention ou en étant insouciantes à cet égard

 

 

 

[11]           L’ordonnance du 27 avril 2006 du protonotaire Lafrenière enjoignait également à Heli Tech de fournir un cautionnement pour les dépens et ajournait les requêtes de Brascan Timberlands MGP et Cascadia Forest Products Ltd. L’appel formé par Heli Tech à l’encontre de l’ordonnance de cautionnement a été rejeté par le juge Campbell (2006 CF 1169).

 

[12]           Heli Tech s’est conformée à l’ordonnance de cautionnement, et le protonotaire Lafrenière a fixé les dates d’audience des requêtes de Brascan Timberlands MGP et Cascadia Forest Products Ltd.  Les parties avaient alors consenti à ce que Island Timberlands GP remplace Cascadia Forest Products Ltd. comme partie requérante. Pour l’audition des requêtes ajournées, Heli Tech a soumis la DDR qui, comme on l’a expliqué précédemment, a été considérée comme l’objet de la requête en radiation.

 

[13]           Neuf des 70 paragraphes de la DDR concernent directement ou indirectement Brascan Timberlands MGP ou Island Timberlands GP. Trois de ces neuf paragraphes se rapportent au statut de société de Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP et à la nature de leur entreprise ainsi qu’aux relations existant entre elles (les paragraphes 7, 9 et 14).

 

[14]           Les six autres paragraphes sont la véritable cible des requêtes de Brascan Timberlands MGP et Cascadia Forest Products Ltd. Cinq d’entre eux se veulent des allégations de contrefaçon directe par Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP (paragraphes 53, 57.1, 57.2, 58 et 59), et l’autre vise à alléguer que Brascan Timberlands MGP a incité à contrefaçon (alinéa 60(e)).

 

[15]           Le paragraphe 53 de la DDR est ainsi conçu :

[traduction] 53. La défenderesse Brascan [Timberlands Management GP Inc.] emploie le système de récolte de tronc unique par hélicoptère pour ses opérations d’exploitation forestière dans la région du lac Elsie, sur l’île de Vancouver, depuis 2005 au moins, avec les défenderesses Cascadia [Forest Products Ltd.] et Island Timberlands [GP Ltd.], c’est‑à‑dire la méthode visée par l’une ou plusieurs des revendications du brevet de système de récolte.

 

 

 

[16]           Les paragraphes 57.1 et 57.2 de la DDR renferment des allégations visant [traduction] « les défenderesses » qui, suivant ce que j’en déduis, se veulent des allégations contre chacune des intimées au présent appel, y compris Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP. Voici le texte de ces paragraphes :

[traduction] 57.1. Les défendeurs ont utilisé un système, visé par le brevet de récolte, qui permet de récolter un tronc à la fois par hélicoptère. Ce système fait appel à une méthode de préparation et de récolte au moyen d’un hélicoptère muni d’un grappin suspendu, où l’on arrache les arbres de leur souche au lieu de les récolter après les avoir abattus. La méthode utilisée consiste à écimer l’arbre debout, à l’ébrancher et à en entailler le tronc près du sol sur au moins deux côtés, permettant ainsi à la partie non coupée (charnière) de maintenir l’arbre debout. Lorsque l’hélicoptère survole le tronc et que le grappin pend près de sa partie supérieure, on active le grappin pour saisir fermement le tronc, puis on applique une force, habituellement à l’horizontale, à la partie supérieure du tronc de façon à rompre la charnière. L’hélicoptère transporte ensuite le tronc suspendu à une zone de collecte choisie.

 

57.2. D’autres détails concernant l’utilisation par les défendeurs du système de récolte de troncs à la verticale visé par le brevet comprennent :

 

(a) En ce qui concerne le premier aspect de l’invention, les défendeurs ont utilisé une méthode de récolte faisant appel à un véhicule aérien muni d’un grappin suspendu, qui consiste à couper la cime de l’arbre, à enlever les branches et à couper l’arbre près du sol sur au moins deux côtés du tronc, permettant ainsi à la partie non coupée de maintenir l’arbre debout à l’aide des méthodes choisies définies, à déplacer le véhicule aérien au dessus du tronc en plaçant le grappin à côté de la partie supérieure du tronc, à appliquer une force, habituellement à l’horizontale, à la partie supérieure du tronc de façon à rompre la charnière, à transporter le tronc suspendu à l’aide du véhicule aérien à la zone de collecte, et à larguer le rondin dans cette zone.

