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Date : 20111021

Dossier : A‑147‑10

Référence : 2011 CAF 293

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

SHAUNA NAHAJOWICH

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 12 octobre 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 octobre 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW

 

 

 


Date : 20111021

Dossier: A‑147‑10

Référence : 2011 CAF 293

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

SHAUNA NAHAJOWICH

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Dans l’appel CP26112, la Commission d’appel des pensions (la Commission) a jugé, à la majorité, que Shauna Nahajowich n’avait pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était invalide au sens du paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (le Régime). De l’avis de la majorité, la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle était « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » au sens du sous‑alinéa 42(2)a)(i) du Régime. La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               La Commission a rédigé de longs motifs. Après avoir exposé en détail les éléments de preuve dont elle disposait ainsi que les principes juridiques applicables, les membres majoritaires de la Commission ont commencé leur analyse de la preuve. Ils ont fait observer que Mme Nahajowich n’avait pas travaillé depuis mars 2003 après s’être blessée au travail alors qu’elle avait tenté d’immobiliser physiquement un résident d’un foyer de groupe où elle travaillait comme éducatrice. Les membres majoritaires ont ensuite examiné la preuve qui appuyait à leur avis la conclusion que Mme Nahajowich était en mesure de reprendre le travail en exerçant des fonctions sédentaires modifiées. Les rapports cités par les membres majoritaires avaient été établis au cours de la période comprise entre avril 2003 et août 2004. La Commission a également cité un rapport qui aurait été rédigé en février 2005 par le docteur Campbell, qui aurait déclaré que si Mme Nahajowich s’inscrivait à un programme d’exercice physique, son pronostic serait excellent, ainsi qu’un rapport d’avril 2006 dans lequel le docteur Chiu aurait encouragé Mme Nahajowich à être active. Les membres majoritaires de la Commission ont ensuite tiré les conclusions suivantes :

[traduction] 

[84]      J’ai examiné les nombreux rapports médicaux qui ont été rédigés et déposés. Le médecin de famille de Mme Nahajowich, le docteur Schwalfenberg, est d’avis que son état l’empêche d’effectuer tout type de travail de façon régulière et qu’il est peu probable que son état de santé s’améliore à l’avenir. Les autres éléments de preuve médicaux n’appuient cependant pas cette conclusion.

 

[85]      Mon examen des autres éléments de preuve médicaux et la compréhension que j’en ai ne démontrent pas à mon avis que l’invalidité dont est atteinte Mme Nahajowich peut être qualifiée de « grave » au sens de l’alinéa 42(2)a) du Régime. Exception faite des rapports médicaux du docteur Schwalfenberg, les autres rapports établis par des médecins ou des thérapeutes affirment dans une large mesure qu’elle pourrait soit retourner au travail, soit effectuer des tâches sédentaires modifiées. Elle n’a pas suivi les programmes d’exercice et de renforcement qui lui ont été suggérés. Exception faite de son médecin de famille, les autres médecins spécialistes de différentes disciplines qui ont examiné Mme Nahajowich n’ont constaté aucune pathologie ou preuve clinique appuyant sa position suivant laquelle son invalidité la rendait incapable d’exercer des fonctions rémunératrices.

 

[3]               Saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission, la Cour ne peut modifier l’appréciation que la Commission a faite de la preuve ou l’application qu’elle a faite de la loi à la preuve que si la décision de la Commission est déraisonnable. La Cour ne peut procéder à une nouvelle appréciation de la preuve ou à une nouvelle application de la loi à la preuve.

 

[4]               Malgré cette norme de contrôle empreinte de déférence, je suis arrivée à la conclusion que la décision de la Commission était déraisonnable et ce, pour les motifs qui suivent.

