Cour d’appel fédérale |
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Federal Court of Appeal |
Date : 20111102
Dossiers : A-390-09
A-386-09
A-389-09
A-387-09
Référence : 2011 CAF 300
Toronto (Ontario), le 2 novembre 2011
LE JUGE PELLETIER
LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
A-390-09
ENTRE :
et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
appelantes
et
APOTEX INC.
intimée
et
SCHERING CORPORATION
intimée
A-386-09
ET ENTRE :
SCHERING CORPORATION
appelante
et
APOTEX INC.
intimée
et
SANOFI-AVENTIS CANADA INC.
et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
intimées
A-389-09
ET ENTRE :
SANOFI-AVENTIS CANADA INC.
et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
appelantes
et
NOVOPHARM LIMITED
intimée
et
SCHERING CORPORATION
intimée
A-387-09
ET ENTRE :
SCHERING CORPORATION
appelante
et
NOVOPHARM LIMITED
intimée
et
SANOFI-AVENTIS CANADA INC.
et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
Audience tenue à Toronto (Ontario), les 31 octobre et 1er novembre 2011
Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 2 novembre 2011
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
Date : 20111102
Dossiers : A-390-09
A-386-09
A-389-09
A-387-09
Référence : 2011 CAF 300
Toronto (Ontario), le 2 novembre 2011
CORAM : LE JUGE NOËL
LE JUGE PELLETIER
LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
A-390-09
ENTRE :
SANOFI-AVENTIS CANADA INC.
et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
appelantes
et
APOTEX INC.
intimée
et
SCHERING CORPORATION
intimée
A-386-09
ET ENTRE :
SCHERING CORPORATION
appelante
et
APOTEX INC.
intimée
et
SANOFI-AVENTIS CANADA INC.
et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
intimées
A-389-09
ET ENTRE :
SANOFI-AVENTIS CANADA INC.
et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
appelantes
et
NOVOPHARM LIMITED
intimée
et
SCHERING CORPORATION
intimée
A-387-09
ET ENTRE :
SCHERING CORPORATION
appelante
et
NOVOPHARM LIMITED
intimée
et
SANOFI-AVENTIS CANADA INC.
et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
intimées
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Les présents motifs concernent les dossiers A-390-09, A-386-09, A-389-09 et A‑387‑09. L’original des motifs sera versé au dossier A-390-09, le dossier principal, et des copies seront placées dans les trois autres dossiers.
[2] Les appels ont trait au jugement de la juge Snider, de la Cour fédérale (la juge). La juge a rejeté les actions en contrefaçon de brevet intentées contre Apotex Inc. (Apotex) et Novopharm Limited (Novopharm) et a déclaré invalides, nulles, inopposables et sans effet les revendications 1, 2, 3, 6 et 12 du brevet canadien no 1341206 (le brevet 206). Dans ses motifs (2009 CF 676), elle passe en revue longuement et de manière détaillée le contexte, la preuve et le droit applicable et explique en détail ses conclusions.
[3] La décision de la juge est fondée sur sa conclusion selon laquelle, suivant la prépondérance des probabilités, les inventeurs du brevet 206 ne pouvaient pas valablement prédire, à la date de dépôt de la demande de brevet, que les huit composés de la revendication 12 de ce brevet auraient tous l’utilité promise par celui‑ci. La revendication 12 comporte huit composés et décrit des composés ayant cinq stéréocentres (ou centres chiraux) qui peuvent avoir une configuration S ou R (stéréochimie). Elle prescrit la configuration S pour deux centres chiraux et permet la configuration S ou R pour les trois autres. Lorsque les cinq stéréocentres sont de configuration S, le composé est le ramipril. La juge a conclu que, des huit composés, seul le ramipril pouvait répondre à la promesse contenue dans le brevet 206 (paragraphe 194 des motifs de la juge). En conséquence, la revendication a été rejetée pour manque d’utilité.
[4] Comme les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet 206 incluent les mêmes composés que la revendication 12, elles sont également invalides. La juge a affirmé, au paragraphe 230 de ses motifs, que la prédiction de l’appelante, Schering Corporation (Schering), à la date de la demande de brevet n’était pas valable parce que l’appelante « n’[a] rempli aucune des trois conditions requises pour la prédiction valable, soit le fondement factuel, le raisonnement clair et la divulgation ».
