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Cour d'appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20111020

Dossier : 11-A-23

Référence : 2011 CAF 292

 

 

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

SATPAL KAUR

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

 

 

Requête écrite tranchée sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2011.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                  LA JUGE SHARLOW

 


Cour d'appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20111020

Dossier : 11-A-23

Référence : 2011 CAF 292

 

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

SATPAL KAUR

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]               Madame Satpal Kaur a déposé un avis de requête visant l'obtention d'une prorogation du délai prévu pour interjeter appel d'une ordonnance prononcée par la Cour canadienne de l'impôt le 2 septembre 2011. L'ordonnance que l'appelante veut porter en appel accueillait la requête par laquelle la Couronne avait demandé que l'appel interjeté par Mme Kaur en application de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, à l'égard d'une cotisation de taxe sur les produits et services (TPS), soit instruit suivant la « procédure générale » plutôt que la « procédure informelle » choisie par Mme Kaur dans son avis d'appel. Le changement de procédure signifie notamment que les parties seront tenues de se soumettre à des interrogatoires préalables et pourront être condamnées aux dépens par la Cour de l'impôt. La Couronne s'oppose à la requête en prorogation du délai.

 

[2]               En principe, les facteurs devant être pris en compte pour décider s'il y a lieu de proroger le délai prévu pour interjeter appel d'une ordonnance sont les suivants : (1) s'il y a des questions défendables à soumettre en appel, (2) s'il existe des circonstances particulières justifiant le non‑respect du délai d'appel, (3) si l'appelant a eu l'intention constante d'interjeter appel, (4) si le retard est excessif, (5) si la prorogation du délai imparti causera préjudice à l'intimé : Karon Resources Inc. c. Canada (1993), 71 F.T.R. 232, [1993] A.C.F. no 1322 (QL) (C.F. 1re inst.), décision citée dans Pharmascience Inc. c. Ministre de la Santé, 2003 CAF 333. Le poids à accorder à chacun de ces facteurs dépend des circonstances de l'espèce.

 

[3]               L'ordonnance que l'appelante veut porter en appel est une ordonnance interlocutoire. En raison de l'effet combiné des alinéas 27(1.1)c) et 27(2)a) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, l'avis d'appel aurait dû être déposé dans un délai de dix jours à compter du prononcé du jugement. La date du « prononcé » d'une ordonnance de la Cour de l'impôt correspond à la date où le jugement signé est consigné au greffe de la Cour de l'impôt.

 

[4]               En l'espèce, la Cour de l'impôt a délivré l'ordonnance sans tenir d'audience et en se fondant sur les documents produits par les parties. L'ordonnance a été signée le vendredi 2 septembre 2011. Rien dans le dossier n'indique à quelle date l'ordonnance a été déposée au greffe et consignée. En l'absence de preuve, je tiendrai pour acquis (conformément à l'arrêt Canada Trustco Mortgage Company c. Sa Majesté la Reine, 2008 CAF 382, au paragraphe 8) que l'ordonnance a été consignée le jour de la signature. En conséquence, l'avis d'appel aurait dû être déposé au plus tard le lundi 12 septembre 2011.

 

[5]               Selon la Couronne, le tampon de certification apparaissant sur la copie de l'ordonnance envoyée à Mme Kaur indique que l'ordonnance a été déposée au greffe et consignée le 6 septembre 2011, et l'avis d'appel aurait dû être déposé le 16 septembre 2011. Toutefois, ce n'est pas ce que le tampon indique. Il n'indique que l'ordonnance a été certifiée le 6 septembre 2011.

 

[6]               La Couronne ne prétend pas que l'appelante n'a pas eu l'intention constante d'interjeter appel, que le retard était excessif, ou que la prorogation du délai imparti lui causera préjudice. Toutefois, la Couronne fait valoir qu'aucune circonstance particulière ne justifie le non‑respect du délai et que l'appel n'est pas fondé.

