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Date : 20110930

Dossier : A‑403‑10

Référence : 2011 CAF 271

 

CORAM :      la juge SHARLOW

                        la juge LAYDEN‑STEVENSON

                        le juge STRATAS

 

ENTRE :

WAYNE CASSIDY

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 septembre 2011

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2011

 

Motifs du jugement :                                                                             la juge SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                  la juge LAYDEN‑STEVENSON

                                                                                                                           le juge STRATAS

 

 


Date : 20110930

Dossier : A‑403‑10

Référence : 2011 CAF 271

 

CORAM :      la juge SHARLOW

                        la juge LAYDEN‑STEVENSON

                        le juge STRATAS

 

ENTRE :

WAYNE CASSIDY

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

Motifs du jugement

 

La juge SHARLOW

[1]               Il s’agit de l’appel du jugement (2010 CCI 471) par lequel la Cour canadienne de l’impôt a rejeté un appel formé par M. Wayne Cassidy à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), pour l’année d’imposition 2003. La seule question en litige est celle de savoir si M. Cassidy a le droit de se prévaloir de l’exonération relative à la résidence principale à l’égard du gain en capital qu’il a réalisé en 2003 lors de la vente de sa résidence et d’un fonds de terre de 2,43 hectares sur lequel la maison était située. Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que M. Cassidy avait droit à l’exonération à l’égard de la totalité du gain et j’accueillerais le présent appel.

 

Les faits

[2]               Les faits ne sont pas contestés et peuvent être résumés brièvement. En 1994, M. Cassidy et sa conjointe de fait d’alors ont acquis une maison sur un lot de terre de 2,43 hectares à proximité de London, en Ontario. En 1998, M. Cassidy est devenu le seul propriétaire du bien‑fonds. Il a résidé dans la maison située sur le fonds de terre de 1994 à 2003, moment où le bien‑fonds a été vendu.

 

[3]               En 1994 lorsque M. Cassidy a tout d’abord acquis un intérêt dans le bien‑fonds, il ne pouvait pas acquérir moins que le lot de 2,43 hectares en raison des règlements de zonage qui s’appliquaient alors dans la région où le biens‑fonds était situé. Ces règlements de zonage sont demeurés inchangés jusqu’au 2 mai 2003; à cette date, une modification au plan officiel est entrée en vigueur. Ce n’est qu’à ce moment‑là qu’il est devenu possible pour M. Cassidy de présenter une demande de changement de zonage et de lotissement du bien‑fonds.

 

[4]               Au printemps 2003, un agent immobilier a demandé à M. Cassidy s’il voulait vendre son bien‑fonds. Cela a donné lieu à une convention datée du 23 mai 2003 aux termes de laquelle M. Cassidy acceptait de vendre le bien‑fonds à Urban Properties Services (London) Inc. sous réserve de certaines conditions à l’avantage de l’acheteur, notamment l’approbation d’une demande de changement de zonage et de lotissement. M. Cassidy a autorisé l’acheteur à présenter les demandes nécessaires, qui ont été approuvées. Les conditions étaient satisfaites et la vente du bien‑fonds a été conclue le 27 novembre 2003.

 

[5]               M. Cassidy a réalisé un gain en capital lors de la vente, mais il ne l’a pas déclaré dans sa déclaration de revenus pour l’année 2003 parce qu’il croyait que la totalité du gain était visée par l’exonération relative à la résidence principale. Le ministre n’était pas de cet avis. M. Cassidy s’est opposé à la nouvelle cotisation qui a suivi, a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt, sans succès, et interjette appel maintenant devant notre Cour.

 

Les thèses des parties

[6]               Les parties ne contestent pas qu’en vendant le bien‑fonds en 2003, M. Cassidy est devenu admissible à l’exonération relative à la résidence principale à l’égard du gain réalisé lors de la vente, du moins dans la mesure où le gain est attribuable à la maison et à un demi‑hectare de fonds de terre sur lequel la maison était située. Cependant, comme sa maison était située sur un fonds de terre de 2,43 hectares, il y a lieu de se demander si l’exonération relative à la résidence principale s’applique au fonds de terre restant de 1,93 hectare.

