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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20110629

Dossier : A-9-08

Référence : 2011 CAF 217

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

L'HONORABLE ALFONSO GAGLIANO

appelant

et

L'HONORABLE JOHN H. GOMERY

ès qualités ex-commissaire de la Commission d’enquête

sur le programme de commandites et les activités publicitaires

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimés

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 16 juin 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 juin 2011.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y A SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE EN CHEF BLAIS

 

MOTIFS CONCOURANTS :                                                                       LE JUGE MAINVILLE

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20110629

Dossier : A-9-08

Référence : 2011 CAF 217

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

L'HONORABLE ALFONSO GAGLIANO

appelant

et

L'HONORABLE JOHN H. GOMERY

ès qualités ex-commissaire de la Commission d’enquête

sur le programme de commandites et les activités publicitaires

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Les questions en litige

 

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision du juge suppléant Teitelbaum (juge) rendue le 5 septembre 2008 (Gagliano c. Gomery, le Procureur général du Canada et la Chambre des Communes, 2008 CF 981).

 

[2]               Au terme de ses délibérations, le juge a rejeté avec dépens la demande de contrôle judiciaire de l’appelant, l’honorable Alfonso Gagliano, et confirmé les conclusions qui concernent l’appelant, lesquelles figurent dans le rapport de la phase I produit par le commissaire John H. Gomery (Commissaire) dans le cadre de la Commission d’enquête qu’il présidait sur le programme de commandites et les activités publicitaires du gouvernement du Canada (Commission).

 

[3]               L’appelant se représente maintenant seul en appel. Mais il s’en remet au mémoire des faits et du droit qui fut déposé au dossier d’appel par le procureur qui le représentait au début des procédures d’appel. Je m’en tiendrai donc aux motifs d’appel qu’on retrouve à ce mémoire. Ils se lisent ainsi :

 

            A.        Le juge de première instance a-t-il erré en n’appliquant pas, à l’appelant, la même règle de droit qu’au demandeur dans l’affaire Pelletier?

 

            B.         Le juge de première instance a-t-il erré en ne tenant pas compte de tous les motifs soulevés par l’appelant pour justifier la crainte raisonnable de partialité du Commissaire?

 

            C.        Le juge de première instance a-t-il erré en droit en élevant le fardeau de preuve incombant à l’appelant?

 

            D.        Le juge de première instance a-t-il erré en droit en décidant que la conduite inappropriée du Commissaire ne suscitait pas une crainte raisonnable de partialité? et

 

            E.         Le juge de première instance a-t-il erré en droit en décidant que le Commissaire a eu raison de tenir l’appelant responsable en vertu de règles qui n’existaient pas encore au moment où celui-ci était ministre?

 

[4]               À l’exception du motif E, tous les autres se rapportent à l’allégation de l’appelant que, par son comportement, dont notamment des entrevues médiatiques en cours d’enquête, le Commissaire aurait fait naître chez l’appelant et chez une personne raisonnable, bien renseignée, une crainte raisonnable de partialité à l’endroit de l’appelant.

 

[5]               Le Procureur général du Canada, un des deux intimés en appel, s’allie au Commissaire pour demander le rejet de l’appel. Cependant, il remet en cause la norme utilisée par le juge pour déterminer l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. Il soumet toutefois que si le juge avait appliqué la norme édictée par notre Cour dans l’arrêt Beno c. Canada, [1997] 2 C.F. 527, au paragraphe 27, il en serait arrivé à la même conclusion puisque cette norme, en ce qui a trait à des allégations de crainte de partialité, accorde plus de souplesse et de protection à un commissaire dans ses agissements et ses déclarations. Il nous invite donc à formuler le critère applicable à cette question d’une crainte raisonnable de partialité.

 

[6]               Le procureur du Commissaire, dans son mémoire et à l’audience, s’est livré à l’analyse de la décision du juge et des motifs d’appel de l’appelant en se référant à l’arrêt Beno, précité, et à la décision de notre Cour dans l’affaire Morneault c. Canada (Procureur général), [2001] 1 C.F. 30.

 

[7]               Sans aborder de front la norme utilisée par le juge, il a insisté sur le but d’une commission d’enquête, le rôle et la fonction d’un commissaire et la nécessité, pour les fins de vérifier l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, de bien distinguer entre une procédure de nature inquisitoire et une procédure de nature accusatoire.

 

[8]               Compte tenu de l’importance de cette question qui se situe au cœur même du litige en appel, j’examinerai la norme qui doit s’appliquer à une commission d’enquête. Mais auparavant, un bref résumé des faits et des procédures à l’origine du litige.