[5] En dépit des arguments détaillés et judicieux des avocats des appelantes, nous sommes d’avis que les appels doivent être rejetés. La question de savoir si une prédiction est valable est une question de fait : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, au paragraphe 71 (AZT). Les appelantes soutiennent que la juge a commis une erreur de droit en appliquant le critère juridique relatif à la prédiction valable de manière à exiger une quasi‑certitude. Elles soutiennent plus particulièrement que la juge a exigé des résultats de tests positifs et n’a pas tenu compte des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art. Nous convenons que la juge aurait commis une erreur de droit si elle avait appliqué le mauvais critère juridique, mais nous ne croyons pas que c’est ce qu’elle a fait.
[6] En fait, la juge a énoncé correctement le critère servant à déterminer si une prédiction est valable qui a été défini dans AZT. Elle a d’ailleurs appliqué ce critère pour arriver à sa conclusion concernant le ramipril. Les prétentions des appelantes ne tiennent pas compte de la conclusion de fait fondamentale qui sous‑tend et éclaire l’analyse de la juge, à savoir que, dans le contexte de la stéréochimie, même une petite modification à une molécule peut avoir des effets considérables sur l’activité (paragraphes 160 à 162 des motifs de la juge). Les renvois de la juge aux tests avaient trait à ce contexte factuel particulier d’instabilité.
[7] Les appelantes reprochent principalement à la juge d’avoir appliqué un critère purement subjectif pour déterminer si la prédiction était valable, en tirant sa conclusion concernant l’état d’esprit de l’inventeur sans faire référence aux connaissances générales courantes de la personne ordinaire versée dans l’art. Cette attaque n’est pas fondée à la lumière des motifs de la juge. Cette dernière s’est intéressée particulièrement aux travaux de l’inventeur (paragraphes 164 à 188 des motifs de la juge) et a conclu que, en soi, ils ne constituaient pas un fondement factuel d’une prédiction valable. Elle a ensuite examiné les connaissances générales courantes. Après avoir passé en revue l’état de la technique, elle a conclu que les connaissances générales courantes, appliquées aux propres enquêtes de Schering, ne suffisaient pas pour constituer un fondement factuel à une prédiction valable (paragraphes 199 et 200 des motifs de la juge).
[8] Les appelantes critiquent également la façon dont la juge a traité les résultats des tests de Schering. À leur avis, elle a considéré à tort que les résultats des tests dits « inactifs » démontraient l’inactivité par opposition au manque de puissance aux niveaux de test précisés. Or, cette critique n’est pas fondée. Les appelantes faisaient valoir que le brevet promettait une utilité si les différents centres chiraux étaient de configuration R, même à un degré réduit. Elles s’appuyaient à cet égard sur la déclaration contenue dans le brevet selon laquelle les configurations S étaient privilégiées (pages 17 et 18 du brevet 206). Lorsqu’on considère les motifs de la juge dans leur ensemble, il est évident qu’elle a conclu des résultats des tests de Schering qu’un test dit « inactif » à un degré précisé ne démontrait pas une activité à un degré différent ou ne permettait pas de prédire une telle activité. Par conséquent, dans la mesure où les appelantes ont revendiqué une prédiction valable concernant une certaine activité en rapport avec les molécules ayant une configuration R, les résultats des tests dits « inactifs » n’étayaient pas leur prédiction. La juge n’a pas commis d’erreur à cet égard.
[9] En fait, la juge a répété, en résumant ses conclusions, la proposition selon laquelle la protection conférée par un brevet repose sur la notion d’un marché entre l’inventeur et le public. Elle a mentionné que Schering avait inclus des composés dans la revendication 12 dans le but d’être prémunie contre d’éventuelles possibilités. À cet égard, elle a renvoyé à un extrait du contre‑interrogatoire de Mme Smith, l’un des inventeurs du brevet 206. Une partie de cet extrait est reproduit ci‑dessous; l’extrait complet se trouve au paragraphe 357 des motifs de la juge.
[traduction]
Q. Et dois‑je comprendre que vous l’avez écrit pour vous prémunir contre la possibilité qu’à un moment donné par la suite, un stéréoisomère particulier puisse, à votre surprise, se révéler très actif, parce que vous ne vouliez pas en rater un et voir ensuite le service des brevets vous revenir en vous disant : « Mme Smith, vous en avez raté un bon »?
