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Cour d’appel fédérale

Description: emblem

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110621

Dossier : A-501-09

Référence : 2011 CAF 208

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

Entre :

 

BEN NDUNGU

appelant

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

 

Examiné par écrit sans comparution des parties.

 

Ordonnance délivrée à Ottawa (Ontario), le 21 juin 2011.

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :                                                                      LA JUGE SHARLOW

 

ACCEPTÉS PAR :                                                                                             LA JUGE DAWSON

                                                                                                    LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

                                                                                                                                                                       


Cour d’appel fédérale

Description: emblem

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110621

Dossier : A-501-09

Référence : 2011 CAF 208

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

Entre :

 

BEN NDUNGU

appelant

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

LA JUGE SHARLOW

[1]               L’appelant Ben Ndungu a vu aboutir son appel d’un jugement de la Cour fédérale qui avait refusé sa demande de contrôle judiciaire d’une décision du ministre en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). L’avis d’appel comprenait une demande de remboursement des dépens sur la base avocat client devant la Cour et en Cour fédérale.

 

[2]               Le mémoire des faits et du droit a déposé pour M. Ndungu incluait une demande de tous les redressements sollicités dans l’avis d’appel, mais aucune observation sur les dépens n’apparaît dans le mémoire des faits et du droit, et aucune observation sur les dépens n’a été faite à l’audience. Le jugement d’appel et ses motifs, délivrés le 29 avril 2011, n’indiquent rien sur les dépens (2011 CAF 146). Le 6 mai 2011, M. Ndungu a présenté une motion pour demander une ordonnance accordant les dépens sur la base avocat client, ou à titre liminaire, les dépens pour motif de l’« intérêt public » à un taux horaire défini. L’intimé, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, s’oppose à la motion.

 

[3]               Pour les motifs ci-après, j’ai conclu que la motion devrait être refusée.

 

[4]               Pour l’essentiel, la motion relève de l’alinéa 397(1)(b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, pour demander le nouvel examen d’un jugement au motif qu’une question qui aurait dû être traitée a été omise. Puisque la motion a été déposée dans les 10 jours suivant le jugement, il est légitime qu’elle soit présentée devant cette commission de la Cour. Le jugement sera examiné de nouveau sur la question des dépens.

 

[5]               L’appel portait sur un jugement qui refusait la demande présentée par M. Ndungu pour obtenir le contrôle judiciaire d’une décision découlant de la LIPR. Ainsi, la motion sur les dépens est assujettie à l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, lesquelles interdisent l’attribution des dépens sans le constat de « raisons spéciales ».

 

[6]               La loi ne prévoit aucune définition des « raisons spéciales » évoquées dans l’article 22, et aucune définition ne peut être tirée de la jurisprudence. Peut-être aucune définition ne peut-elle être apportée, vu la variété des circonstances pouvant donner lieu à une demande de contrôle judiciaire dans un contexte d’immigration, ou dans un appel sur une question à certifier.

 

[7]               Toutefois, les dossiers visés par l’application de l’article 22 recèlent d’exemples de circonstances dans lesquelles ont été constatées des « raisons spéciales », et des circonstances qui ne répondent pas à cette norme. Dans ce qui suit, je résume les conclusions auxquelles on est arrivé dans certains dossiers, après un relevé non exhaustif de la jurisprudence :

La nature du dossier

1)             Un appel fondé sur une question certifiée est généralement considéré comme correctement soulevé (Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 3 F.C.R. 537, 2002 CAF 89).

2)             Les « raisons spéciales » justifiant les dépens sur la base avocat client peuvent être constatées lorsque le ministre a demandé le contrôle judiciaire d’une décision d’immigration qui revêt la nature d’une cause dont la solution fait jurisprudence en matière de l’interprétation d’une disposition fondamentale de la loi (par exemple, lorsque la question visait celle de savoir si « les femmes de Trinidad assujetties à la violence conjugale » constitue un groupe social défini et si la crainte de violence, vu l’indifférence des autorités, qualifiait la persécution : Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Mayers [1993] 1 J.C.F. 154 (C.A.)).

