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Date : 20111109

Dossier : A-348-10

Référence : 2011 CAF 305

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

 

STANLEY LABOW

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LA JUGE SHARLOW

                                                                                                    LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 


Date : 20111109

Dossier : A-348-10

Référence : 2011 CAF 305

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

STANLEY LABOW

 

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE DAWSON

[1]                        Le docteur Stanley Labow est chirurgien plasticien. À l’époque du présent appel, il était chef de la chirurgie plastique et reconstructive à l’Hôpital d’Ottawa et professeur adjoint de chirurgie à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Il avait aussi un cabinet privé où il employait trois personnes à temps partiel. Deux des employées à temps partiel n’avaient aucun lien de parenté avec le Dr Labow. Chacune travaillait à mi-temps. Elles fixaient les rendez-vous des patients et les dates d’occupation des salles d’opération, et il leur incombait aussi de s’occuper des dossiers et de la correspondance générale du cabinet. La troisième employée à temps partiel était l’épouse du Dr Labow. Elle tenait le curriculum vitae du Dr Labow à jour, s’assurait qu’il était suffisamment actualisé pour l’Université, les associations médicales et les organismes d’accréditation, et s’occupait des aspects financiers du cabinet. Le travail fait par Mme Labow pour son mari l’occupait environ 20 heures par semaine, et sa rémunération était de 20 000 $ par année. La rémunération horaire des deux autres employées à temps partiel était bien inférieure.

 

[2]                        Le 16 mai 2003, le ministre du Revenu national (le ministre) a établi des avis de nouvelle cotisation au Dr Labow pour les années d’imposition 1996 à 1999. Il est admis que ces nouvelles cotisations ont toutes été établies au-delà de la période normale de nouvelle cotisation prévue par le paragraphe 152(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi).

 

[3]                        Les nouvelles cotisations ont été établies en conséquence de la participation du Dr Labow à un Régime d’assurance-santé et bien-être (le Régime). Les cotisations versées par le Dr Labow au Régime étaient détenues dans une Fiducie de santé et bien-être (la Fiducie) administrée par la Royal Bank of Canada Trust Company (Cayman) Limited agissant comme fiduciaire (le fiduciaire). Selon le Régime, l’épouse du Dr Labow avait le droit de recevoir des prestations d’invalidité si elle devenait incapable de travailler à cause d’une maladie ou à la suite de blessures résultant d’un accident. Les autres employées à temps partiel du Dr Labow n’avaient pas droit à des prestations au titre du Régime.

 

[4]                        Le Dr Labow a versé 150 000 $ à la Fiducie en 1996 et 247 691 $ en 1997, et chaque année il a déduit du revenu de son cabinet le montant de sa cotisation. La cotisation totale de 400 000 $ du Dr Labow était presque le double du montant qui aurait été requis pour le versement de prestations d’invalidité au niveau maximal prévu par le Régime.

 

[5]                        Par la suite, la Fiducie a gagné un revenu. Les sommes attribuées aux cotisations versées par le Dr Labow à la Fiducie étaient les suivantes :

Année                                      Montant

 

1997                                                                                $  1 320

1998                                                                                $23 646

1999                                                                                $47 619

 

[6]                        Dans les nouvelles cotisations, le ministre a refusé au Dr Labow les déductions du revenu de son cabinet qu’il avait réclamées pour les années d’imposition 1996 et 1997 en conséquence des cotisations qu’il avait versées à la Fiducie. Les nouvelles cotisations incluaient aussi dans le revenu du Dr Labow pour chacune des années d’imposition 1997, 1998 et 1999 le revenu de la Fiducie attribué aux cotisations du Dr Labow à cette Fiducie.

 

[7]                        Le Dr Labow a fait appel des nouvelles cotisations devant la Cour canadienne de l'impôt (la Cour de l’impôt). Un juge de la Cour de l’impôt (le juge) a rejeté l’appel, avec dépens : 2010 CCI 408, 2010 DTC 1282. Le Dr Labow interjette aujourd’hui appel de la décision de la Cour de l’impôt rejetant son appel. Un appel distinct formé contre la décision ultérieure du juge relative aux dépens est en instance (numéro du greffe : A-45-11).