 

(b) Concernant le deuxième aspect de l’invention, les défendeurs ont utilisé un grappin de récolte d’arbres par hélicoptères comprenant un dispositif de soutien doté d’une partie supérieure et de deux parties latérales, une aile fixée à chacune des parties latérales du dispositif de soutien qui se prolonge vers l’extérieur de façon à former un creux pouvant recevoir un arbre entre les ailes et le dispositif de soutien, et une pince pivotante fixée à chaque aile dont les bras mobiles peuvent passer de la position ouverte à fermée et qui s’étendent à travers le creux de façon à retenir l’arbre dans le grappin.

 

(c) Pour ce qui est du quatrième aspect de l’invention, les défendeurs ont fait appel à une méthode de préparation de l’arbre qui permet de récolter les troncs à la verticale directement à partir de la souche. Cette méthode comprend l’écimage de l’arbre, la coupe du tronc en faisant deux traits de scie horizontaux parallèles séparés par une charnière et l’enfoncement des coins d’appui pour stabiliser le tronc.

 

 

[17]           Le paragraphe 58 de la DDR allègue que les [traduction] « activités susmentionnées des défenderesses » ont eu lieu sans qu’Heli Tech n’ait octroyé de licence à leur égard et sans autorisation ou consentement de sa part. On peut lire, au paragraphe 59 que [traduction] « l’utilisation par les défenderesses du système de récolte de tronc unique par hélicoptère » constitue une contrefaçon des revendications 1 à 35 du brevet de système de récolte. Je conclus que ces deux paragraphes visent à inclure notamment les activités de Brascan Timberlands MGP alléguées au paragraphe 53, ainsi que les activités alléguées de toutes les intimées, y compris Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP, telles qu’elles sont décrites aux paragraphes 57.1 et 57.2.

 

[18]           Les premiers mots du paragraphe 60 de la DDR énoncent qu’à l’exception de VIH Logging Ltd. les intimées ont [traduction] « ont causé la contrefaçon des revendications de méthode no 1-16 et 26-35 du brevet de système de récolte de la façon suivante ». Suivent les alinéas (a) à (e), alléguant chacun qu’une intimée particulière a causé une contrefaçon. Brascan Timberlands MGP n’est mentionnée dans aucun des alinéas, mais Island Timberlands GP est mentionnée à l’alinéa (e), reproduit ci‑dessous.

[traduction] 60 (e). La défenderesse Island Timberland [s GP Ltd.], a incité un entrepreneur inconnu à utiliser les méthodes de l’inventeur décrites aux paragraphes 31, 32, 34 et 57.1, en retenant ses services pour récolter du bois d’une façon qui porterait atteinte aux droits de brevets de la demanderesse ou en agissant avec insouciance en sachant qu’il utiliserait les méthodes de l’inventeur.

 

 

Les paragraphes 31, 32 et 34 de la DDR mentionnés à l’alinéa 60(e) de la DDR décrivent des aspects de l’invention brevetée exposés dans la divulgation. Le paragraphe 57.1 est cité plus haut.

 

[19]           Le protonotaire a entendu les requêtes de Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP le 13 novembre 2008 et, le même jour, a rendu une ordonnance donnant effet aux conclusions suivantes :

 

1.         Les allégations de la DDR considérée dans son ensemble et interprétée le plus largement possible ne révèlent pas de cause d’action valable contre Brascan Timberlands MGP et devraient être radiées.

 

2.         Les allégations visant Island Timberlands GP, telles qu’elles sont formulées dans la DDR, n’établissent pas de fondement factuel pour une action contre elle, compte tenu de la preuve fournie par Heli Tech en réponse à la requête, et devraient être radiées.

 

3.         Deux raisons principales s’opposent à ce que Heli Tech soit autorisée à modifier la déclaration. Premièrement, il appert de la propre argumentation de Heli Tech que les allégations de contrefaçon et d’incitation relèvent de l’hypothèse, et que Heli Tech espère simplement qu’elle obtiendra au moyen de l’enquête préalable des éléments de preuve pour [traduction] « étayer des allégations dépourvues de fondement ou corriger des lacunes des actes de procédure ». Deuxièmement, Heli Tech était au courant des objections visant les allégations depuis plus de deux ans, et elle a amplement eu la possibilité de modifier les allégations pour y exposer des faits substantiels, mais elle ne l’a pas fait.

 

[20]           Cette ordonnance a été portée en appel devant la Cour fédérale. Le juge O’Reilly a entendu l’appel. Il a procédé à un examen de novo, comme il le lui incombait du fait que les questions mettaient un terme aux prétentions de Heli Tech contre Island Timberlands GP et Brascan Timberlands MGP. Il est parvenu aux mêmes conclusions que le protonotaire Lafrenière, sensiblement pour les mêmes raisons, et il a rejeté l’appel. Heli Tech se pourvoit à présent devant notre Cour.

