Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Cour d’appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110620

Dossiers : A-264-10

A-312-10

A-321-10

 

Référence : 2011 CAF 207

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MAINVILLE

 

 

 

 

Dossier : A-264-10

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

ENTERASYS NETWORKS OF CANADA LTD.

et CCSI TECHNOLOGY SOLUTIONS CORPORATION

défenderesses

 

 

 

 

Dossier : A-312-10

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

ENTERASYS NETWORKS OF CANADA LTD.

et CCSI TECHNOLOGY SOLUTIONS CORPORATION

défenderesses

 

 

Dossier : A-321-10

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

ENTERASYS NETWORKS OF CANADA LTD.

défenderesse

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 15 juin 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 juin 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                       LE JUGE MAINVILLE

 


Cour d’appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110620

Dossier : A-264-10

A-312-10

A-321-10

 

Référence : 2011 CAF 207

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MAINVILLE

 

 

 

 

Dossier : A-264-10

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

ENTERASYS NETWORKS OF CANADA LTD.

et CCSI TECHNOLOGY SOLUTIONS CORPORATION

défenderesses

 

 

 

 

Dossier : A-312-10

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

ENTERASYS NETWORKS OF CANADA LTD.

et CCSI TECHNOLOGY SOLUTIONS CORPORATION

défenderesses

 

 

Dossier : A-321-10

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

ENTERASYS NETWORKS OF CANADA LTD.

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Le procureur général du Canada (la Couronne) a présenté trois demandes de contrôle judiciaire visant l’annulation de trois décisions du Tribunal canadien du commerce extérieur. Les demandes ont été réunies parce qu’elles soulèvent des questions communes concernant des faits similaires. Les décisions ont maintenu en partie un certain nombre de plaintes déposées par la défenderesse Enterasys Networks of Canada Ltd. en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien de commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) (la Loi). Le principal argument de la Couronne dans la demande consolidée est que le Tribunal n’avait pas compétence pour entendre les plaintes, puisque Enterasys n’a pas présenté de soumission et que le Tribunal a conclu que les actes de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) quant à la procédure des marchés publics n’ont pas empêché Enterasys de présenter une soumission. Je suis d’accord avec la Couronne pour les motifs qui suivent et sur cette base, j’annulerais les décisions du Tribunal.

 

Historique des procédures judiciaires

[2]               La demande consolidée de la Couronne conteste les décisions suivantes du Tribunal :

(1) La décision concernant les marchés publics rendue le 21 juin 2010 pour les motifs publiés le 21 juillet 2010 à l’égard de 44 plaintes d’Enterasys (dossiers nos PR-2009-080 à PR-2009-087, PR-2009-092 à PR-2009-102 et PR-2009-104 à PR-2009-128) (sous Enterasys Networks of Canada Ltd. c. Canada (Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2010] T.C.C.E. n104);

(2) La décision concernant les marchés publics rendue le 9 août 2010 pour les motifs publiés le 4 novembre 2010 à l’égard de 22 plaintes d’Enterasys (dossiers nos PR-2009-132 à PR-2009-153) (sous Enterasys Networks of Canada Ltd. c. Canada (Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2010] T.C.C.E. n141);

(3) La décision concernant les marchés publics rendue le 10 septembre 2010 pour les motifs publiés le 22 décembre 2010 à l’égard de 3 plaintes d’Enterasys (dossiers nos PR-2010-004 à PR-2010-006) (sous Enterasys Networks of Canada Ltd. c. Canada (Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2010] T.C.C.E. n148).

 

[3]               Dans les trois instances devant le Tribunal, la Couronne a contesté l’ensemble des 69 plaintes. Dans les deux premières instances, la position de la Couronne était appuyée par un

intervenant, CCSI Technology Solutions Corporation, dont la soumission a été acceptée dans certains des contrats spécifiques. Cette intervenante a été constituée défenderesse dans deux des trois demandes de contrôle judiciaire de la Couronne, mais elle n’a pas déposé d’avis de comparution. Personne n’est intervenu dans la troisième instance du TCCE.

 

Le pouvoir du TCCE d’entendre les plaintes en vertu de la Loi

[4]               La Loi confère au Tribunal le pouvoir d’entendre les plaintes en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi uniquement dans le cas où le plaignant répond à la définition de « tout soumissionnaire – même potentiel – d’un contrat spécifique » à l’article 30.1 de la Loi (Northrop Grumman Overseas Services Corp. c. Canada (Procureur général), [2009] 3 R.C.S. 309, 2009 CSC 50).

 

Le Tribunal avait-il compétence pour entendre les plaintes?