 

[7]               D'après l'affidavit que Mme Kaur a produit à l'appui de sa requête, le greffe a mis l'ordonnance à la poste le 6 septembre 2011. L'ordonnance est arrivée dans sa boîte aux lettres le 7 septembre 2011, mais elle ne l'a reçue que le 13 septembre 2011 parce que ce n'est qu'à cette date qu'un membre du personnel de Mme Kaur en a pris possession et en a accusé réception. Le délai d'appel était alors expiré et il était trop tard pour préparer un avis d'appel. Madame Kaur prétend que de telles circonstances justifient raisonnablement le non‑respect du délai. Cependant, je suis disposée à accepter l'argument de la Couronne selon lequel Mme Kaur n'a pas expliqué pourquoi une semaine s'était écoulée avant qu'elle ne prenne possession de son courrier.

[8]               Quant au bien‑fondé de l'appel, Mme Kaur affirme que son appel est fondé, mais les documents qu'elle a déposés n'expliquent pas sur quoi elle appuie sa thèse. Elle ne précise pas ses moyens d'appel dans son dossier de requête. La Couronne prétend que l'appel n'est pas fondé parce que la Cour de l'impôt n'avait pas le pouvoir discrétionnaire de refuser la requête demandant que l'appel de Mme Kaur soit régi par la procédure générale. Cette prétention suppose que Mme Kaur veut interjeter appel de l'ordonnance de la Cour de l'impôt parce que celle‑ci aurait mal interprété le paragraphe 18.3002(1) ou mal exercé son pouvoir discrétionnaire. Vu que Mme Kaur n'a pas précisé ses moyens d'appel et que rien dans les documents qui m'ont été présentés ne révèle d'autres moyens d'appel, cette hypothèse me semble juste.

 

[9]               Dans l'ordonnance dont l'appelante veut faire appel, le juge avait accueilli la requête de la Couronne fondée sur le paragraphe 18.3002(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch. T‑2, demandant que l'appel de Mme Kaur soit instruit suivant la « procédure générale » plutôt que la « procédure informelle » choisie par Mme Kaur conformément à l'article 18.3001. Voici le texte de ces dispositions :

18.3001. Sous réserve de l'article 18.3002, le présent article et les articles 18.3003 à 18.301 s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux appels interjetés en vertu :

 

a) de la Loi de 2001 sur l'accise si, à la fois :

 

(i) une personne en fait la demande dans son avis d'appel ou à toute date ultérieure

 

prévue par les règles de la Cour,

 

 

(ii) le montant en litige n'excède pas 25 000 $;

 

18.3001 Subject to section 18.3002, this section and sections 18.3003 to 18.301 apply, with any modifications that the circumstances require, to an appeal under

 

 

(a) the Excise Act, 2001 if

 

 

(i) a person has so elected in the notice of appeal for an appeal under that Act or at

 

such later time as may be provided in the rules of Court, and

 

(ii) the amount in dispute does not exceed $25,000; and

 

b) de la partie V.1 de la Loi sur les douanes ou de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, si une personne en fait la demande dans son avis d'appel ou à toute date ultérieure prévue par les règles de la Cour.

 

(b) Part V.1 of the Customs Act or Part IX of the Excise Tax Act if a person has so elected in the notice of appeal for an appeal under that Act or at such later time as may be provided in the rules of Court.

 

18.3002 (1) Sur demande du procureur général du Canada, la Cour doit ordonner l'application des articles 17.1, 17.2 et 17.4 à 17.8 à l'appel auquel les articles 18.3003 et 18.3007 à 18.302 s'appliqueraient par ailleurs.

 

18.3002 (1) Where the Attorney General of Canada so requests, the Court shall order that sections 17.1, 17.2 and 17.4 to 17.8 apply in respect of an appeal in respect of which sections 18.3003 and 18.3007 to 18.302 would otherwise apply.