3)             Après une demande infructueuse de contrôle judiciaire par des demandeurs d’asile qui contestaient l’établissement d’une « cause type » pour les décisions sur les demandes de statut de réfugié, la Cour fédérale avait constaté des « raisons spéciales » justifiant l’attribution des dépens aux demandeurs au motif de « la nature nouvelle et potentiellement litigieuse de la cause type au moment de son audition » (Geza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 3 F.C.R. 3, 2004 CF 1039). Cette attribution des dépens a été confirmée en appel. L’appel du demandeur sur le fondement a été autorisé, et les dépens ont été attribués en appel pour les motifs donnés par le juge de la Cour fédérale, ainsi que pour les documents additionnels obtenus par l’avocat du demandeur pour démontrer que le processus ayant mené aux décisions dans les causes types était déficient (Kozak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 4 F.C.R. 377, 2006 CAF 124).

Agissements du demandeur

4)             Des « raisons spéciales » justifiant l’attribution des dépens contre un demandeur ont été constatées lorsque le demandeur s’est déraisonnablement opposé à la motion du ministre d’autoriser la demande de contrôle judiciaire, prolongeant ainsi la procédure (Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 83 F.TR. 158 (P.I.); D’Almeida c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 1 Imm. L.R. (3d) 309 (C.F.P.I.)).

Agissements du ministre ou de l’agent d’immigration

5)             L’attribution des dépens contre le ministre pour des « raisons spéciales » ne peut être justifiée aux seuls motifs suivants :

                                        i)         un agent d’immigration a pris une décision erronée (Sapru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 35);

                                     ii)          le ministre sollicite le rejet sommaire d’un appel en matière d’immigration pour son caractère théorique après que l’appelant ait déployé des ressources pour peaufiner l’appel, plutôt que de présenter la demande à la première opportunité (Jones c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 279); ou

                                    iii)          le ministre abandonne un appel la veille de l’audience après l’adoption d’une nouvelle loi qui diminue le fondement de l’appel (Harkat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 179).

 

6)             Des « raisons spéciales » justifiant les dépens à l’encontre du ministre ont été constatées lorsque :

                                        i)         le ministre cause au demandeur une perte considérable de temps et de ressources en adoptant des perspectives incohérentes devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale (Geza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 266 N.R. 158 (F.C.A.));

                                      ii)         un agent d’immigration contourne une ordonnance de la Cour (Bageerathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 513);

                                     iii)          un agent d’immigration adopte des agissements trompeurs ou abusifs (Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 941); Said c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] F.C.J. No. 663 (CAF));

                                    iv)          un agent d’immigration délivre une décision après un délai déraisonnable et injustifié (Nalbandian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immmigration), 2006 CF 1128; Doe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 535; Jaballah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1182);

                                      v)         le ministre s’oppose déraisonnablement à une demande de contrôle judiciaire manifestement méritoire (Ayala-Barriere c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 101 F.T.R. 310 (P.I.); Ndererehe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 880; Dhoot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1295).

Agissements de l’avocat

7)             Des « raisons spéciales » justifiant l’attribution des dépens personnellement contre l’avocat ont été constatées lorsque l’avocat manque à comparaître à de multiples audiences prévues (Ferguson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] C.F.J. No. 172 (F.C.A.)).

 

[8]               Le présent appel a été entendu avec Toussaint c. MCI (A-408-09) sur des jugements identiques de la Cour fédérale que le ministre n’est pas obligé par le paragraphe 25(1) ni aucun autre principe constitutionnel de considérer une demande d’exemption des frais prévus dans la demande de lever certains critères liés à la présentation d’une demande de résidence permanente depuis l’extérieur du Canada. Nous nous rallions au juge de la Cour fédérale sur les questions constitutionnelles, mais nous avons interprété que le paragraphe 25(1) de la LIPR comme une exigence que le ministre prenne en considération la demande de dispense des frais, et pour ce seul motif avons infirmé le jugement de la Cour fédérale.

 

[9]               M. Ndungu affirme que les « dépens spéciaux » sont justifiés dans le présent dossier pour les motifs ci-après :

1)             M. Ndungu était admissible à recevoir et a sollicité de l’aide juridique pour le présent appel, mais sa demande a été refusée, car l’aide juridique avait financé d’autres appels soulevant la même question (y compris Toussaint) comme causes dont la solution fait jurisprudence, et il n’aurait pas été raisonnable de financer un autre appel indépendant sur la même question;

2)             le présent dossier soulève des questions sérieuses et systématiques d’importance publique, comme le démontre la certification de questions d’importance générale et le fait qu’il ait été joint à Toussaint, dans lequel sont posées des questions similaires; et

3)             le ministre a déraisonnablement refusé d’accueillir la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par M. Ndungu afin qu’elle puisse être jointe à d’autres dossiers en suspens sur la même question (y compris Toussaint), forçant M. Ndungu à porter seul le fardeau de son dossier dans son intégrité.

