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Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20120118

Dossier : A-450-11

Référence: 2012 CAF 17

 

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DE FORT MCKAY

appelants

et

MIKE ORR

intimé

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2012.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                LE JUGE STRATAS

 


Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20120118

Dossier : A-450-11

Référence : 2012 CAF 17

 

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DE FORT MCKAY

appelants

et

MIKE ORR

intimé

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

 

[1]               Les appelants, le chef et le conseil de Fort McKay, tentent d’obtenir une ordonnance portant sursis à l’exécution du jugement rendu le 5 décembre 2011 par la Cour fédérale (le juge Near) dans le dossier T‑1180‑11 jusqu’à ce que le présent tribunal statue sur leur appel. Les motifs du jugement prononcés par la Cour fédérale se trouvent à 2011 CF 1305.

 

[2]               Pour pouvoir obtenir le sursis à l’exécution du jugement de la Cour fédérale, le chef et le conseil doivent établir qu’il existe une question sérieuse à juger, qu’un préjudice irréparable sera causé si le tribunal ne sursoit pas à l’exécution du jugement et que la prépondérance des inconvénients joue en faveur de l’octroi du sursis : RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

 

[3]               Comme ces exigences sont remplies, le sursis sera accordé.

 

A.        Faits

 

[4]               L’intimé, M. Orr, est un conseiller de la Première Nation de Fort McKay. Le 1er juillet 2011, il a été accusé d’agression sexuelle contre une femme, en contravention de l’article 271 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46. Son procès pénal n’a pas encore eu lieu. Dans l’intervalle, il lui est interdit de communiquer avec cette femme et de se trouver près de sa résidence.

 

[5]               Puis, douze jours après que les accusations ont été portées, le conseil a adopté une résolution visant à suspendre M. Orr de ses fonctions de conseiller et à le destituer de son poste d’administrateur de toutes les personnes morales ayant un lien avec la Première Nation.

 

[6]               Monsieur Orr a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’égard de la décision du conseil visant à le suspendre de ses fonctions.

 

[7]               La Cour fédérale a fait droit à la demande de contrôle judiciaire. Selon elle, le conseil n’avait pas compétence pour suspendre M. Orr sous le régime de la partie 10 du code relatif aux élections de la Première Nation de Fort McKay. Elle a en outre conclu que le conseil n’avait pas suivi le processus énoncé dans cette partie du code.

 

B.        Application du critère relatif aux sursis

 

(1)        Question sérieuse

 

[8]               Selon le premier des trois volets du critère applicable en matière de sursis, l’appelant doit établir que l’appel soulève une question sérieuse. Cependant, les exigences minimales à cet égard « ne sont pas élevées » et sont « peu exigeantes » : RJR‑MacDonald, ci‑dessus, à la page 337; 143471 Canada Inc. c. Québec (Procureur général), [1994] 2 R.C.S. 339, à la page 358, le juge La Forest (dissident, la majorité souscrivant, semble‑t‑il, à son opinion sur ce point). Il suffit de prouver que l’appel n’est pas voué à l’échec ou qu’il « n’est ni futile ni vexatoire » : RJR‑MacDonald, ci‑dessus, à la page 337.

 

[9]               Il ressort des documents déposés dans la présente affaire que l’issue de l’appel repose sur l’interprétation appropriée de la partie 10 du code relatif aux élections et sur son application aux faits en l’espèce. Sans préjuger d’aucune façon le présent appel, il me semble que le chef et le conseil ont effectivement des arguments à invoquer devant la Cour : leurs arguments ne sont pas voués à l’échec et ils ne sont ni futiles ni vexatoires.

 

(2)        Préjudice irréparable

 

[10]           Le chef et le conseil ont établi l’existence d’un préjudice irréparable. Leur preuve par affidavit manque quelque peu de précision, mais elle suffit à montrer l’existence d’un préjudice susceptible d’être causé si le sursis n’est pas accordé. Cela englobe le préjudice à la réputation et à la qualité pour agir du conseil, les inquiétudes au sein de la collectivité ainsi que les préoccupations liées au fait que M. Orr continue d’exercer ses fonctions et d’agir comme administrateur des personnes morales de la Première Nation alors qu’il fait l’objet d’accusations.

 

(3)        Prépondérance des inconvénients

 

[11]           À titre de parties requérantes, le chef et le conseil assument le fardeau de prouver que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de l’octroi du sursis. Les affidavits présentés pour leur compte révèlent divers préjudices et inconvénients, comme il est mentionné plus haut. Cette preuve manque de précision en ce qui touche les questions du préjudice et des inconvénients. Cela diminue le poids susceptible de lui être attribué. Cette preuve l’emporte‑t‑elle sur celle présentée pour le compte de M. Orr?

 

[12]           La preuve offerte pour le compte de M. Orr consiste en des affidavits, libellés de manière identique, de treize membres de la Première Nation de Fort McKay. Cette preuve comporte certaines lacunes.

