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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20120209

Dossier : A-2-11

Référence : 2012 CAF 40

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW                   

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

appelant

et

LA FONDATION DAVID SUZUKI, LA DOGWOOD INITIATIVE,

ENVIRONMENTAL DEFENCE CANADA, LA GEORGIA STRAIT ALLIANCE, GREENPEACE CANADA, LE FONDS INTERNATIONAL POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX, LA RAINCOAST CONSERVATION SOCIETY, LE SIERRA CLUB

DU CANADA et LE WESTERN CANADA WILDERNESS COMMITTEE

intimés

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 30 novembre 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 février 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                    LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LE JUGE NADON

                                                                                                                    LA JUGE SHARLOW


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20120209

Dossier : A-2-11

Référence : 2012 CAF 40

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW                   

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

appelant

et

LA FONDATION DAVID SUZUKI, LA DOGWOOD INITIATIVE,

ENVIRONMENTAL DEFENCE CANADA, LA GEORGIA STRAIT ALLIANCE, GREENPEACE CANADA, LE FONDS INTERNATIONAL POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX, LA RAINCOAST CONSERVATION SOCIETY, LE SIERRA CLUB

DU CANADA et LE WESTERN CANADA WILDERNESS COMMITTEE

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

 

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté par le ministre des Pêches et des Océans (le ministre) contre le jugement de la Cour fédérale portant la référence 2010 CF 1233 (les motifs), par lequel le juge Russell (le juge de la Cour fédérale) a déclaré que le pouvoir discrétionnaire ministériel « ne protège pas légalement » l’habitat essentiel sous le régime de l’article 58 de la Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002, ch. 29 (la LEP), et qu’il était illégal de la part du ministre de citer des dispositions de nature discrétionnaire de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F‑14, dans une déclaration de protection concernant l’habitat essentiel des populations d’épaulards du nord et du sud du Pacifique Nord‑Est.

 

[2]               Le paragraphe 58(5) de la LEP dispose que le ministre est tenu de prendre, en application des paragraphes 5(1) et (4), un arrêté protégeant l’habitat essentiel d’une espèce aquatique sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée si cet habitat n’est « pas protégé [...] légalement par des dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, ou une mesure prise sous leur régime ». Le ministre avait conclu que la Loi sur les pêches protégeait légalement certains aspects de l’habitat essentiel de l’épaulard et qu’il pouvait donc y avoir recours au lieu de prendre un arrêté de protection en application de la LEP.

 

[3]               Le juge de la Cour fédérale a statué que le ministre ne peut se dispenser de prendre un arrêté de protection de l’habitat essentiel dans le cadre de la LEP que si la protection légale qu’assure une autre loi fédérale à cet habitat est la même que celle que lui offrirait un tel arrêté. Il a aussi statué que les pouvoirs discrétionnaires étendus et peu limités que la Loi sur les pêches confère au ministre risquent d’édulcorer les mesures que celle‑ci met à sa disposition. Par conséquent, a‑t‑il conclu, il n’est pas permis de recourir à la Loi sur les pêches comme solution de rechange à la prise d’un arrêté de protection de l’habitat essentiel sous le régime de la LEP.

 

Sommaire des conclusions de la Cour

[4]               Le ministre fait valoir deux moyens d’appel principaux devant notre Cour.

 

[5]               Le premier de ces moyens concerne la norme de contrôle judiciaire. Le ministre soutient que, le législateur lui ayant confié la responsabilité d’assurer l’application des systèmes de réglementation de la LEP et de la Loi sur les pêches, son interprétation de leurs dispositions commande la retenue judiciaire. Il fonde cette thèse sur un arrêt assez récent de la Cour suprême du Canada : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir). Cet arrêt insistait sur la retenue judiciaire dont doit faire l’objet la décision d’un tribunal administratif qui interprète une disposition de sa propre loi habilitante (ou « loi constitutive ») ou d’une autre loi étroitement liée à son mandat.

