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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20120118

Dossiers : A-219-11

A-331-11

 

Référence : 2012 CAF 18

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

Dossier : A-219-11

ENTRE :

PLURI VOX MEDIA CORP.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

Dossier : A-331-11

 

ENTRE :

PLURI VOX MEDIA CORP.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

 

 

Requête écrite décidée sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2012.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                           Le juge Stratas

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20120118

Dossier : A-219-11

A-331-11

 

Référence : 2012 CAF 18

 

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

Dossier : A-219-11

ENTRE :

PLURI VOX MEDIA CORP.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

Dossier : A-331-11

 

ENTRE :

PLURI VOX MEDIA CORP.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE STRATAS

 

[1]               L’appelante demande à la Cour de rendre une ordonnance fixant le contenu du dossier d’appel. À l’appui de sa requête, l’appelante souhaite produire un affidavit de son avocat, lequel présente en outre des arguments dans le cadre de la requête. Selon l’article 82 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, l’autorisation de la Cour est nécessaire dans ce cas. L’appelante a donc déposé une requête afin d’obtenir cette autorisation.

 

A.        Requête fondée sur l’article 82

 

[2]               L’article 82 des Règles prévoit ce qui suit :

 

            82. Sauf avec l’autorisation de la Cour, un avocat ne peut à la fois être l’auteur d’un affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit.

82. Except with leave of the Court, a solicitor shall not both depose to an affidavit and present argument to the Court based on that affidavit.

 

 

[3]               L’article 82 des Règles a pour objet d’empêcher, autant qu’il est raisonnablement possible de le faire, la situation pénible qui peut survenir lorsque les avocats agissent à la fois comme témoins et représentants dans la même affaire. L’article 82 est conforme aux règles de déontologie reconnues qu’ont élaborées les ordres professionnels d’avocats partout au Canada. Il y a donc lieu d’interpréter l’article 82 à la lumière de ces règles.

 

[4]               Comme l’avocat en l’espèce réside en Ontario, il convient de renvoyer aux dispositions du Code de déontologie du Barreau du Haut‑Canada touchant la question des avocats qui agissent comme représentants et témoins dans une même affaire. Les règles du Barreau du Haut‑Canada en la matière ressemblent beaucoup à celles existant dans d’autres ressorts au Canada.

 

[5]               L’article 4.02 du Code de déontologie du Barreau du Haut‑Canada est ainsi rédigé :

 

4.02 (1) Sous réserve des dispositions contraires de la loi ou du pouvoir discrétionnaire du tribunal devant lequel il se présente, l’avocat qui représente une partie ne doit pas présenter son propre affidavit au tribunal.

 

(2) Sous réserve des dispositions contraires de la loi ou du pouvoir discrétionnaire du tribunal devant lequel il se présente, l’avocat qui représente une partie ne doit pas témoigner devant le tribunal, sauf dans les cas prévus par les règles du tribunal ou par ses règles de procédure ou sur des questions de pure forme ou non controversées.

 

 

[6]               La raison d’être de cette règle est énoncée dans le commentaire qui l’accompagne :

 

L’avocat ne doit pas non plus exprimer son opinion personnelle ni faire valoir un point qui demeure à prouver, peut faire l’objet d’un contre‑interrogatoire ou être contesté. L’avocat ne doit pas se conduire en témoin non assermenté ni mettre sa propre crédibilité en jeu. D’un autre côté, si son témoignage est absolument nécessaire, il doit témoigner et confier la conduite du procès à un ou à une de ses collègues. Rien ne l’empêche par ailleurs de procéder au contre‑interrogatoire d’un de ses collègues. Cependant, l’avocat qui témoigne ne saurait s’attendre à bénéficier d’un traitement de faveur du fait de sa profession.

 

 

[7]               Des difficultés peuvent survenir lorsqu’un avocat agit à la fois comme témoin à l’égard de faits controversés et comme avocat dans le cadre d’une requête. Il peut s’ensuivre un conflit inacceptable :

 

●          D’une part, les clients s’attendent à ce que leur avocat soit en mesure d’être cru et jugé digne de confiance par le tribunal. Après tout, l’avocat est un officier de justice.

 

●          Mais, d’autre part, lorsque l’avocat entre dans la mêlée en témoignant sur des questions de fait, il court le risque que son témoignage ne soit pas cru, ce qui pourrait miner sa crédibilité et sa fiabilité comme représentant des intérêts de son client. De plus, l’avocat s’apparente moins à un officier de justice et davantage à un partisan ayant un intérêt dans l’issue de l’affaire. Enfin, l’avocat peut se placer en conflit, ou paraître en conflit, lorsqu’il tente de défendre sa propre crédibilité comme témoin, plutôt que de servir indéfectiblement la cause du client.

 

De surcroît, en qualité de représentant, l’avocat assume certaines obligations, notamment sur le plan de l’équité (voir, par exemple, l’article 4.01 du Code de déontologie du Barreau du Haut‑Canada). Bon nombre de ces obligations risquent de ne pas être honorées si l’avocat devient un participant au débat.

 

[8]               Lorsqu’elle interprète et applique l’article 82, la Cour doit garder ce genre de préoccupations à l’esprit. Plus ces préoccupations sont importantes, plus la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas admettre l’affidavit de l’avocat. La Cour doit également se demander si une autre personne que l’avocat ne serait pas en mesure de présenter les éléments de preuve en cause.

 

[9]               En l’espèce, l’avocat souhaite agir à la fois comme témoin, en déposant son propre affidavit dans le cadre de la requête, et comme représentant, en déposant des prétentions écrites en son nom dans le cadre de la même requête, d’où l’application de l’article 82. L’avocat se trouve dans la situation où il présentera des observations fondées sur des faits mis en preuve par son propre témoignage.

