Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20110711

Dossier : A-431-10

Référence : 2011 CAF 223

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

CHANTHIRAKUMAR SELLATHURAI

 

appelant

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

DE LA PROTECTION CIVILE

 

intimé

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 juin 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                           LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                        LE JUGE STRATAS

 


Date : 20110711

Dossier : A-431-10

Référence : 2011 CAF 223

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

CHANTHIRAKUMAR SELLATHURAI

 

appelant

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

DE LA PROTECTION CIVILE

 

intimé

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE DAWSON

[1]        Au cours de l’examen d’une demande de dispense ministérielle présentée par M. Sellathurai au titre du paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) a divulgué par inadvertance à l’avocate de M. Sellathurai des documents que le ministre estimait visés par un privilège fondé sur la sécurité nationale. Après avoir demandé que ces documents lui soient retournés, le ministre a sollicité et obtenu une ordonnance de la Cour fédérale enjoignant à l’avocate de M. Sellathurai de lui remettre les documents. La question centrale dans le présent appel est de savoir si la Cour fédérale avait compétence pour rendre une telle ordonnance. Le présent appel soulève d’autres questions qui doivent être tranchées, notamment celles de savoir si en l’absence d'une question certifiée, notre Cour a compétence pour statuer sur l’appel et si la Cour fédérale a commis une erreur en ne désignant pas un amicus curiae ou en omettant de considérer si les principes de l’équité procédurale exigeaient qu’une réparation soit accordée à M. Sellathurai. On trouvera une liste complète des questions en litige à trancher au paragraphe 13 ci-dessous.

 

Contexte factuel

[2]        Pour bien comprendre les questions soumises à la Cour, il faut connaître les faits complexes à l’origine de l’ordonnance frappée d’appel. Les faits peuvent se résumer comme suit :

 

1.                  En 1997, dans un rapport préparé au titre de l’article 27 de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (ancienne Loi), il était allégué que M. Sellathurai appartenait à l’une des catégories non admissibles décrites à la division 19(1)(f)(iii)(B) de l’ancienne Loi. Plus précisément, le rapport alléguait que M. Sellathurai était une personne dont il existe des motifs raisonnables de croire qu’elle appartient ou appartenait à une organisation dont il existe des motifs de croire qu’elle se livre ou se livrait à des actes de terrorisme. L’organisation mentionnée dans le rapport était les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET).

2.                  Par la suite, M. Sellathurai a été convoqué à une enquête devant la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Section de l’immigration). L’enquête a commencé le 19 mars 1999.

 

3.                  L’enquête tenue par la Section de l’immigration sur l’interdiction de territoire alléguée de M. Sellathurai a été scindée en deux parties. La première partie de l’enquête a été achevée le 26 septembre 2001. À l’époque, un commissaire de la Section de l’immigration a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. Sellathurai était membre des TLET. La question de savoir si les TLET étaient un organisme terroriste a été renvoyée à la deuxième étape de l’enquête.

 

4.                  Le 20 août 2002, M. Sellathurai a présenté une demande au titre du paragraphe 34(2) de la Loi pour obtenir une dispense des conséquences de la conclusion selon laquelle il était interdit de territoire pour raison de sécurité parce qu’il était membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme. Le paragraphe 34(2) de la Loi prévoit, entre autres choses, que l’appartenance à une organisation terroriste n’emporte pas interdiction de territoire lorsque la personne concernée convainc le ministre que sa présence au Canada ne sera nullement préjudiciable à l’intérêt national.

 

5.                  Par suite de la demande de M. Sellathurai présentée au titre du paragraphe 34(2) de la Loi, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a préparé un mémoire à l’intention du ministre. Le mémoire recommandait que la demande présentée par M. Sellathurai en vue d’obtenir une dispense ministérielle soit refusée. En février 2006, on a remis à M. Sellathurai une copie du mémoire pour lui donner la possibilité d’y répondre. Par la suite, M. Sellathurai a été invité à présenter d’autres observations en 2007 et en 2008.

 

6.                  Avant les événements se rapportant au présent appel, aucune décision n’avait été prise au sujet de la demande de dispense ministérielle présentée par M. Sellathurai.

 

7.                  Après que le commissaire de la Section de l’immigration eut décidé qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. Sellathurai était membre des TLET, la Section de l’immigration devait poursuivre l’enquête. Cependant, entre le 26 septembre 2001 et le 21 octobre 2008, l’enquête a été ajournée de façon à permettre au ministre de se prononcer au sujet de la demande de dispense ministérielle.

 

8.                  Le 29 décembre 2008, la Section de l’immigration a refusé une nouvelle demande d’ajournement présentée par M. Sellathurai.

 

9.                  M. Sellathurai a alors déposé devant la Cour fédérale, dans le dossier IMM‑152‑09, une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du refus de la Section de l’immigration d’accorder un autre ajournement. Il demandait également qu'il soit sursis à l’enquête. La Cour fédérale a accordé le sursis. Par la suite, la Cour fédérale a accordé l’autorisation demandée et l’audition de la demande de contrôle judiciaire a été fixée au 23 février 2010.

 

10.              Le 26 février 2010, le juge Hughes de la Cour fédérale a ordonné que la demande de contrôle judiciaire soit ajournée sine die. Les avocats devaient tenir la Cour au courant de l’état de la demande de dispense ministérielle.

 

11.              Le 12 août 2010, l’avocate de M. Sellathurai a présenté le rapport suivant à la Cour :

[traduction]
Objet : Sellathurai c. MCI, no de dossier : IMM‑152-09

 

            Comme vos dossiers vous l’indiquent, je suis la procureure du demandeur. La présente demande de contrôle judiciaire est à l’heure actuelle en suspens pendant que les parties essaient de résoudre ces questions. M. Todd, l’avocat du ministre, informe régulièrement le juge Hughes de l’état du dossier.

 

            J’ai décidé d’informer cette fois-ci moi-même la Cour de cet état. M. Sellathurai a reçu une nouvelle série de documents de l’ASFC et il lui a été demandé d’y répondre d’ici le 15 août 2010. J’ai demandé la prolongation de ce délai jusqu’à la fin du mois d’août parce que j’ai dû m’absenter pendant quelque temps et m’occuper d’autres affaires. Il ne m’aurait pas été possible de respecter ce délai. La prolongation a été accordée et nous pensions que le dossier serait soumis au ministre pour qu’il prenne une décision à ce sujet peu après le dépôt des observations.

 

            Une nouvelle question vient d’être soulevée. L’ASFC a demandé que la série de documents qui m’a été divulguée à moi et à M. Sellathurai lui soit remise parce qu’elle contenait apparemment des documents classifiés qui avaient été divulgués par inadvertance. L’ASFC a avisé M. Sellathurai qu’il avait un mois à partir de la réception des documents expurgés pour y répondre de sorte qu’il devrait transmettre sa réponse à une date postérieure à la fin du mois d’août.

 

            Nous sommes en train de donner suite à la demande de l’ASFC, parce qu’il ne semble pas que des documents classifiés aient été divulgués.

 

            Le dossier progresse de sorte que je propose que moi ou M. Todd fassions rapport à la Cour d’ici la fin du mois de septembre soit pour l’informer du fait que la question est maintenant résolue ou tout au moins pour aviser la Cour de l’état du dossier.

 

            Je vous demande de nous faire savoir si cette suggestion fait problème.

 

            Je vous remercie de votre attention.

                        [Non souligné dans l’original.]

 

12.              Le 16 août 2010, l’ASFC a écrit à l’avocate de M. Sellathurai pour l’informer de ce qui suit :

[traduction] Nous répondons à votre lettre du 12 août 2010. Il ressort de l’examen de votre dossier qu’il contient trois documents faisant état de renseignements qui n’auraient pas dû être divulgués :

 

1-                  Lettre du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) datée du 26 janvier 1995. Ce document comprend six pages, il porte l’en‑tête du SCRS, et est marqué « Secret ». Il constitue l’annexe 9 de la liasse.

 

2-                  Lettre du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) datée du 9 novembre 1995. Ce document comprend cinq pages, il porte l’en‑tête du SCRS, et est marqué « Secret ». Il figure à l’annexe 18 de la liasse.

 

3-                  Lettre du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) datée du 10 décembre 2007. Ce document a deux pages, est marqué « Secret » et est signé par un employé du SCRS. Il figure à l’annexe 18 de la liasse.

 

Nous vous demandons de bien vouloir sceller et renvoyer les documents décrits ci-dessus, ainsi que les copies que vous avez pu en faire, le plus tôt possible. Nous estimons que ces documents sont visés par un privilège fondé sur la sécurité nationale et doivent être protégés.

 

Nous vous remercions de votre collaboration dans ce dossier.

                        [Non souligné dans l’original.]

 

13.       Le 19 août 2010, l’avocate de M. Sellathurai a répondu :

[traduction] Merci pour votre lettre du 16 août 2010. J’ai retiré les rapports mentionnés dans votre lettre et je les ai scellés. J’en possède l’unique copie parce que nous n’avons pas fait de copie ni n’avons remis à quiconque ces documents. J’aimerais que vous nous envoyiez la version expurgée que vous avez l’intention d’invoquer publiquement pour que nous puissions savoir si cette affaire peut être réglée à l’amiable ou s’il serait préférable d’en saisir le tribunal. Nous ne pouvons continuer à préparer les observations de M. Sellathurai tant que cet aspect n’est pas réglé parce que nous craignons ne pas pouvoir aborder avec lui les questions pertinentes découlant des rapports mentionnés ci-dessus. Je ne sais pas si certaines parties de ces rapports doivent être scellées, ni comment nous allons réagir au fait que lui et d’autres personnes ont déjà une certaine connaissance des questions soulevées dans ces documents parce que la préparation de nos observations était déjà bien engagée. Veuillez prendre note que je serai absente la semaine prochaine. Merci. Veuillez nous tenir au courant.

[Non souligné dans l’original.]

 

14.           Le 2 septembre 2010, le juge Hughes a émis la directive suivante :

[traduction]

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

1.                  [L’avocate de M. Sellathurai] placera les documents en question dans une enveloppe scellée et la déposera en mentionnant clairement le numéro de dossier et l’intitulé de la cause, avec une mention indiquant que l’enveloppe ne pourra être ouverte qu’aux termes d’une autre ordonnance ou directive de la Cour. Cela devra être fait au plus tard le 8 septembre 2010;

 

2.                  Le ministère de la Justice fournira, au plus tard le 8 septembre 2010, à [l’avocate de M. Sellathurai] et déposera au tribunal des copies des documents en question expurgés de façon à supprimer ou cacher les passages litigieux;

 

3.                  Le 8 septembre 2010 ou vers cette date, le ministère de la Justice déposera une requête qui sera entendue à une date fixée par le Bureau du juge en chef et confiée à un juge désigné, si cela est nécessaire, pour obtenir de plus amples précisions sur la façon de traiter les documents en question.

 

15.       Les trois documents remis à l’avocate de M. Sellathurai ont été déposés à la Cour et des versions expurgées de ces documents ont été transmises à l’avocate de M. Sellathurai. Le ministre a déposé un avis de requête dans le dossier IMM‑152‑09. La requête a été présentée par écrit en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, et était étayée par deux affidavits déposés au greffe et signifiés à l’avocate de M. Sellathurai ainsi que par un affidavit confidentiel déposé auprès de la Cour sur une base ex parte et qui était décrit comme « justifiant la revendication d’un privilège fondé sur la sécurité nationale. » La mesure sollicitée dans l’avis de requête était la suivante :

[traduction] LA PRÉSENTE REQUÊTE VISE À OBTENIR UNE injonction dans le contexte de la divulgation par inadvertance de documents dont il est allégué qu’ils bénéficient d’un privilège fondé sur la sécurité nationale. Le défendeur demande à la Cour son aide pour résoudre une question touchant la divulgation par inadvertance par un tribunal fédéral (le ministre défendeur) de certains documents qui bénéficient, d’après le défendeur, d’un privilège fondé sur la sécurité nationale.

 

Le défendeur demande qu’un juge désigné de la Cour confirme la directive de monsieur le juge Hughes selon laquelle les documents en question doivent être scellés et déposés à la Cour par [l’avocate de M. Sellathurai] avant le 8 septembre 2010 après avoir examiné les versions expurgées et non expurgées des documents. Le défendeur sollicite une ordonnance confirmant la revendication d’un privilège fondé sur la sécurité nationale.