 

Les faits et les procédures à l’origine du litige

 

[9]               Une commission d’enquête fut mise sur pied en 2004 pour enquêter sur le programme de commandites et les activités publicitaires du gouvernement du Canada. Les paragraphes 5 et 11 à 16 des motifs de la décision du juge sont suffisants pour décrire le contexte dans lequel elle fut créée pour examiner ce qui finit par être connu sous le vocable de Scandale des commandites. Je les reproduis :

 

[5]     La Commission a été établie à la suite de questions soulevées aux chapitres 3 et 4 du rapport de novembre 2003 de la vérificatrice générale du Canada (le rapport de la vérificatrice générale), qui faisait état de problèmes posés par la gestion du Programme de commandites du gouvernement fédéral, le choix d’agences de communication pour les activités publicitaires du gouvernement, la gestion de contrats, ainsi que les activités de mesure et de déclaration relatives à l’optimisation des ressources. Dans son rapport, la vérificatrice générale signalait également le manque de transparence du processus décisionnel, l’absence de lignes directrices écrites concernant le programme, de même que l’omission d’informer le Parlement du Programme de commandites, y compris ses objectifs, ses dépenses et les résultats obtenus.

 

[…]

 

[11]     Avant d’aborder les questions soulevées dans la présente demande, il est nécessaire de donner quelques détails sur les origines du Programme de commandites.

 

[12]     En 1993, le Parti libéral du Canada, dirigé par le très honorable Jean Chrétien, a remporté une majorité de sièges au sein de la Chambre des communes. À l’époque, le Bloc québécois était le parti d’opposition officiel. L’année suivante, le Parti québécois, dirigé par l’honorable Jacques Parizeau, est arrivé au pouvoir au Québec et a annoncé peu de temps après qu’un référendum provincial allait être tenu en octobre 1995 afin de décider si le Québec devait se séparer ou non du Canada. Le camp du « Non » l’a emporté par une très mince majorité. Le Québec n’allait donc pas tenter de se séparer du Canada et continuerait de faire partie de la fédération canadienne. M. Parizeau a démissionné comme premier ministre et a été remplacé par l’honorable Lucien Bouchard, qui a promis de tenir un autre référendum lorsqu’il y aurait des « conditions gagnantes ».

 

[13]     À la suite du résultat serré du référendum ainsi que de cette promesse de M. Bouchard, un comité du Cabinet, présidé par l’honorable Marcel Massé (à l’époque ministre des Affaires intergouvernementales), a été établi pour formuler des recommandations sur l’unité nationale. Sur la base des recommandations figurant dans le rapport du comité du Cabinet, et après avoir tenu une réunion du Cabinet les 1er et 2 février 1996, le gouvernement du Canada a décidé de prendre des mesures spéciales pour contrer le mouvement souverainiste au Québec. Ces mesures spéciales ont été baptisées la « stratégie d’unité nationale » ou le « dossier de l’unité nationale ». Comme l’a mentionné M. Chrétien dans sa déclaration d’ouverture devant la Commission, l’unité nationale était sa toute première priorité en sa qualité de premier ministre. Il a donc confié à son directeur de cabinet, M. Jean Pelletier, la responsabilité du dossier de l’unité nationale.

 

[14]     La stratégie d’unité nationale avait pour but de rehausser la visibilité et la présence du gouvernement fédéral sur l’ensemble du territoire canadien, mais surtout au Québec. Cela devait se faire de nombreuses façons, et l’une d’elles était d’annoncer de manière visible, systématique et répétée divers programmes et initiatives du gouvernement fédéral par l’entremise d’un programme de commandites. Les commandites étaient des ententes dans le cadre desquelles le gouvernement du Canada fournissait à des organismes des ressources financières en vue de soutenir des activités de nature culturelle, communautaire et sportive. En échange, ces organismes procuraient au gouvernement une certaine visibilité en distribuant des documents de promotion et en affichant des symboles tels que le drapeau canadien ou le mot « Canada ». Selon le rapport de la vérificatrice générale, entre 1997 et le 31 mars 2003, le gouvernement du Canada a dépensé environ 250 millions de dollars pour « commanditer » 1 987 activités.

 

[15]     La responsabilité de l’administration du Programme de commandites a été confiée au Secteur de la publicité et de la recherche sur l’opinion publique (SPROP), un élément du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada (TPSGC), qui est plus tard devenu la Direction générale des services de coordination des communications (DGSCC) après la fusion du SPROP et d’autres secteurs de TPSGC en octobre 1997. M. Joseph Charles Guité a été directeur du SPROP de 1993 à 1997, et directeur exécutif de la DGSCC de 1997 jusqu’à sa retraite, en 1999. M. Pierre Tremblay, alors directeur de cabinet du demandeur, l’a remplacé à la tête de la DGSCC. Le demandeur a été ministre de TPSGC de 1997 à 2002.