R. Exact.
Q. Vous ne faisiez donc que vous protéger et vous avez écrit ces notes pour vous assurer qu’au cas où il se présenterait un stéréoisomère inattendu à un moment donné, vous étiez protégée?
R. Oui, cela l’aurait couvert et c’est aussi ce qui se pratique dans les brevets.
[10] Les autres questions soulevées par les appelantes comportent des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit qui peuvent faire l’objet d’une décision différente en appel seulement si une erreur manifeste et dominante est démontrée. Nous ne sommes pas persuadés que les appelantes ont démontré qu’une erreur de ce type a été commise.
[11] La juge a rédigé des motifs détaillés et complets de ses conclusions concernant la question de la prédiction valable. Ses conclusions sont fondées sur son appréciation de la preuve et sont abondamment expliquées. Les appelantes remettent en cause l’application, par la juge, des principes juridiques aux faits qui lui avaient été présentés, mais elles n’ont relevé aucune erreur susceptible de contrôle dans son appréciation de la preuve. Par leurs prétentions, les appelantes nous demandent essentiellement d’apprécier à nouveau la preuve et d’en tirer nos propres conclusions. Or, ce n’est pas notre rôle.
[12] Nous avons dit précédemment que, en l’absence d’une erreur manifeste et dominante, la Cour n’a aucune raison d’intervenir. À notre avis, la juge a, de façon appropriée, cité les principes juridiques applicables à la notion de prédiction valable, appliqué ces principes à la preuve dont elle disposait et tiré ses conclusions. Les appelantes n’ont pas démontré qu’elle a commis une erreur justifiant l’intervention de la Cour.
[13] Ayant conclu que les revendications 1, 2, 3, 6 et 12 du brevet 206 étaient invalides en raison du manque d’utilité, la juge s’est penchée, de façon subsidiaire, sur la question de la validité fondée sur l’évidence. La juge a analysé cette question de manière incidente et l’a tranchée en se servant des principes relatifs à la prédiction valable. Les présents motifs ne devraient pas être considérés comme une approbation des conclusions de la juge concernant la question de l’évidence et ne constituent pas une telle approbation.
[14] Les appels seront rejetés, les dépens étant adjugés aux intimées dans chaque appel.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : A-390-09, A-386-09, A-389-09 et A-387-09
APPEL DU JUGEMENT RENDU PAR LA JUGE SNIDER EN DATE DU 29 JUIN 2009, DANS LE DOSSIER NO T-161-07
INTITULÉ :
A-390-09 - SANOFI-AVENTIS CANADA INC. et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH c. APOTEX INC. et SCHERING CORPORATION
A-386-09 - SCHERING CORPORATION c. APOTEX INC. ET SANOFI-AVENTIS CANADA INC. et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
A-389-09 - SANOFI-AVENTIS CANADA INC. et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH c. NOVOPHARM LIMITED et SCHERING CORPORATION
A-387-09 - SCHERING CORPORATION c. NOVOPHARM LIMITED ET SANOFI‑AVENTIS CANADA INC. et SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATES DE L’AUDIENCE : Les 31 octobre et 1er novembre 2011
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LES JUGES NOËL, PELLETIER
ET LAYDEN-STEVENSON
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
COMPARUTIONS :
J. Sheldon Hamilton Junyi Chen
|
POUR LES APPELANTES - SANOFI-AVENTIS CANADA INC. - SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND Gmbh
|
Anthony Creber Marc Richard
|
POUR L’APPELANTE - SCHERING CORPORATION |
Nando De Luca Ben Hackett
|
POUR L’INTIMÉE - APOTEX INC.
|
Jonathan Stainsby Mark Davis Lesley Caswell
|
POUR L’INTIMÉE - NOVOPHARM LIMITED |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Toronto (Ontario) |
POUR LES APPELANTES - SANOFI-AVENTIS CANADA INC. - SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND Gmbh
|
Gowling Lafleur Henderson LLP Ottawa (Ontario)
|
POUR L’APPELANTE - SCHERING CORPORATION |
Goodmans LLP Toronto (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE - APOTEX INC.
|
Heenan Blaikie Toronto (Ontario)
|
POUR L’INTIMÉE - NOVOPHARM LIMITED |