 

Le défendeur sollicite une ordonnance, si cela est nécessaire ou exigé, enjoignant au demandeur de sceller et remettre au défendeur les autres copies papier des documents visés par le privilège fondé sur la sécurité nationale et de détruire toute copie électronique des documents qui pourrait se trouver sous le contrôle et en la possession du demandeur et [de son avocate]. Le défendeur sollicite également une ordonnance enjoignant au demandeur et [à son avocate] de détruire toutes les notes concernant les documents visés par le privilège fondé sur la sécurité nationale pour faire en sorte qu’aucune autre violation de ce privilège ne soit commise.

 

Le défendeur sollicite les autres mesures que la Cour estime appropriées.

[Non souligné dans l’original.]

 

16.       La requête du ministre a été présentée initialement par écrit selon la règle 369, une audience a été tenue le 20 octobre 2010. Le 3 novembre 2010, un juge de la Cour fédérale (juge) a rendu une ordonnance et des motifs à l’appui de l’ordonnance. Les motifs sont reproduits sous la référence 2010 CF 1082, 375 F.T.R. 181. L’ordonnance prévoyait ce qui suit :

LA COUR :

1.         CONFIRME l’ordonnance rendue par le juge Hughes le 2 septembre 2010;

2.         CONFIRME le privilège fondé sur la sécurité nationale revendiqué par le ministre sur certains passages des documents contestés;

3.         ORDONNE, dans la mesure où les mesures suivantes n’ont pas encore été prises :

•     au demandeur de sceller et de retourner au ministre, par l’intermédiaire de son avocate, toute copie papier des documents contestés non expurgés;

         au demandeur de détruire toute copie électronique des documents contestés non expurgés se trouvant sous le contrôle ou en la possession du demandeur ou de son avocate;

•     au demandeur et à son avocate de détruire les notes qui se trouvent en leur possession ou sous leur contrôle et qui se rapportent aux passages expurgés des documents contestés.

4.         ORDONNE que les documents contestés non expurgés qui se trouvent présentement dans une enveloppe scellée déposée à la Cour et qui ont été versés au dossier de la Cour soient retournés par le greffe à l’avocat du ministre;

5.         DÉCLARE qu’aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

M. Sellathurai interjette maintenant appel de cette ordonnance.

 

La décision de la Cour fédérale

[3]        La juge a formulé comme suit les questions qui lui ont été soumises :

 

1.         La Cour fédérale a-t-elle compétence pour examiner la présente requête et accorder la mesure sollicitée par le ministre au titre de l’article 87 de la Loi?

 

2.         La requête présentée par le ministre en vue d’obtenir la restitution des documents contestés devrait-elle être accueillie?

 

a)         Les documents en question font-ils l’objet d’un privilège fondé sur la sécurité nationale?

b)         Le ministre a-t-il renoncé au privilège fondé sur la sécurité nationale en ce qui concerne les documents contestés?

c)         Le privilège fondé sur la sécurité nationale constitue-t-il une exception au « principe de la publicité des débats judiciaires »?

 

3.         La Cour devrait-elle désigner, au titre de l’article 87.1 de la Loi, un avocat spécial chargé de défendre les intérêts du demandeur?

 

[4]        Après avoir examiné les faits pertinents, la juge a analysé la première question : la Cour fédérale a-t-elle compétence pour juger la présente requête présentée au titre de l’article 87 de la Loi? À son avis, aucune partie n’a contesté la compétence de la Cour fédérale à l'égard de la requête, de sorte que la véritable question en litige est celle de savoir s’il convient de l’examiner au titre de l’article 87 de la Loi ou de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 (Loi sur la preuve).

 

[5]        La juge a reconnu l’importance d’empêcher la divulgation de renseignements sensibles ainsi que l'intérêt pour la Couronne de récupérer les documents sensibles qui ont été accidentellement communiqués. La question était de savoir comment il convenait d’agir à l’égard de la divulgation accidentelle de ce genre de documents, eu égard aux circonstances de l’affaire.

 

[6]        La juge a écarté l’argument de M. Sellathurai selon lequel la Cour fédérale était tenue d’aborder cette question sous le régime de l’article 38 de la Loi sur la preuve. Lorsqu’une autre loi prévoit un régime législatif applicable aux documents secrets dans le contexte d’un type d’instance particulier, c’est ce régime qui prévaut. Or la Loi prévoit un tel régime dans la présente affaire. Si l’article 38 de la Loi sur la preuve était applicable, l’article 87 de la Loi serait alors redondant. C’est pourquoi la juge a conclu que l’article 87 de la Loi était applicable à cette affaire, et non pas l’article 38 de la Loi sur la preuve.

 

[7]        La juge a alors passé à l’examen de l’article 87 de la Loi. Elle a écarté l’argument de M. Sellathurai selon lequel la requête du ministre ne faisait pas partie d’une instance de contrôle judiciaire en cours, comme l’exigent les termes de cette disposition. Elle a exposé ainsi son raisonnement, au paragraphe 27 :

Par ses propres actes, [M. Sellathurai] a, en sollicitant la suspension de l’audience de la [Section de l’immigration] et l’ajournement de l’instance en contrôle judiciaire, inextricablement lié la demande de dispense ministérielle au contrôle judiciaire de la décision interlocutoire de la Section de l’immigration. En conséquence, il n’y a guère de doute dans mon esprit que les documents divulgués dans le contexte de la demande de dispense ministérielle se rapporteront à la demande de contrôle judiciaire lorsqu’elle sera entendue, en supposant qu’elle le soit. Il s’ensuit que, bien que les documents contestés aient été divulgués en réponse à la demande de dispense ministérielle, cette divulgation fait partie de l’essence même de la demande de contrôle judiciaire qui a été ajournée sine die.

 

[8]        Elle a également estimé que, même si les documents contestés n’entraient pas directement dans le cadre de l’instance en contrôle judiciaire qui était ajournée, le résultat serait le même puisque les documents avaient été divulgués relativement à une question relevant de la Loi, à savoir la demande de dispense ministérielle présentée au titre du paragraphe 34(2). Par conséquent, l’article 4 des Règles des Cours fédérales « comblerait la lacune » et permettrait à la Cour d’adopter, par analogie, la procédure de l’article 87. « En résumé, a dit la juge, je conclus que la Cour fédérale a compétence pour juger la présente requête, directement ou par analogie, en vertu de l’article 87 de la LIPR. »

 

[9]        La juge a alors examiné la question suivante : la Cour devrait-elle accueillir la requête du ministre en restitution des documents? Après avoir examiné les documents et l’affidavit confidentiel, elle a conclu que les renseignements contenus dans la divulgation initiale, mais expurgés dans les documents fournis par la suite conformément à la directive du juge Hughes, étaient visés par le privilège fondé sur la sécurité nationale. Elle a également conclu que la divulgation n'emportait pas renonciation au privilège, étant donné que cette divulgation avait été accidentelle. La divulgation commise par erreur n’a pas fait disparaître l’intérêt national qu'il y avait à empêcher la diffusion de ces renseignements.

 

[10]      La juge a ensuite examiné la dernière question : la Cour devrait-elle nommer un avocat spécial pour défendre les intérêts de M. Sellathurai? La juge a appliqué les facteurs utilisés précédemment dans les demandes de nomination d’un avocat spécial faites dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 87 de la Loi, tels qu’exposés dans Kanyamibwa c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 66, 360 F.T.R. 173, aux paragraphes 43 à 56. L’article 87.1 de la Loi habilite la Cour à nommer un avocat spécial, mais la juge a décidé de ne pas le faire pour plusieurs raisons :

•           elle avait déjà conclu que la divulgation des documents portait atteinte à la sécurité nationale;

 

•           le contrôle judiciaire de la décision du ministre de refuser d’accorder la dispense prévue au paragraphe 34(2) diffère de la décision judiciaire concernant le caractère raisonnable du certificat de sécurité et du contrôle judiciaire de la décision de détenir une personne visée par un certificat de sécurité;

 

•           le ministre n’avait pas encore décidé s’il y avait lieu d’accorder une dispense à M. Sellathurai, les renseignements étaient peu nombreux et on ne savait pas si le ministre se servirait des renseignements qu’il souhaitait protéger;

 

•           M. Sellathurai n’était pas exposé à un renvoi imminent et n’était pas détenu.

 

[11]      Enfin, aux paragraphes 54 à 56, la juge a considéré brièvement l'opportunité de certifier une question. L’avocate de M. Sellathurai a présenté ses observations sur cette question trois jours après le délai fixé par la juge, et a terminé en disant : [traduction] « Il n’y a donc pour le moment aucune question dont la certification est demandée. » La juge a par ailleurs estimé que les observations du ministre étaient vagues. Finalement, la juge n’a pas certifié de question, « compte tenu des circonstances particulières de la présente requête ».

 

[12]      Tel qu’exposé ci-dessus, la juge a ordonné que M. Sellathurai scelle et retourne les copies papier des documents non expurgés, détruise toutes copies électroniques se trouvant sous son contrôle ou en sa possession (ou sous le contrôle ou en la possession de son avocate) et détruise les notes concernant les parties expurgées des documents. Les copies des documents en la possession de la Cour devaient être remises à l’avocat du ministre.

Les questions en litige

[13]      Voici les questions qu’il y a lieu, à mon avis, de trancher dans le cadre du présent appel :

 

1.                  La Cour a-t-elle compétence pour statuer sur le présent appel?

2.                  Quelle est la norme de contrôle applicable aux autres questions en litige?

3.                  La juge a-t-elle commis une erreur en concluant que la Cour fédérale avait compétence pour examiner la requête, soit directement soit par analogie, au titre de l’article 87 de la Loi?

4.                  Si la Cour fédérale a commis une erreur en appliquant l’article 87 de la Loi, quelle était la procédure à suivre?

5.                  La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en concluant que les documents divulgués par inadvertance pouvaient être remis au ministre?

6.                  La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant la jurisprudence relative à la nomination d’un avocat spécial suivant les articles 87 et 87.1 de la Loi, ou en omettant d’examiner s’il était conforme à l’équité procédurale d’obliger M. Sellathurai à préparer sa réponse uniquement à partir de la version expurgée des documents lorsqu’il présentera ses observations à la Cour et au ministre?

 


Examen des questions en litige

1.         La Cour a-t-elle compétence pour statuer sur le présent appel?

[14]      L’intimé soutient que la juge a jugé avec raison que la Cour fédérale avait compétence en vertu de la Loi pour ordonner la remise des documents divulgués par inadvertance. Il s’ensuit, affirme l’intimé, qu’étant donné que la juge n’a pas certifié de question, le présent appel devrait être rejeté pour le motif que la Cour n’a pas compétence pour statuer sur l’appel. À titre subsidiaire, l’intimé affirme que, si la Cour estime que la juge avait compétence pour protéger les documents divulgués comme elle l’a fait, en l’absence de question certifiée, la Cour n’a pas compétence pour examiner [traduction] « les questions connexes soulevées par l’appelant concernant la façon dont la juge des demandes a exercé sa compétence » (paragraphe 31, mémoire de l’intimé).

 

[15]      Il est incontesté que, d’une façon générale, la Loi interdit les appels contre les décisions interlocutoires de la Cour fédérale (alinéa 72(2)e) de la Loi). La Loi interdit également les appels des décisions définitives de la Cour fédérale, à moins qu’au moment où il prononce le jugement, le juge de la Cour fédérale certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci (alinéa 74d) de la Loi). Cela dit, il est bien établi, selon la jurisprudence de la Cour, que ces clauses limitatives ne doivent pas recevoir une interprétation littérale. La Cour peut statuer sur un appel lorsqu’il est allégué que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur de compétence : Horne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 337, 414 N.R. 97, au paragraphe 4, citant Subhaschandran c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 27, [2005] 3 R.C.F. 255, au paragraphe 17, et Narvey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 235 N.R. 305 (C.A.F.).

 

[16]      À mon avis, le présent appel soulève effectivement une question de compétence. Il existe une incertitude réelle sur la question de savoir si la Cour fédérale avait compétence pour statuer sur la question de la divulgation accidentelle des documents au cours d’événements débouchant sur une décision au titre du paragraphe 34(2) de la Loi. La question centrale dans le présent appel commande de déterminer si la Loi, la Loi sur la preuve ou ni l'une ni l'autre ne donne compétence à la Cour fédérale pour examiner la divulgation accidentelle de documents par le ministre. Tant qu’il n’a pas été statué sur la compétence de la Cour fédérale à cet égard, sa compétence n’a pas été établie et le présent appel doit donc être entendu.