 

[7]               Selon la thèse de M. Cassidy, la totalité du fonds de terre de 2,43 hectares faisait partie de sa résidence principale à compter de la date où il a acquis le bien‑fonds en 1994 jusqu’à, au moins, le 2 mai 2003, jour où une modification aux règlements de zonage locaux l’aurait autorisé pour la première fois à lotir le fonds de terre. Pour ce motif, il soutient qu’il a droit à l’exonération relative à la résidence principale à l’égard du montant total du gain.

 

[8]               Selon la thèse de la Couronne, l’exonération relative à la résidence principale ne s’applique pas au fonds de terre de 1,93 hectare et, par conséquent, le gain en capital attribuable à ce fonds de terre de 1,93 hectare est assujetti à l’impôt sur le revenu. Pour appliquer sa thèse, le ministre a réparti le gain en capital de M. Cassidy entre le fonds de terre de 1,93 hectare et la maison plus un demi‑hectare, et a établi une cotisation à l’égard du gain en capital imposable attribuable au fonds de terre de 1,93 hectare. Selon ma compréhension du dossier, il n’existe plus de litige à propos du calcul du gain ou de la répartition du gain advenant le rejet du présent appel.

 

[9]               La Couronne soutient que M. Cassidy n’a pas droit à l’exonération relative à la résidence principale à l’égard du fonds de terre de 1,93 hectare parce que, lorsqu’il a vendu son bien‑fonds en novembre 2003, les règlements locaux ne l’empêchaient plus de lotir le bien‑fonds. De l’avis de la Couronne, la modification de la réglementation a créé une nouvelle donne parce que ce n’est qu’à la date de la disposition d’un bien‑fonds qu’il est décidé si la règle du demi‑hectare s’applique. La Couronne fait valoir que si le critère du demi‑hectare n’est pas satisfait à la date de la disposition, la résidence principale du contribuable ne peut pas comprendre un fonds de terre de plus d’un demi‑hectare, peu importe la situation antérieure. Le juge de la Cour de l’impôt a accepté cette prétention et a rejeté l’appel de M. Cassidy pour ce motif.

 

Analyse

a) Définition de résidence principale

[10]           L’article 54 de la Loi de l’impôt sur le revenu définit la « résidence principale » pour l’application des dispositions relatives aux gains et aux pertes en capital (sous‑section c de la section B de la partie I). Les parties de la définition qui sont pertinentes pour le présent appel sont la disposition liminaire et l’alinéa e) (la règle relative au demi‑hectare). Ces dispositions sont rédigées comme suit :

54. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous‑section [...]

54. In this subdivision, [...]

« résidence principale » S’agissant de la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition, bien — logement, ou droit de tenure à bail y afférent, ou part du capital social d’une société coopérative d’habitation acquise dans l’unique but d’acquérir le droit d’habiter un logement dont la coopérative est propriétaire — dont le contribuable est propriétaire au cours de l’année conjointement avec une autre personne ou autrement, à condition que : [...]

“principal residence” of a taxpayer for a taxation year means a particular property that is a housing unit, a leasehold interest in a housing unit or a share of the capital stock of a co‑operative housing corporation acquired for the sole purpose of acquiring the right to inhabit a housing unit owned by the corporation and that is owned, whether jointly with another person or otherwise, in the year by the taxpayer, if [...]

En outre, pour l’application de la présente définition :

and, for the purpose of this definition

e) la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition est réputée comprendre (sauf si le bien est une part du capital social d’une société coopérative d’habitation) le fonds de terre sous‑jacent au logement ainsi que la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme résidence; toutefois, dans le cas où la superficie totale du fonds de terre sous‑jacent et de cette partie excède un demi‑hectare, l’excédent n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence que

 

si le contribuable établit qu’il était nécessaire à cet usage.