 

[16]     Le SPROP (et plus tard la DGSCC) ne disposait pas du personnel, de la formation ou de la compétence nécessaires pour gérer et administrer les commandites. C’est ainsi que des contrats ont été attribués à des agences de publicité et de communication pour accomplir ces tâches et, en contrepartie de ces services, les agences étaient rémunérées sous la forme de commissions et de frais de production. Une tranche de plus de 100 millions de dollars des dépenses totales du Programme de commandites a été versée à des agences de communication sous la forme de commissions et d’honoraires de production.

 

 

[10]           Les travaux de la Commission ont débouché sur un rapport imputant des responsabilités pour la mauvaise administration du programme à un certain nombre de personnes dont Le très honorable Jean Chrétien, son chef de cabinet feu M. Jean Pelletier et l’appelant qui était alors ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada.

 

[11]           Alors que l’enquête du Commissaire suivait son cours, M. Chrétien et M. Pelletier ont évoqué une crainte de partialité de sa part suite à des déclarations surprenantes qu’il fît aux médias. Des procédures furent intentées en Cour fédérale mais, de concert avec le Procureur général du Canada, tenues en suspens pour permettre à la Commission de continuer ses travaux. Une fois le rapport de la Commission rendu, ces procédures en suspens furent abandonnées. Toutefois, de nouvelles procédures furent engagées par M. Chrétien et M. Pelletier pour contester les conclusions du rapport. L’appelant en fît autant.

 

[12]           Dans deux décisions rendues le 26 juin 2008 (Chrétien c. Gomery et le Procureur général du Canada, 2008 CF 802; Pelletier c. Le Procureur général du Canada et Gomery, 2008 CF 803), le juge a infirmé les conclusions du rapport de la Commission, mais il a maintenu, dans la décision du 5 septembre 2008 qui fait l’objet du présent appel, celles concernant l’appelant (2008 CF 981).

 

[13]           Le Procureur général du Canada s’est porté en appel dans les arrêts Chrétien et Pelletier. Notre Cour a rejeté le pourvoi en ce qui a trait à M. Chrétien (Le Procureur général du Canada c. Le très honorable Jean Chrétien, 2010 CAF 283). Les procédures d’appel relatives à M. Pelletier ne se rendirent pas à terme par suite de son décès.

 

[14]           En ce qui a trait à l’appelant, une première audition de son appel eût lieu mais dût être reprise par suite d’un malheureux concours de circonstances qui ne lui est pas imputable. C’est de cette deuxième audition qu’émanent les présents motifs.

 

Les conclusions du rapport quant à la responsabilité de l’appelant

 

[15]           Il est nécessaire de résumer les conclusions du rapport du Commissaire afin d’y rattacher les motifs d’appel. Premièrement, le Commissaire a conclu que l’appelant avait court-circuité la ligne d’autorité et de responsabilité ministérielle en écartant le sous-ministre de son ministère pour transiger directement avec un fonctionnaire relevant de l’autorité du sous-ministre.

 

[16]           Deuxièmement, toujours selon le Commissaire, l’appelant ne s’est pas préoccupé de la nécessité d’adopter des lignes directrices pour l’attribution des commandites. Il a laissé opérer sans surveillance le fonctionnaire et son éventuel remplaçant qui, systématiquement, contournaient le sous-ministre qui aurait dû avoir, au premier chef, la responsabilité de la mise en œuvre du programme de commandites.

 

[17]           Troisièmement, le Commissaire s’est dit d’avis que l’appelant avait pris directement part aux décisions relatives au financement d’évènements et de projets à des fins partisanes davantage qu’à des fins d’unité nationale selon l’objectif allégué du programme.

 

[18]           Enfin, le Commissaire a imputé à l’appelant la responsabilité des actes et des décisions des membres de son personnel politique qui furent tour à tour chef de cabinet.

 

[19]           La voie est maintenant pavée pour l’analyse de la décision du juge et des prétentions des parties. Je débuterai par l’étude de la norme applicable à la crainte raisonnable de partialité du Commissaire.

 

Analyse de la décision du juge et des prétentions des parties

 

a)         La norme applicable à la crainte raisonnable de partialité du Commissaire

 

[20]           Un monde de différences aux impacts significatifs existe entre une commission d’enquête et un tribunal adjudicatif. Une enquête publique n’est ni un procès civil, ni un procès criminel. Voici comment s’exprime notre Cour dans l’affaire Beno c. Canada, précitée, aux paragraphes 23 et 24 de cet arrêt :

 