 

[5]               En premier lieu, on ne trouve dans l’analyse de la Commission aucune allusion à l’évolution et à la détérioration de l’état de santé de Mme Nahajowich. Bien qu’au départ, ses problèmes médicaux se résumaient à des douleurs ressenties dans le haut du corps à la suite de la blessure qu’elle avait subie alors qu’elle avait tenté d’immobiliser un jeune, avec le temps son état s’était détérioré. On avait diagnostiqué chez elle une fibromyalgie chronique qui avait été déclenchée par les blessures qu’elle avait subies au travail, des douleurs chroniques diffuses, de la fatigue chronique et un état dépressif en résultant. La détérioration de son état de santé est exposée de la façon suivante dans une lettre rédigée le 18 janvier 2005 par l’Alberta Human Resources and Employment, Labour Market and Income Support :

[traduction]

Les appareils dont Shauna avait besoin devaient lui être livrés en septembre 2003, mais en raison des retards qu’accusait leur achat (p. ex., le logiciel de reconnaissance de la voix), de la formation requise pour pouvoir utiliser ce logiciel, etc., elle n’a pas pu s’inscrire. Lorsque les appareils ont finalement été reçus en janvier 2004, l’état de Shauna s’était détérioré au point où elle souffrait maintenant de fibromyalgie et de douleurs myofaciales chroniques de sorte qu’elle était réputée inapte à fréquenter un établissement d’enseignement et inapte à s’inscrire à la formation de reconnaissance de la voix nécessaire.

 

[6]               En second lieu – et de façon accessoire –, il a été convenu que la date de référence pour la période minimale d’admissibilité (PMA) de Mme Nahajowich était le 31 décembre 2005. Mme Nahajowich était donc tenue de démontrer que son invalidité existait à cette date.

 

[7]               Ainsi que les commissaires majoritaires l’ont fait observer à juste titre, le docteur Schwalfenberg s’est constamment dit d’avis en tant que médecin que Mme Nahajowich était invalide au sens de la définition du régime. Par exemple, le 22 novembre 2006, le docteur Schwalfenberg s’est dit d’avis que les symptômes de Mme Nahajowich ne s’étaient pas améliorés au cours des deux dernières années et qu’il ne semblait pas qu’elle puisse exercer un emploi rémunérateur à l’avenir (dossier du défendeur, à la page 230). Il a tenu des propos semblables dans son rapport du 9 octobre 2007 dans lequel il a signalé que l’état de Mme Nahajowich l’empêchait d’exercer tout travail de façon régulière (dossier du défendeur, à la page 233).

 

[8]               Toutefois, comme nous l’avons déjà démontré, les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée pour conclure que Mme Nahajowich n’était pas invalide concernaient sont état de santé avant septembre 2004. Bien que la Commission ait effectivement cité un rapport du docteur Campbell remontant à février 2005, le recueil des pièces pertinentes examinées à l’audience de la Commission ne fait aucune mention d’un rapport établi par le docteur Campbell en février 2005. En février 2006, le docteur Campbell a effectivement soumis un rapport dans lequel il déclarait qu’il était [traduction] « incapable de formuler des commentaires au sujet de la capacité de Mme Nahajowich ou de ses limites en ce qui concerne tout emploi adapté à son état médical à ce moment‑ci. Toutefois, en avril 2005, sa capacité d’agir était probablement restreinte » (dossier du défendeur, à la page 419). Le rapport d’avril 2006 du docteur Chiu invoqué par la Commission indiquait : [traduction] « Il est difficile de poser un pronostic à ce moment‑ci » (dossier du défendeur, à la page 226).

 

[9]               Les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée pour discréditer le témoignage du docteur Schwalfenberg ne portaient donc pas sur une évaluation de l’état de Mme Nahajowich à la fin de sa PMA. Les deux rapports préparés en 2006 que la Commission a mentionnés étaient, dans le meilleur des cas, équivoques.

 

[10]           Les deux erreurs en question font en sorte que la décision de la Commission est déraisonnable.

 

[11]           Pour ces motifs, je suis d’avis de faire droit à la demande de contrôle judiciaire avec dépens et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            M. Nadon j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            K. Sharlow j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑147‑10

 

INTITULÉ :                                                   SHAUNA NAHAJOWICH c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 12 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 21 octobre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

James T. Neilson, c.r.

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michael Stevenson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Parlee McLaws LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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