[5]               Les plaintes d’Enterasys visées par les présentes demandes portent sur des contrats accordés aux soumissionnaires qualifiés lors d’un processus régi par l’offre à commandes individuelles et ministérielles des services de soutien de l’équipement de réseau (appelés parfois « OCIM SSER » ou « SSER »), qui permet aux ministères fédéraux de se procurer de l’équipement de réseau informatique.

 

[6]               Lorsqu’un ministère veut se procurer de l’équipement visé par l’offre à commandes individuelles et ministérielles des services de soutien de l’équipement de réseau, il peut enclencher un processus qui consiste en réalité à demander à TPSGC de se procurer

l’équipement en vertu d’une offre à commandes. Sous réserve de certaines conditions, TPSGC peut dès lors présenter une « demande de rabais pour volume » (quelquefois appelée une « DRV »), invitant les fournisseurs préqualifiés à présenter des soumissions. Ces dernières sont évaluées et le contrat est accordé au meilleur soumissionnaire.

 

[7]               Il n’est pas contesté que les contrats visés par les plaintes d’Enterasys sont des « contrats spécifiques », selon la définition de l’article 30.1 de la Loi, et qu’ils sont assujettis à l’Accord de libre‑échange nord‑américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États‑Unis d’Amérique et le gouvernement des États‑Unis du Mexique, R.T. Can 1994, n2, ann. 1001.1b-1 (ALENA).

 

[8]               En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi, une plainte concernant un aspect de la procédure des marchés publics portant sur un contrat spécifique peut être déposée par un « fournisseur potentiel ». Le terme « fournisseur potentiel » est défini à l’article 30.1 de la Loi et signifie, sous réserve des règlements pris en vertu de l’alinéa 40(f.1), « tout soumissionnaire – même potentiel – d’un contrat spécifique » (aucun règlement n’a été pris en vertu de l’alinéa 40(f.1)).

 

[9]               Enterasys était un fournisseur préqualifié en vertu de l’offre à commandes individuelles et ministérielles des services de soutien de l’équipement de réseau, et elle était légalement autorisée à présenter une soumission pour toutes les demandes de rabais pour volume qui ont

 

donné lieu à un contrat spécifique qui sera l’objet d’une de ses plaintes. En fait, Enterasys a présenté une soumission, mais sa plainte concernant ce contrat spécifique a été rejetée et il n’est pas nécessaire de la considérer plus avant. Enterasys n’a présenté aucune soumission pour les autres demandes de rabais pour volume. Au moment où elle a déposé ses plaintes à l’égard des contrats spécifiques, elle n’aurait pas pu présenter une soumission parce que le délai était expiré.

 

[10]           De toute évidence, Enterasys ne pouvait pas déposer de plainte en tant que soumissionnaire à l’égard d’un contrat spécifique pour lequel elle n’avait pas présenté de soumission; et il semble qu’on puisse faire valoir, sur la base d’une interprétation étroite des mots « soumissionnaire potentiel », qu’Enterasys a cessé d’être une soumissionnaire potentielle à l’expiration de la période de soumission. Toutefois, l’avocat de la Couronne soutient que le Tribunal interprète les mots « tout soumissionnaire – même potentiel – d’un contrat spécifique » comme incluant toute personne pouvant présenter une soumission pour un contrat spécifique, mais qui en a été empêché en raison d’un aspect de la procédure des marchés publics qui peut être contestée en vertu de l’accord commercial pertinent – l’ALENA en l’espèce.

 

[11]           La Couronne ne conteste pas l’interprétation que fait le Tribunal des mots « tout soumissionnaire – même potentiel – d’un contrat spécifique » et elle convient également que l’allégation soulevée selon laquelle un plaignant il a été empêché de présenter une soumission à cause d’un aspect de la procédure des marchés publics pouvant être contestée en vertu de l’ALENA peut constituer une indication suffisante prima facie que le plaignant a qualité pour agir, permettant ainsi au Tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’ouvrir une enquête.

[12]           Toutefois, la Couronne fait valoir que si le Tribunal décide d’enquêter sur la base d’une telle allégation et qu’il conclut, après examen de la preuve, qu’en fait le plaignant n’a pas été empêché de présenter une soumission par un aspect de la procédure des marchés publics pouvant être contesté, il doit rejeter la plainte pour défaut de compétence.

