Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20111208

Dossier : A-464-10

Référence : 2011 CAF 342

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

NAUTILUS PLUS INC.

appelante

et

CENTRES STOP INC.

intimée

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 1 décembre 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LE JUGE PELLETIER

LA JUGE TRUDEL

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20111208

Dossier : A-464-10

Référence : 2011 CAF 342

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

NAUTILUS PLUS INC.

appelante

et

CENTRES STOP INC.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel dirigé à l’encontre d’une décision rendue par le juge Harrington de la Cour fédérale (le juge de la Cour fédérale), rejetant l’appel de Nautilus Plus Inc. (l’appelante) au motif que le délégué du Registraire des marques de commerce (le Registraire) avait à bon droit rejeté la demande d’enregistrement de la marque STOP DIETE soumise par l’appelante en vertu de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi).

 

 

MISE EN CONTEXTE

[2]               L’appelante a déposé sa demande d’enregistrement en juillet 2005. La demande était fondée sur un emploi projeté en liaison avec des programmes de nutrition, « nommément : recommandations nutritionnelles pour gens actifs » (décision du Registraire, au para. 1).

 

[3]               Centres Stop Inc. (l’intimée) s’est opposée à cette demande en présentant six motifs d’opposition. Le Registraire en a retenu deux. Il a conclu que STOP DIETE portait à confusion avec les marques de commerce de l’intimée, notamment les marques STOP POIDS et STOP WEIGHT et que de plus, la marque proposée n’était pas distinctive.

 

[4]               L’affaire fut portée en appel devant la Cour fédérale et chacune des parties s’est prévalue de son droit de déposer une preuve additionnelle. Le juge de la Cour fédérale s’est penché sur cette nouvelle preuve et a conclu qu’elle n’avait pas pour effet d’affaiblir le fondement factuel de la décision du Registraire, laquelle était par ailleurs raisonnable.

 

[5]               Le présent appel s’ensuivit.

 

[6]               Au soutien de son appel, l’appelante prétend que la nouvelle preuve déposée devant le juge de la Cour fédérale était susceptible d’altérer la conclusion retenue par le Registraire et que par conséquent, la norme de la décision correcte s’imposait (Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 R.C.S. 772, aux paras. 36 et 37 [Mattel]; Shell Canada Limitée c. P.T. Sari Incofood Corporation, 2008 CAF 279, 380 N.R. 317, au para. 27). Dans l’alternative, elle soumet que la décision du Registraire n’était pas raisonnable et que le juge de la Cour fédérale a erré en tirant la conclusion contraire.

 

ANALYSE ET DÉCISION

[7]               Le Registraire a conclu dans un premier temps que les commerces exploités par les parties et les services offerts en liaison avec les marques en cause sont de même nature (motifs du Registraire, aux paras. 35 et 45), conclusions qui ne sont pas remises en question dans le cadre du présent appel. Il s’est ensuite penché sur la question à savoir s’il y avait probabilité de confusion entre les marques en cause. Au cours de son analyse, le Registraire a écarté l’argument de l’appelante selon lequel les marques avaient un sens différent (motifs du Registraire, au para. 37) :

 

Je ne peux abonder dans le sens de [l’appelante]. Le mot « STOP » signifie arrêt. Lorsqu’il est juxtaposé au mot « POIDS » ou sa version anglaise « WEIGHT » l’idée suggérée est d’arrêter de gagner du poids. Je conviens que la combinaison des mots « STOP » et « DIETE » peut paraître à prime abord étrange mais l’idée d’une diète est de réduire ou de maintenir son poids. Je conclus que dans son ensemble l’idée suggérée par les marques est semblable et qu’elles se ressemblent également du point de vue visuel et phonétique par la présence du mot STOP.

 

[Je souligne.]

 

 

[8]               L’appelante a mis en preuve devant le juge de la Cour fédérale plusieurs définitions du mot « diète » notamment celle que l’on retrouve dans le Multidictionnaire de la langue française (le Multidictionnaire), ouvrage publié à Montréal en 2005. Selon cette définition, le mot « diète » signifie :

 

Un régime alimentaire prescrit par un médecin. Une diète liquide. Une diète pauvre en sel, riche en fer. Ne pas confondre avec un régime amaigrissant.

 

 

[9]               Selon l’appelante, la définition contenue dans cet ouvrage, dont l’année de publication coïncide avec celle de la demande d’enregistrement dénote le sens exact du mot « diète ». Elle démontre que la marque STOP DIETE suggère d’éviter les diètes prescrites par un médecin et ne saurait être associée à un régime amaigrissant. Selon elle, le Registraire n’aurait pas conclu à l’existence d’une probabilité de confusion si cette définition avait été portée à son attention.