 

[10]           La situation serait différente si l’avocat témoignait dans une requête donnée, mais qu’il entendait formuler des observations dans le cadre d’une requête, d’une instruction ou d’une audience ultérieure, selon le cas, et que son témoignage ne faisait pas partie de la preuve versée au dossier dans ces affaires ultérieures. L’article 82 ne s’appliquerait pas dans ces conditions. Cette disposition vise l’avocat qui souhaite présenter des observations dans une affaire fondée sur des faits mis en preuve par son propre témoignage.

 

[11]           Au moment d’appliquer l’article 82 en l’espèce, je signale que l’avocat est l’unique actionnaire de l’appelante. L’affidavit de l’avocat ne sert qu’à produire trois documents pour les besoins de la requête visant à fixer le contenu du dossier d’appel. L’affidavit de l’avocat ne comporte aucune observation sur ces trois documents, ni ne révèle aucun autre fait susceptible de soulever une controverse.

 

[12]           Ces trois documents ne sont pas controversés et ne revêtent que peu d’importance au regard de cette requête :

 

●          Les deux premiers documents, des pièces produites pièces au soutien de l’affidavit de l’avocat, sont de la correspondance entre les parties. Ils ne font que retracer les positions avancées par les parties quant au contenu du dossier d’appel.

 

●          Le troisième document annexé à l’affidavit de l’avocat est tout simplement l’un de ceux que l’appelante voudrait inclure dans son dossier d’appel.

 

[13]           Dans la présente affaire, il aurait été préférable, si l’avocat a un associé, un adjoint, un stagiaire ou un assistant juridique, que les trois documents soient produits comme pièces au soutien de l’affidavit de l’une de ces personnes.

 

[14]           Cependant, compte tenu de la nature non controversée de ces documents, de leur peu d’importance au regard de la requête et du caractère simple de celle‑ci, je suis disposé, dans les circonstances en l’espèce, à autoriser le dépôt de l’affidavit de l’avocat en application de l’article 82.

 

B.        Requête visant à fixer le contenu du dossier d’appel

 

[15]           Le litige entre les parties concerne trois documents que l’appelante souhaite inclure dans le dossier d’appel. La Couronne s’y oppose. Elle fait remarquer que ces documents ne faisaient pas partie du dossier du tribunal de première instance et qu’ils ne peuvent donc pas figurer dans le dossier d’appel. La Couronne signale en outre que seul l’un de ces trois documents a été annexé à l’affidavit de l’avocat. En conséquence, seul cet unique document a été mis en preuve dans le cadre de cette requête. La Cour n’est pas régulièrement saisie des deux autres documents.

 

[16]           Normalement, seuls les documents qui faisaient partie du dossier du tribunal de première instance peuvent figurer dans le dossier d’appel : Stawicki c. Canada (Agence du revenu du Canada), 2006 CAF 262. Les trois documents que l’appelante souhaite ajouter au dossier d’appel ne faisaient pas partie du dossier du tribunal de première instance. Ils ne peuvent donc pas être inclus dans le dossier d’appel.

 

[17]           Certaines des observations de l’appelante laissent entendre que ces documents satisfont au critère relatif à l’inclusion dans un dossier d’appel à titre de nouveaux éléments de preuve. Cette question est régie par l’article 351 des Règles des Cours fédérales. Le critère applicable oblige le tribunal à se demander si les éléments de preuve auraient pu être « découverts moyennant une diligence raisonnable avant la fin de l’instruction, s’ils sont crédibles et s’ils sont pour ainsi dire déterminants dans l’appel » : Canada c. Canada (Conseil canadien pour les réfugiés), 2008 CAF 171, au paragraphe 8. Selon cet arrêt, les nouveaux éléments de preuve qui ne satisfont pas à ces trois critères peuvent néanmoins être admis « dans l’intérêt de la justice » en présence de circonstances inhabituelles.

 

[18]           À mon avis, l’appelante n’a pas respecté le critère à trois volets pertinent. La Couronne soutient, et je suis d’accord avec elle, que les trois documents étaient disponibles et auraient pu être découverts avant la fin de l’instruction. J’ajoute qu’il n’existe pas en l’espèce de circonstances habituelles dans lesquelles les intérêts de la justice exigeraient l’admission de ces trois documents.

 

[19]           La Couronne ne s’oppose par ailleurs pas au contenu du dossier d’appel proposé par l’appelante dans la pièce 1 annexée à l’affidavit de l’avocat. En conséquence, le dossier d’appel contiendra les documents énumérés dans la proposition de l’appelante, mais non les trois documents qui étaient en litige dans le cadre de la présente requête.

 

[20]           Il convient d’attirer l’attention de l’appelante sur le fait que les documents énumérés dans sa proposition ne sont pas présentés dans l’ordre indiqué au paragraphe 344(1) des Règles.

 

[21]           La Couronne ne demande pas ses dépens, et aucuns ne sont donc adjugés.

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

                                                            

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-219-11

 

INTITULÉ :                                                                          PLURI VOX MEDIA CORP. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                     Le juge Stratas

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 18 janvier 2012

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Martin Reesink

POUR L’APPELANTE

 

Tamara Watters

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Ontario (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

                                                            

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-331-11

 

INTITULÉ :                                                                          PLURI VOX MEDIA CORP. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                     Le juge Stratas

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 18 janvier 2012

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Martin Reesink

POUR L’APPELANTE

 

Tamara Watters

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

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