(e) the principal residence of a taxpayer for a taxation year shall be deemed to include, except where the particular property consists of a share of the capital stock of a co‑operative housing corporation, the land subjacent to the housing unit and such portion of any immediately contiguous land as can reasonably be regarded as contributing to the use and enjoyment of the housing unit as a residence, except that where the total area of the subjacent land and of that portion exceeds ½  hectare, the excess shall be deemed not to have contributed to the use and

 

enjoyment of the housing unit as a residence unless the taxpayer establishes that it was necessary to such use and enjoyment.

 

 

 

[11]           La définition de « résidence principale » a été adoptée dans le cadre des modifications qui ont assujetti les gains en capital à l’impôt sur le revenu pour les années 1972 et suivantes (L.C. 1970‑71‑72, ch. 63). À une exception près, les parties de la définition qui sont pertinentes pour le présent appel n’ont pas été modifiées de façon substantielle depuis 1972. La seule exception concerne ce qui est maintenant l’alinéa e) de la définition. Pour les dispositions antérieures à 1982, le renvoi à « un demi‑hectare » était « un acre » (L.C. 1980‑81‑82‑83, ch. 140, aux paragraphes 23(4) et (10)).

 

[12]           L’élément de la définition de « résidence principale » qui est le plus pertinent en l’espèce est la règle relative au demi‑hectare. Elle s’applique dans les cas où le logement à l’égard duquel l’exonération relative à la résidence principale est demandée est situé sur un fonds de terre de plus d’un demi‑hectare. Dans un tel cas, le fonds de terre d’un demi‑hectare est réputé faire partie de la résidence principale, mais le fonds de terre excédentaire est réputé ne pas faire partie de la résidence principale à moins que le contribuable ne prouve que l’excédent avait facilité l’usage du logement comme résidence et qu’il était nécessaire à cet usage.

 

[13]           Tel que cela a été indiqué précédemment, le bien‑fonds à l’égard duquel M. Cassidy a réclamé l’exonération relative à la résidence principale est composé d’une maison et d’un fonds de terre de 2,43 hectares. M. Cassidy y a habité de la date de son acquisition en 1994 jusqu’à la date de la vente en novembre 2003. Lorsque M. Cassidy a acquis le bien‑fonds en 1994, les règlements de zonage locaux l’empêchaient d’acquérir un fonds de terre moins grand que la totalité du fonds de terre de 2,43 hectares.

 

[14]           Le ministre n’a pas prétendu que la maison et la totalité du fonds de terre de 2,43 hectares ne sont pas devenus la résidence principale de M. Cassidy lorsqu’il les a acquis en 1994. À mon avis, une telle position serait indéfendable parce que la situation de M. Cassidy était la même que celle du contribuable dans Canada c. Yates, [1983] 2 C.F. 730 (C.F. 1re inst.), que le juge Mahoney a décrite comme suit :

Les défendeurs ne pouvaient légalement occuper leur logement à titre de résidence sur une superficie inférieure à dix acres. Il s’ensuit non seulement que l’on « peut raisonnablement » considérer que l’ensemble des dix acres, sous‑jacents et contigus, facilite au contribuable l’usage et la jouissance du logement à titre de résidence, mais aussi qu’il faut conclure en ce sens. Il s’ensuit également que l’excédent était nécessaire à cet usage et à cette jouissance.

 

La décision du juge Mahoney a été confirmée par notre Cour, [1986] 2 C.T.C. 46, 86 D.T.C. 6296, et notre Cour l’a toujours suivie dans des circonstances semblables (voir Augart c. Canada (Ministre du Revenu national), [1993] 3 C.F. 296 (C.A.F.), et Carlile c. Canada (Ministre du Revenu national), [1995] 2 C.T.C. 273, 95 D.T.C. 5483 (C.A.F.)).

 

[15]           Ainsi, la jurisprudence semble indiquer que tant et aussi longtemps que le zonage demeurait ce qu’il était en 1994 et qu’il n’y avait pas d’autres faits pertinents, la totalité du fonds de terre de 2,43 hectares constituait la résidence principale de M. Cassidy jusqu’au 2 mai 2003, moment où le zonage a été modifié.