 

2.         Quelle est la norme de contrôle applicable aux autres questions en litige?

[17]      Il ne s’agit pas de l'appel d’une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, la norme de contrôle est celle qui est énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Les questions de droit doivent être examinées selon la norme de la décision correcte. Les questions de fait ou mixtes de fait et de droit sont examinées selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

 

[18]      Les questions 3, 4 et 6, énoncées au paragraphe 13 ci-dessus, soulèvent des questions de droit de sorte que les décisions afférentes de la juge doivent être examinées selon la norme de la décision correcte. La question 5 exigeait que la juge tire des conclusions mixtes de fait et de droit. En fin de compte toutefois, la juge a accordé une injonction en ordonnant que les trois documents soient remis au ministre. L’injonction est une réparation de nature discrétionnaire. L’ordonnance discrétionnaire rendue par un juge ne peut être modifiée en appel que dans le cas suivant :

[...] si elle [la Cour d’appel] conclut clairement que le juge de première instance n’a pas accordé suffisamment d’importance à des facteurs pertinents ou s’est fondé sur un mauvais principe de droit :  Elders Grain Co. c. Ralph Misener (The), 2005 CAF 139, au paragraphe 13. Notre Cour peut aussi annuler la décision discrétionnaire de l’instance inférieure lorsqu’elle est convaincue que le juge a mal apprécié les faits, ou encore qu’une injustice évidente serait autrement causée : Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc., 2005 CAF 50, 38 C.P.R. (4th) 1, au paragraphe 9.

 

Voir : Apotex Inc. c. Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CAF 374, 370 N.R. 336, au paragraphe 15.

 

3.                  La juge a-t-elle commis une erreur en concluant que la Cour fédérale avait compétence pour examiner la requête, soit directement soit par analogie, au titre de l’article 87 de la Loi?

 

[19]      Comme cela a été expliqué ci-dessus, la juge a conclu que l’article 38 de la Loi sur la preuve ne s’appliquait pas. Elle a par contre considéré que la divulgation touchait à l'essence même de la demande de contrôle judiciaire ajournée visant le refus de la Section de l’immigration d’ajourner l’enquête. Elle a donc estimé que l’article 87 de la Loi était applicable. À titre subsidiaire, si la divulgation ne pouvait être examinée dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire ajournée, la juge a décidé que les documents avaient été divulgués dans une affaire relevant de la Loi et que l’article 4 des Règles des Cours fédérales « comblait la lacune » et autorisait la Cour à adopter, par analogie, la procédure de l’article 87.

 

[20]      Pour les motifs qui suivent, j’estime que la juge a décidé avec raison que l’article 38 de la Loi sur la preuve ne s’appliquait pas dans cette affaire et que la Cour fédérale avait compétence. Je ne souscris pas toutefois à l’affirmation selon laquelle la source de la compétence de la Cour était l’article 87 de la Loi. À mon avis, comme cela est expliqué ci-dessous, la compétence de la Cour repose sur l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, et sur la compétence plénière qu’exerce la Cour fédérale en matière de divulgation dans les affaires d’immigration.

 

[21]      Je vais commencer par examiner la possibilité d’appliquer l’article 38 de la Loi sur la preuve, reproduit à l’annexe aux présents motifs. D’une façon générale, cette disposition prévoit un mécanisme pour la protection des renseignements lorsque, dans le cadre d’une instance, une personne est tenue de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements dont elle croit qu’il s’agit de renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables (paragraphes 38.01(1)) ou qui croit que de tels renseignements sont sur le point d’être divulgués (paragraphes 38.01(2) et (4)) ou peuvent l’être (paragraphe 38.01(3)). Dans de telles circonstances, une fois avisé de la façon appropriée, le procureur général du Canada peut demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance au sujet de la divulgation des renseignements faisant l'objet d'un avis donné au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4).

 

[22]      Cependant, tout comme l’article 39 de la Loi sur la preuve ne peut s’appliquer après la divulgation de renseignements sensibles (Babcock c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 57, [2002] 3 R.C.S. 3 au paragraphe 26), j’estime que l’article 38 ne peut s’appliquer comme mécanisme permettant de récupérer des renseignements déjà divulgués. Rien dans le texte de l’article 38 ne parle de son application après la divulgation des renseignements. Son libellé en limite en effet la portée à la divulgation future de renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables.

 

[23]      Pour ce qui est de la possibilité d’appliquer l’article 87 de la Loi, cet article dispose :

 

87. Le ministre peut, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, demander l’interdiction de la divulgation de renseignements et autres éléments de preuve. L’article 83 s’applique à l’instance, avec les adaptations nécessaires, sauf quant à l’obligation de nommer un avocat spécial et de fournir un résumé.

87. The Minister may, during a judicial review, apply for the non-disclosure of information or other evidence. Section 83 — other than the obligations to appoint a special advocate and to provide a summary — applies to the proceeding with any necessary modifications.

 

[24]      Selon le sens ordinaire de ce texte, l’article 87 s’applique uniquement dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire lorsque le ministre peut demander l’autorisation de ne pas divulguer des renseignements qui, si ce n’était de cette autorisation, devraient être produits (généralement parce qu’ils font partie du dossier certifié du tribunal). Ainsi, selon son sens courant, l’article 87 a pour objet d’empêcher la divulgation de ces renseignements. Il ne vise pas à créer un mécanisme permettant la récupération des renseignements une fois ceux-ci divulgués.

 

[25]      En outre, pour ce qui est de l’exigence selon laquelle il doit y avoir une demande de contrôle judiciaire pendante, il est incontesté qu’aucune demande de contrôle judiciaire n’a été déposée au sujet de la demande de dispense ministérielle pendante au titre du paragraphe 34(2) de la Loi. La juge a toutefois estimé qu’en obtenant le sursis de l’enquête et l’ajournement de la demande de contrôle judiciaire visant le refus de la Section de l’immigration d’ajourner l’enquête, M. Sellathurai avait « inextricablement lié » la demande du paragraphe 34(2) à la demande de contrôle judiciaire. C’est la raison pour laquelle elle a estimé que l’article 87 de la Loi trouvait application.

 

[26]      Encore une fois, je ne peux souscrire à ce raisonnement. Comme cela a été expliqué ci-dessus, l’article 87 s’applique à la divulgation prévue de renseignements se rapportant à une demande de contrôle judiciaire pendante. Le libellé de la version française de l’article 87 dit expressément que la demande de non-divulgation des renseignements ou d’autres preuves peut être faite « dans le cadre d’un contrôle judiciaire ».

 

[27]      En l’espèce, ce qui se rapportait à la demande de contrôle judiciaire pendante était les renseignements ou les preuves au sujet du bien-fondé du refus de la Section de l’immigration d’accorder un autre ajournement. Les renseignements en question qui ont été divulgués par inadvertance sont des renseignements qui se rapportent à la question de savoir si M. Sellathurai était interdit de territoire. Il n’est donc pas certain que les renseignements en cause se rapportent à la demande de contrôle judiciaire pendante. Plus précisément, rien dans la preuve n’indique que les renseignements divulgués par inadvertance dans le cadre de la demande de dispense ministérielle faisaient partie du dossier soumis à la Section de l’immigration et étaient donc susceptibles d’être produits dans le cadre du contrôle judiciaire du refus de l’ajournement.

 

[28]      L’article 87 vise uniquement à protéger les renseignements susceptibles d’être produits dans une demande de contrôle judiciaire pendante. Son lien avec un contrôle judiciaire futur, et peut-être connexe, n’est pas suffisant pour rendre l’article 87 applicable aux documents ou aux renseignements qui ne pourraient être autrement produits dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire pendante.

 

[29]      Avant d’en terminer avec l’article 87, il convient de mentionner brièvement l’article 4 des Règles des Cours fédérales, la règle dite des "lacunes". L’article 4 dispose :

4. En cas de silence des présentes règles ou des lois fédérales, la Cour peut, sur requête, déterminer la procédure applicable par analogie avec les présentes règles ou par renvoi à la pratique de la cour supérieure de la province qui est la plus pertinente en l’espèce.

4. On motion, the Court may provide for any procedural matter not provided for in these Rules or in an Act of Parliament by analogy to these Rules or by reference to the practice of the superior court of the province to which the subject-matter of the proceeding most closely relates.

 

[30]      La raison d’être de la règle 4 est de veiller à ce qu’il n’existe pas de lacunes sur le plan de la procédure. Ainsi, dans les affaires comme Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1310, [2007] 4 R.C.F. 300, la règle 4 a été appliquée pour combler une lacune dans les Règles en ce qui concerne le traitement des renseignements sensibles. Toutefois, dans ces affaires, il était manifeste que l’instance avait été correctement introduite devant la Cour fédérale et que celle-ci avait compétence (voir Mohammed aux paragraphes 18 à 20). Ce qui manquait, c’était un mécanisme procédural permettant de protéger les renseignements sensibles dans le cadre de l’instance. Toutefois, lorsque, comme en l'espèce, la compétence de la Cour fédérale est mise en doute, il est impossible de se fonder sur la règle 4 pour lui attribuer une compétence matérielle.

 

[31]      Après avoir examiné l’article 38 de la Loi sur la preuve et l’article 87 de la Loi, j’en arrive maintenant à l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales. Cet article énonce :

44. Indépendamment de toute autre forme de réparation qu’elle peut accorder, la Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale peut, dans tous les cas où il lui paraît juste ou opportun de le faire, décerner un mandamus, une injonction ou une ordonnance d’exécution intégrale, ou nommer un séquestre, soit sans condition, soit selon les modalités qu’elle juge équitables. [Non souligné dans l’original.]

44. In addition to any other relief that the Federal Court of Appeal or the Federal Court may grant or award, a mandamus, an injunction or an order for specific performance may be granted or a receiver appointed by that court in all cases in which it appears to the court to be just or convenient to do so. The order may be made either unconditionally or on any terms and conditions that the court considers just. [emphasis added]

 

[32]      Dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, la Cour suprême a examiné la portée de cette disposition. Les juges formant la majorité ont fait remarquer qu’en vertu des articles 3, 18 et 18.1 de ce qui est actuellement la Loi sur les Cours fédérales, la Cour fédérale est devenue « un tribunal de révision et d’appel siégeant au sommet de l’ensemble des décideurs administratifs qui exercent des pouvoirs conférés par différentes lois fédérales ». Au paragraphe 36, le juge Bastarache a écrit au nom de la Cour à la majorité :

36        Comme l’indique clairement le texte de la Loi sur la Cour fédérale et le confirme le rôle additionnel qui est confié à cette cour par d’autres lois fédérales, dans le présent cas la Loi sur les droits de la personne, le Parlement a voulu conférer à la Cour fédérale une compétence administrative générale sur les tribunaux administratifs fédéraux. Pour ce qui concerne son rôle de surveillance des décideurs administratifs, les pouvoirs confiés par une loi à la Cour fédérale à cet égard ne doivent pas être interprétés de façon restrictive. Cela signifie que, lorsqu’une question relève clairement de son rôle de surveillance d’un organisme administratif, ce qui inclut la prise de mesures provisoires visant à régir des différends dont l’issue finale est laissée au décideur administratif concerné, la Cour fédérale peut être considérée comme ayant plénitude de compétence.
[Non souligné dans l’original.]

 

[33]      La Cour à la majorité a conclu que, lorsque l’on combine ce qui était alors la Loi sur la Cour fédérale et la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, on constate que l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales vise à attribuer à la Cour fédérale le pouvoir d’accorder une injonction interlocutoire interdisant à une partie à une instance devant le Tribunal des droits de la personne de diffuser des messages susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes, sur la base d’un motif de distinction illicite.

 

[34]      En l’espèce, outre les articles 3, 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, le paragraphe 72(1) de la Loi confère un large pouvoir de surveillance à la Cour fédérale au sujet des questions découlant de la Loi. Selon les termes du paragraphe 72(1) :

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

[35]      La divulgation de renseignements à l’auteur d’une demande de dispense ministérielle qu’exigent les principes de l’équité procédurale, et le contrôle de cette divulgation, sont manifestement reliés à la compétence de la Cour fédérale de surveiller l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel d’accorder ou de refuser une dispense au titre du paragraphe 34(2) de la Loi. Il s’ensuit, comme dans l’arrêt Liberty Net, que la Cour fédérale a plénitude de compétence sur le processus de divulgation.