 

(2) La demande doit être présentée dans les soixante jours suivant la transmission de l'avis d'appel par le greffe de la Cour au ministre du Revenu national ou après l'expiration de ce délai dans les cas suivants :

 

a) la Cour est convaincue que le procureur général du Canada a pris connaissance de renseignements tels qu'il est justifié de présenter la demande après l'expiration de ce délai, ou que la demande est par ailleurs raisonnable dans les circonstances;

 

b) la personne qui interjette appel y consent.

(2) A request under subsection (1) shall not be made after sixty days after the day the Registry of the Court transmits to the Minister of National Revenue the notice of appeal unless

 

 

(a) the Court is satisfied that the Attorney General of Canada became aware of information that justifies the making of the request after the sixty days had elapsed or that the request is otherwise reasonable in the circumstances; or

 

 

(b) the person who has brought the appeal consents to the making of the request after the sixty days have elapsed.

(À l'article 18.3001, l'appel auquel « le présent article et les articles 18.3003 à 18.301 s'appliquent » est l'appel régi par la « procédure informelle » de la Cour de l'impôt. Au paragraphe 18.3002(1), « l'appel auquel les articles 17.1, 17.2 et 17.4 à 17.8 » s'appliquent est l'appel régi par la « procédure générale » de la Cour de l'impôt.)

 

[10]           Suivant mon interprétation du paragraphe 18.3002(1), la Cour de l'impôt n'a pas le pouvoir discrétionnaire de rejeter la requête de la Couronne, puisque celle‑ci a été présentée dans les 60 jours suivant la transmission de l'avis d'appel par le greffe au ministre. Selon l'affidavit produit par la Couronne en réponse à la requête en prorogation de délai de Mme Kaur, le greffe a transmis au ministre l'avis d'appel de Mme Kaur le 24 mai 2011 et la Couronne a déposé sa requête fondée sur le paragraphe 18.3002(1) le 14 juillet 2011.

 

[11]           Cette interprétation du paragraphe 18.3002(1) est étayée par l'emploi du mot « doit » qui y figure et également par le fait que selon le paragraphe 18.3002(2), la Couronne ne doit justifier la requête fondée sur le paragraphe 18.3002(1) qui si elle est présentée après le délai de 60 jours. Le fait qu'une requête présentée dans le délai de 60 jours n'a pas à être justifiée indique que la Cour de l'impôt n'est pas censée avoir le pouvoir discrétionnaire de rejeter une requête présentée à l'intérieur de ce délai. Je souligne que la Cour canadienne de l'impôt a accepté cette interprétation du paragraphe 18.3002(1) : voir Oakville Motor Sales & Leasing Inc. c. Canada, no 95‑3514(GST)I, 28 octobre 1996, [1996] A.C.I. no 1450 (QL) (C.C.I.), Moriyama c. Canada, no 2001‑1954(GST)I, 2 août 2001, [2001] A.C.I. no 514 (QL) (C.C.I.), et Automoney Motor Corp. c. Canada, 2011 TCC 4 (C.C.I.). Je n'ai trouvé aucune décision dans laquelle la Cour avait adopté une autre interprétation.

 

[12]           Je suis d'accord avec la Couronne pour dire que l'appel interjeté par Mme Kaur à l'égard de l'ordonnance interlocutoire ne peut être accueilli et que Mme Kaur n'a pas justifié le non‑respect du délai d'appel. Selon les circonstances de l'espèce, ces motifs sont suffisants pour rejeter la requête en prorogation du délai d'appel présentée par Mme Kaur. En conséquence, la requête est rejetée avec dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

Cour d'appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                11-A-23

 

INTITULÉ :                                                               Kaur c. Sa Majesté la Reine

 

REQUÊTE ÉCRITE TRANCHÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                          LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 20 octobre 2011

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Satpal Kaur

 

LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Selena Sit

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S/O

 

LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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