 

[16]           Toutefois, comme cela a été mentionné précédemment, la thèse de la Couronne veut que si le critère relatif au demi‑hectare n’est pas satisfait à la date de la disposition, il importe peu de savoir s’il a été satisfait à une date antérieure. Selon ma compréhension de cet argument, il ne soulève pas la question de l’interprétation de la définition de « résidence principale » que l’on retrouve dans la loi. Il a plutôt trait à l’application de l’alinéa 40(2)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui est discutée dans la partie suivante des présents motifs.

 

b) Établissement du gain en capital réalisé lors de la disposition d’une résidence principale

[17]           Les gains réalisés lors de la disposition d’une immobilisation sont assujettis à l’impôt sur le revenu depuis 1972, mais il y a toujours eu de nombreuses exceptions. Une telle exception se trouve à l’alinéa 40(2)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, appelée l’« exonération relative à la résidence principale ». L’alinéa 40(2)b) énonce une formule particulière pour établir le gain en capital réalisé lors de la disposition d’un bien qui était la « résidence principale » du contribuable à un moment donné après son acquisition. La partie pertinente de la disposition est rédigée comme suit :

40. (2) […]

b) dans le cas où le contribuable est un particulier, le gain qu’il a tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien qui était sa résidence principale à un moment donné après le jour (appelé « date d’acquisition » au présent article) qui est le dernier en date du 31 décembre 1971 et du jour où il a acquis le bien, ou l’a acquis de nouveau, pour la dernière fois correspond au résultat du calcul suivant :

40. (2)  …

(b) where the taxpayer is an individual, the taxpayer’s gain for a taxation year from the disposition of a property that was the taxpayer’s principal residence at any time after the date (in this section referred to as the “acquisition date”) that is the later of December 31, 1971 and the day on which the taxpayer last acquired or reacquired it, as the case may be, is the amount determined by the formula

A ‑ (A × B/C) ‑ D

A ‑ (A × B/C) ‑ D

où :

where

A représente le montant qui constituerait le gain du contribuable provenant de la disposition pour l’année, compte non tenu du présent alinéa et des paragraphes 110.6(19) et (21),

A is the amount that would, if this Act were read without reference to this paragraph and subsections 110.6(19) and 110.6(21), be the taxpayer’s gain therefrom for the year,

B le nombre un plus le nombre d’années d’imposition qui se terminent après la date d’acquisition pour lesquelles le bien était la résidence principale du contribuable et au cours desquelles celui‑ci résidait au Canada,

B is one plus the number of taxation years that end after the acquisition date for which the property was the taxpayer’s principal residence and during which the taxpayer was resident in Canada,

C le nombre d’années d’imposition se terminant après la date d’acquisition au cours desquelles le contribuable était propriétaire du bien conjointement avec une autre personne ou autrement,

C is the number of taxation years that end after the acquisition date during which the taxpayer owned the property whether jointly with another person or otherwise, and

D […]

D ….

 

 

 

[18]           Les premiers mots de cette disposition posent la question de savoir si M. Cassidy a réalisé un gain en 2003 à l’égard d’un bien qui était sa résidence principale à un moment donné après son acquisition. À la question de savoir si sa résidence principale s’étend à la totalité du fonds de terre de 2,43 hectares, la réponse est oui. En conséquence, M. Cassidy a le droit de tirer avantage de cette disposition. La valeur de cet avantage est fonction de la formule prévue par la loi.

 

[19]           La formule compte quatre variables dont la quatrième (la variable D) n’est pas pertinente en l’espèce et peut être ignorée.

 

[20]           La variable A est le montant du gain qu’a tiré M. Cassidy de la vente du bien‑fonds. Le montant n’est pas contesté.

 

[21]           La partie de la formule entre parenthèses, (A × B/C), est la portion du gain en capital exonérée. Dans le contexte factuel de l’espèce, la variable C est le nombre d’années de 1994 à 2003, parce qu’il s’agit du nombre d’années au cours desquelles M. Cassidy était propriétaire du bien‑fonds en cause.

 

[22]           La variable B est un plus (et je paraphrase ici) le nombre d’années au cours desquelles les conditions de la définition de « résidence principale » sont remplies. Si la variable B est égale à la variable C, le résultat de la formule serait alors zéro, signifiant que la totalité du gain serait exonérée.