 

[36]      Dans Liberty Net, les juges majoritaires ont poursuivi en faisant remarquer qu’il doit exister « un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence » et que « le différend à l’égard duquel on plaide l’existence d’une compétence doit être principalement et essentiellement fondé sur des règles de droit fédérales » (paragraphe 43).

 

[37]      En l’espèce, cette exigence est remplie par l’existence d’un ensemble de règles de droit relatives au privilège fondé sur la sécurité nationale et à l’immunité fondée sur l’intérêt public, comme le montrent l’article 38 de la Loi sur la preuve, les dispositions de la Loi concernant la protection des renseignements dans le cas où la divulgation serait préjudiciable à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui et la Loi sur la protection de l’information, L.R.C. 1985, ch. O-5.

 

[38]      Pour conclure, j’estime que la Cour fédérale avait plénitude de compétence pour entendre et trancher la requête en injonction du ministre. La source de cette compétence était l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales et la compétence plénière de la Cour fédérale en matière de divulgation dans les affaires d’immigration. Étant donné que le pouvoir qu’a la Cour fédérale d’ordonner la remise des documents découle de l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales, les dispositions limitatives des alinéas 72(2)e) et 74d) de la Loi ne s’appliquent pas. Il n’était donc pas nécessaire qu’une question soit certifiée pour que le présent appel soit correctement introduit et pour que la Cour puisse examiner les questions soulevées par l’appelant dans la présente affaire.

 

4.         Si la Cour fédérale a commis une erreur en appliquant l’article 87 de la Loi, quelle était la procédure à suivre?

 

[39]      Étant donné que la compétence de la Cour fédérale n’était pas fondée directement ou indirectement sur l’article 87 de la Loi, elle possédait cette compétence qu’une demande de contrôle judiciaire connexe ait été pendante ou non devant la Cour fédérale. Que des instances connexes aient déjà été introduites ou non, j’estime que la procédure appropriée à suivre était celle qui a été suivie par le demandeur dans Liberty Net. Ce que l’on appelle maintenant un avis de demande aurait dû être déposé pour demander une injonction et la demande aurait dû être étayée par des preuves par affidavit appropriées.

 

[40]      En l’espèce, le ministre a procédé par avis de requête déposé dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire pendante concernant la décision de la Section de l’immigration. À mon avis, cette façon de faire n’était pas fatale à la présente demande. L’avis de requête divulguait tous les motifs invoqués par le ministre et renvoyait à l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales. La requête était appuyée par des preuves par affidavit appropriées. L’inobservation des Règles des Cours fédérales n’entache pas de nullité l’instance ou une mesure prise dans l’instance (règle 56).

5.         La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les documents divulgués par inadvertance pouvaient être remis au ministre?

 

[41]      Le ministre sollicitait, dans sa requête une injonction, principalement la remise des trois documents communiqués à M. Sellathurai qui contenaient apparemment des renseignements visés par un privilège fondé sur la sécurité nationale. Le ministre sollicitait également une mesure connexe, à savoir la destruction de toutes copies des trois documents ainsi que des notes concernant le contenu des renseignements privilégiés. L’avocate de M. Sellathurai a fait savoir qu’elle n’avait pas fait de copies de ces documents et rien n’indique que des notes aient été prises au sujet du contenu des documents. Par conséquent, dans le cadre du présent appel, la contestation porte uniquement sur l’ordonnance de remise des documents au ministre. M. Sellathurai soutient qu’il n’existe pas de disposition législative autorisant la Cour à ordonner le rappel de documents déjà divulgués.

 

[42]      Pour les motifs ci-dessus, j’estime que la Cour fédérale avait compétence pour accorder une injonction ordonnant la remise des trois documents. Il s’agit maintenant de savoir si la juge a commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a ainsi ordonné la remise des trois documents.

 

[43]      Après examen des dossiers de requête, j’estime que M. Sellathurai n’a pas sérieusement contesté devant la Cour fédérale la prétention du ministre selon laquelle une partie des renseignements contenus dans les trois documents étaient des renseignements visés par un privilège fondé sur la sécurité nationale. Il n’a pas non plus sérieusement contesté le fait que les renseignements avaient été divulgués par inadvertance.

[44]      Devant la Cour, l’avocate de M. Sellathurai a reconnu très franchement qu’au moins une partie des trois documents contenait des renseignements visés par un privilège fondé sur la sécurité nationale. J’ai lu les documents et je souscris à cette caractérisation. En outre, en me fondant sur le contenu des documents, j’accepte sans aucune réserve les preuves indiquant que le ministre a divulgué ces documents par inadvertance.

 

[45]      La juge a conclu, d’après les preuves présentées, que la divulgation accidentelle des trois documents n’emportait pas renonciation au privilège fondé sur la sécurité nationale protégeant certaines parties de ces documents. Cette conclusion n’a pas été contestée en appel.

 

[46]      Tous ces facteurs militent en faveur de l’octroi d’une injonction. Cependant, l’ordonnance de remise des documents avait pour conséquence de laisser à l’avocate de M. Sellathurai la possession des versions expurgées des documents en cause. L’avocate ne pouvait ainsi présenter des observations à la Cour et au ministre qu’en se fondant sur les documents expurgés. J’examine plus loin la question de savoir si la juge a commis une erreur en obligeant M. Sellathurai à préparer sa réponse uniquement à partir des rapports expurgés par le Service canadien du renseignement de sécurité, en ordonnant le retour des documents et en approuvant les versions expurgées remises à leur place. J’examine également la question de savoir si la juge a commis une erreur en se fondant sur la jurisprudence relative aux articles 87 et 87.1 de la Loi pour refuser de nommer un avocat spécial ou un amicus curie.

 

 

6.         La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant la jurisprudence relative à la nomination de l’avocat spécial au titre des articles 87 et 87.1 de la Loi, ou en omettant de considérer s’il était conforme à l’équité procédurale d’obliger M. Sellathurai à préparer des observations destinées à la Cour et au ministre uniquement à partir de la version expurgée des documents?

 

[47]      M. Sellathurai a soutenu ce qui suit devant la Cour fédérale :

 

1.                  La revendication par le ministre d’un privilège fondé sur la sécurité nationale est trop large. Il affirme qu’une partie des renseignements que le ministre souhaite expurger avaient déjà été divulgués dans le cadre d’une instance d’immigration.

2.                  Il était inéquitable d’expurger les documents dans la mesure où ceux-ci donnaient une impression déformée de la preuve qui pesait contre lui. Son avocate ne pouvait préparer les observations destinées au ministre qu’en se fondant sur les documents expurgés.

3.                  Même si l’existence d’un privilège fondé sur la sécurité nationale était établie, la loi n’exige pas systématiquement la restitution des documents divulgués par inadvertance. La décision de la Cour fédérale Khadr c. Canada (Procureur général), 2008 CF 549, 329 F.T.R. 80 a été invoquée. Dans cette affaire, dans le contexte d’une demande présentée en vertu de l’article 38 de la Loi sur la preuve, la Cour a écrit ce qui suit au paragraphe 118 :

118       Je ne vois cependant aucune raison pratique d’exiger maintenant des avocats du demandeur qu’ils détruisent ou retournent les copies des documents non expurgés qui ont été divulgués par inadvertance. Ces documents sont en leur possession depuis plus d’un an sans qu’aucun préjudice n’ait, de toute évidence, été causé aux intérêts nationaux protégés. Je pense qu’il est suffisant que les renseignements ne soient pas de nouveau divulgués. Certains renseignements figurant sur la liste des documents divulgués par inadvertance pourraient, selon l’avocat du demandeur, aider son client. Ces détails figurent dans le résumé qui doit être remis aux avocats et qui pourrait être utilisé dans le cadre de la procédure d’extradition. [Non souligné dans l’original.]

 

 

4.                  Vu la portée excessive de la revendication de privilège fondé sur la sécurité nationale, il était essentiel qu’un avocat spécial ou un amicus curiae soit nommé pour réfuter les preuves et de répondre aux observations présentées in camera et ex parte.

 

[48]      Comme elle l’a indiqué dans ses motifs, la juge a estimé qu’elle pouvait, sans l’aide d’un avocat spécial ou d’un amicus, examiner les trois documents et statuer sur la revendication d’un privilège fondé sur la sécurité nationale et le caractère approprié de l’expurgation des documents. En fait, son pouvoir de le faire et sa conclusion selon laquelle « la divulgation des documents contestés non expurgés était susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale » est l’un des motifs qui l’ont amenée à conclure que l’équité procédurale n’exigeait pas la nomination d’un avocat spécial (ou d’un amicus) pour défendre les intérêts de M. Sellathurai.

 

[49]      Après avoir conclu que les renseignements contenus dans les trois documents étaient visés par un privilège fondé sur la sécurité nationale, la juge a ordonné le retour des documents. Elle n’a pas, dans ses motifs, examiné l’argument de M. Sellathurai selon lequel même dans l’hypothèse de l’existence d’un privilège fondé sur la sécurité nationale, la Cour avait le pouvoir discrétionnaire d’autoriser l’utilisation partielle des renseignements déjà divulgués à son avocate. La juge n’a donc pas recherché si l’équité procédurale exigeait que l’avocate de M. Sellathurai puisse faire un usage limité des renseignements antérieurement divulgués, par exemple en présentant des observations confidentielles et non publiques à la Cour ou au ministre. La juge a rejeté la demande de nomination d’un amicus curiae ou d’un avocat spécial présenté par M. Sellathurai en appliquant les facteurs pertinents pour l’analyse relative aux articles 87 et 87.1 de la Loi.

 

[50]      Voici les trois principales questions d’équité procédurale que soulèvent les faits du présent appel :

 

1.         la façon dont la juge a analysé la question de la nomination d’un avocat spécial ou d’un amicus curiae;

2.         l’emploi, le cas échéant, que M. Sellathurai ou son avocate aurait pu faire des renseignements qui leur avaient été divulgués par inadvertance;

3.         l’ampleur de l’expurgation dont ont fait l’objet les trois documents pertinents.

 

[51]      S’agissant d’abord de la première question de l’avocat spécial ou de l’amicus curiae, étant donné que l’article 87 de la Loi ne s’appliquait pas en l’occurrence, la nomination d’un avocat spécial n’était fondée sur aucune règle de droit. Ce rôle est la création du législateur et seules les circonstances prévues par la Loi peuvent donner lieu à la nomination d’un avocat spécial. Il était toutefois loisible à la juge de nommer un amicus curiae si elle était persuadée qu’une telle nomination était nécessaire pour aider la Cour à effectuer une analyse complète et équitable des questions liées à l’équité procédurale (Khadr c. Canada (Procureur général), 2008 CF 46, [2008] 3 R.C.F. 306, au paragraphe 19, citant Liberty Net à la page 641).

 

[52]      Comme cela a été noté ci-dessus, la juge a rejeté la demande de nomination d’un amicus curiae en appliquant les facteurs relatifs à la nomination d’un avocat spécial. Plus précisément, la juge a considéré qu’elle avait déjà conclu que la divulgation des documents serait préjudiciable à la sécurité nationale; la demande de dispense ministérielle différait par sa nature même des instances relatives aux certificats de sécurité et à l’examen de la détention; M. Sellathurai n’était ni détenu ni n’était exposé à un renvoi imminente; le ministre n’avait pas encore rendu sa décision de sorte qu’il n’était pas certain qu’il se fonderait sur les renseignements expurgés.

 

[53]      Compte tenu des circonstances uniques soumises à la Cour, j’estime que lorsque la juge a rejeté la demande de nomination d’un amicus pour ce motif, elle a commis une erreur de droit. Comme cela est expliqué plus loin, la juge a ainsi omis de prendre en compte le fait qu’en l’occurrence les renseignements visés par le privilège fondé sur la sécurité nationale avaient déjà été divulgués à M. Sellathurai. Ce fait permettait de distinguer la présente affaire de la jurisprudence invoquée par la juge.

 

[54]      L’ordonnance de remise des documents fournis initialement par le ministre et leur remplacement par des documents expurgés ont empêché l’avocate de M. Sellathurai de présenter des observations à la Cour et au ministre fondées sur les renseignements non expurgés, à la fois pour des raisons pratiques ─ l’absence de documents non expurgés ─ et en raison de l’interdiction de divulguer les renseignements protégés par le privilège fondé sur la sécurité nationale. En outre, ayant déjà pris connaissance des renseignements privilégiés, l’avocate de M. Sellathurai a ainsi vu limiter sa capacité de répondre aux documents expurgés. Elle ne pouvait plus faire des hypothèses au sujet du contenu des expurgations et formuler ensuite des observations concernant le contenu imputé des expurgations.