 

Les questions en appel

[21]           Heli Tech soulève trois questions dans le présent appel :

 

1.         la question de savoir si la DDR ne révèle aucune cause valable d’action contre Brascan Timberlands MGP;

 

2.         la question de savoir si la DDR n’allègue pas de faits à l’appui de l’action contre Island Timberlands GP;

 

3.         la question de savoir si Heli Tech aurait dû être autorisée à modifier la déclaration pour ce qui est de l’action contre Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP.

 

[22]           Deux groupes d’intimées ont comparu à l’appel. L’un était formé de Island Timberlands GP et Brascan Timberlands MGP, les parties dont les requêtes ont mené à l’ordonnance faisant l’objet du présent appel, et le second était constitué de Cascadia Forest Products Ltd., International Forest Products Limited et Timberwest Forest Corp., qui ont un intérêt dans la question de la suffisance des actes de procédure concernant l’incitation à contrefaçon. Leurs observations n’ont rien ajouté de pertinent aux arguments formulés en appel.

 

[23]           Après avoir examiné attentivement les observations écrites et orales présentées par Heli Tech à l’audience, la Cour n’a relevé, dans la conclusion du juge O’Reilly que la DDR est entachée d’un vice fatal pour ce qui est des prétentions visant Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP, ni erreur de droit ni autre erreur justifiant son intervention. Les intimées ayant comparu à l’appel n’ont été invitées à fournir des observations orales qu’à l’égard du troisième motif d’appel.

 

Le juge O’Reilly aurait‑il dû autoriser Heli Tech à modifier la déclaration

[24]           Une ordonnance accordant ou refusant l’autorisation de modifier un acte de procédure est une décision discrétionnaire qui doit être maintenue à moins qu’elle ne soit entachée d’une erreur de droit ou de principe ou qu’elle procède d’un exercice non judiciaire du pouvoir discrétionnaire – au sens où un facteur pertinent n’a pas été pris en compte ou qu’un facteur non pertinent a été considéré. Le juge en chef Richard, s’exprimant pour la Cour dans Elders Grain Co. c. Ralph Misener (Le), [2005] 3 R.C.F. 367 (C.A.F.), a bien expliqué ce principe au paragraphe 13 de l’arrêt :

La décision du juge de première instance concernant la procédure à suivre au procès en était une de nature discrétionnaire. Une cour d’appel n’a pas la liberté de simplement substituer l’exercice de son propre pouvoir discrétionnaire à celui déjà exercé par le juge de première instance. Toutefois, si la décision était fondée sur une erreur de droit ou si la cour d’appel conclut que le pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon erronée, parce qu’on n’a pas accordé suffisamment d’importance, ou qu’on en n’a pas accordé du tout, à des considérations pertinentes ou que le juge de première instance a pris en compte des facteurs non pertinents ou qu’il a omis de prendre en compte des facteurs pertinents, la cour d’appel peut alors exercer son propre pouvoir discrétionnaire : R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80, au paragraphe 49. Voir également les arrêts Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 39; Reza c. Canada, [1994] 2 R.C.S. 394, aux pages 404 et 405; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, aux pages 76 et 77.

 

 

[25]           Lorsqu’un demandeur veut être autorisé à modifier un acte de procédure défectueux, il est approprié que le juge examine toutes les circonstances pertinentes, lesquelles peuvent inclure (a) la genèse de l’acte de procédure en cause, en particulier pour ce qui est de modifications antérieures (ou de tentatives antérieures de modification), (b) toute précision formelle apportée par la partie dont l’acte de procédure est contesté et (c) tout autre élément de preuve fourni par cette partie pour établir que l’acte de procédure peut être modifié de façon à corriger les lacunes.

 

[26]           Il appert du dossier que la genèse de l’acte de procédure est fort longue et que Heli Tech a présenté une preuve volumineuse pour étayer son affirmation que les lacunes de la DDR pouvaient être corrigées. Il importe également de signaler que la DDR constituait pour Heli Tech la [traduction] « dernière chance » de produire des allégations suffisantes contre Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP.

 

[27]           Suivant ma lecture des motifs du juge O’Reilly (et des motifs du protonotaire Lafrenière, dont il a maintenu la décision), le juge a tenu compte de l’ensemble de la preuve que Heli Tech a soumise à l’appui de sa requête pour modification de la DDR. Heli Tech soutient que les motifs du juge O’Reilly ne renferment aucune analyse de la preuve. C’est vrai, mais j’estime qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer une analyse approfondie. Les motifs du juge O’Reilly, considérés à la lumière du dossier dont il disposait, expliquent suffisamment ses conclusions.