 

La décision de la Cour de l’impôt

[8]                        Les faits pertinents, ainsi que les conclusions de fait et de droit du juge, sont largement exposés dans ses motifs. Pour le présent appel, il suffit de prendre note des conclusions suivantes du juge :

 

1.                  Le Dr Labow ne cotisait pas au Régime dans le but de tirer un revenu de son cabinet. La décision de participer au Régime avait été prise pour des raisons purement personnelles.

2.                  Les nouvelles cotisations étaient justifiées selon le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi parce qu’il y avait eu, de la part du Dr Labow, présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. La première déclaration erronée était décrite ainsi :

Il n’y a rien dans l’une ou l’autre des déclarations qui révèle à celui qui les consulte que les montants qualifiés de coûts salariaux comprennent des cotisations à une fiducie visant le financement d’un régime pour la femme du Dr Labow, l’objectif n’ayant rien à voir avec le fait de gagner ou de produire un revenu.

 

La deuxième déclaration erronée était le fait que le Dr Labow n’avait pas inclus dans sa déclaration de revenu de chacune des années le revenu qui lui était attribué au titre de la Fiducie.

3.                  Le revenu reçu de la Fiducie était réputé faire partie du revenu du Dr Labow conformément au paragraphe 75(2) de la Loi parce que le Régime prévoyait que, à la cessation de la participation du Dr Labow au Régime, les fonds de la fiducie allaient lui être remboursés. Pour l’année d’imposition 1999, l’alinéa 75(3)b) de la Loi n’excluait pas l’application du paragraphe 75(2) parce que la Fiducie n’assurait pas de prestations à l’épouse du Dr Labow « au titre de la charge ou de l’emploi qu’elle occupait », comme cela est requis pour que s’applique l’alinéa 75(3)b).

4.                  Une nouvelle cotisation en dehors de la période normale était également justifiée selon le sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi parce que le revenu tiré de la Fiducie résultait de la conclusion d’une opération ou d’opérations entre le Dr Labow et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance. Le Dr Labow et la Fiducie n’étaient pas indépendants l’un de l’autre parce que le Dr Labow et son avocat pouvaient tous deux révoquer et remplacer le fiduciaire. Il s’ensuivait que, selon le juge, le Dr Labow contrôlait la Fiducie.

 

Les questions en litige

[9]                        Les questions soulevées dans le présent appel sont de savoir si le juge a commis une erreur en concluant comme suit :

 

1.                  Le ministre était fondé à établir de nouvelles cotisations à l’égard du Dr Labow conformément au sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi après la période normale de nouvelle cotisation;

2.                  Le ministre était fondé à établir de nouvelles cotisations à l’égard du Dr Labow conformément au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi après la période normale de nouvelle cotisation;

3.                  Les cotisations versées par le Dr Labow à la Fiducie au titre du Régime n’étaient pas déductibles dans le calcul du revenu tiré de son cabinet;

4.                  Les gains bruts de la Fiducie versés au compte du Dr Labow pour les années d’imposition 1997, 1998 et 1999 étaient imposables entre les mains du Dr Labow en tant que revenu d’intérêts net selon le paragraphe 75(2) de la Loi.

 

Examen des questions en litige

1.         Le sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi

[10]                    Le sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi est ainsi formulé :

152. (4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 

. . .

 

bla cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année et, selon le cas :

 

. . .

 

(iii) est établie par suite de la conclusion d’une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance, [Non souligné dans l’original.]

152. (4) The Minister may at any time make an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year, interest or penalties, if any, payable under this Part by a taxpayer or notify in writing any person by whom a return of income for a taxation year has been filed that no tax is payable for the year, except that an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer’s normal reassessment period in respect of the year only if

 

 

 

 

[...]

 

(b) the assessment, reassessment or additional assessment is made before the day that is 3 years after the end of the normal reassessment period for the taxpayer in respect of the year and

 

[...]