 

[55]      Dans les circonstances, la nomination d’un amicus, lequel aurait peut-être été autorisé à parler à l’avocate de M. Sellathurai avant de consulter les renseignements privilégiés, aurait permis à celui-ci de se fonder sur le dossier confidentiel pour présenter des observations relatives aux préoccupations de M. Sellathurai. C’était là un facteur pertinent dont la juge aurait dû tenir compte et que n’aborde pas la jurisprudence sur laquelle elle s’est appuyée pour refuser la nomination d’un amicus.

 

[56]      S’agissant des autres questions touchant l’équité, étant donné que la juge ne s’est pas penchée sur l’utilisation, le cas échéant, que M. Sellathurai et son avocate auraient pu faire des renseignements privilégiés dans le cadre du présent appel, il n’appartient pas à notre Cour de trancher cette question au fond. En fait, si notre Cour estime que les préoccupations de M. Sellathurai en matière d’équité sont le moindrement justifiées, elle doit renvoyer cette question à la Cour fédérale pour examen.

 

[57]      Pour les motifs qui suivent, j’estime que les préoccupations soulevées par M. Sellathurai semblaient justifiées. Par conséquent, j’estime que la juge a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas examiné l’argument de M. Sellathurai selon lequel, vu les circonstances, l’équité exigeait que son avocate puisse faire un usage ne serait-ce que limité des renseignements divulgués par inadvertance par le ministre. Le fait de demander à l’avocate de présenter des observations uniquement fondées sur le dossier expurgé a eu pour effet de restreindre la capacité de celle-ci de soutenir que les expurgations proposées par le ministre étaient trop larges et qu’une partie des renseignements expurgés avaient déjà été divulgués dans le cadre d’autres instances. Comment M. Sellathurai aurait-il pu établir que la revendication du privilège fondé sur la sécurité nationale était excessive après que le juge Hughes eut ordonné leur remise à la Cour? Outre la difficulté que pose la récupération de ces trois documents entre les mains de son avocate, pour montrer que les renseignements maintenant expurgés avaient déjà été divulgués, lui et son avocate auraient été obligés d’en révéler la nature. Également, le fait de limiter l’avocate aux renseignements expurgés a encore restreint la capacité de M. Sellathurai de présenter subséquemment d’autres observations au ministre sur le fondement de l’ensemble du dossier.

 

[58]      Dans ces circonstances, la juge était tenue d’examiner les observations de M. Sellathurai selon lesquelles son avocate devait être autorisée à utiliser de quelque façon les renseignements confidentiels. Il était prématuré que la juge ordonne le retour des documents avant d’avoir pris ces observations en compte.

 

[59]      Pour ces motifs, j’ai conclu que la juge a commis une erreur en ne tenant pas compte des circonstances particulières de l’affaire lorsqu’elle s’est prononcée sur la demande de nomination d’un amicus curiae par M. Sellathurai et en omettant d’examiner dans quelle mesure, le cas échéant, M. Sellathurai pouvait utiliser les renseignements qui lui avaient été divulgués.

 

[60]      Je tiens toutefois à souligner qu’aucun aspect des présents motifs ne doit être interprété comme si l’équité exigeait la nomination d’un amicus curiae, que les expurgations soient réduites ou que l’avocate de M. Sellathurai soit autorisée à faire un emploi limité des renseignements visés par le privilège fondé sur la sécurité nationale. J’estime simplement que la juge était légalement tenue de prendre en considération les questions d’équité soulevées par M. Sellathurai.

 

Conclusion

[61]      J’arrive à la même conclusion que la juge au sujet du pouvoir de la Cour fédérale de rendre l’ordonnance en question, mais pour des motifs différents.

 

[62]      Toutefois, je conclus qu’il convient de prendre en considération la demande de nomination d’un amicus curiae et d’octroi d’une réparation appropriée compte tenu du fait que les renseignements ont été divulgués.

 

[63]      Pour ces motifs, je ferais droit à l’appel dans la mesure limitée qui consiste à renvoyer l’affaire à la juge Snider, ou à un autre juge désigné de la Cour fédérale (selon ce que décidera le juge en chef de la Cour fédérale), aux fins d’examiner si, dans les circonstances, il y aurait lieu de nommer un amicus curiae pour aider la Cour et de préciser, le cas échéant, la réparation qu’exige l’application des principes d’équité procédurale en raison de la divulgation accidentelle à M. Sellathurai de trois documents contenant des renseignements privilégiés.

 

[64]      À tous autres égards, je rejetterais l’appel.

 

Postscript

[65]      Dans une lettre datée du 13 mai 2011, l’avocat du ministre demande [traduction] « la remise de ce document secret suivant le prononcé d’un jugement dans le dossier d’appel susmentionné, conformément à la procédure habituelle du greffe dans ce genre d’affaire ».

 

[66]      L’avocat demande que l’affidavit confidentiel déposé ex parte à la Cour fédérale à l’appui de la revendication d’un privilège fondé sur la sécurité nationale lui soit retourné.

 

 

 

 

 

 

 

 

[67]      L’affidavit en question est très semblable à celui qui est déposé à l’appui d’une demande présentée au titre de l’article 87 de la Loi. Il n’existe pas à ma connaissance de pratique voulant que ce genre d’affidavit soit retourné au ministre; une telle pratique ne serait pas conforme aux articles 3 et 4 de la Loi sur les Cours fédérales qui établissent notre Cour et la Cour fédérale comme des cours supérieures d’archives. L’affidavit ne sera pas retourné. Il fait partie du dossier confidentiel de la Cour fédérale.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Gilles Létourneau j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            David Stratas j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


ANNEXE

 

            L’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada dispose :

 

38. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 38.01 à 38.15.

 

« instance »

“proceeding”

 

« instance » Procédure devant un tribunal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de contraindre la production de renseignements.

 

« juge »

“judge”

 

« juge » Le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de ce tribunal désigné par le juge en chef pour statuer sur les questions dont est saisi le tribunal en application de l'article 38.04.

 

« participant »

“participant”

 

 

« participant » Personne qui, dans le cadre d’une instance, est tenue de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements.

 

 

« poursuivant »

“prosecutor”

 

« poursuivant » Représentant du procureur général du Canada ou du procureur général d’une province, particulier qui agit à titre de poursuivant dans le cadre d’une instance ou le directeur des poursuites militaires, au sens de la Loi sur la défense nationale.

 

« renseignements potentiellement préjudiciables »

“potentially injurious information”

 

« renseignements potentiellement préjudiciables » Les renseignements qui, s’ils sont divulgués, sont susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

 

 

« renseignements sensibles »

“sensitive information”

 

« renseignements sensibles » Les renseignements, en provenance du Canada ou de l’étranger, qui concernent les affaires internationales ou la défense ou la sécurité nationales, qui se trouvent en la possession du gouvernement du Canada et qui sont du type des renseignements à l’égard desquels celui-ci prend des mesures de protection.

 

Avis au procureur général du Canada

 

38.01 (1) Tout participant qui, dans le cadre d’une instance, est tenu de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements dont il croit qu’il s’agit de renseignements sensibles ou de renseignements potentiellement préjudiciables est tenu d’aviser par écrit, dès que possible, le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation et de préciser dans l’avis la nature, la date et le lieu de l’instance.

 

Au cours d’une instance

 

(2) Tout participant qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables sont sur le point d’être divulgués par lui ou par une autre personne au cours d’une instance est tenu de soulever la question devant la personne qui préside l’instance et d’aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l’objet de l’avis prévu au paragraphe (1). Le cas échéant, la personne qui préside l’instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

 

Avis par un fonctionnaire

 

(3) Le fonctionnaire — à l’exclusion d’un participant — qui croit que peuvent être divulgués dans le cadre d’une instance des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables peut aviser par écrit le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation; le cas échéant, l’avis précise la nature, la date et le lieu de l’instance.

 

Au cours d’une instance

 

(4) Le fonctionnaire — à l’exclusion d’un participant — qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables sont sur le point d’être divulgués au cours d’une instance peut soulever la question devant la personne qui préside l’instance; le cas échéant, il est tenu d’aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l’objet de l’avis prévu au paragraphe (3) et la personne qui préside l’instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

 

Instances militaires

 

(5) Dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, les avis prévus à l’un des paragraphes (1) à (4) sont donnés à la fois au procureur général du Canada et au ministre de la Défense nationale.

 

Exception

 

(6) Le présent article ne s’applique pas :

a) à la communication de renseignements par une personne à son avocat dans le cadre d’une instance, si ceux-ci concernent l’instance;

b) aux renseignements communiqués dans le cadre de l’exercice des attributions du procureur général du Canada, du ministre de la Défense nationale, du juge ou d’un tribunal d’appel ou d’examen au titre de l’article 38, du présent article, des articles 38.02 à 38.13 ou des articles 38.15 ou 38.16;

c) aux renseignements dont la divulgation est autorisée par l’institution fédérale qui les a produits ou pour laquelle ils ont été produits ou, dans le cas où ils n’ont pas été produits par ou pour une institution fédérale, par la première institution fédérale à les avoir reçus;

d) aux renseignements divulgués auprès de toute entité mentionnée à l’annexe et, le cas échéant, à une application figurant en regard d’une telle entité.

 

Exception

 

(7) Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent pas au participant si une institution gouvernementale visée à l’alinéa (6)c) l’informe qu’il n’est pas nécessaire, afin d’éviter la divulgation des renseignements visés à cet alinéa, de donner un avis au procureur général du Canada au titre du paragraphe (1) ou de soulever la question devant la personne présidant une instance au titre du paragraphe (2).

 

Annexe

 

(8) Le gouverneur en conseil peut, par décret, ajouter, modifier ou supprimer la mention, à l’annexe, d’une entité ou d’une application figurant en regard d’une telle entité.

 

Interdiction de divulgation

 

38.02 (1) Sous réserve du paragraphe 38.01(6), nul ne peut divulguer, dans le cadre d’une instance :

a) les renseignements qui font l’objet d’un avis donné au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4);

b) le fait qu’un avis est donné au procureur général du Canada au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4), ou à ce dernier et au ministre de la Défense nationale au titre du paragraphe 38.01(5);

c) le fait qu'une demande a été présentée à la Cour fédérale au titre de l’article 38.04, qu'il a été interjeté appel d'une ordonnance rendue au titre de l'un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à une telle demande ou qu'une telle ordonnance a été renvoyée pour examen;

d) le fait qu’un accord a été conclu au titre de l’article 38.031 ou du paragraphe 38.04(6).

 

Entités

 

(1.1) Dans le cas où une entité mentionnée à l’annexe rend, dans le cadre d’une application qui y est mentionnée en regard de celle-ci, une décision ou une ordonnance qui entraînerait la divulgation de renseignements sensibles ou de renseignements potentiellement préjudiciables, elle ne peut les divulguer ou les faire divulguer avant que le procureur général du Canada ait été avisé de ce fait et qu’il se soit écoulé un délai de dix jours postérieur à l’avis.

 

Exceptions

 

(2) La divulgation des renseignements ou des faits visés au paragraphe (1) n’est pas interdite :

a) si le procureur général du Canada l’autorise par écrit au titre de l’article 38.03 ou par un accord conclu en application de l’article 38.031 ou du paragraphe 38.04(6);

b) si le juge l’autorise au titre de l’un des paragraphes 38.06(1) ou (2) et que le délai prévu ou accordé pour en appeler a expiré ou, en cas d’appel ou de renvoi pour examen, sa décision est confirmée et les recours en appel sont épuisés.

 

 

Autorisation de divulgation par le procureur général du Canada

 

38.03 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment, autoriser la divulgation de tout ou partie des renseignements ou des faits dont la divulgation est interdite par le paragraphe 38.02(1) et assortir son autorisation des conditions qu’il estime indiquées.

 

Instances militaires

 

(2) Dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, le procureur général du Canada ne peut autoriser la divulgation qu’avec l’assentiment du ministre de la Défense nationale.

 

Notification

 

(3) Dans les dix jours suivant la réception du premier avis donné au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4) relativement à des renseignements donnés, le procureur général du Canada notifie par écrit sa décision relative à la divulgation de ces renseignements à toutes les personnes qui ont donné un tel avis.