 

[28]           Selon Heli Tech, la preuve qu’elle a soumise permettait d’établir qu’il était possible de modifier la DDR pour clarifier que la contrefaçon alléguée à l’égard de Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP consiste en la récolte de bois au moyen des méthodes brevetées et que l’allégation d’incitation formulée à l’encontre de Island Timberlands GP est fondée sur l’existence présumée de contrats en application desquels Island Timberlands GP a requis ou donné instruction de récolter du bois au moyen des méthodes brevetées.

 

[29]           Cet argument de Heli Tech ne corrige pas les lacunes que le juge O’Reilly et le protonotaire Lafrenière ont relevées dans la DDR. Si je comprends bien leur décision, le problème n’est pas que la DDR ne dit pas assez clairement que Heli Tech accuse Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP d’utiliser les méthodes brevetées pour récolter du bois et qu’elle accuse Island Timberlands GP d’inciter à la contrefaçon en retenant les services d’autres personnes pour récolter du bois par ces méthodes, c’est plutôt que ses allégations concernant Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP prétendent décrire des méthodes de récolte que celles‑ci ou leurs sous-contractants utilisent mais que les descriptions se bornent à citer ou paraphraser des passages importants de la divulgation et des revendications, de sorte qu’on se trouve uniquement devant des hypothèses et des déductions sans fondement factuel. En outre, la preuve clarificatrice produite par Heli Tech n’établit pas de liens entre les actes fautifs allégués et Brascan Timberlands MGP ou Island Timberlands GP.

 

[30]           À mon avis, le juge O’Reilly pouvait raisonnablement conclure, compte tenu du dossier dont il disposait, (a) que les allégations contre Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP contenues dans la DDR ne reposent sur aucun élément de preuve ou connaissance de Heli Tech au sujet des méthodes de récolte employées pour le compte de Brascan Timberlands MGP ou Island Timberlands GP, (b) qu’en rédigeant son acte de procédure comme elle l’a fait, Heli Tech espérait apprendre au cours de l’enquête préalable ce qu’elle ne savait pas concernant les méthodes de récolte de Brascan Timberlands MGP et Island Timberlands GP et (c) que la preuve soumise par Heli Tech à l’égard des requêtes ne permet pas de remédier aux lacunes de la DDR. J’estime, vu ces conclusions et la genèse des actes de procédure, que le refus d’autoriser Heli Tech à modifier la DDR procède de l’exercice judiciaire du pouvoir discrétionnaire dont le juge O’Reilly était investi.

 

Conclusion

[31]           Je rejetterais l’appel. Les intimées ont demandé que l’examen de la question des dépens soit différé jusqu’au dépôt de plus amples observations écrites. Pour le cas où les parties seraient incapables de parvenir à une entente concernant les dépens du présent appel, le jugement établira des délais relativement au dépôt des observations écrites.

 

 

 « K. Sharlow »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, juge en chef »

« Je suis d’accord.

            Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                    A-278-09

 

INTITULÉ :                                                   HELI TECH SERVICES (CANADA) LTD. et al. c. WEYERHAEUSER COMPANY LIMITED et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 6 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                        LA JUGE TRUDEL

 

DATE :                                                           Le 7 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Derek C. Creighton

POUR LES APPELANTS

 

J. Kevin Wright

Morgan L. Burris

POUR LES INTIMÉES
Brascan Timberlands Management GP Inc. et Island Timberlands GP Ltd.

 

Mark S. Oultan

Jacqueline Hughes

POUR LES INTIMÉES

Cascadia Forest Products Ltd., Timberwest Forest Corp. et International Forest Products Limited

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Access Law Group

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LES APPELANTS

 

Davis s.a.r.l.

Vancouver (C.-B.)

POUR LES INTIMÉES
Brascan Timberlands Management GP Inc. et Island Timberlands GP Ltd.

 

Hunter Litigation Chambers

Vancouver (C.-B.)

POUR LES INTIMÉES

Cascadia Forest Products Ltd., Timberwest Forest Corp. et International Forest Products Limited

 

Fasken Martineau DuMoulin, s.r.l.

Vancouver (C.-B.)

POUR L’INTIMÉE

Canadian Air-Crane Limited

 

Church & Company

Vancouver (C.-B.)

POUR L’INTIMÉE

VIH Logging Ltd.

 

 

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