[23]     Il ressort clairement de ses motifs que le juge de première instance a assimilé les commissaires à des juges. Selon lui, les commissaires aussi bien que les juges exercent des « fonctions analogues à celles d’un juge présidant un procès ». C’est tout à fait faux. Une enquête publique n’est pas du tout un procès civil ou criminel (voir Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire de l'enquête sur l'approvisionnement en sang), [1997] 2 C.F. 36 (C.A.), aux paragraphes 36 et 73 [ci-après Krever]; Greyeyes v. British Columbia (1993), 78 B.C.L.R. (2d) 80 (C.S.), à la page 88; Di Iorio et al. c. Gardien de la prison de Montréal, [1978] 1 R.C.S. 152, à la page 201; Bortolotti v. Ontario (Ministry of Housing) (1977), 15 O.R. (2d) 617 (C.A.), aux pages 623 et 624; Shulman, Re, [1967] 2 O.R. 375 (C.A.), à la page 378)). Dans un procès, le juge assume un rôle juridictionnel et seules les parties ont la responsabilité de présenter la preuve. Dans une enquête, les commissaires sont dotés de vastes pouvoirs d'enquête pour accomplir leur mandat d'enquête (Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, à la page 138). Les règles de preuve et de procédure sont donc considérablement moins contraignantes dans le cas d'une commission d'enquête que dans le cas d'une cour de justice. Les juges décident des droits visant les rapports entre les parties, une commission d'enquête ne peut que "faire enquête" et "faire rapport" (voir Irvine c. Canada (Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1987] 1 R.C.S. 181, à la page 231; Greyeyes, précité, à la page 88). Les juges peuvent imposer des sanctions pécuniaires ou pénales; la seule conséquence susceptible de découler d'une conclusion défavorable de la Commission d'enquête sur la Somalie est que des réputations pourraient être ternies (voir ce que le juge Cory a déclaré à ce sujet dans Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray, précité, à la page 163; voir aussi Krever, précité, au paragraphe 29; Greyeyes, précité, à la page 87).

 

[24]     Il ne s'ensuit pas, cependant, que l'impartialité des commissaires doive toujours être appréciée par rapport au critère de l'"esprit fermé" plutôt que par rapport à celui de la "crainte de partialité". Ce qui est certain, c'est que quel que soit le critère applicable, dans l'évaluation de la conduite des commissaires, il faut tenir compte de la nature spéciale de leurs fonctions: Newfoundland Telephone, précité, aux pages 636 et 638; Irvine, précité, aux pages 230 et 231; Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, à la page 327.

 

[Je souligne]

 

Ces propos furent approuvés par le juge Cory dans l’arrêt Canada (P.G.) c. Canada (Comm. Krever), [1997] 3 R.C.S. 440, au paragraphe 34.

 

[21]           Par définition, une commission d’enquête joue un rôle d’enquêteur et non d’adjudicateur. Il ne faut pas oublier que le commissaire qui préside une telle commission ne dispose pas des éléments de preuve établissant les faits, les causes et les circonstances des évènements qui font l’objet de l’enquête. C’est précisément son rôle de les rechercher pour ensuite les analyser.

 

[22]           Un bon enquêteur, tout comme un fin limier, c’est celui qui est animé de soupçons qu’il s’efforce de valider pour clore le dossier ou de dissiper pour faire porter sa recherche sur d’autres pistes. Ce faisant, il peut et va souvent créer une apparence de partialité. Ainsi, par ses questions, ses interventions et celles de ses procureurs qui procèdent à des interrogatoires serrés de témoins, un commissaire peut un jour donner l’impression qu’il a un préjugé défavorable à l’égard d’une personne ou d’un groupe qui, à ce moment-là, fait l’objet d’une attention particulière de la part de la commission. Mais lorsque, le lendemain, l’attention de la commission se portera sur quelqu’un d’autre, c’est cette dernière personne qui sera alors encline à croire que c’est plutôt sur elle que s’exerce le préjugé défavorable. Toutefois, c’est là le propre d’une enquête.

 

[23]           Soupçons, informations, spéculations, croyances, doutes, motifs raisonnables de croire, extrapolations et vérifications, pour ne nommer que quelques-unes des étapes par lesquelles passe un enquêteur, font partie de ce qui lui échoit quotidiennement. C’est pourquoi la nature d’une enquête et des pouvoirs qui l’accompagnent ainsi que sa complexité font en sorte qu’on ne peut appliquer au processus inquisitoire d’un commissaire la même norme de contrôle de partialité que celle que l’on applique au processus accusatoire où, contrairement au commissaire dont la fonction première et essentielle est de chercher, trouver et recueillir les preuves, le tribunal n’a charge que de soupeser la preuve qui est déjà entre les mains des parties et qui lui est soumise pour évaluation.

