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Date : 20111121

Dossier : A‑479‑10

Référence : 2011 CAF 321

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

ENVISION CREDIT UNION

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 20 octobre 2011

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                               LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                              LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

LE JUGE STRATAS

 

 


Date : 20111121

Dossier : A‑479‑10

Référence : 2011 CAF 321

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

ENVISION CREDIT UNION

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

A.        INTRODUCTION

[1]               Deux caisses de crédit de la Colombie‑Britannique, Delta Credit Union (Delta) et First Heritage Savings Credit Union (First Heritage) (collectivement désignées comme les sociétés remplacées) ont fusionné conformément à la Credit Union Incorporation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 82 (la CUIA). La fusion a pris effet le 1er janvier 2001. La société issue de la fusion est Envision Credit Union (Envision).

 

[2]               La présente instance vise à établir la fraction non amortie du coût en capital (FNACC) des actifs amortissables dont Envision est propriétaire par suite de la fusion. Les contribuables peuvent demander des déductions pour amortissement (DPA) à l’égard de leurs revenus d’entreprise ou de biens. Les DPA sont un pourcentage de la FNACC d’un actif; le pourcentage varie selon la catégorie de l’actif amortissable en cause. La FNACC d’un actif amortissable est le coût de son acquisition, moins le montant des DPA : voir les paragraphes 13(21) et 20(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi).

 

[3]               En l’espèce, la Cour est appelée à décider si la FNACC globale des actifs amortissables appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant l’unification était attribuable à Envision au début de la première année d’imposition suivant la fusion. Ou bien, Envision pouvait‑elle déclarer au titre de la FNACC le prix initial payé par les sociétés remplacées et ne pas tenir compte des montants des DPA que les sociétés remplacées avaient déjà déduits de leurs revenus à des fins fiscales?

 

[4]               La FNACC serait transmise à ENVISION, en tant qu’attribut fiscal des sociétés remplacées, dans l’un ou l’autre des cas suivants : a) l’article 87 de la Loi s’appliquait à la fusion; b) les principes énoncés dans R. c. Black & Decker Manufacturing Co., [1975] 1 R.C.S. 411 (Black & Decker), s’appliquaient aux FNACC des sociétés remplacées.

 

[5]               Dans ses déclarations pour les années d’imposition 2001 à 2004, Envision a demandé des DPA en se fondant sur une FNACC de départ de 50 979 759 $, correspondant au coût en capital des actifs amortissables au moment de leur acquisition par les sociétés remplacées. En établissant les nouvelles cotisations, le ministre a réduit les DPA pour tenir compte d’une FNACC de départ de 20 103 228 $, soit le montant des soldes des FNACC immédiatement avant la fusion des sociétés remplacées. Le ministre est parvenu à ce chiffre en soustrayant du prix d’achat initial de 50 979 759 $ la somme de 30 876 531 $, à savoir le montant que les sociétés remplacées avaient demandé au titre des DPA au cours des années qui ont suivi l’acquisition des actifs.

 

[6]               Envision a interjeté appel des nouvelles cotisations devant la Cour canadienne de l’impôt. Le juge Webb (le juge) a accueilli l’appel d’Envision à l’égard de l’année d’imposition 2001 pour le motif que la nouvelle cotisation était prescrite. Le ministre n’a pas interjeté appel relativement à cet élément de la décision. Le juge a cependant rejeté l’appel interjeté par Envision des nouvelles cotisations établies par le ministre relativement aux années d’imposition 2002, 2003 et 2004. Envision a interjeté appel de cette partie de la décision devant notre Cour. La décision de la Cour canadienne de l’impôt est répertoriée sous Envision Credit Union c. Canada, 2010 CCI 576.

 

[7]               Le juge a accepté l’argument d’Envision selon lequel l’article 87 de la Loi ne s’appliquait pas à la fusion et les FNACC des sociétés remplacées n’étaient par conséquent pas transmises à Envision aux termes du paragraphe 87(2). Il a cependant aussi statué que les principes du droit des sociétés énoncés dans Black & Decker s’appliquaient et qu’Envision devait, à titre de remplaçante des sociétés remplacées, assumer les soldes de leurs FNACC immédiatement avant la fusion. Le juge a noté (au paragraphe 8) que, si l’argument d’Envision était valable et que les soldes des FNACC des sociétés remplacées n’étaient pas transmis à Envision en tant que société issue de la fusion, des DPA de 30 876 531 $ pourraient être demandées deux fois à l’égard des mêmes actifs : une fois par les sociétés remplacées et une fois par Envision.

 

[8]               À mon avis, le juge a conclu à bon droit que les FNACC des actifs des sociétés remplacées étaient transmises à Envision en vertu des principes énoncés dans Black & Decker. Cette conclusion suffirait pour trancher l’appel.

 

[9]               Cependant, au cas où je ferais une erreur quant à l’applicabilité de Black & Decker aux faits de l’espèce, je chercherai également à savoir si l’article 87 entre en jeu. Cette question, dont les avocats ont traité en détail et avec compétence devant notre Cour, a été tranchée par la Cour de l’impôt et a une portée générale pour la profession. En toute déférence pour le juge, j’ai conclu que l’article 87 s’applique à la fusion des sociétés remplacées et que les soldes de leurs FNACC ont été transmis à Envision en application du paragraphe 87(2).

 

[10]           Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel.

 

B.        LES FAITS

[11]           Les faits pertinents ne sont pas contestés et peuvent être énoncés brièvement. Delta et First Heritage ont commencé à discuter d’une unification en 1999. Les actionnaires ont approuvé, en juillet 2000, une convention de fusion qui été signée plus tard le même mois. Dans une lettre datée du 15 août 2000, la Financial Institutions Commission de la Colombie‑Britannique a confirmé qu’elle avait approuvé la fusion, et un certificat de fusion a par la suite été délivré par le registraire des sociétés de la Colombie‑Britannique conformément à l’alinéa 20(7)b) de la CUIA. La société issue de la fusion a d’abord été appelée First Heritage Credit Union, mais son nom a ensuite été changé pour Envision Credit Union.