 

[10]           À mon avis, pour décider s’il existe des « raisons spéciales » d’attribuer les dépens, il n’est pas pertinent que M. Ndungu ait été incapable d’obtenir du financement de l’aide juridique.

 

[11]           Je ne suis pas non plus convaincue que des « raisons spéciales » se trouvent dans l’importance de la question soulevée en appel, puisqu’une question certifiée d’importance générale est obligatoire pour tous les appels en matière d’immigration.

 

[12]           Devant les circonstances spécifiques au dossier, je ne constate aucun manquement dans la décision du ministre de ne pas accepter de fusionner la demande de contrôle judiciaire Ndungu

à la demande de contrôle judiciaire Toussaint. La demande Toussaint a été déposée à la Cour fédérale le 26 janvier 2009. La demande Ndungu a été déposée le 3 mars 2009. Le 5 mars 2009, la demande Toussaint avait atteint le point où l’autorisation avait été accordée et une date avait été établie pour l’audience devant la Cour fédérale (initialement le 2 septembre 2009). Le 23 mars 2009, la date de l’audience sur Toussaint a été reportée au 23 juin 2009 à la demande de l’avocat de Mme Toussaint (et a été entendue à cette date). À cette date d’audience, le dossier Ndungu n’avait pas vraiment progressé, peut-être en raison du délai causé par la demande de consentement présentée au ministre. Le dossier du demandeur dans Ndungu a été déposé le 15 juin 2009, seulement 8 jours avant l’audience sur Toussaint. Sans le dossier de demande Ndungu, il aurait été difficile, voire impossible, pour le ministre ou l’avocat du ministre d’établir si les faits étaient suffisamment analogues pour justifier de les joindre à la demande Toussaint en Cour fédérale. De ce fait, à mon avis il était raisonnable pour le ministre de ne pas donner son consentement à cette étape.

 

[13]           Les deux dossiers ont été joints en Cour d’appel fédérale, mais à ce moment, l’avocat de M. Ndungu s’était préparé à une audience distincte devant la Cour fédérale et avait peaufiné l’appel Ndungu. Cela semble être un facteur neutre, vu que je n’accorde aucune importance à la décision du ministre de ne pas autoriser la demande de contrôle judiciaire Ndungu.

[14]           J’ai considéré le fait que bien que les deux parties font valoir les deux questions en appel, l’avocat de M. Ndungu a insisté plus fermement et en apportant plus de détails sur le point de l’interprétation législative, ce qui a permis à l’appel d’aboutir. L’avocat de Mme Toussaint a défendu un point lié à l’interprétation législative, mais a accordé plus d’importance aux questions constitutionnelles dans l’espoir qu’un résultat favorable sur ce fondement serait plus vraisemblable, malgré une modification législative entrée en vigueur trop tard pour s’appliquer au dossier. Vu que les deux appelants ont fait valoir un point sur l’interprétation législative qui a abouti, il est difficile de constater une « raison spéciale » dans le fait que les arguments ont été présentés différemment.

 

[15]           En considérant toutes les circonstances pertinentes, je ne peux conclure à l’existence de « raisons spéciales » dans le présent dossier qui justifieraient l’attribution des dépens en faveur de M. Ndungu. La motion sera refusée.

 

 

« K. Sharlow »

Juge

 

 

« Je suis d’accord

            La juge Eleanor R. Dawson »

 

Je suis d’accord

           La juge Carolyn Layden-Stevenson »

 

 

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-501-09

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                Ben Ndungu c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

MOTION EXAMINÉE PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :                                          LA JUGE SHARLOW

ACCEPTÉS PAR :                                                                 LA JUGE DAWSON

                                                                                                LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 21 juin 2011

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Me Rocco Galati

POUR L’APPELANT

 

Me Martin Anderson

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rocco Galati Law Firm

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Vice-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

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