 

[24]           En somme, dit notre Cour dans l’arrêt Beno, au paragraphe 27, après avoir conclu que la Commission d’enquête sur la Somalie qui était sous étude devait se situer entre les extrémités législatives et juridictionnelles de l’échelle énoncée dans Newfoundland Telephone :

 

[27]     …Un commissaire ne doit être déclaré inhabile pour cause de partialité que s’il existe une crainte raisonnable qu'il décide sur un fondement autre que la preuve. Ici, une application souple du critère de la crainte raisonnable de partialité exige que

 

le tribunal d'appel tienne compte du fait que les commissaires agissaient en qualité d'enquêteurs dans le contexte d'une enquête longue, ardue et complexe. …

 

[Je souligne]

 

[25]           Cette approche m’apparaît particulièrement appropriée lorsque la contestation porte, comme en l’espèce, sur les conclusions du rapport du commissaire qui contient les éléments de preuve recueillis et l’évaluation qui en est faite. On ne saurait et on ne peut faire abstraction de la preuve obtenue pour remonter à l’étape d’avant rapport, alors que l’enquête avait cours, pour y rechercher des indices d’une crainte raisonnable de partialité puisque l’exercice relatif à la crainte de partialité à ce stade consiste à vérifier si les conclusions attaquées ont un fondement autre que la preuve. En d’autres termes, il s’agit de voir si c’est la preuve ou si c’est un préjugé qui les fonde. Remonter à l’étape d’avant rapport, alors que l’enquête était en cours, afin d’y rechercher des indices d’une crainte de partialité s’avère, à mon sens, un exercice futile si les conclusions du rapport « sont étayées jusqu’à un certain point par la preuve versée au dossier de l’enquête » : voir l’arrêt Morneault c. Canada, [2001] 1 C.F. 30, au paragraphe 46 (CAF).

 

[26]           L’affaire Morneault s’apparente à celle qui nous occupe. Le Lieutenant-Colonel Morneault contestait les conclusions du rapport de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie lui imputant la responsabilité de lacunes constatées au niveau de l’organisation, de la direction et de la supervision de l’entraînement et de la formation des troupes en vue de leur déploiement en Somalie.

 

[27]           Le Lieutenant-Colonel Morneault ayant eu gain de cause en Cour fédérale, le Procureur général du Canada porta la cause en appel où la Cour devait statuer sur la question du degré de preuve nécessaire à la validité des conclusions d’une commission d’enquête. Au paragraphe 46, s’exprimant pour une cour unanime, le juge Stone écrit :

 

Le dossier testimonial de l'enquête

 

[46]     J'examinerai maintenant l'argument de l'appelant selon lequel les conclusions en cause sont étayées par le dossier. Le juge des requêtes a examiné les conclusions selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, même s'il s'agit de conclusions tirées par une commission d'enquête. La Cour suprême a statué que, lorsque cette norme s'applique, la décision n'est pas manifestement déraisonnable « s'il existe des éléments de preuve susceptibles de la justifier, même si elle ne correspond pas à la conclusion qu'aurait tirée la cour chargée de procéder à l'examen » : Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316, à la page 341. Étant donné qu'il s'agit de conclusions tirées par une commission d'enquête, je préfère examiner ces conclusions en me demandant si elles sont étayées jusqu'à un certain point par la preuve versée au dossier de l'enquête. Dans l'arrêt Mahon, précité, à la page 814, lord Diplock a noté les différences qui existent entre une enquête et un litige civil ordinaire et, à la page 820, il a énoncé les deux règles de justice naturelle mentionnées dans le passage précité. Il a ensuite ajouté ce qui suit, à la page 821:

 

[TRADUCTION] Les règles techniques de preuve applicables aux litiges civils ou criminels ne font pas partie des règles de justice naturelle. La première règle exige que la décision de tirer la conclusion en question soit fondée jusqu'à un certain point sur des éléments qui tendent logiquement à montrer l'existence de faits compatibles avec la conclusion et que le raisonnement qui est fait au sujet de la conclusion, s'il doit être divulgué, ne soit pas en bonne partie contradictoire en soi.

 

[Je souligne]

 

[28]           De cette jurisprudence de notre Cour, je crois que l’on peut tirer les conclusions suivantes. Lorsqu’est faite en cours d’enquête une allégation de partialité à l’égard d’un commissaire, ce dernier ne doit être déclaré inhabile pour cause de partialité que s’il existe une crainte raisonnable qu’il décide sur un fondement autre que la preuve. Et ce critère doit être appliqué avec souplesse. Bien qu’il ne soit pas impossible d’obtenir à ce stade la récusation d’un commissaire, il s’agit d’un objectif difficile à atteindre compte tenu de la nature de la fonction et du rôle inquisiteur qu’il doit nécessairement jouer.

 

[29]           Lorsque la contestation porte sur les conclusions du rapport de la commission d’enquête et qu’on allègue une crainte de partialité de la part du commissaire, la preuve au soutien des conclusions du rapport ne peut être ignorée. Et il suffit pour que les conclusions soient maintenues qu’elles soient étayées jusqu’à un certain point par la preuve versée au dossier de l’enquête. Ce sont ces principes que j’entends suivre dans l’examen des motifs d’appel de l’appelant.