 

[12]           Ce sont des considérations d’ordre commercial qui ont motivé l’unification : croissance accrue et économies d’échelle qui, selon ce qu’on espérait, auraient pour effet d’accroître la compétitivité des parties par rapport à d’autres institutions financières. Or, ce sont des considérations fiscales qui ont orienté les opérations relatives à l’unification.

 

[13]           Les comptables et les avocats qui conseillaient les parties sur l’unification ont notamment structuré celle‑ci d’une manière qui, selon ce qu’ils croyaient, la soustrairait à l’application de l’article 87. Cela devait accroître le montant imposable à taux réduit d’Envision et donc augmenter le montant de ses revenus assujettis au taux d’imposition des petites entreprises. C’est la principale considération fiscale qui est entrée en jeu dans les opérations décrites ci-dessous. Cependant, Envision avait en fin de compte droit au même crédit d’impôt pour les années d’imposition en cause, peu importe si le montant imposable à taux réduit lui avait été transmis ou non.

 

[14]           En juin 2000, les conseillers des sociétés remplacées ont commencé à se demander comment déclarer la FNACC des actifs d’Envision dans ses déclarations de revenus. Aucune décision n’a été prise jusqu’en décembre 2000; il a alors été décidé qu’Envision devait déclarer une FNACC de 50 979 759 $ au début de la première année d’imposition suivant la fusion. Cette décision reposait en grande partie sur le fait que la structure de l’unification empêchait une transmission des comptes fiscaux des sociétés remplacées, notamment du montant imposable à taux réduit et de la FNACC.

 

Le stratagème

[15]           Tous conviennent que, si l’article 87 vise l’unification envisagée des deux caisses de crédit, les soldes des FNACC des sociétés remplacées seraient transmis à Envision en vertu de l’alinéa 87(2)d). Les conseillers des parties ont estimé que l’unification serait soustraite à l’application de l’article 87 si les actifs des sociétés remplacées ne devenaient pas tous des biens d’Envision en vertu de la fusion.

 

[16]           Si tel était le cas, Envision pourrait déclarer un solde d’ouverture de la FNACC  qui ne tiendrait pas compte des DPA auparavant demandées par les sociétés remplacées parce que ces déductions étaient des comptes d’impôts théoriques qui n’existent que dans la Loi. En conséquence, ils ne pouvaient pas continuer à exister sans une disposition législative expresse à cet égard, comme celles du paragraphe 87(2). Si l’unification n’était pas une fusion aux fins de l’article 87, il était sans importance qu’elle soit une fusion en vertu de la CUIA de la Colombie‑Britannique.

 

[17]           Le point de vue selon lequel il était possible de contourner ainsi l’article 87 reposait sur la proposition que le paragraphe 87(1) définit une « fusion » comme une unification de deux sociétés ou plus qui forment une même entité

[…] de façon que,

 

a) à la fois les biens […] appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant l’unification deviennent des biens de la nouvelle société en vertu de l’unification;

[…]

… in such a manner that

 

(a) all of the property … of the predecessor corporations immediately before the merger becomes property of the new corporation by virtue of the merger,

 

Il s’ensuit que l’unification qui ne tombe pas sous le coup de la définition donnée au paragraphe 87(1) n’est pas une fusion aux fins de l’article 87.

 

[18]           En conséquence, les conseillers ont identifié comme excédentaires aux besoins quatre biens immeubles dont les sociétés remplacées étaient propriétaires immédiatement avant l’unification qui ne deviendraient pas la propriété de la société issue de la fusion en vertu de cette fusion. Les opérations décrites ci‑dessous visaient à atteindre cet objectif.

 

[19]           Tous les documents ayant trait aux opérations, qui avaient été signés quelques jours plus tôt, ont été datés de manière à prendre effet au même moment que la fusion, soit au plus tôt le 1er janvier 2001. Il avait donc été prévu que les opérations seraient simultanées.

 

[20]           Premièrement, les sociétés remplacées ont conclu une convention d’achat et de vente avec 619547 B.C. Ltd (619), société qui avait été constituée à cette fin à la mi‑décembre 2000. Aux termes de cette convention, les sociétés remplacées s’engageaient à vendre les biens immeubles excédentaires à 619, dont le titre valable en droit était détenu en fiducie pour 619 par les sociétés remplacées. Deuxièmement, en contrepartie du transfert de la propriété effective des biens, 619 émettait des actions privilégiées au nom des sociétés remplacées, lesquelles étaient transférées simultanément à Envision. Le prix global de remboursement ou de rachat des actions de 619 correspondait à la juste valeur marchande des biens immeubles excédentaires.

 

[21]           En conséquence, les biens immeubles excédentaires dont les sociétés remplacées avaient la propriété effective immédiatement avant l’unification ne sont pas devenus la propriété d’Envision le 1er janvier 2001 « en vertu de l’unification ». Au moment de la fusion, Envision n’est devenue propriétaire que du titre valable en droit des biens excédentaires, qu’elle détenait en fiducie pour 619, et des actions émises de 619.

 

C.        LE RÉGIME LÉGISLATIF

[22]           J’ai annexé aux présents motifs les dispositions de la Loi et de la CUIA se rapportant au présent appel. Cependant, pour la commodité du lecteur, je reproduis ci‑dessous la plus grande partie du paragraphe 87(1). Envision table fortement sur l’alinéa 87(1)a). Les parties soulignées sont particulièrement importantes.