 

(iii) is made as a consequence of a transaction involving the taxpayer and a non-resident person with whom the taxpayer was not dealing at arm’s length, [emphasis added]

 

[11]                    Le Dr Labow fait valoir que le juge a commis une erreur dans sa manière d’appliquer cette disposition aux faits qui lui avaient été soumis, pour les raisons suivantes :

 

a.       Le juge n’a pas déterminé le lieu de résidence de la Fiducie.

b.      L’« opération » sur laquelle s’est fondé le juge était la cotisation versée par le Dr Labow à la Fiducie afin d’obtenir des prestations d’invalidité pour son épouse. Cependant, les dividendes, les intérêts et les gains en capital imposables de la Fiducie qui ont conduit à un nouveau calcul du revenu du Dr Labow selon le sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi ne faisaient pas partie de l’exécution de cette opération.

c.       Le juge a commis une erreur lorsqu’il a conclu que le Dr Labow et son avocat pouvaient l’un comme l’autre remplacer le fiduciaire.

d.        Le juge a commis une erreur lorsqu’il a conclu que le droit de remplacer le fiduciaire équivalait à un contrôle de la Fiducie.

e.         Le juge a commis une erreur en limitant à la question du contrôle le critère juridique du lien de dépendance. Le juge devait se demander s’il y avait une âme dirigeante commune.

 

[12]                    Pour les motifs qui suivent, je conclus que, contrairement à ce que prétend l’appelant, le juge n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a dit que les nouvelles cotisations étaient autorisées par le sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi.

 

[13]                    Premièrement, il est certes exact de dire que le juge n’a pas tiré une conclusion précise sur le lieu de résidence de la Fiducie, mais j’estime que la question du lieu de résidence de la Fiducie n’a pas été soulevée promptement par le Dr Labow. L’une des hypothèses du ministre était que la Fiducie résidait aux îles Caïmans. Le Dr Labow n’a pas lié contestation avec le ministre sur ce point, ni n’a produit une preuve de nature à mettre en doute l’hypothèse selon laquelle la Fiducie était une résidente étrangère. Le formulaire T1141 que le Dr Labow a déposé en 1998 et produit en preuve mentionnait que le pays de résidence de la fiducie était les îles Caïmans.

 

[14]                    Au cours des débats dans le présent appel, l’avocat du Dr Labow a affirmé que la question du contrôle de la Fiducie ne s’était posée qu’au cours de l’argumentation finale devant la Cour de l’impôt. En réponse à un nouvel argument présenté au nom du ministre, l’avocat du Dr Labow a tenté de faire valoir que la Fiducie résidait au Canada. À mon avis, cet argument du Dr Labow n’est pas défendable compte tenu de l’alinéa 16j) de la nouvelle réponse modifiée du ministre, où le ministre énonçait l’hypothèse suivante :

[TRADUCTION]

Lien de dépendance – sous-alinéa 152(4)b)(iii)

 

j)          à aucun moment durant la période pertinente l’appelant n’a traité sans lien de dépendance avec la fiducie;

 

i)                    l’appelant pouvait à tout moment et pour n’importe quelle raison cesser de participer au Régime et se faire rembourser le solde qui lui revenait;

 

ii)                   l’appelant pouvait remplacer le fiduciaire en lui donnant simplement un avis écrit;

 

iii)                 l’appelant et le fiduciaire pouvaient d’un commun accord modifier le protocole d’entente.

 

Contrairement aux arguments de son avocat, le Dr Labow aurait dû savoir que le contrôle de la fiducie était en cause. Son avocat ne pouvait pas tenter ensuite de soulever dans sa plaidoirie la question de la résidence de la Fiducie.

 

[15]                    Deuxièmement, le juge a reconnu avec raison que, pour que s’applique le sous-alinéa 152(4)b)(iii), la nouvelle cotisation doit avoir été « établie par suite de la conclusion d’une opération entre le contribuable et une personne non résidente ». Je ne vois aucune erreur dans sa conclusion selon laquelle le revenu de fiducie résultait directement des cotisations versées à la Fiducie. Les cotisations étaient une ou plusieurs opérations faisant intervenir le Dr Labow et la Fiducie. Le revenu était gagné sur l’objet de ces opérations.

 

[16]                    Troisièmement, la question de savoir si le Dr Labow et son avocat pouvaient remplacer le fiduciaire était une question de droit qu’il fallait trancher en interprétant l’instrument de fiducie. Comme le juge l’a souligné à juste titre, l’alinéa 5c) de l’instrument de fiducie autorise un employeur à remplacer le fiduciaire :

[TRADUCTION] L’employeur peut, moyennant un préavis écrit d’un (1) mois donné au fiduciaire, remplacer le fiduciaire à condition que le préavis indique le nom du nouveau fiduciaire ou des nouveaux fiduciaires qui ont été nommés en remplacement du fiduciaire ainsi révoqué;

 

[17]                    Selon l’instrument de fiducie, un « employeur » s’entend de l’employeur participant ou toute personne autorisée par l’employeur participant à remplacer le fiduciaire. Le juge a estimé que, en 1998, l’avocat du Dr Labow avait exercé son pouvoir de révoquer le fiduciaire à la demande du Dr Labow.