 

[10]           Avec égards, c’est à bon droit que le juge de la Cour fédérale a rejeté cette prétention. La définition du Multidictionnaire doit être considérée à la lumière des autres définitions du mot « diète » et en tenant compte du langage parlé (motifs, aux paras. 31 et 32). À cet égard, la définition de l’appelante, laquelle associe le mot « diète » à un régime alimentaire prescrit par un médecin, reflète sans doute le bon emploi dans la langue française. Par contre, l’aparté qui suit cette définition « Ne pas confondre avec un régime amaigrissant », laisse voir un autre usage qui associe justement le mot diète à un régime amaigrissant. Ce sens est conforme au mot anglais « diet » lequel peut être associé au contrôle du poids (Concise Canadian Oxford Dictionary, Oxford University, Press Canada, 2005). Il est utile de souligner à cet égard que le mot DIETE, tel qu’il apparaît dans la marque proposée, ne se retrouve ni dans la langue anglaise ou française, puisqu’épelé différemment quant à la première et sans accent grave quant à la deuxième, et qu’il est précédé par le mot STOP que partagent les deux langues. J’ajoute à ceci que l’on doit tenir compte du fait que le public cible, compte tenu de la zone géographique où les marques sont susceptibles d’être utilisées, aurait présumément une connaissance fonctionnelle tant de l’anglais que du français (Mattel, au para. 58).

[11]           Dans ce contexte, il était tout à fait loisible au juge de la Cour fédérale après mûre considération de la nouvelle preuve, de conclure que le mot DIETE, tel qu’il apparaît dans la marque, évoque un régime amaigrissant (motifs, au para. 33). Il s’ensuit que la nouvelle preuve était sans conséquence.

 

[12]           Ayant correctement identifié l’impact de la nouvelle preuve qui fut produite devant lui, le juge de la Cour fédérale a conclu que la décision du Registraire était par ailleurs raisonnable. L’appelante, en attaquant cette conclusion, s’en remet au fait que les marques en cause ont un caractère distinctif inhérent très faible. Dans ces circonstances, elle souligne à bon droit que de petites différences peuvent suffire pour les distinguer (Kellogg Salada Canada Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce), [1992] 3 C.F. 442, à la p. 436).

 

[13]           Selon l’appelante, la conclusion du juge de la Cour fédérale quant à la signification de la marque de l’appelante, lorsque juxtaposée à celle du Registraire, démontre l’existence de ce genre de différence. Elle souligne en particulier l’affirmation du Registraire selon laquelle l’idée suggérée est « d’arrêter de gagner du poids » et celle du juge de la Cour fédérale lorsqu’il dit que le concept sous-jacent est « d’arrêter de vous imposer des diètes, ça ne fonctionne pas » (motifs, au para. 33).

 

[14]           Avec égards, il s’agit d’une différence qui n’est qu’apparente. Reconnaissant que le juge de la Cour fédérale aurait pu s’exprimer différemment, l’idée qu’il tente de communiquer est évidemment qu’il n’est pas nécessaire de s’imposer un régime amaigrissant pour perdre du poids. L’accord qu’il exprime dans la phrase qui précède avec le sens retenu par le Registraire ne peut s’expliquer autrement. Selon moi, la conclusion retenue par le Registraire et par le juge de la Cour fédérale quant à l’idée suggérée par la marque STOP DIETE, est la même; soit celle que convie de façon littérale les marques STOP POIDS et STOP WEIGHT.

 

[15]           Finalement, l’appelante prétend que le juge de la Cour fédérale aurait appliqué le mauvais critère juridique en concluant à une « possibilité » plutôt qu’à une « probabilité » de confusion. L’appelante s’en remet au fait que le juge de la Cour fédérale au cours de ses motifs réfère à deux occasions à une « possibilité » de confusion plutôt qu’à une « probabilité » (motifs, aux paras. 28 et 38). Il s’agit là, selon moi, d’un simple accident de parcours puisque le juge de la Cour fédérale réfère au bon test partout ailleurs au cours de ses motifs (voir les paras. 2, 13, 17, 18, 29, 34 et 37). J’ajouterais que quoi qu’il en soit, la preuve permettait au Registraire de conclure à l’existence d’une probabilité de confusion entre la marque de l’appelante et celles de l’intimée.

 

[16]           L’intimée a demandé que les dépens lui soient accordés sur une base avocat/client. Il n’y a pas lieu d’accéder à cette demande.

 

[17]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

          J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

          Johanne Trudel j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-464-10

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE HARRINGTON DE LA COUR FÉDÉRALE DU 5 NOVEMBRE 2010, N° DU DOSSIER T-229-10.

 

INTITULÉ :                                                                           NAUTILUS PLUS INC. c. CENTRES STOP INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 1er décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Pelletier

                                                                                                La juge Trudel

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 8 décembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barry Gamache

POUR L’APPELANTE

 

Chloé Latulippe

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROBIC, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN LLP

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.