 

[23]           Le libellé décrivant la variable B exige qu’on détermine si le bien répondait à la définition du terme « résidence principale » prévue dans la loi pour chaque année d’imposition au cours de laquelle le bien en cause était la propriété du contribuable qui réclame l’exonération. Cette définition renvoie, tant dans les premiers mots de cette disposition qu’à l’alinéa e), à la résidence principale du contribuable « pour une année d’imposition », ce qui est compatible avec l’exigence d’une détermination annuelle prévue à la disposition d’assujettissement à l’impôt, l’alinéa 40(2)b).

 

[24]           Dans le cas où, comme en l’espèce, il y a un litige quant à la question de savoir si un fonds de terre qui excède un demi‑hectare fait partie de la résidence principale, il est utile d’appliquer la formule en deux étapes : premièrement, à la partie du gain qui est attribuable à la vente de la maison et au fonds de terre d’un demi‑hectare qui comprend la résidence principale; deuxièmement, à la partie du gain qui est attribuable à l’excédent. La répartition en l’espèce n’est pas divulguée dans le dossier, mais elle n’est apparemment pas contestée. Je supposerai simplement que le gain en capital total s’élève à 100 000 $, que la portion du gain attribuable à la maison et au fonds de terre d’un demi‑hectare est de 60 000 $ et que la portion attribuable au fonds de terre de 1,93 hectare qui reste est de 40 000 $.

 

[25]           Comme on pouvait s’y attendre, le résultat de l’application de la formule énoncée à l’alinéa 40(2)b) est l’exonération complète du gain attribuable à la maison et au fonds de terre d’un demi‑hectare, et ce, parce que la variable B est onze (c’est‑à‑dire un plus le nombre d’années total au cours desquelles la maison et le fonds de terre d’un demi‑hectare étaient la résidence principale de M. Cassidy, soit 1994 et chaque année subséquente jusqu’en 2003 inclusivement). La formule donne le résultat suivant :

60 000 $ ‑ (60 000 $ × 11/10) =   6 000 $

Le résultat arithmétique de la formule est un montant négatif, soit – 6 000 $ (qui est considéré comme égal à zéro aux termes de l’article 257 de la Loi de l’impôt sur le revenu). Ainsi, pour paraphraser les premiers mots de l’alinéa 40(2)b), le gain que M. Cassidy a tiré, pour 2003, de la disposition de la maison et du fonds de terre d’un demi‑hectare est nul.

 

[26]           En ce qui concerne le fonds de terre de 1,93 hectare, la formule donne le même résultat, et ce, parce qu’à l’égard de 1,93 hectare, la variable B est dix. Tel qu’il a été expliqué précédemment, le fonds de terre de 1,93 hectare faisait partie de la résidence principale de M. Cassidy de 1994, année où il l’a acquis, au 2 mai 2003, date de la modification du zonage. Si l’on présume sans décider que 2003 devrait être ignoré, que le nombre d’années au cours desquelles le fonds de terre de 1,93 hectare était réputé faire partie de la résidence principale de M. Cassidy était neuf (1994 et chaque année ultérieure jusqu’en 2002 inclusivement). La variable B est un plus neuf, ou dix. La formule donne le résultat suivant :

$40,000 ‑ ($40,000 × 10/10) = 0

 

[27]           Ainsi, selon l’interprétation de l’alinéa 40(2)b) avancée par M. Cassidy, il a droit à l’exonération relative à la résidence principale à l’égard de la totalité du gain réalisé à la vente de sa maison et de la totalité du fonds de terre de 2,43 hectares.

 

[28]           La Couronne conteste cette interprétation et fait valoir qu’il n’est pas nécessaire, pour l’application de l’alinéa 40(2)b), d’établir si le fonds de terre de 1,93 hectare est inclus dans la résidence principale de M. Cassidy pour chaque année qu’il en était le propriétaire. La Couronne fait plutôt valoir que cette détermination n’est exigée qu’à l’égard de la date de la disposition du bien‑fonds. À l’appui, la Couronne invoque les décisions Yates, précitée, Stuart (Succession) c. Canada, 2004 CAF 80, et Joyner c. Ministre du Revenu national, [1989] 1 C.F. 306 (C.F. 1re inst.).