87. (1) Au présent article, « fusion » s’entend de l’unification de plusieurs sociétés dont chacune était, immédiatement avant l’unification, une société canadienne imposable (chacune de ces sociétés étant appelée une « société remplacée » au présent article) destinée à former une société (appelée la « nouvelle société » au présent article) de façon que, à la fois :

 

 

a)      les biens (à l’exception des sommes à recevoir d’une société remplacée ou des actions du capital‑actions d’une société remplacée) appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant l’unification deviennent des biens de la nouvelle société en vertu de l’unification;

 

b)      les engagements (à l’exception des sommes payables à une société remplacée) des sociétés remplacées, existant immédiatement avant l’unification, deviennent des engagements de la nouvelle société en vertu de l’unification;

 

c)      les actionnaires (à l’exception des sociétés remplacées) qui possédaient des actions du capital‑actions d’une société remplacée immédiatement avant l’unification reçoivent des actions du capital‑actions de la nouvelle société en raison de l’unification,

[…]

87. (1) In this section, an amalgamation means a merger of two or more corporations each of which was, immediately before the merger, a taxable Canadian corporation (each of which corporations is referred to in this section as a “predecessor corporation”) to form one corporate entity (in this section referred to as the “new corporation”) in such a manner that

 

a.       all of the property (except amounts receivable from any predecessor corporation or shares of the capital stock of any predecessor corporation) of the predecessor corporations immediately before the merger becomes property of the new corporation by virtue of the merger,

 

b.      all of the liabilities (except amounts payable to any predecessor corporation) of the predecessor corporations immediately before the merger become liabilities of the new corporation by virtue of the merger, and

 

c.       all of the shareholders (except any predecessor corporation), who owned shares of the capital stock of any predecessor corporation immediately before the merger, receive shares of the capital stock of the new corporation because of the merger,

.…

 

[23]           Le paragraphe 87(2) énonce en détail les conséquences fiscales d’une fusion visée à l’article 87. Si l’article 87 s’applique à la fusion des sociétés remplacées, l’entité issue de la fusion est réputée être une « nouvelle société » en vertu de l’alinéa 87(2)a). En termes généraux, l’alinéa 87(2)d) prévoit que la FNACC de départ de la « nouvelle société » est le coût en capital initial des actifs moins les DPA demandées par les sociétés remplacées jusqu’au moment qui précède immédiatement la fusion.

 

[24]           L’unification de Delta et de First Heritage a pris effet le 1er janvier 2001, en tant que fusion effectuée conformément à l’article 20 de la CUIA de la Colombie‑Britannique. Le paragraphe 20(1) et l’alinéa 23a) de la CUIA prévoient que deux caisses de crédit ou plus peuvent fusionner en conformité avec l’article 20 et subsister comme une même caisse de crédit. L’article 23 prévoit les conséquences d’une fusion effectuée conformément à l’article 20.

 

D.        LA DÉCISION DE LA COUR DE L’IMPÔT

[25]           La première question sur laquelle le juge s’est penché était celle de savoir si l’article 87 de la Loi s’appliquait à l’unification. Il a accepté l’argument d’Envision selon lequel le paragraphe 87(1) définissait une « fusion » et il n’existait pas de « fusion » au sens de l’article 87 si les biens appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant l’unification ne devenaient pas tous la propriété d’Envision en vertu de l’unification.

 

[26]           Il a statué (au paragraphe 32) que l’intention des parties déterminait le moment où la propriété des biens était transférée (Hewlett Packard (Canada) Ltée c. Canada, 2004 CAF 240, 32 N.R. 201, au paragraphe 59) et que le transfert des biens immeubles excédentaires des sociétés remplacées à 619 s’était produit au même moment que la fusion (paragraphes 24 et 25) étant donné qu’il s’agissait clairement de l’intention des parties. Par conséquent, il a déclaré que, même si les sociétés remplacées étaient les propriétaires des biens immeubles excédentaires immédiatement avant l’unification, ces biens ne sont pas devenus la propriété d’Envision en vertu de l’unification. En conséquence, l’unification n’était pas une fusion aux fins de l’article 87.

 

[27]           Vu ces conclusions, le juge a déclaré (au paragraphe 24) qu’il importait peu de savoir si les actions de 619 avaient été émises au même moment que la fusion ou après. Il a également dit (au paragraphe 50) :

La caisse issue de la fusion a acquis toutes les actions de 619, qui avait acquis la propriété effective des actifs (et l’appelante a donc indirectement acquis la propriété effective), mais l’appelante n’a pas directement acquis la propriété effective des actifs excédentaires.

 

 

[28]           Ayant conclu que l’article 87 ne s’appliquait pas à la fusion et que les FNACC des sociétés remplacées n’étaient donc pas transmises à Envision en vertu de l’alinéa 87(2)d), le juge a cherché à savoir si les principes du droit des sociétés énoncés dans Black & Decker s’appliquaient malgré tout, de sorte que les FNACC des sociétés remplacées subsistaient dans Envision.

 

[29]           Il a statué que ces principes s’appliquaient. Comme il a déjà été signalé, le paragraphe 20(1) de la CUIA, en vertu duquel l’unification a eu lieu, prévoit que deux caisses de crédit ou plus, lorsqu’elles s’unifient, [traduction] « continue[nt] d’exister comme une seule et même caisse ». La législation examinée dans Black & Decker adoptait également le modèle de fusion de la « continuation ». Par conséquent, le juge a écrit (au paragraphe 70) que, tout comme les sociétés remplacées dans Black & Decker,

[…] Delta et First Heritage subsistent dans leur intégralité, avec les montants qui avaient été accordés à chacune d’elles pour l’amortissement.

 

 

[30]           Il a indiqué que la thèse défendue par Envision comportait un paradoxe. Envision prétendait, d’une part, qu’elle pouvait se reporter aux sociétés remplacées pour déterminer le coût en capital initial de ses actifs et, d’autre part, qu’elle pouvait ne pas tenir compte des DPA qu’elles avaient par la suite demandées.

 

E.        QUESTIONS EN LITIGE ET ANALYSE

[31]           L’avocat d’Envision se heurte à un défi de taille en soutenant qu’Envision pouvait calculer ses DPA en se basant sur un solde d’ouverture de FNACC de 50 979 759 $. Cet argument équivaut à demander à la Cour d’accepter la proposition que, bien interprétée, la Loi permet à essentiellement les mêmes personnes de demander deux fois des DPA de 30 876 207 $ relativement aux mêmes biens. À mon avis, seul un libellé législatif parfaitement clair pourrait justifier la conclusion qu’une telle anomalie était voulue par le législateur.

 

Question 1 : l’unification tombe‑t‑elle sous le coup de l’article 87 de la Loi?

[32]           Tous reconnaissent que, si l’article 87 s’applique à l’unification, les FNACC des actifs appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant la fusion sont attribuées à Envision.

