Cour d’appel fédérale |
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ENTRE :
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2012
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2012
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE PELLETIER
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE GAUTHIER
LE JUGE MAINVILLE
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Federal Court of Appeal |
Date : 20120123
Dossier : A-264-11
Référence : 2012 CAF 23
CORAM : LE JUGE PELLETIER
LA JUGE GAUTHIER
LE JUGE MAINVILLE
ENTRE :
JORDAN J. MCBAIN
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Alors que M. McBain était membre des Forces canadiennes, le Directeur – Administration et gestion des ressources (Carrières militaires) (le DAGRCM) l’a astreint au régime de mise en garde et de surveillance pour usage illicite de stéroïdes anabolisants. Cette mesure faisait notamment suite à l’ordre donné à M. McBain par son commandant de fournir un échantillon d’urine à des fins d’analyse. L’analyse de cet échantillon a confirmé l’usage de stéroïdes. Toutefois, avant que les résultats de l’analyse soient connus, M. McBain avait écrit à son commandant et avait reconnu consommer des stéroïdes. Le DAGRCM était au courant de cet aveu lorsqu’il a pris sa décision.
[2] L’ordre donné par le DAGRCM était une décision administrative concernant une affaire qui aurait pu faire l’objet de procédures disciplinaires.
[3] M. McBain, qui se représente seul, a déposé un grief relativement à la décision de lui ordonner de fournir un échantillon d’urine et à la décision subséquente de l’astreindre au régime de mise en garde et de surveillance. Le grief a finalement été rejeté par l’Autorité de dernière instance en matière de griefs. M. McBain a présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire visant cette décision. La Cour fédérale a rejeté cette demande dans McBain c. Canada (Procureur général), 2011 CF 745, [2011] A.C.F. no 939. Un examen complet des faits figure dans cette décision. M. McBain interjette maintenant appel à la Cour.
[4] Dans son grief, M. McBain contestait l’ordre qui lui avait été donné de fournir un échantillon d’urine ainsi que la reconnaissance de sa consommation de drogues par le DAGRCM et la décision administrative qui a suivi de lui imposer un régime de mise en garde et de surveillance. À mon avis, M. McBain cherche essentiellement, au moyen de son grief, à effacer de son dossier les conclusions relatives à sa consommation de drogues qui ont mené à la décision de l’astreindre à un régime de mise en garde et de surveillance. Son grief est fondé sur le fait que l’ordre de fournir un échantillon d’urine à des fins d’analyse qui lui a été donné a porté atteinte à ses droits, de sorte que les résultats de l’analyse ne peuvent pas être utilisés pour justifier une mesure administrative ou disciplinaire subséquente.
[5] La contestation de M. McBain visant l’ordre de fournir un échantillon d’urine comporte deux volets. M. McBain allègue que le processus ayant mené à cet ordre n’était pas conforme à l’équité procédurale. Cette non‑conformité comporte deux éléments : d’une part, la partialité institutionnelle et une crainte raisonnable de partialité de la part de son commandant qui a donné l’ordre et, d’autre part, le fait que des renseignements n’ont pas été communiqués avant que cet ordre soit donné. La partialité institutionnelle découle du fait que son commandant aurait non seulement ordonné l’enquête relative à sa consommation de drogues, mais déterminé si la preuve recueillie au cours de cette enquête était suffisante pour ordonner à M. McBain de fournir un échantillon d’urine. L’allégation de crainte raisonnable de partialité repose sur les mêmes faits et soulève la question de savoir si un observateur raisonnable, pleinement informé de la situation, conclurait que le commandant a examiné la question du caractère suffisant de la preuve avec l’esprit ouvert.
[6] M. McBain prétend que des renseignements ne lui ont pas été divulgués parce que les personnes responsables ne lui ont pas communiqué certaines allégations bizarres émanant apparemment de la personne qui aurait prétendu que M. McBain consommait des drogues illicites. M. McBain avance que, si cette information lui avait été communiquée, il aurait pu s’en servir pour contester la crédibilité de la personne sur le témoignage de laquelle le commandant s’est fondé pour lui ordonner de fournir un échantillon d’urine. M. McBain se plaint également du fait qu’un DVD de l’entrevue de la police militaire avec un autre témoin a été égaré, de sorte qu’il n’a pas pu utiliser ce DVD pour contester la crédibilité de ce témoin.
[7] Le problème avec ces arguments, c’est que le DAGRCM a explicitement fondé sa décision sur le propre aveu de M. McBain concernant sa consommation de drogues : voir le dossier d’appel, à la page 364. En conséquence, même si tous les arguments de M. McBain au sujet de l’équité procédurale sont valables – une question sur laquelle nous ne nous prononçons pas – le DAGRCM pouvait reconnaître sa consommation de drogues et l’astreindre au régime de mise en garde et de surveillance.
[8] M. McBain a tenté de démontrer, devant l’Autorité de dernière instance en matière de griefs, que son aveu était soit involontaire, soit le résultat d’une influence indue. L’Autorité de dernière instance en matière de griefs a rendu une décision défavorable à M. McBain sur ces questions, tout comme l’a fait le juge de première instance. Comme ces questions sont des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit, c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique. Je suis convaincu que la décision de l’Autorité de dernière instance en matière de griefs sur ces questions est raisonnable. Je peux seulement ajouter que, ayant lu la lettre dans laquelle M. McBain reconnaît sa consommation de drogues, il me semble qu’elle a été écrite par une personne en possession de ses facultés. Il est possible que M. McBain ait eu par la suite des difficultés qui ont justifié une évaluation psychiatrique, ou des soins psychiatriques pendant une brève période, mais ces circonstances ne sont pas suffisantes en elles‑mêmes pour faire naître un doute plausible concernant la crédibilité de son aveu.
[9] Dans les circonstances, je rejetterais l’appel de M. McBain.
[10] M. McBain ne réclame pas de dépens et demande à la Cour de ne pas le condamner aux dépens au motif qu’il a des moyens limités car il suit actuellement des études doctorales auxquelles il doit consacrer toutes ses ressources. Bien que sa situation ne me laisse pas indifférent, je ne vois aucune raison de déroger à la règle générale qui veut que les dépens suivent l’issue de la cause. Cela étant dit, et compte tenu du fait que M. McBain est déjà assujetti à une ordonnance pour les dépens d’un montant de 5 000 $, j’adjugerais des dépens de 2 500 $, débours inclus, sous forme de somme globale.
« Je suis d’accord.
Johanne Gauthier, juge »
« Je suis d’accord.
Robert M. Mainville, juge »
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-264-11
INTITULÉ : JORDAN J. MCBAIN c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 11 janvier 2012
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE PELLETIER
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE GAUTHIER
DATE DES MOTIFS : Le 23 janvier 2012
COMPARUTIONS :
POUR L’APPELANT (se représente lui‑même)
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POUR L’INTIMÉ
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
POUR L’APPELANT (se représente lui-même)
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Sous-procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉ
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