 

[6]               À mon sens, le ministre n’a pas droit à la retenue judiciaire pour ce qui concerne l’interprétation des dispositions applicables de la LEP ou de la Loi sur les pêches. Le ministre présente une vue erronée des positions les plus récentes de la Cour suprême; en effet, il omet de tenir compte du contexte dans lequel elles ont été élaborées et des raisons qui peuvent justifier l’exercice de la retenue judiciaire à l’égard d’un tribunal administratif qui interprète sa loi habilitante. La norme du caractère raisonnable ne s’applique pas au contrôle judiciaire de l’interprétation d’une loi par un ministre chargé de son application, sauf disposition contraire du législateur. Je conclus donc – comme l’a fait le juge de la Cour fédérale dans la présente affaire – que quand la demande de contrôle judiciaire d’une décision concernant l’application de la LEP met en litige l’interprétation qu’a donnée le ministre d’une disposition de cette loi – ou de la Loi sur les pêches en tant qu’elle s’y rapporte –, ladite interprétation doit être contrôlée suivant la norme de la décision correcte. Les tribunaux judiciaires ne sont pas tenus à la déférence envers le ministre à cet égard.

 

[7]               Le second moyen d’appel concerne l’interprétation de la LEP. Le ministre ne conteste pas le caractère obligatoire de la protection de l’habitat essentiel sous le régime de cette loi. Il soutient cependant qu’il entrait dans les intentions du législateur d’imprimer une certaine souplesse aux modalités de cette protection obligatoire. Le ministre affirme que, en cherchant à conserver le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi sur les pêches, il n’essaie pas de réduire cette protection obligatoire ni d’offrir une protection inférieure à celle qu’assurerait un arrêté de protection pris sous le régime de la LEP. Certaines mesures que prévoit la Loi sur les pêches, fait‑il valoir, protègent bel et bien l’habitat contre la destruction, de sorte que, malgré leur caractère discrétionnaire, il devrait lui être permis d’y avoir recours comme solutions de rechange à un arrêté de protection de la nature susdite.

 

[8]               Je ne puis souscrire à l’interprétation que le ministre propose de la LEP sur ce point. L’intention du législateur, en adoptant l’article 58 de la LEP, était de prévoir une protection légale, obligatoire et non discrétionnaire pour l’habitat essentiel désigné des espèces aquatiques inscrites comme espèces en voie de disparition ou menacées. Il est possible d’assurer une telle protection par une disposition d’une loi fédérale ou une mesure prise sous son régime qui protège légalement cet habitat contre la destruction et qui ne risque pas d’être édulcorée par l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel. En l’absence d’une telle disposition ou mesure légalement contraignante, le ministre doit prendre, aux fins de la protection dudit habitat, un arrêté de protection sous le régime des paragraphes 58(1) et (4).

 

[9]               Quand il affirme que, en cherchant à conserver le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi sur les pêches, il n’essaie pas de réduire la protection prévue par la LEP ni d’offrir une protection inférieure à celle qu’assurerait un arrêté de protection pris sous le régime de cette dernière loi, le ministre omet d’expliquer comment ce pouvoir discrétionnaire serait légalement limité. Le législateur a adopté l’article 58 de la LEP précisément afin d’éviter la destruction par quelque cause que ce soit de l’habitat essentiel désigné des espèces aquatiques inscrites comme espèces en voie de disparition ou menacées. Si l’on acceptait la thèse du ministre, le régime de protection obligatoire et non discrétionnaire inscrit par le législateur dans la LEP se transformerait en un système de protection largement tributaire du pouvoir discrétionnaire ministériel. Or telle n’était pas l’intention du législateur lorsqu’il a adopté la LEP.