 

[13]           Considérant la position de la Couronne sur ces points, je supposerai aux fins des présentes demandes – sans conclure – qu’il était approprié pour le Tribunal de s’appuyer sur l’interprétation susmentionnée des mots « tout soumissionnaire – même potentiel – d’un contrat spécifique » pour décider s’il convenait d’examiner les plaintes d’Enterasys. Je supposerai également que les plaintes d’Enterasys ont fourni au Tribunal une base suffisante pour justifier la conclusion prima facie qu’elle était un fournisseur potentiel parce qu’elle n’a pas pu présenter une soumission en raison d’un aspect du processus d’appel d’offres pouvant être contesté. Sur la base de ces suppositions, il était justifié que le Tribunal décide d’enquêter. Il faut se demander si, compte tenu des conclusions de fait qu’il a tirées à l’issue de l’enquête, le Tribunal avait compétence pour entendre les plaintes.

 

[14]           Je suis d’accord avec la Couronne que les motifs du Tribunal pour les trois décisions en cause contiennent des conclusions de fait claires qui réfutent toutes les allégations selon lesquelles Enterasys a été empêchée de présenter une soumission par un des aspects de la procédure des marchés publics qui pouvait être contesté en vertu de l’ALENA. Ces conclusions de fait se trouvent au paragraphe 296 des motifs de la décision du 21 juin, dont la partie pertinente est reproduite ci-dessous :

Le Tribunal fait remarquer que malgré sa conclusion selon laquelle TPSGC ne s’est pas conformé au paragraphe 1007(3) de l’ALENA dans certains cas, il a conclu qu’Enterasys n’avait pas établi que des renseignements supplémentaires de la part de TPSGC étaient requis afin de permettre aux soumissionnaires de présenter une soumission recevable. De l’avis du Tribunal, cela signifie que les actes de TPSGC n’ont pas eu pour effet de garantir qu’aucune soumission équivalente conforme ne pouvait être présentée. En d’autres termes, le Tribunal estime que les actes de TPSGC n’ont pas empêché Enterasys de présenter une soumission et, peut-être, de se faire adjuger un contrat.

 

(Cette déclaration figure dans la partie des motifs qui porte sur la réparation, mais j’estime que cela a peu d’importance.)

 

[15]           La même déclaration pour l’essentiel figure au paragraphe 254 des motifs de la décision du 9 août et au paragraphe 245 de la décision du 10 septembre.

 

[16]           La Couronne fait valoir que selon les faits établis par le Tribunal après son enquête, Enterasys ne répondait pas à la définition de « fournisseur potentiel » donnée dans la Loi, de sorte que le Tribunal était légalement tenu de rejeter les plaintes pour défaut de compétence. J’estime que l’argument de la Couronne est bien fondé en droit.

 

[17]           C’est une raison suffisante pour accueillir les demandes de contrôle judiciaire de la Couronne, annuler les décisions du Tribunal et renvoyer l’affaire à ce dernier avec la directive de rejeter les plaintes d’Enterasys.

 

 

Autres questions

[18]           La Couronne a présenté des observations écrites et orales concernant les questions de fond qu’a examinées le Tribunal pour accueillir plusieurs plaintes d’Enterasys. J’estime que la plus importante de ces questions de fond est de savoir à quel moment il est possible pour une procédure de marchés publics de spécifier un produit par son appellation commerciale. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de considérer cette question pour trancher les présentes demandes, j’estime que cela est pertinent en raison d’un aspect particulièrement frappant des motifs du Tribunal.

 

[19]           Les contrats spécifiques visés par les plaintes d’Enterasys ont été accordés sur la base de marchés qui désignaient l’équipement par son appellation commerciale ou l’équivalent. Enterasys a fait valoir dans ses plaintes qu’il existait un moyen suffisamment précis ou intelligible de décrire les conditions du marché autrement qu’en mentionnant des appellations commerciales et que, par conséquent, TPSGC n’était pas autorisé à spécifier ainsi ses exigences. TPSGC a fait valoir le contraire. Le Tribunal a confirmé la plainte sur cette question.

 

[20]           La décision du Tribunal concernant la question de savoir si TPSGC avait le droit de désigner l’équipement par son appellation commerciale exigeait de considérer l’interprétation et l’application du paragraphe 1007(3) de l’ALENA, qui prévoit ce qui suit :

1007. (3) Chacune des Parties fera en sorte que les spécifications techniques prescrites par ses entités n’exigent ni ne mentionnent de marques de fabrique ou de commerce, de brevets, de modèles ou de types particuliers, ni d’origines, de producteurs ou de fournisseurs déterminés, à moins qu’il n’existe pas d’autre moyen suffisamment précis ou intelligible de décrire les conditions du marché, et à condition que des termes tels que « ou l’équivalent » figurent dans la documentation relative à l’appel d’offres.