 

[33]           Comme il a été indiqué précédemment, les opérations qui devaient avoir lieu au même moment que l’unification des sociétés remplacées, de façon à soustraire la fusion de celles‑ci à l’application de l’article 87, étaient (i) le transfert de la propriété effective des actifs excédentaires des sociétés remplacées au moyen d’une déclaration de fiducie en faveur de 619 et (ii) l’émission d’actions de 619 en faveur des sociétés remplacées. Au même moment métaphysique, les actions et le titre valable en droit relatifs aux actifs excédentaires devenaient, à cause de la fusion, la propriété d’Envision, même si, selon cette théorie du moment choisi pour effectuer les opérations, les actions n’avaient pas appartenu aux sociétés remplacées immédiatement avant la fusion.

 

[34]           C’est pourquoi, a soutenu Envision, la fusion ne tombait pas sous le coup de l’article 87 parce qu’elle n’était pas conforme à l’alinéa a), car l’unification n’avait pas été effectuée de manière à ce que

a) les biens […] appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant l’unification deviennent des biens de la nouvelle société en vertu de l’unification; […]

 

(a) all of the property … of the predecessor corporations immediately before the merger becomes property of the new corporation by virtue of the merger, …

 

 

 

[35]           En réponse, la Couronne a fait valoir que le paragraphe 87(1) est une disposition définitoire, en ce sens qu’il ne s’applique qu’aux unifications de sociétés canadiennes imposables. Toutefois, il ne vise par ailleurs pas à définir une fusion aux fins de l’article. En effet, l’alinéa 87(1)a) et les alinéas suivants ne font que cerner les conséquences juridiques d’une fusion énoncées dans toutes les lois ayant trait aux sociétés au Canada, dont l’article 23 de la CUIA. Lorsque des sociétés canadiennes imposables s’unifient conformément au droit des sociétés applicable, il s’agit d’une fusion aux fins de l’article 87.

 

[36]           J’estime qu’il n’est pas nécessaire d’exprimer une opinion sur cet argument parce que j’ai conclu qu’en raison des opérations relatives à l’unification des sociétés remplacées, tous les biens leur appartenant immédiatement avant l’unification sont devenus la propriété d’Envision « en vertu de l’unification ». Savoir s’il est possible que la fusion de deux sociétés canadiennes imposables en vertu du droit des sociétés applicable puisse être soustraite à l’application de l’article 87 est une tout autre question.

 

[37]           Aux fins présentes, l’alinéa 87(1)a) comprend deux éléments auxquels il faut satisfaire afin qu’une fusion soit visée. Premièrement, « les biens […] appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant l’unification deviennent des biens de la nouvelle société ». Deuxièmement, ce changement doit avoir lieu « en vertu de la fusion ». À mon avis, il est satisfait à ces deux conditions en l’espèce.

 

[38]           En ce qui a trait à la première condition, il est vrai que, immédiatement avant l’unification, les sociétés remplacées avaient la propriété effective des actifs excédentaires et que seul le titre valable en droit est devenu la propriété d’Envision « en vertu de l’unification ». Cependant, cela ne tient pas compte du fait qu’ Envision a également acquis à la fusion toutes les actions de 619, qui détenait la propriété effective des actifs excédentaires à partir du moment où la fusion a été réalisée.

 

[39]           Les opérations relatives à l’unification n’ont donc fait que changer la forme des biens des sociétés remplacées, qui sont devenus la propriété d’Envision. En d’autres termes, au lieu d’acquérir la propriété effective des actifs excédentaires à la fusion, Envision est devenue propriétaire de toutes les actions émises de 619, dont la valeur a été établie à la juste valeur marchande des actifs excédentaires. Tous les biens dont les sociétés remplacées étaient propriétaires immédiatement avant la fusion peuvent donc être associés aux biens dont Envision était propriétaire après la fusion.

 

[40]           Par conséquent, le fait que la propriété effective des biens excédentaires a été conférée à la filiale à 100 pour 100 d’Envision dès le moment où la fusion a eu lieu ne justifie pas la conclusion que les biens des sociétés remplacées ne sont pas devenus la propriété d’Envision aux fins de l’alinéa 87(1)a).

 

[41]           Quant à la deuxième condition, soit que les biens des sociétés remplacées deviennent la propriété de la nouvelle société « en vertu de la fusion », selon la théorie d’Envision quant aux opérations, les actions sont devenues la propriété d’Envision en vertu de la convention d’achat et de vente et de l’émission d’actions de 619, et non en vertu de la fusion. Toutefois, les opérations en vertu desquelles Envision est devenue propriétaire des actions au moment de la fusion faisaient partie d’une opération composite, dont chaque composante était étroitement liée à l’unification. Le lien de causalité et la proximité dans le temps entre l’unification et la propriété des actions par Envision pourraient difficilement être plus étroits.

 

[42]           Donc, à mon avis, si l’alinéa 87(1)a) fait partie de la définition de la « fusion » aux fins de l’article, l’unification des sociétés remplacées satisfaisait à cette définition et les FNACC des actifs immédiatement avant l’unification ont été transmises à Envision en application de l’alinéa 87(2)b).

 

Question 2 :    Si l’article 87 ne s’applique pas à l’unification en cause, les principes énoncés dans Black & Decker s’appliquent‑ils de sorte qu’Envision a l’obligation de reconnaître l’amortissement des actifs déjà demandé par les sociétés remplacées avant la fusion?

 

[43]           Dans Black & Decker, la Cour était appelée à décider si une société issue d’une fusion, qui a commencé à exister en vertu du modèle législatif de la « continuation » prévu à la Loi sur les corporations canadiennes, L.R.C. 1970, ch. C‑3, était responsable d’une infraction commise avant la fusion par une société remplacée. Dans les motifs qu’il a rédigés au nom de la Cour, le juge Dickson (plus tard juge en chef) a statué que la responsabilité demeurait parce que les sociétés fusionnées subsistaient comme une seule et même société après l’unification. Il a énoncé le principe de droit applicable dans les termes suivants (à la page 422) :

Bien interprétée, la loi a pour effet de permettre aux compagnies constituantes de subsister dans leur intégralité au sein de la compagnie née de la fusion, avec toutes leurs forces et leurs faiblesses, leurs qualités et leurs défauts ainsi que leurs péchés, lorsqu’elles sont pécheresses. Les lettres patentes de fusion ne donnent pas l’absolution.