 

Accord de divulgation

 

38.031 (1) Le procureur général du Canada et la personne ayant donné l’avis prévu aux paragraphes 38.01(1) ou (2) qui n’a pas l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d’une instance, mais veut divulguer ou faire divulguer les renseignements qui ont fait l’objet de l’avis ou les faits visés aux alinéas 38.02(1) b) à d), peuvent, avant que cette personne présente une demande à la Cour fédérale au titre de l’alinéa 38.04(2)c), conclure un accord prévoyant la divulgation d’une partie des renseignements ou des faits ou leur divulgation assortie de conditions.

 

Exclusion de la demande à la Cour fédérale

(2) Si un accord est conclu, la personne ne peut présenter de demande à la Cour fédérale au titre de l’alinéa 38.04(2) c) relativement aux renseignements ayant fait l’objet de l’avis qu’elle a donné au procureur général du Canada au titre des paragraphes 38.01(1) ou (2).

 

Demande à la Cour fédérale : procureur général du Canada

 

38.04 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment et en toutes circonstances, demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance portant sur la divulgation de renseignements à l’égard desquels il a reçu un avis au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4).

 

 

Demande à la Cour fédérale : dispositions générales

 

(2) Si, en ce qui concerne des renseignements à l’égard desquels il a reçu un avis au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4), le procureur général du Canada n’a pas notifié sa décision à l’auteur de l’avis en conformité avec le paragraphe 38.03(3) ou, sauf par un accord conclu au titre de l’article 38.031, il a autorisé la divulgation d’une partie des renseignements ou a assorti de conditions son autorisation de divulgation :

a) il est tenu de demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements si la personne qui l’a avisé au titre des paragraphes 38.01(1) ou (2) est un témoin;

b) la personne — à l’exclusion d’un témoin — qui a l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d’une instance est tenue de demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements;

c) la personne qui n’a pas l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d’une instance, mais qui veut en divulguer ou en faire divulguer, peut demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements.

 

Notification du procureur général

 

(3) La personne qui présente une demande à la Cour fédérale au titre des alinéas (2)b) ou c) en notifie le procureur général du Canada.

 

Dossier du tribunal

 

(4) Toute demande présentée en application du présent article est confidentielle. Sous réserve de l’article 38.12, l’administrateur en chef du Service administratif des tribunaux peut prendre les mesures qu’il estime indiquées en vue d’assurer la confidentialité de la demande et des renseignements sur lesquels elle porte.

 

Procédure

 

(5) Dès que la Cour fédérale est saisie d’une demande présentée au titre du présent article, le juge :

a) entend les observations du procureur général du Canada — et du ministre de la Défense nationale dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale — sur l’identité des parties ou des témoins dont les intérêts sont touchés par l’interdiction de divulgation ou les conditions dont l’autorisation de divulgation est assortie et sur les personnes qui devraient être avisées de la tenue d’une audience;

b) décide s’il est nécessaire de tenir une audience;

c) s’il estime qu’une audience est nécessaire :

(i) spécifie les personnes qui devraient en être avisées,

(ii) ordonne au procureur général du Canada de les aviser,

(iii) détermine le contenu et les modalités de l’avis;

d)  s’il l’estime indiqué en l’espèce, peut donner à quiconque la possibilité de présenter des observations.

Accord de divulgation

 

(6) Après la saisine de la Cour fédérale d’une demande présentée au titre de l’alinéa (2)c) ou l’institution d’un appel ou le renvoi pour examen d’une ordonnance du juge rendue en vertu de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à cette demande, et avant qu’il soit disposé de l’appel ou de l’examen :

a) le procureur général du Canada peut conclure avec l’auteur de la demande un accord prévoyant la divulgation d’une partie des renseignements ou des faits visés aux alinéas 38.02(1)b) à d) ou leur divulgation assortie de conditions;

 

 

b) si un accord est conclu, le tribunal n’est plus saisi de la demande et il est mis fin à l’audience, à l’appel ou à l’examen.

 

Fin de l’examen judiciaire

 

 

(7) Sous réserve du paragraphe (6), si le procureur général du Canada autorise la divulgation de tout ou partie des renseignements ou supprime les conditions dont la divulgation est assortie après la saisine de la Cour fédérale aux termes du présent article et, en cas d’appel ou d’examen d’une ordonnance du juge rendue en vertu de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3), avant qu’il en soit disposé, le tribunal n’est plus saisi de la demande et il est mis fin à l’audience, à l’appel ou à l’examen à l’égard de tels des renseignements dont la divulgation est autorisée ou n’est plus assortie de conditions.

 

Rapport sur l’instance

 

38.05 Si la personne qui préside ou est désignée pour présider l’instance à laquelle est liée l’affaire ou, à défaut de désignation, la personne qui est habilitée à effectuer la désignation reçoit l’avis visé à l’alinéa 38.04(5)c), elle peut, dans les dix jours, fournir au juge un rapport sur toute question relative à l’instance qu’elle estime utile à celui-ci.

 

 

 

 

Ordonnance de divulgation

 

38.06 (1) Le juge peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements, sauf s’il conclut qu’elle porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

 

 

Divulgation modifiée

 

(2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu’il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d’un résumé de ceux-ci ou d’un aveu écrit des faits qui y sont liés.

 

Confirmation de l’interdiction

 

(3) Dans le cas où le juge n’autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (1) ou (2), il rend une ordonnance confirmant l’interdiction de divulgation.

 

Preuve

 

(3.1) Le juge peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime digne de foi et approprié — même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité — et peut fonder sa décision sur cet élément.

 

 

Admissibilité en prevue

 

(4) La personne qui veut faire admettre en preuve ce qui a fait l’objet d’une autorisation de divulgation prévue au paragraphe (2), mais qui ne pourra peut-être pas le faire à cause des règles d’admissibilité applicables à l’instance, peut demander à un juge de rendre une ordonnance autorisant la production en preuve des renseignements, du résumé ou de l’aveu dans la forme ou aux conditions que celui-ci détermine, dans la mesure où telle forme ou telles conditions sont conformes à l’ordonnance rendue au titre du paragraphe (2).

Facteurs pertinents

 

(5) Pour l’application du paragraphe (4), le juge prend en compte tous les facteurs qui seraient pertinents pour statuer sur l’admissibilité en preuve au cours de l’instance.

 

Avis de la decision

 

38.07 Le juge peut ordonner au procureur général du Canada d’aviser de l’ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) toute personne qui, de l’avis du juge, devrait être avisée.

 

Examen automatique

 

38.08 Si le juge conclut qu’une partie à l’instance dont les intérêts sont lésés par une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) n’a pas eu la possibilité de présenter ses observations au titre de l’alinéa 38.04(5)d), il renvoie l’ordonnance à la Cour d’appel fédérale pour examen.

 

Appel à la Cour d’appel fédérale

 

38.09 (1) Il peut être interjeté appel d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) devant la Cour d’appel fédérale.

 

Délai

 

(2) Le délai dans lequel l’appel peut être interjeté est de dix jours suivant la date de l’ordonnance frappée d’appel, mais la Cour d’appel fédérale peut le proroger si elle l’estime indiqué en l’espèce.

 

Délai de demande d’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada

 

38.1 Malgré toute autre loi fédérale :

 

a) le délai de demande d’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada est de dix jours suivant le jugement frappé d’appel, mais ce tribunal peut proroger le délai s’il l’estime indiqué en l’espèce;

 

 

 

b) dans les cas où l’autorisation est accordée, l’appel est interjeté conformément au paragraphe 60(1) de la Loi sur la Cour suprême, mais le délai qui s’applique est celui qu’a fixé la Cour suprême du Canada.

 

Règles spéciales

 

38.11 (1) Les audiences prévues au paragraphe 38.04(5) et l’audition de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) sont tenues à huis clos et, à la demande soit du procureur général du Canada, soit du ministre de la Défense nationale dans le cas des instances engagées sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, elles ont lieu dans la région de la capitale nationale définie à l’annexe de la Loi sur la capitale nationale.

 

 

 

 

Présentation d’arguments en l’absence d’autres parties

 

(2) Le juge saisi d’une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) donne au procureur général du Canada — et au ministre de la Défense nationale dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale — la possibilité de présenter ses observations en l’absence d’autres parties. Il peut en faire de même pour les personnes qu’il entend en application de l’alinéa 38.04(5)d).

 

Ordonnance de confidentialité

 

38.12 (1) Le juge saisi d’une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) peut rendre toute ordonnance qu’il estime indiquée en l’espèce en vue de protéger la confidentialité des renseignements sur lesquels porte l’audience, l’appel ou l’examen.

 

Dossier

 

(2) Le dossier ayant trait à l’audience, à l’appel ou à l’examen est confidentiel. Le juge ou le tribunal saisi peut ordonner qu’il soit placé sous scellé et gardé dans un lieu interdit au public.

 

 

 

Certificat du procureur général du Canada

 

38.13 (1) Le procureur général du Canada peut délivrer personnellement un certificat interdisant la divulgation de renseignements dans le cadre d’une instance dans le but de protéger soit des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité, soit la défense ou la sécurité nationales. La délivrance ne peut être effectuée qu’après la prise, au titre de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, d’une ordonnance ou d’une décision qui entraînerait la divulgation des renseignements devant faire l’objet du certificat.

 

Instances militaries

 

(2) Dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, le procureur général du Canada ne peut délivrer de certificat qu’avec l’assentiment du ministre de la Défense nationale donné personnellement par celui-ci.

 

Signification

 

(3) Le procureur général du Canada fait signifier une copie du certificat :

a) à la personne qui préside ou est désignée pour présider l’instance à laquelle sont liés les renseignements ou, à défaut de désignation, à la personne qui est habilitée à effectuer la désignation;

 

b) à toute partie à l’instance;

c) à toute personne qui donne l’avis prévu à l’article 38.01 dans le cadre de l’instance;

d) à toute personne qui, dans le cadre de l’instance, a l’obligation de divulguer ou pourrait divulguer ou faire divulguer les renseignements à l’égard desquels le procureur général du Canada a été avisé en application de l’article 38.01;

e) à toute partie aux procédures engagées en application du paragraphe 38.04(5) ou à l’appel d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) en ce qui concerne les renseignements;

f) au juge qui tient une audience en application du paragraphe 38.04(5) et à tout tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) en ce qui concerne les renseignements;

g) à toute autre personne à laquelle, de l’avis du procureur général du Canada, une copie du certificat devrait être signifiée.

 

Dépôt du certificate

 

(4) Le procureur général du Canada fait déposer une copie du certificat :

 

a) auprès de la personne responsable des dossiers relatifs à l’instance;

 

b) au greffe de la Cour fédérale et à celui de tout tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3).

 

Effet du certificate

 

(5) Une fois délivré, le certificat a pour effet, malgré toute autre disposition de la présente loi, d’interdire, selon ses termes, la divulgation des renseignements.

 

 

 

Exclusion

 

 

(6) La Loi sur les textes réglementaires ne s’applique pas aux certificats délivrés au titre du paragraphe (1).

 

Publication

 

(7) Dès que le certificat est délivré, le procureur général du Canada le fait publier dans la Gazette du Canada.

 

 

Restriction

 

(8) Le certificat ou toute question qui en découle n’est susceptible de révision, de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que sous le régime de l’article 38.131.

 

Durée de validité

 

(9) Le certificat expire à la fin d’une période de quinze ans à compter de la date de sa délivrance et peut être délivré de nouveau.

 

Demande de révision du certificate

 

38.131 (1) Toute partie à l’instance visée à l’article 38.13 peut demander à la Cour d’appel fédérale de rendre une ordonnance modifiant ou annulant un certificat délivré au titre de cet article pour les motifs mentionnés aux paragraphes (8) ou (9), selon le cas.

 

Notification du procureur général du Canada

 

(2) Le demandeur en avise le procureur général du Canada.

 

 

Instance militaire

 

(3) Dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, l’avis prévu au paragraphe (2) est donné à la fois au procureur général du Canada et au ministre de la Défense nationale.

 

Juge seul

 

(4) Par dérogation à l’article 16 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale est constituée d’un seul juge de ce tribunal pour l’étude de la demande.

 

Renseignements pertinents

 

(5) Pour l’étude de la demande, le juge peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime digne de foi et approprié — même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité — et peut se fonder sur cet élément pour rendre sa décision au titre de l’un des paragraphes (8) à (10).