1007. (3) Each Party shall ensure that the technical specifications prescribed by its entities do not require or refer to a particular trademark or name, patent, design or type, specific origin or producer or supplier unless there is no sufficiently precise or intelligible way of otherwise describing the procurement requirements and provided that, in such cases, words such as "or equivalent" are included in the tender documentation.

 

 

 

[21]           L’interprétation et l’application par le Tribunal du paragraphe 1007(3) de l’ALENA doivent être contrôlées selon la norme de la raisonnabilité (Canada (Procureur général) c. McNally Construction Inc., [2002] 4 C.F. 633, 2002 CAF 184).

 

[22]           J’estime que la principale différence entre les motifs de la majorité et ceux de la membre dissidente tient à la pertinence juridique d’une preuve substantielle, convaincante et non contestée expliquant les raisons pratiques pour lesquelles sont spécifiées les appellations commerciales aux fins d’acquisition de produits visés par l’offre à commandes individuelles et ministérielles des services de soutien de l’équipement de réseau pour installation au sein d’un réseau informatique existant.

 

[23]           La conclusion de la majorité, qui a décidé de rejeter cette preuve, figure au paragraphe 126 des motifs de la décision du 21 juin (je souligne), dont les éléments principaux sont reproduits ci-dessous :

En résumé, le Tribunal est d’avis que TPSGC n’a pas établi que les conditions nécessaires pour l’utilisation d’appellations commerciales que prévoit le

 

paragraphe 1007(3) de l’ALENA ont été respectées dans les circonstances des DRV qui spécifient les produits par appellation commerciale en cause. Des considérations pratiques/opérationnelles ou systémiques générales, comme celles dont a tenu compte TPSGC, ne sont pas visées par le libellé du paragraphe 1007(3), qui prévoit l’utilisation d’appellations commerciales. Par conséquent, le Tribunal conclut que le comportement de TPSGC concernant ces DRV était contraire au paragraphe 1007(3).

 

 

 

[24]           La majorité a adopté la même approche dans les deux autres décisions, malgré que le passage souligné ne soit pas répété.

 

[25]           En toute déférence, le fait que la majorité ait écarté ou ignoré la preuve et les explications présentées par TPSGC a rendu sa conclusion sur l’interprétation et l’application du paragraphe 1007(3) de l’ALENA erronée en principe et donc déraisonnable. Plus précisément, je conviens avec la Couronne que la majorité a commis une erreur quant à l’objet de l’exception permise. Je n’accepte pas la proposition implicite dans sa décision selon laquelle le paragraphe 1007(3) de l’ALENA exige nécessairement que le gouvernement fédéral prenne des risques opérationnels inacceptables. Il s’ensuit que pour décider si un marché public particulier peut spécifier une appellation commerciale, le Tribunal ne peut écarter ou considérer comme non pertinentes des preuves présentées par TPSGC à l’appui de sa position selon laquelle l’utilisation d’appellations commerciales en liaison avec un marché particulier était nécessaire pour éviter un risque opérationnel inacceptable.

 

 

[26]           L’approche adoptée par la membre dissidente sur cette question était raisonnable. Elle a considéré la preuve en question comme étant juridiquement pertinente et suffisante pour justifier

la décision de TPSGC de mentionner des appellations commerciales dans tous les contrats spécifiques en cause, sauf deux. Elle a expliqué sa conclusion aux paragraphes 145 à 152 des motifs de la décision du 21 juin (qui sont largement repris dans les deux autres décisions). Les extraits suivants, tirés de ces paragraphes, mettent en évidence les parties de son analyse qui montrent son interprétation du paragraphe 1007(3) de l’ALENA et son application (notes de bas de page omises, non souligné dans l’original) :

146     […] À mon avis, dans les circonstances de la présente affaire, le paragraphe 1007(3) de l’ALENA autorise TPSGC à désigner des produits par appellation commerciale lorsqu’il utilise une DRV, dans la mesure où il peut fournir au Tribunal une explication raisonnable expliquant les raisons pour lesquelles les spécifications génériques ne sont pas suffisamment précises pour lui permettre de garantir que le produit demandé s’intégrera convenablement au réseau existant. Dans un tel cas, je suis d’avis que TPSGC a présenté une explication raisonnable selon laquelle il n’y a aucun autre moyen suffisamment précis ou intelligible de désigner des produits, puisque l’utilisation de spécifications génériques risquerait de compromettre les réseaux du gouvernement et l’empêcherait d’acheter les produits vraiment requis.

147     TPSGC a soutenu dans le RIF et a confirmé pendant l’audience que, lorsque les commutateurs seront installés et intégrés aux réseaux existants, dont l’intégrité et la fiabilité sont essentielles au ministère ou à l’organisme hôte, le défaut des commutateurs de bien s’intégrer à ces réseaux pourrait compromettre ces réseaux.