 

 

[44]           Pour les besoins de la présente espèce, je supposerai que l’article 87 ne s’applique pas à l’affaire dont nous sommes saisis. Cependant, si les principes énoncés dans Black & Decker entrent en jeu, les soldes des FNACC des sociétés remplacées immédiatement avant leur fusion survivent à l’unification et sont attribuables à Envision pour les motifs suivants.

 

[45]           Premièrement, la CUIA, en vertu de laquelle la fusion des sociétés remplacées a pris effet, adopte essentiellement le même modèle de « continuation » de la fusion que la disposition de la Loi sur les corporations canadiennes examinée dans Black & Decker. Le paragraphe 20(1) et l’alinéa 23a) de la CUIA prévoient que, lorsque deux caisses de crédit s’unifient, elles [traduction] « continue[nt] d’exister comme une seule et même caisse ».

 

[46]           Deuxièmement, la conclusion du juge Dickson selon laquelle les attributs des sociétés qui fusionnent subsistent « dans leur intégralité » dans la société issue de la fusion est de portée suffisamment large pour inclure les soldes des FNACC des sociétés remplacées. Comme le juge le dit avec justesse (au paragraphe 72),

[...] si l’amortissement qui avait été accordé à Delta et à First Heritage n’est pas constaté par [...] [Envision], Delta et First Heritage ne subsisteraient pas dans leur intégralité. Ne pas inclure l’amortissement qui avait été accordé à Delta et à First Heritage, ce serait faire abstraction de cette demande et, à mon avis, cela serait erroné compte tenu de l’observation suivante du juge Dickson […]

 

 

[47]           Je conviens également avec le juge que la déclaration de la Cour de l’impôt dans CGU Holdings Canada Ltd. c. La Reine, 2008 CCI 167, confirmée par 2009 CAF 20 (CGU), selon laquelle le compte d’impôt remboursable n’était pas transmis lors de la fusion n’est d’aucun secours pour Envision, étant donné que la fusion dont il était question dans CGU tombait sous le coup de l’article 87 et que la société issue de la fusion était donc réputée être une nouvelle société.

 

[48]           L’argument principal d’Envision devant notre Cour était que Black & Decker ne s’appliquait pas à l’unification parce que l’article 87 constituait une codification complète des circonstances dans lesquelles les attributs fiscaux des sociétés qui fusionnent sont transmis à la société issue de la fusion. Ainsi, selon l’avocat, il convenait de conclure que le législateur a implicitement exclu les principes de common law énoncés dans Black & Decker, qui attribuent des conséquences fiscales similaires à des fusions qui satisfont au droit des sociétés mais qui ne tombent pas sous le coup de l’article 87.

 

[49]           La question de savoir si l’article 87 crée un régime complet qui exclut implicitement les principes énoncés dans Black & Decker en est une de droit qui est donc, en appel, susceptible de révision selon la norme de la décision correcte.

 

[50]           Dans Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham, Ontario, LexisNexis Canada Inc., 2008), à la page 442, Ruth Sullivan énonce le principe d’interprétation législative du « régime exhaustif » dans les termes suivants :

[traduction]

Le recours à la common law est considéré comme inapproprié lorsque la législation applicable est suffisamment large et détaillée pour constituer une réglementation complète de la question [...]

 

La législation est considérée comme complète lorsqu’il appert que tous les aspects d’une question, ou toutes les solutions possibles à une question, ont été traités par le législateur.

 

 

[51]           Quoique ce principe général d’interprétation soit indubitablement utile, la question de savoir si des dispositions législatives données excluent implicitement l’application de la common law doit être examinée au cas par cas et en gardant à l’esprit les particularités du régime législatif en cause.

 

[52]           L’avocat d’Envision a soutenu que le fait que les conséquences d’une fusion sont énoncées de manière détaillée à l’article 87 exclut implicitement les principes de common law selon lesquels il convient de donner un traitement fiscal similaire aux fusions qui prennent effet en vertu du droit des sociétés mais qui ne constituent pas une fusion en vertu de l’article 87. Pour quelle raison, a demandé pour la forme l’avocat, le législateur aurait‑il prévu de manière détaillée les conséquences fiscales d’une fusion en vertu de l’article 87 si ces conséquences s’appliquaient en common law à des fusions qui ne tombent pas sous le coup de l’article 87?

 

[53]           Pour illustrer le principe d’interprétation législative du « code complet », l’avocat d’Envision s’est appuyé sur trois arrêts de la Cour suprême du Canada dont les questions étaient, selon lui, sont analogues à celles de l’espèce.

 

[54]           Premièrement, il a invoqué l’arrêt Bureau des gouverneurs du Collège Seneca of Arts and Technology c. Bhadauria, [1981] 2 R.C.S. 181 (Seneca College), dans lequel il fallait décider si une violation du Ontario Human Rights Code donnait naissance à une cause d’action en responsabilité délictuelle pour la violation soit de l’obligation créée par le Code, soit des valeurs de la politique générale exprimée dans le Code.

 

[55]           Dans les motifs qu’il a rédigés pour la Cour, le juge en chef Laskin a déclaré (à la page 183) que « la grande portée du Code dans ses aspects administratifs et judiciaires » faisait échec à la cause de la demanderesse. Il importe également de noter que la Cour a rejeté la tentative de la demanderesse d’établir une nouvelle cause d’action en déclarant (à la page 195) qu’une telle évolution de la common law

[...] est rendu[e] impossible par l’initiative du législateur qui, allant plus loin que la common law telle qu’elle existe en Ontario, a établi un régime qui, loin d’exclure les cours, les intègre dans le mécanisme d’application prévu par le Code.