 

Règles spéciales et ordonnance de confidentialité

 

(6) Les articles 38.11 et 38.12 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à la demande présentée au titre du paragraphe (1).

 

Traitement expéditif

 

(7) Le juge étudie la demande le plus tôt possible, mais au plus tard dans les dix jours suivant la présentation de la demande au titre du paragraphe (1).

 

 

Modification du certificate

 

(8) Si le juge estime qu’une partie des renseignements visés par le certificat ne porte pas sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité ni sur la défense ou la sécurité nationales, il modifie celui-ci en conséquence par ordonnance.

 

Révocation du certificate

 

(9) Si le juge estime qu’aucun renseignement visé par le certificat ne porte sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité, ni sur la défense ou la sécurité nationales, il révoque celui-ci par ordonnance.

 

 

Confirmation du certificate

 

(10) Si le juge estime que tous les renseignements visés par le certificat portent sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité, ou sur la défense ou la sécurité nationales, il confirme celui-ci par ordonnance.

 

Caractère définitif de la decision

 

(11) La décision du juge rendue au titre de l’un des paragraphes (8) à (10) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d’appel ni de révision judiciaire.

 

Publication

 

(12) Dès que possible après la décision du juge, le procureur général du Canada fait publier dans la Gazette du Canada, avec mention du certificat publié antérieurement :

 

 

 

a) le certificat modifié au titre du paragraphe (8);

b) un avis de la révocation d’un certificat au titre du paragraphe (9).

 

Protection du droit à un procès équitable

 

38.14 (1) La personne qui préside une instance criminelle peut rendre l’ordonnance qu’elle estime indiquée en l’espèce en vue de protéger le droit de l’accusé à un procès équitable, pourvu que telle ordonnance soit conforme à une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à cette instance, a une décision en appel ou découlant de l’examen ou au certificat délivré au titre de l’article 38.13.

 

Ordonnances éventuelles

 

(2) L’ordonnance rendue au titre du paragraphe (1) peut notamment :

 

a) annuler un chef d’accusation d’un acte d’accusation ou d’une dénonciation, ou autoriser l’instruction d’un chef d’accusation ou d’une dénonciation pour une infraction moins grave ou une infraction incluse;

b) ordonner l’arrêt des procédures;

 

c) être rendue à l’encontre de toute partie sur toute question liée aux renseignements dont la divulgation est interdite.

 

Fiat du procureur général du Canada

 

38.15 (1) Dans le cas où des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables peuvent être divulgués dans le cadre d’une poursuite qui n’est pas engagée par le procureur général du Canada ou pour son compte, il peut délivrer un fiat et le faire signifier au poursuivant.

 

 

 

 

 

Effet du fiat

 

(2) Le fiat établit la compétence exclusive du procureur général du Canada à l’égard de la poursuite qui y est mentionnée et des procédures qui y sont liées.

 

 

Dépôt auprès du juge ou du tribunal

 

(3) L’original ou un double du fiat est déposé devant le tribunal saisi de la poursuite — ou d’une autre procédure liée à celle-ci — engagée par le procureur général du Canada ou pour son compte.

 

 

Preuve

 

(4) Le fiat ou le double de celui-ci :

a) est une preuve concluante que le procureur général du Canada ou son délégué a compétence pour mener la poursuite qui y est mentionnée ou les procédures qui y sont liées;

b) est admissible en preuve sans qu’il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle du procureur général du Canada.

 

Instances militaries

 

(5) Le présent article ne s’applique pas aux instances engagées sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale.

 

Règlements

 

38.16 Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre les mesures qu’il estime nécessaires à l’application des articles 38 à 38.15, notamment régir les avis, certificats et fiat.

38. The following definitions apply in this section and in sections 38.01 to 38.15.

 

“judge”

« juge »

 

“judge” means the Chief Justice of the Federal Court or a judge of that Court designated by the Chief Justice to conduct hearings under section 38.04.

 

 

“participant”

« participant »

 

“participant” means a person who, in connection with a proceeding, is required to disclose, or expects to disclose or cause the disclosure of, information.

 

 

“potentially injurious information”

« renseignements potentiellement préjudiciables »

 

“potentially injurious information” means information of a type that, if it were disclosed to the public, could injure international relations or national defence or national security.

 

“proceeding”

« instance »

 

“proceeding” means a proceeding before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information.

 

 

 

 

 

“prosecutor”

« poursuivant »

 

 

“prosecutor” means an agent of the Attorney General of Canada or of the Attorney General of a province, the Director of Military Prosecutions under the National Defence Act or an individual who acts as a prosecutor in a proceeding.

 

“sensitive information”

« renseignements sensibles »

 

“sensitive information” means information relating to international relations or national defence or national security that is in the possession of the Government of Canada, whether originating from inside or outside Canada, and is of a type that the Government of Canada is taking measures to safeguard.

 

 

Notice to Attorney General of Canada

 

38.01 (1) Every participant who, in connection with a proceeding, is required to disclose, or expects to disclose or cause the disclosure of, information that the participant believes is sensitive information or potentially injurious information shall, as soon as possible, notify the Attorney General of Canada in writing of the possibility of the disclosure, and of the nature, date and place of the proceeding.

 

 

During a proceeding

 

(2) Every participant who believes that sensitive information or potentially injurious information is about to be disclosed, whether by the participant or another person, in the course of a proceeding shall raise the matter with the person presiding at the proceeding and notify the Attorney General of Canada in writing of the matter as soon as possible, whether or not notice has been given under subsection (1). In such circumstances, the person presiding at the proceeding shall ensure that the information is not disclosed other than in accordance with this Act.

 

 

Notice of disclosure from official

 

(3) An official, other than a participant, who believes that sensitive information or potentially injurious information may be disclosed in connection with a proceeding may notify the Attorney General of Canada in writing of the possibility of the disclosure, and of the nature, date and place of the proceeding.

 

 

 

During a proceeding

 

(4) An official, other than a participant, who believes that sensitive information or potentially injurious information is about to be disclosed in the course of a proceeding may raise the matter with the person presiding at the proceeding. If the official raises the matter, he or she shall notify the Attorney General of Canada in writing of the matter as soon as possible, whether or not notice has been given under subsection (3), and the person presiding at the proceeding shall ensure that the information is not disclosed other than in accordance with this Act.

 

 

 

Military proceedings

 

(5) In the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, notice under any of subsections (1) to (4) shall be given to both the Attorney General of Canada and the Minister of National Defence.

 

 

Exception

 

(6) This section does not apply when

 

(a) the information is disclosed by a person to their solicitor in connection with a proceeding, if the information is relevant to that proceeding;

 

(b) the information is disclosed to enable the Attorney General of Canada, the Minister of National Defence, a judge or a court hearing an appeal from, or a review of, an order of the judge to discharge their responsibilities under section 38, this section and sections 38.02 to 38.13, 38.15 and 38.16;

(c) disclosure of the information is authorized by the government institution in which or for which the information was produced or, if the information was not produced in or for a government institution, the government institution in which it was first received; or

(d) the information is disclosed to an entity and, where applicable, for a purpose listed in the schedule.

 

 

 

Exception

 

(7) Subsections (1) and (2) do not apply to a participant if a government institution referred to in paragraph (6)(c) advises the participant that it is not necessary, in order to prevent disclosure of the information referred to in that paragraph, to give notice to the Attorney General of Canada under subsection (1) or to raise the matter with the person presiding under subsection (2).

 

Schedule

 

(8) The Governor in Council may, by order, add to or delete from the schedule a reference to any entity or purpose, or amend such a reference.

 

 

Disclosure prohibited

 

38.02 (1) Subject to subsection 38.01(6), no person shall disclose in connection with a proceeding

(a) information about which notice is given under any of subsections 38.01(1) to (4);

(b) the fact that notice is given to the Attorney General of Canada under any of subsections 38.01(1) to (4), or to the Attorney General of Canada and the Minister of National Defence under subsection 38.01(5);

(c) the fact that an application is made to the Federal Court under section 38.04 or that an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) in connection with the application is instituted; or

 

(d) the fact that an agreement is entered into under section 38.031 or subsection 38.04(6).

 

Entities

 

(1.1) When an entity listed in the schedule, for any purpose listed there in relation to that entity, makes a decision or order that would result in the disclosure of sensitive information or potentially injurious information, the entity shall not disclose the information or cause it to be disclosed until notice of intention to disclose the information has been given to the Attorney General of Canada and a period of 10 days has elapsed after notice was given.

 

 

Exceptions

 

(2) Disclosure of the information or the facts referred to in subsection (1) is not prohibited if

(a) the Attorney General of Canada authorizes the disclosure in writing under section 38.03 or by agreement under section 38.031 or subsection 38.04(6); or

(b) a judge authorizes the disclosure under subsection 38.06(1) or (2) or a court hearing an appeal from, or a review of, the order of the judge authorizes the disclosure, and either the time provided to appeal the order or judgment has expired or no further appeal is available.

 

Authorization by Attorney General of Canada

 

38.03 (1) The Attorney General of Canada may, at any time and subject to any conditions that he or she considers appropriate, authorize the disclosure of all or part of the information and facts the disclosure of which is prohibited under subsection 38.02(1).

 

Military proceedings

 

(2) In the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, the Attorney General of Canada may authorize disclosure only with the agreement of the Minister of National Defence.

 

 

Notice

 

(3) The Attorney General of Canada shall, within 10 days after the day on which he or she first receives a notice about information under any of subsections 38.01(1) to (4), notify in writing every person who provided notice under section 38.01 about that information of his or her decision with respect to disclosure of the information.

Disclosure agreement

 

38.031 (1) The Attorney General of Canada and a person who has given notice under subsection 38.01(1) or (2) and is not required to disclose information but wishes, in connection with a proceeding, to disclose any facts referred to in paragraphs 38.02(1)(b) to (d) or information about which he or she gave the notice, or to cause that disclosure, may, before the person applies to the Federal Court under paragraph 38.04(2)(c), enter into an agreement that permits the disclosure of part of the facts or information or disclosure of the facts or information subject to conditions.

 

No application to Federal Court

 

(2) If an agreement is entered into under subsection (1), the person may not apply to the Federal Court under paragraph 38.04(2)(c) with respect to the information about which he or she gave notice to the Attorney General of Canada under subsection 38.01(1) or (2).

 

Application to Federal Court — Attorney General of Canada

 

38.04 (1) The Attorney General of Canada may, at any time and in any circumstances, apply to the Federal Court for an order with respect to the disclosure of information about which notice was given under any of subsections 38.01(1) to (4).

 

 

 

Application to Federal Court — general

 

(2) If, with respect to information about which notice was given under any of subsections 38.01(1) to (4), the Attorney General of Canada does not provide notice of a decision in accordance with subsection 38.03(3) or, other than by an agreement under section 38.031, authorizes the disclosure of only part of the information or disclosure subject to any conditions,

 

 

(a) the Attorney General of Canada shall apply to the Federal Court for an order with respect to disclosure of the information if a person who gave notice under subsection 38.01(1) or (2) is a witness;

(b) a person, other than a witness, who is required to disclose information in connection with a proceeding shall apply to the Federal Court for an order with respect to disclosure of the information; and

 

(c) a person who is not required to disclose information in connection with a proceeding but who wishes to disclose it or to cause its disclosure may apply to the Federal Court for an order with respect to disclosure of the information.

 

Notice to Attorney General of Canada

 

(3) A person who applies to the Federal Court under paragraph (2)(b) or (c) shall provide notice of the application to the Attorney General of Canada.

Court records

 

(4) An application under this section is confidential. Subject to section 38.12, the Chief Administrator of the Courts Administration Service may take any measure that he or she considers appropriate to protect the confidentiality of the application and the information to which it relates.

 

 

 

Procedure

 

(5) As soon as the Federal Court is seized of an application under this section, the judge

(a) shall hear the representations of the Attorney General of Canada and, in the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, the Minister of National Defence, concerning the identity of all parties or witnesses whose interests may be affected by either the prohibition of disclosure or the conditions to which disclosure is subject, and concerning the persons who should be given notice of any hearing of the matter;

(b) shall decide whether it is necessary to hold any hearing of the matter;

(c) if he or she decides that a hearing should be held, shall

(i) determine who should be given notice of the hearing,

(ii) order the Attorney General of Canada to notify those persons, and

(iii) determine the content and form of the notice; and

(d)  if he or she considers it appropriate in the circumstances, may give any person the opportunity to make representations.