[…]

151     « Je suis d’avis que dans les circonstances de la présente affaire, comme il est indiqué ci-dessus, le risque et les conséquences de l’acquisition du mauvais produit lorsqu’un commutateur doit être utilisé dans un système ou une infrastructure existant constitue une justification suffisante et raisonnable pour TPSGC d’exiger une « appellation commerciale ou l’équivalent ».

 

152     Par conséquent, je suis d’avis que TPSGC a présenté les justifications nécessaires pour spécifier les produits par « appellation commerciale ou l’équivalent » pour chacune des 43 DRV en cause, à l’exception de la DRV 651 et de la DRV 650, suivant les conditions requises par le paragraphe 1007(3) de l’ALENA. […]

 

 

 

[27]           Si j’avais conclu que le Tribunal avait compétence pour entendre les plaintes d’Enterasys, j’aurais conclu que ses décisions portant sur l’interprétation et l’application du paragraphe 1007(3) de l’ALENA sont déraisonnables et ne peuvent justifier le maintien des plaintes d’Enterasys, sauf les deux relevées par la membre dissidente.

 

Dépens afférents aux demandes de contrôle judiciaire

[28]           La Couronne a inclus une demande d’adjudication des dépens dans chacun des trois avis de demande de contrôle judiciaire. La même demande a été reprise dans le mémoire des faits et du droit de la Couronne pour la demande consolidée. L’avocat de la Couronne n’a présenté aucune observation orale sur les dépens et il n’était pas tenu de le faire puisque la demande d’adjudication des dépens figurait déjà au dossier. J’estime qu’il n’y a aucune raison de ne pas respecter l’usage de la Cour selon lequel les dépens suivent l’issue de la cause, s’ils sont demandés.

 

[29]           Enterasys a produit un avis de comparution, mais n’a pas déposé de dossier ou de mémoire des faits et du droit pour contester les demandes de la Couronne ou sa demande d’adjudication des dépens. Enterasys n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas défendu les

 

décisions du Tribunal et elle n’avait pas à le faire. Cependant, l’avocat d’Enterasys était présent lors de l’audition des demandes et a informé la Cour qu’Enterasys voulait présenter des observations orales sur les dépens seulement. Comme Enterasys n’a pas présenté d’observations écrites avant l’audience, la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas permettre à Enterasys de présenter des observations orales concernant les dépens.

 

[30]           Malgré l’absence d’observations orales, j’ai considéré la question de savoir si le montant des dépens accordés à la Couronne dans la présente demande consolidée devait être réduit ou limité d’une quelconque façon parce qu’Enterasys n’a pas contesté cette demande. J’ai conclu qu’aucune réduction ou limitation n’est justifiée. Le fait qu’Enterasys ne se soit pas opposée à la demande consolidée n’a pas libéré la Couronne du fardeau qui incombe habituellement au demandeur de produire un dossier, de préparer un mémoire des faits et du droit et de se présenter à l’audience pour présenter des observations afin de persuader la Cour que les décisions du Tribunal étaient entachées d’une erreur qui rendait l’intervention de notre Cour nécessaire.

 

[31]           C’est Enterasys qui a déposé les plaintes. Ayant obtenu gain de cause devant le Tribunal, Enterasys assumait le risque que les décisions du Tribunal soient contestées avec succès et que notre Cour adjuge les dépens à la Couronne. Ce risque n’est pas disparu quand Enterasys a décidé de ne pas défendre les décisions du Tribunal.

 

 

 

Conclusion

[32]           J’accueillerais les demandes de contrôle judiciaire de la Couronne avec dépens, j’annulerais les décisions du Tribunal et je renverrais les plaintes d’Enterasys au Tribunal avec directive de les rejeter pour défaut de compétence.

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            Pierre Blais j.c. »

 

« Je suis d’accord

            Robert M. Mainville j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-264-10

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c. Enterasys Networks of Canada Ltd.

                                                                                                et al

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 15 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 20 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

David M. Attwatter

POUR LE DEMANDEUR

 

Claude-Alain Burdet

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nelson Street Law Offices

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-312-10

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c. Enterasys Networks of Canada Ltd.

                                                                                                et al

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 15 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 20 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

David M. Attwater

POUR LE DEMANDEUR

 

Claude-Alain Burdet

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nelson Street Law Offices

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-321-10

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c. Enterasys Networks of Canada Ltd.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 15 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 20 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

David M. Attwater

POUR LE DEMANDEUR

 

Claude-Alain Burdet

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nelson Street Law Offices

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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