 

 

[56]           Seneca College n’est toutefois pas la présente affaire. Si ce n’était de l’article 87, la common law aurait attribué à Envision les FNACC des actifs appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant la fusion. En l’espèce, toutefois, Envision invoque le caractère complet de l’article 87 pour exclure, relativement à la fusion, des conséquences qui autrement découleraient de la common law, pas pour empêcher la création de nouveaux droits en common law.

 

[57]           Deuxièmement, il a invoqué l’arrêt Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360 (Regina Police Assn.). Dans cette affaire, la Cour devait décider si le renvoi disciplinaire d’un policier pouvait faire l’objet d’un grief déposé par le syndicat devant un arbitre en matière de travail ou si le renvoi devait être traité conformément aux dispositions législatives qui régissent les affaires disciplinaires ayant trait à la police. La Cour a statué que les dispositions législatives écartaient implicitement la compétence de l’arbitre.

 

[58]           Rédigeant les motifs de la Cour, le juge Bastarache a écrit, au paragraphe 31 :

Les dispositions détaillées du régime législatif qui régit les affaires disciplinaires indiquent clairement que le législateur voulait que The Police Act et le Règlement constituent un code complet pour le règlement des affaires disciplinaires mettant en cause des membres du corps policier.  Cela reflète une politique gouvernementale légitime selon laquelle les commissions de police doivent avoir la responsabilité exclusive du maintien d’un corps de police efficient dans la collectivité.  Le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires aux membres du corps policier fait partie intégrante de ce rôle. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[59]           Troisièmement, l’avocat a cité Symes c. Canada, [1993] 4  R.C.S. 695 (Symes), comme un exemple de l’application au droit fiscal du principe d’interprétation législative du code complet. L’une des questions qui se posaient dans cette affaire consistait à savoir si une contribuable pouvait choisir de déduire des frais de garde d’enfants en vertu des dispositions générales de la Loi relatives à la déduction des dépenses d’entreprise plutôt qu’en vertu de l’article 63, qui traitait plus particulièrement des frais de garde d’enfants. La Cour a conclu que la contribuable ne le pouvait pas, principalement parce que l’article 63 imposait des limites à la déductibilité des frais de garde d’enfants qui ne s’appliquaient pas aux dispositions générales sur la déduction des dépenses d’entreprise. Permettre à un contribuable de demander, relativement aux frais de garde d’enfants, une plus grande déduction en vertu des dispositions générales de la Loi irait à l’encontre de l’intention législative exprimée à l’article 63 de limiter la déductibilité des frais de garde d’enfants.

 

[60]           Contrairement aux textes de loi examinés dans Regina Police Association et Symes, l’article 87 et les principes énoncés dans Black & Decker n’entrent pas en conflit : il n’y aurait aucun manquement aux objectifs de l’article 87 si les FNACC des sociétés remplacées étaient transmises à Envision dans le cadre du modèle de fusion de la « continuation » qui ne tombe pas sous le coup de l’article 87.

 

[61]           L’article 87 n’adopte pas le modèle de fusion de la « continuation », mais prévoit plutôt que l’entité issue de la fusion est réputée être une « nouvelle société ». Comme des sociétés unifiées aux termes de l’article 87 ne continueraient pas à exister dans la « nouvelle société » issue de la fusion, Black & Decker ne s’appliquerait pas et l’article 87 devrait par conséquent préciser clairement quels attributs des sociétés remplacées seraient transmis à la nouvelle société.

 

[62]           Au contraire, les principes larges énoncés dans Black & Decker concernant la « transmission » découlent du modèle de l’unification de la « continuation », en vertu duquel les sociétés remplacées subsistent « dans leur intégralité » dans la société issue de la fusion. L’article 87 a créé un modèle différent de fusion (la « nouvelle société »). Par conséquent, rien ne justifie de conclure que le législateur voulait que l’article 87 occupe tout le champ et exclue ainsi les conséquences en common law du modèle de la « continuation » pour les fusions qui ne sont pas considérées comme des fusions aux fins de l’article.

 

[63]           Enfin, le caractère non complet de 87 est étayé par l’arrêt Guaranty Properties Ltd. c. Canada, [1990] 3 C.F. 337 (C.A.) à la page 349, dans lequel le juge McGuigan, qui a rédigé les motifs de la Cour, a écrit :

Il convient de souligner que les premiers mots du paragraphe 87(1) ont pour effet d’en limiter la portée au seul article 87 (« Dans le présent article »), ce qui tendrait à nier l’intention du législateur de créer un code complet applicable aux cas de fusion […]

 

 

[64]           L’avocat d’Envision a également soutenu que, si Black & Decker s’appliquait aux conséquences fiscales d’une unification dont l’effet échappe à l’application de l’article 87, le paragraphe 87(2), qui précise les conséquences fiscales d’une unification en vertu de l’article 87, serait redondant. Les dispositions législatives sont présumées non redondantes et doivent être interprétées en conséquence.

 

[65]           À mon avis, la présomption interprétative à l’encontre de la redondance ne s’applique pas en l’espèce, essentiellement pour les mêmes motifs pour lesquels j’ai conclu que l’article 87 ne constitue pas un code complet qui exclut implicitement l’application de Black & Decker aux unifications qui ne tombent pas sous le coup de l’article 87.

 

[66]           Ayant établi qu’une société issue d’une fusion est réputée être une nouvelle société, l’article 87 prévoit les conséquences fiscales de la fusion afin que les sociétés canadiennes imposables qui fusionnent ne soient pas assujetties aux conséquences fiscales défavorables qui s’ensuivraient autrement, y compris en ce qui a trait aux cessions et acquisitions présumées de biens, ainsi que leurs conséquences en ce qui a tait aux gains en capital. En ce qui concerne les fusions, Black & Decker se limite au modèle de la « continuation » et ne s’applique pas aux fusions visées à l’article 87. Il n’y a pas de redondance en l’espèce, notamment parce que l’article 87 est antérieur à Black & Decker.

 

[67]           En conséquence, je conviens avec le juge que, même si l’unification des sociétés remplacées ne tombait pas sous le coup de l’article 87 (mais j’ai conclu le contraire), les principes de common law énoncés dans Black & Decker entraîneraient l’attribution des FNACC des sociétés remplacées à Envision. Par conséquent, le ministre a eu raison de rejeter la demande de DPA d’Envision qui était fondée sur une FNACC de départ de 50 979 759 $ et de la réduire à 20 103 228 $. Il convenait donc de confirmer les nouvelles cotisations établies à l’égard d’Envision pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004.