 

[18]                    Le juge n’a pas commis d’erreur dans son interprétation de l’instrument de fiducie.

 

[19]                    Quatrièmement, la conclusion selon laquelle le Dr Labow contrôlait la Fiducie était une conclusion tirée en réponse à la question de savoir si le Dr Labow et la Fiducie traitaient sans lien de dépendance. Il est établi par la jurisprudence que, lorsque des entités sont contrôlées directement ou indirectement par la même personne, que cette personne soit une personne physique ou une personne morale, les entités ne sont pas indépendantes l’une de l’autre. Voir par exemple l’arrêt Ministre du Revenu national c. Sheldon’s Engineering Ltd., [1955] R.C.S. 637, à la page 644.

 

[20]                    Dans le contexte d’une fiducie, la Cour d’appel fédérale a jugé que, lorsque le disposant a le pouvoir d’exiger le retrait du fiduciaire, c’est lui qui, en pratique et en droit, contrôle la fiducie. Voir par exemple l’arrêt Robson Leather Company Ltd. c. Ministre du Revenu national (1977), 14 N.R. 598, aux pages 611 et 612. Le juge n’a pas commis d’erreur dans sa manière d’appliquer ce précédent aux faits qui lui avaient été soumis.

[21]                    Enfin, le juge n’a pas commis d’erreur en limitant à la question du contrôle le critère juridique permettant de conclure à l’existence d’un lien de dépendance. Il est exact de dire que, lorsqu’elles sont appelées à trancher la question, les cours de justice se demandent en général : (i) s’il y avait un seul cerveau dirigeant la négociation pour les deux parties; (ii) si les deux parties agissaient de concert sans avoir des intérêts distincts; et (iii) si l’une des parties exerçait un contrôle de fait sur l’autre. Cependant, il n’est pas nécessaire que toutes ces conditions soient remplies, et elles ne sont pas nécessairement les seules pertinentes : Succession Remai c. Canada, 2009 CAF 340, 396 N.R. 351, au paragraphe 32.

 

[22]                    S’agissant de la première question, le juge n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a conclu, au paragraphe 46 de ses motifs, que « le sous-alinéa 152(4)b)(iii) autorisait donc le ministre à établir une nouvelle cotisation en tout temps au cours des trois années suivant la période normale de nouvelle cotisation de trois ans ».

 

[23]                    Le Dr Labow soutient que cette conclusion ne concerne que l’inclusion des gains de la Fiducie dans son revenu selon le paragraphe 75(2) de la Loi, mais, dans son argumentation orale, l’avocat du ministre a fait valoir que la conclusion du juge aurait aussi pour effet d’autoriser le nouveau calcul des sommes déduites du revenu.

 

[24]                    Je partage son avis. Pour que le sous-alinéa 152(4)b)(iii) s’applique, la nouvelle cotisation doit être « établie par suite de la conclusion d’une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance ». Le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que le revenu tiré de la Fiducie résultait d’une opération ou d’opérations entre le Dr Labow et la Fiducie non résidente avec laquelle le Dr Labow avait un lien de dépendance. Les opérations étaient les deux cotisations que le Dr Labow avait faites à la Fiducie afin d’obtenir des prestations d’invalidité pour son épouse. La conclusion selon laquelle les deux cotisations étaient elles-mêmes des opérations entre le Dr Labow et la Fiducie est sous-entendue dans la conclusion selon laquelle la réception d’un revenu résultait d’opérations entre le Dr Labow et la Fiducie. Il s’ensuit que les nouvelles cotisations refusant la déductibilité des cotisations à la Fiducie résultaient de telles opérations et qu’elles étaient donc autorisées par le sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi.