 

[13]           Les affidavits renferment seulement des assertions générales et vagues sans raisonnement ni renseignements à l’appui. Ils prouvent uniquement que treize personnes pensent que M. Orr devrait continuer d’exercer ses fonctions. Il est difficile de savoir si la collectivité partage leur point de vue. En outre, les affidavits n’établissent aucun préjudice ou inconvénient réel déjà causé ou susceptible d’être causé dans l’avenir.

 

[14]           Cependant, je conviens qu’il existe un préjudice lié à la destitution d’un conseiller dûment élu en ce que la volonté de l’électorat est contrariée. Ce préjudice est subi depuis les six derniers mois.

 

[15]           Comme je l’explique plus loin, le présent appel sera entendu dans environ trois mois. Si le sursis est accordé, la collectivité sera donc privée de l’un de ses représentants élus pendant une autre période minimale de trois mois. Quel poids faut‑il donner à cet élément?

 

[16]           Malheureusement, les affidavits présentés pour le compte de M. Orr ne sont guère utiles. Un certain nombre de questions demeurent sans réponse. Quels sont les rôles et les obligations qu’assume M. Orr en qualité de conseiller et d’administrateur? Était‑il responsable de questions ou de projets particuliers de sorte que sa destitution puisse avoir une incidence sur les intérêts de la collectivité au cours des trois prochains mois? Dans l’affirmative, quels intérêts de la collectivité sont touchés et dans quelle mesure? Sa destitution lui causera‑t‑elle des difficultés personnelles au cours des trois prochains mois? Sa destitution privera‑t‑elle la collectivité d’une voix importante sur certaines questions au cours des trois prochains mois? Existe-t‑il des questions au regard desquelles, au cours des trois prochains mois, la présence de M. Orr serait bénéfique?

 

[17]           En réalité, les affidavits déposés pour le compte de M. Orr tendent à minimiser l’existence de problèmes occasionnés par sa destitution. En particulier, leurs auteurs y affirment que [traduction] « tout a été paisible » depuis que M. Orr n’exerce plus ses fonctions de conseiller et d’administrateur. Et les affidavits sont muets quant à l’avenir.

 

[18]           À la lumière de l’ensemble de la preuve produite pour le compte de M. Orr, il semble que l’absence de ce dernier du poste auquel il a été élu et de son poste d’administrateur n’entraîne pas de difficultés particulières outre le fait que la collectivité sera privée d’un conseiller élu. Je n’entends pas par là déprécier l’importance de cette privation – elle mérite un certain poids.

 

[19]           Les parties n’ont pas abordé la question de savoir si M. Orr bénéficiera d’un quelconque recours utile si, au bout du compte, on conclut qu’il n’aurait pas dû être destitué du poste auquel il a été élu ou de son poste d’administrateur. Comme les parties n’ont pas soulevé ce point, je n’en ai pas tenu compte.

 

[20]           Dans l’ensemble, après avoir apprécié la preuve produite pour le compte des parties dans le cadre de la présente requête, et sans oublier que la charge de la preuve incombe au chef et au conseil, j’arrive à la conclusion que ces derniers se sont acquittés de leur obligation à ce chapitre. La prépondérance des inconvénients joue en faveur du chef et du conseil.

 

[21]           Par conséquent, je vais ordonner le sursis à l’exécution du jugement rendu par la Cour fédérale le 5 décembre 2011, jusqu’à ce que le présent tribunal tranche l’appel. Le chef et le conseil n’ont pas demandé leurs dépens liés à la requête, et je n’en adjugerai donc aucuns.

 

C.        Questions diverses concernant l’appel

 

[22]           Les parties ont bien préparé leur appel; il ne leur reste plus qu’à déposer leur mémoire et leur demande d’audience. Elles sont représentées par avocat à Edmonton (Alberta). Selon le calendrier habituel prévu par les Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et ses modifications, les parties n’auront aucune difficulté à obtenir la tenue d’une audience au cours de la prochaine session du tribunal à Edmonton. Cette session se tiendra au cours de la période commençant par la semaine du 16 avril et se terminant par la semaine du 30 avril.

 

[23]           Dans les circonstances de l’espèce, il est dans l’intérêt de la collectivité que les questions soulevées dans le présent appel soient entendues dès que possible, c.‑à‑d. au cours de la prochaine session de la Cour à Edmonton. Je vais rendre une ordonnance en ce sens.

 

[24]           Les parties n’ont pas besoin de déposer une demande d’audience. Bientôt, l’administrateur judiciaire communiquera avec les avocats pour connaître leurs préférences quant à une date d’audience pendant la prochaine session de la Cour à Edmonton.

 

[25]           Par souci de clarté et pour rassurer les parties, il convient de préciser que l’ordonnance et les motifs prononcés par la Cour n’ont absolument rien à voir avec les questions en litige dans l’appel et n’ont aucune importance à cet égard. L’appel constitue une étape entièrement distincte. Il sera tranché sur le fondement de la preuve figurant dans le dossier d’appel et du droit applicable.

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-450-11

 

INTITULÉ :                                                                          LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DE FORT MCKAY c. MIKE ORR

 

 

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                     LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 18 janvier 2012

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

J. Trina Kondro

 

Pour les appelants

 

Priscilla Kennedy

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ackroyd, s.r.l.

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES APPELANTS

 

Davis, s.r.l.

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

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