 

F.         CONCLUSIONS

[68]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« John M. Evans »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            Carolyn Layden‑Stevenson j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            David Stratas j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE A

 

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1.

 

87. (1) Au présent article, « fusion » s’entend de l’unification de plusieurs sociétés dont chacune était, immédiatement avant l’unification, une société canadienne imposable (chacune de ces sociétés étant appelée une « société remplacée » au présent article) destinée à former une société (appelée la « nouvelle société » au présent article) de façon que, à la fois :

 

 

a)      les biens (à l’exception des sommes à recevoir d’une société remplacée ou des actions du capital‑actions d’une société remplacée) appartenant aux sociétés remplacées immédiatement avant l’unification deviennent des biens de la nouvelle société en vertu de l’unification;

 

b)      les engagements (à l’exception des sommes payables à une société remplacée) des sociétés remplacées, existant immédiatement avant l’unification, deviennent des engagements de la nouvelle société en vertu de l’unification;

 

c)      les actionnaires (à l’exception des sociétés remplacées) qui possédaient des actions du capital‑actions d’une société remplacée immédiatement avant l’unification reçoivent des actions du capital‑actions de la nouvelle société en raison de l’unification,

[…]

87. (1) In this section, an amalgamation means a merger of two or more corporations each of which was, immediately before the merger, a taxable Canadian corporation (each of which corporations is referred to in this section as a “predecessor corporation”) to form one corporate entity (in this section referred to as the “new corporation”) in such a manner that

 

a.       all of the property (except amounts receivable from any predecessor corporation or shares of the capital stock of any predecessor corporation) of the predecessor corporations immediately before the merger becomes property of the new corporation by virtue of the merger,

 

b.      all of the liabilities (except amounts payable to any predecessor corporation) of the predecessor corporations immediately before the merger become liabilities of the new corporation by virtue of the merger, and

 

c.       all of the shareholders (except any predecessor corporation), who owned shares of the capital stock of any predecessor corporation immediately before the merger, receive shares of the capital stock of the new corporation because of the merger,

.…

 

87(2) Lorsqu’il y a eu fusion de plusieurs sociétés après 1971, les règles suivantes s’appliquent :

 

 

a)         pour l’application de la présente loi, l’entité issue de la fusion est réputée être une nouvelle société dont la première année d’imposition est réputée avoir commencé au moment de la fusion et l’année d’imposition d’une société remplacée, qui se serait autrement terminée après la fusion, est réputée s’être terminée immédiatement avant la fusion;

 

 

[…]

d)      pour l’application des articles 13 et 20 et des dispositions réglementaires prises en vertu de l’alinéa 20(1)a):

 

(i)          lorsque la nouvelle société a acquis auprès d’une société remplacée des biens amortissables d’une catégorie prescrite, le coût en capital supporté pour les biens par la nouvelle société est réputé être le coût en capital supporté pour ces biens par la société remplacée,

 

 

(ii)     dans la détermination de la fraction non amortie du coût en capital supporté, à un moment donné, par la nouvelle société pour les biens amortissables d’une catégorie prescrite :

 

(A)    le coût indiqué, pour une société remplacée immédiatement avant la fusion, de chaque bien compris dans cette catégorie par la nouvelle société doit être ajouté au coût en capital pour celle‑ci de biens amortissables de cette catégorie acquis avant le moment donné,

 

(B)    il faut soustraire du coût en capital supporté par la nouvelle société pour les biens amortissables de cette catégorie, acquis avant le moment donné, le coût en capital supporté par la nouvelle société pour les biens de cette catégorie, acquis en vertu de la fusion,

 

(C)       toute mention au sous‑alinéa 13(5)b)(ii) de sommes qui auraient été déduites relativement à un bien dans le calcul du revenu d’un contribuable vaut également mention de sommes qui auraient été déduites relativement à ce bien dans le calcul du revenu d’une société remplacée,

 

 

(D)      lorsque des biens amortissables qui sont réputés selon le paragraphe 37(6) constituer une catégorie prescrite distincte ont été acquis auprès d’une société remplacée par la nouvelle société, les biens sont toujours réputés faire partie de cette même catégorie prescrite distincte;

 

 

 

Biens amortissables acquis auprès d’une société remplacée

 

d.1)      pour l’application de la présente loi, lorsque la nouvelle société a acquis auprès d’une société remplacée des biens amortissables (autres que des biens d’une catégorie prescrite), la nouvelle société est réputée avoir acquis ces biens avant 1972 à un coût effectif égal au prix effectif supporté pour ceux‑ci par la société remplacée, et la nouvelle société est réputée avoir été autorisée à déduire le total des sommes admises que la société remplacée était autorisée à déduire relativement à ces biens, en vertu des dispositions réglementaires prises en application de l’alinéa 20(1)a), dans le calcul du revenu de la société remplacée;

[…]

87(2) Where there has been an amalgamation of two or more corporations after 1971 the following rules apply

 

(a)        for the purposes of this Act, the corporate entity formed as a result of the amalgamation shall be deemed to be a new corporation the first taxation year of which shall be deemed to have commenced at the time of the amalgamation, and a taxation year of a predecessor corporation that would otherwise have ended after the amalgamation shall be deemed to have ended immediately before the amalgamation;

(d)       for the purposes of sections 13 and 20 and any regulations made under paragraph 20(1)(a),

 

 

(i)     where depreciable property of a prescribed class has been acquired by the new corporation from a predecessor corporation, the capital cost of the property to the new corporation shall be deemed to be the amount that was the capital cost of the property to the predecessor corporation, and

 

(ii)    in determining the undepreciated capital cost to the new corporation of depreciable property of a prescribed class at any time,

 

 

(A)   there shall be added to the capital cost to the new corporation of depreciable property of the class acquired before that time the cost amount, immediately before the amalgamation, to a predecessor corporation of each property included in that class by the new corporation,

 