 

2.         Le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi

[25]                    Puisque j’ai conclu que le ministre était fondé à établir de nouvelles cotisations en vertu du sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi, il n’est pas nécessaire de considérer les arguments du Dr Labow sur la décision du juge d’appliquer le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi. Plus précisément, aucune observation ne m'a été présentée sur la question de savoir si, comme le soutient le Dr Labow, le juge a commis une erreur en se fondant sur des déclarations erronées non invoquées par le ministre pour conclure que le ministre avait eu raison de se fonder le sous-alinéa 152(4)a)(i).

 

3.         La déductibilité des cotisations du Dr Labow au Régime

[26]                    L’alinéa 18(1)a) de la Loi prévoit que, dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d’une entreprise ou d’un bien, n’est pas déductible un débours ou une dépense, sauf dans la mesure où ce débours ou cette dépense a été fait ou engagé par le contribuable en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. L’objet d’une dépense est une question de fait qu’il faut résoudre en tenant compte de toutes les circonstances : Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, à la page 736.

 

[27]                    En l’espèce, pour des motifs qu’il a largement exposés, le juge a tenu pour avéré que les sommes versées à la Fiducie n’avaient pas été dépensées en vue de tirer un revenu. Aucune erreur manifeste ou dominante n’a été alléguée ou établie à l’encontre de cette conclusion de fait.

 

[28]                    Le Dr Labow soutient plutôt que le juge a commis plusieurs erreurs de droit lorsqu’il a tiré sa conclusion concernant l’objet de ses cotisations au Régime. Cependant, contrairement aux arguments du Dr Labow, la Cour suprême du Canada a confirmé, dans l’arrêt Symes, que la question de savoir à quelle fin une dépense a été engagée n’est pas une question mixte de droit et de fait, mais plutôt une question de fait. Puisque le juge n’a pas commis d’erreur en tirant sa conclusion de fait concernant l’objet des cotisations versées au Régime, il n’est pas nécessaire d’examiner les erreurs de droit alléguées par le Dr Labow.

 

4.         Le traitement des gains de la Fiducie

[29]                    Le Dr Labow affirme que le juge a commis plusieurs erreurs lorsqu’il a conclu que, pour les années d’imposition 1997, 1998 et 1999, les gains en capital, les dividendes et les intérêts de la Fiducie devraient être inclus en tant que revenu d’intérêts net du Dr Labow, en application du paragraphe 75(2) de la Loi. Il affirme aussi qu’il aurait dû avoir le droit de déduire les frais appliqués par le fiduciaire à la Fiducie en 1997, 1998 et 1999.

 

[30]                    À mon avis, le Dr Labow ne peut pas contester l’inclusion du revenu de la Fiducie, ni l’exclusion des frais, pour les raisons qui suivent.

 

[31]                    Premièrement, le Dr Labow n’a pas soulevé dans son avis d’appel la question de la véritable nature juridique du revenu reçu de la Fiducie. Il a simplement nié que la Fiducie ait gagné les sommes indiquées dans les nouvelles cotisations. Par ailleurs, après que le ministre eut indiqué dans sa réponse son hypothèse selon laquelle la Fiducie avait produit un revenu pour la somme précisée dans les avis de nouvelle cotisation, le Dr Labow faisait simplement valoir, dans sa réponse modifiée, au paragraphe 13, que le ministre n’avait pas motivé son refus d’appliquer le paragraphe 75(3) de la Loi. Le simple refus du Dr Labow d’admettre que la Fiducie avait gagné pour chacune des années la somme indiquée dans les nouvelles cotisations ne suffisait pas à mettre en question la véritable nature juridique du revenu.

 

[32]                    Deuxièmement, la preuve produite n’a pas permis d’établir si le revenu reçu représentait des gains en capital, des dividendes, des intérêts ou un peu des trois. Une liste des opérations d’investissement a été produite en preuve, mais aucune preuve n’a été produite expliquant le document. Par exemple, on n’a pas expliqué pourquoi certaines sommes gagnées à partir d’opérations boursières étaient qualifiées de gains en capital plutôt que de revenu. Puisque le Dr Labow croit que le fiduciaire faisait des opérations trop fréquentes et assez peu prudentes, il aurait dû apporter la preuve des raisons qu’avait le fiduciaire de choisir tel ou tel titre, la preuve de la période durant laquelle les titres en question avaient été conservés, et la preuve des raisons qu’avait le fiduciaire de les vendre.