 

[29]           Dans Yates, il s’agissait de savoir si 9,3 acres d’un lot de dix acres répondaient à la définition de « résidence principale » prévue par la loi. Les contribuables avaient acheté un lot de dix acres à un moment où les règlements de zonage interdisaient tout lotissement. Ils ont construit une maison sur le bien‑fonds en 1964 et y ont vécu pendant toutes les périodes pertinentes. En 1978, ils ont vendu un fonds de terre de 9,3 acres (excluant la portion sur laquelle leur maison était située) à une municipalité sous la menace d’être expropriés. Le juge Mahoney a conclu que la totalité du fonds de terre de 9,3 acres répondait à la définition de « résidence principale » prévue par la loi. En tirant cette conclusion, il a déclaré ce qui suit : « À mon avis, il faut prendre en considération la période qui a précédé la disposition. » La raison pour laquelle il a dit cela n’est pas claire étant donné que, dans cette affaire, rien n’indiquait que les faits pertinents pour la détermination de l’exonération relative à la résidence principale avaient changé entre la date d’achat du bien‑fonds par les contribuables et la date de l’expropriation du fonds de terre de 9,3 acres. La décision ne comporte aucune discussion au sujet de l’alinéa 40(2)b) ou de la disposition qui l’a précédée (qui était substantiellement la même).

 

[30]           Dans l’arrêt Stuart (Succession), le juge Malone (s’exprimant au nom de la Cour) a déclaré ce qui suit au paragraphe 9 : « Il est bien établi que la période pertinente pour déterminer quelle partie du terrain excédant le demi‑hectare (1,235 acre) était nécessaire pour faciliter l’usage du logement comme résidence est la date de l’aliénation. » La décision Yates est citée à l’appui de cette prétention. Toutefois, les faits dans l’affaire Stuart (Succession) qui étaient pertinents pour la détermination de l’exonération relative à la résidence principale n’avaient pas changé pendant la période au cours de laquelle le contribuable avait été propriétaire du bien‑fonds. Il n’y avait donc pas de controverse à résoudre, sauf en ce qui a trait à l’application de la règle relative au demi‑hectare, et l’alinéa 40(2)b) n’a pas non plus été pris en compte.

 

[31]           À mon avis, les déclarations tirées de Yates et de Stuart (Succession), lues dans leur contexte, n’appuient pas la prétention pour laquelle la Couronne les cite. Aucun de ces jugements n’examinait l’alinéa 40(2)b), sans aucun doute parce que dans aucune de ces affaires les faits pertinents pour l’application de la règle relative au demi‑hectare n’avaient changé pendant la période au cours de laquelle le contribuable avait été propriétaire du bien‑fonds en cause. En conséquence, aucune de ces affaires ne visait à trancher la question soulevée en l’espèce.

 

[32]           La Couronne a mentionné la décision Succession Raper c. Canada (Ministre du Revenu national ‑ M.R.N.), [1986] 2 C.T.C. 2052, 86 D.T.C. 1513 (C.C.I.), faisant valoir qu’il s’agissait d’une décision favorable à l’appelant. Dans cette affaire, le juge Tremblay a autorisé en partie l’exonération relative à la résidence principale sur le fondement de faits semblables à ceux de l’espèce, en ce que, de 1971 à 1980, les règlements de zonage interdisaient toute subdivision du fonds de terre sur lequel la maison du contribuable était située. La situation a changé en 1980, de sorte qu’en 1982, lorsque le bien‑fonds a été vendu, une subdivision était possible. En autorisant une exonération partielle, le juge Tremblay a reconnu que la formule énoncée à l’alinéa 40(2)b) exigeait que l’exonération relative à la résidence principale soit établie à l’égard de chaque année.