(B)   there shall be subtracted from the capital cost to the new corporation of depreciable property of that class acquired before that time the capital cost to the new corporation of property of that class acquired by virtue of the amalgamation,

 

 

(C)   a reference in subparagraph 13(5)(b)(ii) to amounts that would have been deducted in respect of property in computing a taxpayer’s income shall be construed as including a reference to amounts that would have been deducted in respect of that property in computing a predecessor corporation’s income, and

 

(D)   where depreciable property that is deemed by subsection 37(6) to be a separate prescribed class has been acquired by the new corporation from a predecessor corporation, the property shall continue to be deemed to be of that same separate prescribed class;

 

 

 

 

Depreciable property acquired from predecessor corporation

 

(d.1)     for the purposes of this Act, where depreciable property (other than property of a prescribed class) has been acquired by the new corporation from a predecessor corporation, the new corporation shall be deemed to have acquired the property before 1972 at an actual cost equal to the actual cost of the property to the predecessor corporation, and the new corporation shall be deemed to have been allowed the total of all amounts allowed to the predecessor corporation in respect of the property, under regulations made under paragraph 20(1)(a), in computing the income of the predecessor corporation;

 

 

Credit Union Incorporation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 82

 

[traduction]

20   (1) Plusieurs caisses de crédit (les « caisses fusionnantes ») peuvent fusionner et continuer d’exister comme une seule et même caisse (la « caisse issue de la fusion »), à condition de satisfaire aux dispositions du présent article.

(2) Les caisses fusionnantes, y compris toute caisse à laquelle il a été ordonné de fusionner en vertu de l’alinéa 227g) de la Financial Institutions Act, soumettent à la commission une convention de fusion

a) indiquant

(i) la dénomination sociale de la caisse issue de la fusion,

(ii) les conditions de la fusion,

(iii) les modalités de réalisation de la fusion,

(iv) les noms et adresses des premiers administrateurs et cadres supérieurs de la caisse issue de la fusion,

(v) si les activités exercées par la caisse issue de la fusion se rapportent uniquement à des dépôts ou à la fois à des dépôts et à des fiducies,

(vi) les services que la caisse issue de la fusion se propose d’offrir à ses membres,

(vii) le lien existant entre les membres de la caisse issue de la fusion,

(viii) les modalités d’échange des actions émises et des actions non émises de chaque caisse fusionnante contre des actions de la caisse issue de la fusion,

(ix) la juste valeur marchande des actions à revenu variable de chaque catégorie, ou la méthode de détermination de la juste valeur marchande des actions à revenu variable de chaque catégorie, pour l’application de l’article 24 ;

 

b) renfermant

(i) les statuts constitutifs de la caisse issue de la fusion, préparés conformément à l’article 6,

(ii) les règles de la caisse issue de la fusion, préparées conformément à l’article 7,

 

(3) Sur réception de la convention de fusion, y compris toute convention dans laquelle au moins l’une des caisses fusionnantes est sous administration en vertu de l’article 21, la commission peut :

aapprouver la convention de fusion;

b refuser d’approuver la convention de fusion si elle estime que la convention est contraire aux intérêts d’au moins l’une des caisses fusionnantes ou des membres d’une des caisses.

 

(4) Si, en application du paragraphe (3), la commission approuve une convention de fusion aux termes de laquelle l’une des caisses fusionnantes n’est pas sous administration en vertu de l’article 21, l’une ou l’autre des conditions suivantes s’applique à la caisse :

ala caisse soumet la convention de fusion à ses membres pour que ceux‑ci l’approuvent au moyen d’une résolution spéciale si elle n’a pas émis d’actions à revenu variable sauf, le cas échéant, des parts sociales;

bsi au moins deux catégories d’actions à revenu variable ont été émises, la caisse soumet la convention de fusion :

(i) à ses membres pour que ceux‑ci l’approuvent au moyen d’une résolution spéciale,

(ii) aux détenteurs d’actions à revenu variable de chaque catégorie autres que des parts sociales, pour que ceux‑ci l’approuvent au moyen d’une résolution distincte, la résolution devant être adoptée par une majorité des deux tiers des membres.

[…]

 

(7) Sur réception, en application du paragraphe (6), de la convention de fusion signée, ou bien de la convention signée et d’une copie certifiée conforme de chacune des résolutions, le cas échéant, le registraire :

 

a) enregistre la convention ou la convention et la copie certifiée conforme de chaque résolution, le cas échéant;

 

b) délivre un certificat de fusion attestant que les caisses fusionnantes ont fusionné et indiquant la date de la fusion, cette date ne devant toutefois pas être antérieure à la date de réception des documents;

 

c) publie dans la Gazette un avis de la fusion indiquant les dénominations sociales des caisses fusionnantes, la dénomination sociale de la caisse issue de la fusion, l’adresse de son siège social et la date de la fusion.

 

 

23     À la date de la fusion indiquée dans le certificat de fusion délivré en vertu de l’alinéa 20(7)b) :

 

a) les caisses fusionnantes fusionnent et continuent comme une seule et même caisse sous la dénomination sociale mentionnée et avec les statuts constitutifs et règles énoncés dans la convention de fusion;

 

b) la caisse issue de la fusion entre en possession des biens, droits et intérêts et prend en charge les dettes, engagements et obligations de chaque caisse fusionnante, y compris toute obligation envers les membres, auxiliaires ou autres, en vertu de l’article 24;

 

c) les membres, auxiliaires ou autres, de chaque caisse fusionnante sont liés par la convention de fusion.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑479‑10

 

(APPEL D’UN JUGEMENT, DATÉ DU 17 NOVEMBRE 2010, DE MONSIEUR LE JUGE WYMAN W. WEBB DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DANS LE DOSSIER DE LA COUR 2008‑2213(IT)G)

 

INTITULÉ :                                                  ENVISION CREDIT UNION et
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 20 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE EVANS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LES JUGES LAYDEN‑STEVENSON ET STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 21 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joel Nitikman

Jessica Fabbro

 

POUR L’APPELANTE

 

Lynn Burch

Robert Carvalho

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fraser Milner Casgrain LLP

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR L’APPELANTE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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