 

[33]                    De même, le Dr Labow a évoqué son droit de déduire les frais que lui facturait le fiduciaire, mais il n’a pas apporté la preuve des sommes en question. Là encore, les sommes facturées étaient indiquées dans la liste des opérations d’investissement, mais aucune précision n’a été donnée sur les frais en question. Par exemple, il n’a pas été expliqué si le revenu indiqué était net des frais du fiduciaire. Il n’appartient pas à la Cour, dans un appel, de juger à nouveau les questions de fait qui n’ont pas été validement soulevées en première instance.

 

[34]                    Enfin, le Dr Labow fait valoir que le juge a commis une erreur parce qu’il n’a pas appliqué la disposition dérogatoire de l’alinéa 75(3)b) de la Loi. L’alinéa 75(3)b) dispose :

 

75. (3) Le paragraphe (2) ne s’applique pas à un bien détenu au cours d’une année d’imposition par l’une des fiducies suivantes :

 

. . .

 

b) une fiducie créée à l’égard du fonds réservé, au sens de l’alinéa 138.1(1)a), une fiducie visée à l’alinéa a.1) de la définition de « fiducie » au paragraphe 108(1) ou une fiducie visée à l’alinéa 149(1)y); [Non souligné dans l’original.]

75. (3) Subsection 75(2) does not apply to property held in a taxation year

 

 

[...]

 

(b) by an employee trust, a related segregated fund trust (within the meaning assigned by paragraph 138.1(1)(a)), a trust described in paragraph (a.1) of the definition “trust” in subsection 108(1), or a trust described in paragraph 149(1)(y); [emphasis added]

 

[35]                    Le juge n’a pas commis d’erreur en n’appliquant pas cette disposition, pour les motifs qu’il a exposés. Au paragraphe 47 de sa décision, il écrivait ce qui suit :

 

... L’appelant soutient que l’alinéa 75(3)b) exclut les biens de la fiducie de l’application du paragraphe 75(2), parce qu’il s’agit d’une fiducie visée à l’alinéa a.1) de la définition de la fiducie, au paragraphe 108(1). Cette exclusion s’applique uniquement à la dernière année en cause :

 

Une fiducie [...] dont la totalité ou la presque totalité des biens sont détenus en vue d’assurer des prestations à des particuliers auxquels des prestations sont assurées dans le cadre ou au titre de la charge ou de l’emploi actuel ou ancien d’un particulier.

 

À mon avis, la présente fiducie ne peut pas satisfaire à cette définition pour la simple raison que, comme je l’ai ci‑dessus conclu, si le régime avait pour objet d’assurer des prestations à Rosalind Labow, ces prestations n’étaient pas assurées dans le cadre ou au titre de la charge ou de l’emploi qu’elle occupait, mais parce qu’elle était mariée à l’appelant. Par conséquent, le paragraphe 75(2) joue et le revenu de la fiducie est imposable entre les mains du docteur Labow. [Non souligné dans l’original, et omission de la note de bas de page]

 

[36]                    Au cours de l’argumentation orale présentée dans le présent appel, l’avocat du Dr Labow a fait valoir que le juge a commis une erreur parce qu’il n’a pris en compte que l’expression « au titre de la charge ou de l’emploi ». Selon lui, le juge ne s’était pas demandé si les prestations étaient assurées « dans le cadre » de la charge ou de l’emploi de l’épouse du Dr Labow. Cependant, vu la conclusion de fait du juge selon laquelle les prestations étaient assurées au titre de l’état matrimonial de l’épouse du Dr Labow, on ne saurait dire que les prestations étaient assurées « dans le cadre ou au titre » de la charge ou de l’emploi qu’elle occupait.

 

Conclusion

[37]                    Pour ces motifs, je rejetterais le présent appel, avec dépens.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a

 

 

 

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Carolyn Layden-Stevenson j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        A-348-10

 

 

INTITULÉ :                                                                STANLEY LABOW c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                               Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               Le 4 octobre 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                           La juge Dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :                                        La juge Sharlow

                                                                            La juge Layden-Stevenson

 

 

DATE DES MOTIFS :                                     Le 9 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS:

 

Shelley J. Kamin

 

POUR L’APPELANT

 

Luther P. Chambers

Hong Ky (Eric) Luu

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

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