 

[33]           La Couronne s’est cependant appuyée sur la décision Joyner c. Ministre du Revenu national, [1989] 1 C.F. 306 (C.F. 1re inst.), dans laquelle le juge Reed a refusé d’appliquer le raisonnement adopté dans Succession Raper. Dans Joyner, le contribuable a soutenu en vain qu’il devrait avoir droit à l’exonération relative à la résidence principale à l’égard d’une partie du gain réalisé à la vente de 7,9 acres d’un lot de 14 acres sur lequel était située sa maison. Le fonds de terre de 7,9 acres incluait la maison et le ministre a accepté l’exonération relative à la résidence principale à l’égard de la maison plus un acre. En ce qui concerne les 6,9 acres qui restaient, M. Joyner a soutenu que même s’il avait pu lotir le fonds de terre pendant la plus grande partie de la période au cours de laquelle il en avait été le propriétaire (de 1968 à 1980), il y avait eu, dans les années 1970, une période de quatre ans au cours de laquelle une loi provinciale interdisait le lotissement. Ainsi, à l’égard de cette période, le raisonnement adopté dans Yates devrait être appliqué à l’égard de ces quatre années. Le juge Reed a rejeté cette prétention et a conclu que l’exonération relative à la résidence principale ne s’appliquait pas du tout au fond de terre de 6,9 acres en cause.

 

[34]           Il est possible de soutenir que Joyner pourrait être adopté comme fondement du principe selon lequel l’alinéa 40(2)b) n’exige pas de savoir si la définition de résidence principale est applicable pour chaque année où elle est la propriété du contribuable. Si cela constitue le ratio decidendi de l’affaire, cette décision est, à mon avis, erronée et ne devrait pas être suivie.

 

[35]           L’erreur que soulève l’interprétation de l’alinéa 40(2)b) proposée par la Couronne, et qui est peut‑être implicite dans Joyner, est qu’elle omet de donner effet au libellé de l’alinéa 40(2)b) qui définit la variable B. Tel que cela a été indiqué précédemment, pour établir la variable B, il faut déterminer, à l’égard de chaque année d’imposition au cours de laquelle le contribuable était propriétaire du bien‑fonds en cause, si le bien‑fonds répondait à la définition de « résidence principale » du contribuable pour cette année d’imposition.

 

[36]           En revanche, l’interprétation de l’alinéa 40(2)b) proposée par M. Cassidy est compatible avec son libellé et son objet. De façon générale, l’alinéa 40(2)b) vise à libérer des particuliers de l’obligation de payer de l’impôt sur le gain en capital réalisé lors de la vente de leur résidence principale. La détermination annuelle exigée pour la variable B dans la formule énoncée à l’alinéa 40(2)b) est destinée à assurer que l’avantage de l’exonération relative à la résidence principale soit autorisé en partie dans le cas où le bien, pour quelque raison que ce soit, ne répond pas à la définition de « résidence principale » pour toute la période au cours de laquelle le contribuable en était le propriétaire.

 

Conclusion

[37]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel de M. Cassidy, j’annulerais le jugement de la Cour canadienne de l’impôt, j’accueillerais l’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation de 2003 et je renverrais l’affaire au ministre pour qu’il établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que M. Cassidy a droit à l’exonération relative à la résidence principale à l’égard du montant total du gain en capital réalisé lors de la vente de sa maison et du fonds de terre de 2,43 hectares. M. Cassidy a droit à ses dépens devant notre Cour et la Cour de l’impôt.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Carolyn Layden‑Stevenson, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

                        David Stratas, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑403‑10

 

Appel d’une ordonnance du juge RÉAL FAVREAU DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, DATÉE DU 27 JANVIER 2011, DANS LE DOSSIER DE LA COUR no 2008‑630(IT)G.

           

Intitulé :                                                   WAYNE CASSIDY c. Sa Majesté la reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 22 septembre 2011

 

Motifs du jugement :                        LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                                                                        le JUGE Stratas

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 30 septembre 2011

 

 

Comparutions :

 

David J. Thompson

 

Pour l’appelant

 

Pascal Tétrault

 

Pour l’intimée

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David J. Thompson, Advocates LLP

London (Ontario)

 

Pour l’appelant

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour l’intimée

 

 

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