 

[30]           Je me dois de signaler que dans l’affaire Chrétien, précitée, le Procureur général du Canada a accepté la proposition que le juge avait retenu le bon test pour apprécier la crainte raisonnable de partialité du Commissaire. Mais il a soutenu qu’il l’avait mal appliqué aux faits de l’espèce. Le test retenu dans l’affaire Chrétien est le même que celui que le juge a suivi dans le présent dossier.

 

[31]           Bien que le juge ait fait référence à l’arrêt Beno, précité, de notre Cour, il a plutôt opté pour le test énoncé par le juge de Grandpré dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369. À la page 394, le juge de Grandpré formule ainsi le test applicable :

 

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? ».

 

 

[32]           Monsieur Crowe était le président de l’Office dont le rôle était quasi-judiciaire. Dans cette affaire, l’Office devait adjuger sur des demandes conflictuelles de délivrance de certificats de commodité et de nécessité publiques en rapport avec un projet d’installation d’un pipeline pour le transport du gaz naturel. Il est bien évident que le rôle de l’Office n’était pas de nature inquisitoire. Je suis d’accord avec le Procureur général du Canada que le juge s’est mépris en appliquant ce test au Commissaire. Il a omis de prendre en compte la fonction inquisitoire exercée par le Commissaire comme le commandait les arrêts Beno et Morneault de notre Cour.

 

[33]           L’admission faite par le Procureur général du Canada dans l’affaire Chrétien ne portait pas à conséquence. La formation qui entendait l’appel l’a acceptée et s’est simplement penchée sur l’application qui fut faite du test retenu par le juge, comme l’y invitait le Procureur général du Canada.

 

[34]           L’admission en était une sur une question de droit et elle ne lie pas la Cour. C’est pourquoi nous avons accepté de revoir la question afin, comme le demandait le Procureur général du Canada, de fournir des précisions et des orientations au bénéfice de futures commissions d’enquête.

 

b)         Le juge a-t-il erré en n’appliquant pas à l’appelant la même règle de droit qu’au demandeur dans l’affaire Pelletier?

 

 

[35]           La lecture des paragraphes 65 à 74 de la décision du juge dans l’affaire Pelletier, précitée, révèle que le juge a appliqué à l’appelant, tel que je l’ai précédemment mentionné, le même critère d’analyse de la crainte de partialité. Je comprends que ce que l’appelant veut dire, c’est que le juge aurait dû arriver à son égard à la même conclusion que celle à laquelle il en est venu quant à M. Pelletier.

 

[36]           En règle générale, des situations identiques commandent des conclusions identiques. Mais encore faut-il que les situations soient identiques. La difficulté en l’espèce est double.

 

[37]           D’une part, il est vrai que M. Pelletier a eu gain de cause devant le juge, mais l’affaire fut portée en appel par le Procureur général du Canada. Le décès de M. Pelletier y a mis un terme et il serait fondamentalement injuste, tant pour M. Pelletier que pour l’appelant, de spéculer sur ce qui aurait pu être décidé par notre Cour si le bon test de la crainte raisonnable avait été appliqué.

 

[38]           D’autre part, je ne suis pas convaincu que les deux situations soient identiques. Monsieur Pelletier et l’appelant occupaient des fonctions différentes et jouaient des rôles différents. L’appelant était beaucoup plus impliqué dans la mise en œuvre immédiate du programme des commandites. De fait, il était le ministre responsable de celle-ci. Je crois qu’on ne peut tout simplement pas transposer la conclusion de l’une affaire dans l’autre. Il faut voir dans le cas de l’appelant si les conclusions prises à son égard sont la résultante de la preuve au dossier de l’enquête ou d’un préjugé du Commissaire à son endroit.

 

c)         Les conclusions du Commissaire sont-elles étayées par la preuve au dossier de l’enquête ou sont-elles le fruit d’un préjugé défavorable à l’égard de l’appelant?

 

 

[39]           Si dans la médiatisation de son rôle et de sa personne le Commissaire a pu dépasser les bornes, cela ne veut pas dire pour autant que son rapport est sans mérite ou que ses conclusions sont fondées sur un préjugé défavorable à l’appelant. Il n’en découle pas nécessairement une relation de cause à effet.

 

[40]           L’appelant reproche au Commissaire d’avoir accordé foi à certains aspects du témoignage de M. Guité alors qu’il avait estimé que ce dernier n’était pas un témoin crédible. Il n’y a pas là antinomie. Un témoin peut d’une manière générale ne pas être crédible pour une partie substantielle de son témoignage, mais l’être à l’égard de certains éléments spécifiques de celui-ci.