Disclosure agreement

 

(6) After the Federal Court is seized of an application made under paragraph (2)(c) or, in the case of an appeal from, or a review of, an order of the judge made under any of subsections 38.06(1) to (3) in connection with that application, before the appeal or review is disposed of,

(a) the Attorney General of Canada and the person who made the application may enter into an agreement that permits the disclosure of part of the facts referred to in paragraphs 38.02(1)(b) to (d) or part of the information or disclosure of the facts or information subject to conditions; and

(b) if an agreement is entered into, the Court’s consideration of the application or any hearing, review or appeal shall be terminated.

 

Termination of Court consideration, hearing, review or appeal

 

(7) Subject to subsection (6), after the Federal Court is seized of an application made under this section or, in the case of an appeal from, or a review of, an order of the judge made under any of subsections 38.06(1) to (3), before the appeal or review is disposed of, if the Attorney General of Canada authorizes the disclosure of all or part of the information or withdraws conditions to which the disclosure is subject, the Court’s consideration of the application or any hearing, appeal or review shall be terminated in relation to that information, to the extent of the authorization or the withdrawal.

 

Report relating to proceedings

 

38.05 If he or she receives notice of a hearing under paragraph 38.04(5)(c), a person presiding or designated to preside at the proceeding to which the information relates or, if no person is designated, the person who has the authority to designate a person to preside may, within 10 days after the day on which he or she receives the notice, provide the judge with a report concerning any matter relating to the proceeding that the person considers may be of assistance to the judge.

 

Disclosure order

 

38.06 (1) Unless the judge concludes that the disclosure of the information would be injurious to international relations or national defence or national security, the judge may, by order, authorize the disclosure of the information.

 

Disclosure order

 

(2) If the judge concludes that the disclosure of the information would be injurious to international relations or national defence or national security but that the public interest in disclosure outweighs in importance the public interest in non-disclosure, the judge may by order, after considering both the public interest in disclosure and the form of and conditions to disclosure that are most likely to limit any injury to international relations or national defence or national security resulting from disclosure, authorize the disclosure, subject to any conditions that the judge considers appropriate, of all of the information, a part or summary of the information, or a written admission of facts relating to the information.

 

Order confirming prohibition

 

(3) If the judge does not authorize disclosure under subsection (1) or (2), the judge shall, by order, confirm the prohibition of disclosure.

 

 

Evidence

 

(3.1) The judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is reliable and appropriate, even if it would not otherwise be admissible under Canadian law, and may base his or her decision on that evidence.

 

Introduction into evidence

 

(4) A person who wishes to introduce into evidence material the disclosure of which is authorized under subsection (2) but who may not be able to do so in a proceeding by reason of the rules of admissibility that apply in the proceeding may request from a judge an order permitting the introduction into evidence of the material in a form or subject to any conditions fixed by that judge, as long as that form and those conditions comply with the order made under subsection (2).

 

 

Relevant factors

 

(5) For the purpose of subsection (4), the judge shall consider all the factors that would be relevant for a determination of admissibility in the proceeding.

 

 

Notice of order

 

38.07 The judge may order the Attorney General of Canada to give notice of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) to any person who, in the opinion of the judge, should be notified.

 

Automatic review

 

38.08 If the judge determines that a party to the proceeding whose interests are adversely affected by an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) was not given the opportunity to make representations under paragraph 38.04(5)(d), the judge shall refer the order to the Federal Court of Appeal for review.

 

Appeal to Federal Court of Appeal

 

38.09 (1) An order made under any of subsections 38.06(1) to (3) may be appealed to the Federal Court of Appeal.

 

 

Limitation period for appeal

 

(2) An appeal shall be brought within 10 days after the day on which the order is made or within any further time that the Court considers appropriate in the circumstances.

 

 

Limitation periods for appeals to Supreme Court of Canada

 

38.1 Notwithstanding any other Act of Parliament,

(a) an application for leave to appeal to the Supreme Court of Canada from a judgment made on appeal shall be made within 10 days after the day on which the judgment appealed from is made or within any further time that the Supreme Court of Canada considers appropriate in the circumstances; and

(b) if leave to appeal is granted, the appeal shall be brought in the manner set out in subsection 60(1) of the Supreme Court Act but within the time specified by the Supreme Court of Canada.

 

Special rules

 

38.11 (1) A hearing under subsection 38.04(5) or an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) shall be heard in private and, at the request of either the Attorney General of Canada or, in the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, the Minister of National Defence, shall be heard in the National Capital Region, as described in the schedule to the National Capital Act.

 

 

 

 

 

 

Ex parte representations

 

 

(2) The judge conducting a hearing under subsection 38.04(5) or the court hearing an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) may give any person who makes representations under paragraph 38.04(5)(d), and shall give the Attorney General of Canada and, in the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, the Minister of National Defence, the opportunity to make representations ex parte.

 

 

 

Protective order

 

38.12 (1) The judge conducting a hearing under subsection 38.04(5) or the court hearing an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) may make any order that the judge or the court considers appropriate in the circumstances to protect the confidentiality of the information to which the hearing, appeal or review relates.

 

Court records

 

(2) The court records relating to the hearing, appeal or review are confidential. The judge or the court may order that the records be sealed and kept in a location to which the public has no access.

 

 

 

Certificate of Attorney General of Canada

 

38.13 (1) The Attorney General of Canada may personally issue a certificate that prohibits the disclosure of information in connection with a proceeding for the purpose of protecting information obtained in confidence from, or in relation to, a foreign entity as defined in subsection 2(1) of the Security of Information Act or for the purpose of protecting national defence or national security. The certificate may only be issued after an order or decision that would result in the disclosure of the information to be subject to the certificate has been made under this or any other Act of Parliament.

 

 

Military proceedings

 

(2) In the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, the Attorney General of Canada may issue the certificate only with the agreement, given personally, of the Minister of National Defence.

 

 

 

Service of certificate

 

(3) The Attorney General of Canada shall cause a copy of the certificate to be served on

(a) the person presiding or designated to preside at the proceeding to which the information relates or, if no person is designated, the person who has the authority to designate a person to preside;

(b) every party to the proceeding;

(c) every person who gives notice under section 38.01 in connection with the proceeding;

(d) every person who, in connection with the proceeding, may disclose, is required to disclose or may cause the disclosure of the information about which the Attorney General of Canada has received notice under section 38.01;

(e) every party to a hearing under subsection 38.04(5) or to an appeal of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) in relation to the information;

 

 

(f) the judge who conducts a hearing under subsection 38.04(5) and any court that hears an appeal from, or review of, an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) in relation to the information; and

 

(g) any other person who, in the opinion of the Attorney General of Canada, should be served.

 

 

Filing of certificate

 

(4) The Attorney General of Canada shall cause a copy of the certificate to be filed

(a) with the person responsible for the records of the proceeding to which the information relates; and

(b) in the Registry of the Federal Court and the registry of any court that hears an appeal from, or review of, an order made under any of subsections 38.06(1) to (3).

 

Effect of certificate

 

(5) If the Attorney General of Canada issues a certificate, then, notwithstanding any other provision of this Act, disclosure of the information shall be prohibited in accordance with the terms of the certificate.

 

Statutory Instruments Act does not apply

 

(6) The Statutory Instruments Act does not apply to a certificate issued under subsection (1).

 

 

Publication

 

(7) The Attorney General of Canada shall, without delay after a certificate is issued, cause the certificate to be published in the Canada Gazette.

 

Restriction

 

(8) The certificate and any matters arising out of it are not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with section 38.131.

 

Expiration

 

(9) The certificate expires 15 years after the day on which it is issued and may be reissued.

 

 

Application for review of certificate

 

38.131 (1) A party to the proceeding referred to in section 38.13 may apply to the Federal Court of Appeal for an order varying or cancelling a certificate issued under that section on the grounds referred to in subsection (8) or (9), as the case may be.

 

Notice to Attorney General of Canada

 

 

(2) The applicant shall give notice of the application to the Attorney General of Canada.

 

Military proceedings

 

(3) In the case of proceedings under Part III of the National Defence Act, notice under subsection (2) shall be given to both the Attorney General of Canada and the Minister of National Defence.

 

 

Single judge

 

(4) Notwithstanding section 16 of the Federal Court Act, for the purposes of the application, the Federal Court of Appeal consists of a single judge of that Court.

 

Admissible information

 

(5) In considering the application, the judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is reliable and appropriate, even if it would not otherwise be admissible under Canadian law, and may base a determination made under any of subsections (8) to (10) on that evidence.

 

Special rules and protective order

 

 

(6) Sections 38.11 and 38.12 apply, with any necessary modifications, to an application made under subsection (1).

 

Expedited consideration

 

(7) The judge shall consider the application as soon as reasonably possible, but not later than 10 days after the application is made under subsection (1).

 

Varying the certificate

 

(8) If the judge determines that some of the information subject to the certificate does not relate either to information obtained in confidence from, or in relation to, a foreign entity as defined in subsection 2(1) of the Security of Information Act, or to national defence or national security, the judge shall make an order varying the certificate accordingly.

 

 

Cancelling the certificate

 

(9) If the judge determines that none of the information subject to the certificate relates to information obtained in confidence from, or in relation to, a foreign entity as defined in subsection 2(1) of the Security of Information Act, or to national defence or national security, the judge shall make an order cancelling the certificate.

 

 

Confirming the certificate

 

(10) If the judge determines that all of the information subject to the certificate relates to information obtained in confidence from, or in relation to, a foreign entity as defined in subsection 2(1) of the Security of Information Act, or to national defence or national security, the judge shall make an order confirming the certificate.

 

Determination is final

 

(11) Notwithstanding any other Act of Parliament, a determination of a judge under any of subsections (8) to (10) is final and is not subject to review or appeal by any court.

 

Publication

 

(12) If a certificate is varied or cancelled under this section, the Attorney General of Canada shall, as soon as possible after the decision of the judge and in a manner that mentions the original publication of the certificate, cause to be published in the Canada Gazette

(a) the certificate as varied under subsection (8); or

(b) a notice of the cancellation of the certificate under subsection (9).

 

Protection of right to a fair trial

 

 

38.14 (1) The person presiding at a criminal proceeding may make any order that he or she considers appropriate in the circumstances to protect the right of the accused to a fair trial, as long as that order complies with the terms of any order made under any of subsections 38.06(1) to (3) in relation to that proceeding, any judgment made on appeal from, or review of, the order, or any certificate issued under section 38.13.

 

Potential orders

 

(2) The orders that may be made under subsection (1) include, but are not limited to, the following orders:

(a) an order dismissing specified counts of the indictment or information, or permitting the indictment or information to proceed only in respect of a lesser or included offence;

 

(b) an order effecting a stay of the proceedings; and

(c) an order finding against any party on any issue relating to information the disclosure of which is prohibited.

 

 

Fiat

 

38.15 (1) If sensitive information or potentially injurious information may be disclosed in connection with a prosecution that is not instituted by the Attorney General of Canada or on his or her behalf, the Attorney General of Canada may issue a fiat and serve the fiat on the prosecutor.

 

 

 

 

 

 

Effect of fiat

 

(2) When a fiat is served on a prosecutor, the fiat establishes the exclusive authority of the Attorney General of Canada with respect to the conduct of the prosecution described in the fiat or any related process.

 

Fiat filed in court

 

(3) If a prosecution described in the fiat or any related process is conducted by or on behalf of the Attorney General of Canada, the fiat or a copy of the fiat shall be filed with the court in which the prosecution or process is conducted.

 

Fiat constitutes conclusive proof

 

(4) The fiat or a copy of the fiat

(a) is conclusive proof that the prosecution described in the fiat or any related process may be conducted by or on behalf of the Attorney General of Canada; and

(b) is admissible in evidence without proof of the signature or official character of the Attorney General of Canada.

 

Military proceedings

 

(5) This section does not apply to a proceeding under Part III of the National Defence Act.

 

 

Regulations

 

38.16 The Governor in Council may make any regulations that the Governor in Council considers necessary to carry into effect the purposes and provisions of sections 38 to 38.15, including regulations respecting the notices, certificates and the fiat.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-431-10

 

INTITULÉ :                                                  CHANTHIRAKUMAR SELLATHURAI c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         le 9 juin 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       la juge Dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   le juge Létourneau

                                                                        le juge Stratas

 

DATE :                                                          le 11 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

 

POUR L’APPELANT

 

Jamie Todd

Ada Mok

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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