 

[41]           Il appartenait au Commissaire de se prononcer sur la crédibilité des témoins et d’apprécier la valeur probante de leurs témoignages. Et le juge ne pouvait substituer son appréciation de la preuve à celle du Commissaire. Conscient de cette absence de pouvoir, il a examiné, comme il se devait, les conclusions de fait du Commissaire en fonction de la preuve que ce dernier invoquait à leur soutien. On retrouve les détails de sa démarche aux paragraphes 109 à 137 des motifs de sa décision.

 

[42]           À l’analyse des conclusions de fait du Commissaire, il a appliqué le test de l’arrêt Morneault. Au terme de cette analyse, il s’est dit satisfait que les conclusions du Commissaire étaient étayées jusqu’à un certain point par la preuve. Je ne vois ni dans sa démarche, ni dans l’aboutissement de celle-ci, une erreur qui justifierait notre intervention.

 

d)         Le juge a-t-il erré en ne tenant pas compte de tous les motifs soulevés par l’appelant pour justifier la crainte raisonnable de partialité du Commissaire?

et

e)         Le juge a-t-il erré en droit en décidant que la conduite inappropriée du Commissaire ne suscitait pas une crainte raisonnable de partialité?

 

 

[43]           Compte tenu de la conclusion à laquelle j’en suis arrivé au paragraphe c) qui précède et de la norme relative à la crainte raisonnable de partialité d’un commissaire applicable aux conclusions de fait de son rapport, une intervention de notre part fondée sur ces deux motifs d’appel serait à la fois injustifiée et erronée.

 

f)          Le juge a-t-il erré en droit en élevant le fardeau de preuve incombant à l’appelant?

 

[44]           Je reproduis le paragraphe 66 des motifs de la décision du juge :

 

[66]     Il existe une présomption selon laquelle un décideur agira de manière impartiale et, pour écarter cette présomption, « [i]l faut plus qu’un simple soupçon ou des réserves émanant d’“une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne” » (Beno (C.A.F.), ci-dessus, para. 29, citant Committee for Justice and Liberty, ci-dessus, p. 395). C’est à la personne qui allègue l’existence de la partialité qu’il appartient d’en faire la preuve, et la barre à atteindre pour conclure à une crainte raisonnable de partialité est élevée.

 

[Je souligne]

 

[45]           L’appelant s’en prend à l’énoncé du juge que « la barre à atteindre pour conclure à une crainte raisonnable de partialité est élevée ». Il y voit une altération aggravante d’un fardeau de la preuve qu’il reconnaît par ailleurs lui incomber.

 

[46]           Pour les raisons que j’ai auparavant énoncées et qui ont trait à la nature inquisitoire de la fonction ainsi qu’aux tests des arrêts Beno et Morneault, le juge a eu raison de dire que la barre est élevée aussi bien à l’étape de l’enquête en cours qu’à celle de l’analyse des conclusions de fait du rapport.

 

g)         Le juge a-t-il erré en décidant que le Commissaire a eu raison de tenir l’appelant responsable en vertu de règles qui n’existaient pas encore au moment où celui-ci était ministre?

 

 

[47]           Le juge a invoqué deux motifs pour rejeter la prétention de l’appelant qu’on avait évalué sa responsabilité dans la gestion du programme de commandites à partir de publications qui ne furent émises qu’en 2003, soit après l’expiration de son mandat de ministre.

 

[48]           Je suis d’accord avec le Commissaire et le juge que les principes de la responsabilité et de l’imputabilité ministérielles au sein de l’appareil gouvernemental ne sont pas nés en 2003 avec les publications qui les contiennent. Ils existaient bien avant que l’appelant n’accède au Cabinet des ministres et ils n’ont pas cessé d’exister avec son départ de ce Cabinet.

 

[49]           En outre, le juge a référé à de la preuve testimoniale de haut-fonctionnaires reçue par le Commissaire, laquelle faisait état de l’existence d’une chaîne de communication à l’intérieur d’un ministère entre le ministre et les fonctionnaires de ce ministère : voir les paragraphes 122 à 126 des motifs de sa décision. Cette chaîne de communication à l’intérieur d’une hiérarchie structurée comme celle du gouvernement annonce, sous-tend et renforce l’existence de la responsabilité et de l’imputabilité ministérielles. Je ne peux attribuer de mérite à ce grief d’appel.

 

Conclusion

 

[50]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens, mais je limiterais les frais de l’audition à un seul jeu de dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            Pierre Blais, j.c. »

 

 

 

 

 

 

 

LE JUGE MAINVILLE (Motifs Concourants)

 

[51]           Dans ses motifs, le juge Létourneau énonce clairement les questions soulevées par l’appelant et les faits à l’origine du présent appel, et je souscris aux mêmes conclusions que celui-ci. Cependant, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de se prononcer dans cet appel sur la norme applicable à la crainte raisonnable de partialité puisqu’en appliquant soit la norme établie dans les arrêts Beno c. Canada, [1997] 2 C.F. 527 et Morneault c. Canada (Procureur général), [2001] 1 C.F. 30, comme le fait le juge Létourneau, soit la norme établie dans Committee for Justice and Liberty c. L’Office National de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369 (Committee for Justice) et Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623 (Newfoundland Telephone), comme le fait le juge de première instance, les conclusions de cet appel seraient les mêmes.

 

[52]           Ainsi, en appliquant à cet appel les principes établis dans Committee for Justice et dans Newfoundland Telephone, et compte tenu de la trame factuelle du dossier longuement énoncée par le juge de première instance dans ses motifs, une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique ne pourrait croire que selon toute vraisemblance la Commission a fait preuve de partialité à l’égard de l’appelant.

 

[53]           Je note au surplus que le Procureur général du Canada a concédé dans l’appel concernant M. Chrétien que le juge de première instance avait défini correctement la norme applicable, et que notre Cour a accepté cette concession dans Canada (Procureur général) c. Chrétien, 2010 CAF 283 (« Chrétien »). C’est cette même norme que le juge de première instance a énoncée dans la présente affaire.

 

[54]           Ce qui distingue cette affaire de l’affaire Chrétien c’est que plusieurs éléments de preuve étayaient les conclusions du juge de première instance concernant la crainte raisonnable de partialité du Commissaire à l’égard de M. Chrétien, dont notamment des déclarations publiques peu élogieuses du Commissaire et de son porte-parole officiel visant directement M. Chrétien.

 

[55]           Or, dans le présent appel, il est admis qu’aucune des déclarations publiques du Commissaire ou de son porte-parole ne visait directement M. Gagliano. Il s’agit là, comme l’a constaté le juge de première instance, d’une distinction importante et déterminante qui atténue les allégations de crainte raisonnable de partialité du Commissaire à l’égard de M. Gagliano.

 

[56]           Quant aux nombreuses et surprenantes déclarations publiques du Commissaire et de son porte-parole officiel qui ont eu pour effet de médiatiser son rôle et sa personne, il y a lieu de rappeler, comme notre Cour l’a fait au paragraphe 11 de sa décision dans l’affaire Chrétien, que les médias ne sont pas une tribune pour les commissions d’enquête aux fins de commenter les témoignages. Une commission d’enquête doit en tout temps agir avec dignité et faire preuve d’impartialité et d’indépendance et doit être vigilante afin d’éviter la violation des droits des personnes faisant l’objet de l’enquête : Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur le système d’approvisionnement en sang au Canada), [1997] 3 R.C.S. 440 aux paragraphes 31 et 55.

 

[57]           Selon M. Gagliano, les nombreuses déclarations publiques du Commissaire et de son porte-parole permettent de mettre en doute l’impartialité du processus et de remettre en cause les conclusions du Commissaire à son égard. Comme le juge Létourneau, je suis d’accord que même si dans la médiatisation de son rôle et de sa personne le Commissaire a pu dépasser les bornes, cela ne veut pas nécessairement dire pour autant que celui-ci faisait preuve de partialité à l’égard de M. Gagliano. Comme je l’ai noté plus haut, contrairement au cas de M. Chrétien, il est admis dans cet appel qu’aucune des déclarations publiques reprochées au Commissaire ou à son porte-parole ne visait directement M. Gagliano.

 

[58]           Les autres moyens d’appel de M. Gagliano sont analysés aux paragraphes 35 à 42 et 44 à 49 des motifs du juge Létourneau, et je souscris aux conclusions tirées par le juge Létourneau à l’égard de ces autres moyens.

 

[59]           Pour ces motifs, je disposerais de l’appel comme le propose le juge Létourneau.

 

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-9-08

 

 

INTITULÉ :                                                   L’HONORABLE ALFONSO GAGLIANO c.

                                                                        L’HONORABLE JOHN H. GOMERY et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 16 juin 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y A SOUSCRIT :                                           LE JUGE EN CHEF BLAIS

 

MOTIFS CONCOURANTS :                       LE JUGE MAINVILLE

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 29 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alfonso Gagliano

SE REPRÉSENTANT SEUL

 

Me Raynold Langlois, c.r. CRIA

Me Marie-Geneviève Masson

 

Me Jacques Savary

POUR L’INTIMÉ

L’HON. JOHN H. GOMERY

 

POUR L’INTIMÉ

P.G. DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Langlois Kronström Desjardins, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

L’HON. JOHN H. GOMERY

 

POUR L’INTIMÉ

P.G. DU CANADA

 

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