 

[10]           Cependant – et contrairement aux conclusions formulées par le juge de la Cour fédérale dans la présente affaire –, il peut se trouver des cas où le ministre aurait la faculté de citer l’article 36 de la Loi sur les pêches (auquel j’assimile ses dispositions réglementaires d’application) dans une déclaration de protection établie sous le régime de l’alinéa 58(5)b) de la LEP. L’article 36 de la Loi sur les pêches interdit d’immerger ou de rejeter des substances nocives dans des eaux où vivent des poissons, sauf autorisation en vertu de règlements pris par le gouverneur en conseil. Il peut ainsi se faire que l’action conjuguée de l’article 36 de la Loi sur les pêches et de ses dispositions réglementaires d’application assure à une espèce déterminée en voie de disparition ou menacée la protection légale prescrite par l’article 58 de la LEP. En pareil cas, il peut être permis au ministre de citer ces dispositions dans une déclaration de protection de la nature prévue à l’alinéa 58(5)b) de la LEP.

 

[11]           Toutefois, le dossier de la présente affaire ne contient aucun élément de preuve concernant l’effet, le cas échéant, de l’article 36 et de sa réglementation d’application sur l’habitat essentiel des populations d’épaulards en question. Par conséquent, la présente espèce n’offrait au juge de la Cour fédérale aucune base pour établir si le ministre aurait pu être fondé à citer l’article 36 dans le cadre des dispositions de l’article 58 de la LEP.

 

Récapitulation des dispositions pertinentes pour le présent appel de la Loi sur les espèces en péril

 

[12]           La LEP, qui a reçu la sanction royale en 2002, est la première loi fédérale à visée globale ayant pour fins : a) de prévenir la disparition – de la planète ou du Canada seulement – des espèces sauvages, et b) de permettre le rétablissement de celles qui, par suite de l’activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées. Le Canada a adopté cette loi en partie afin de remplir les obligations découlant pour lui de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. Certaines des dispositions pertinentes de la LEP sont reproduites en annexe aux présents motifs.

 

[13]           La LEP classe les espèces en péril en quatre catégories, selon qu’elles sont disparues du pays, en voie de disparition, menacées ou préoccupantes. Cependant, le présent appel ne concerne que les dispositions applicables aux espèces aquatiques inscrites comme espèces en voie de disparition ou menacées.

 

[14]           Une espèce en voie de disparition est une espèce sauvage qui, de façon imminente, risque de disparaître du pays ou de la planète, tandis qu’une espèce menacée est une espèce sauvage susceptible de devenir une espèce en voie de disparition si rien n’est fait pour contrer les facteurs menaçant de la faire disparaître. Une espèce aquatique est une espèce sauvage de poissons – sont assimilés aux poissons les mollusques, les crustacés et les autres animaux marins – ou de plantes marines. Il n’est pas contesté que l’épaulard forme une espèce aquatique pour l’application de la LEP; voir le paragraphe 2(1) de la LEP concernant les définitions des expressions « espèce aquatique », « espèce en voie de disparition » et « espèce menacée », ainsi que l’article 2 de la Loi sur les pêches en ce qui a trait à la définition du terme « poissons ».

 

[15]           S’il est vrai que le ministre de l’Environnement est chargé de l’application de la LEP, le ministre appelant est le ministre compétent, sous le régime de cette loi, pour ce qui concerne les espèces aquatiques, c’est-à-dire qu’il lui incombe d’assurer la protection, notamment par l’élaboration de programmes de rétablissement et de plans d’action, de l’habitat essentiel des espèces aquatiques en voie de disparition ou menacées : voir les définitions de « ministre compétent » et de « ministre » au paragraphe 2(1) de la LEP, ainsi que ses paragraphes 8(1), 37(1) et 58(5), et son article 47.

 

[16]           La LEP prévoit un processus d’inscription pour les espèces en péril. On trouve une liste de départ de celles-ci (qui distingue les espèces disparues du pays, en voie de disparition, menacées et préoccupantes) à l’annexe 1 de la LEP. Le gouverneur en conseil peut modifier cette liste par adjonction, radiation ou reclassification, en tenant compte des recommandations d’un comité d’experts désigné « Comité sur la situation des espèces en péril au Canada » (le COSEPAC) et après consultation des intéressés : voir l’article 27 de la LEP.

 

[17]           L’inscription d’une espèce sauvage aquatique comme espèce en voie de disparition ou menacée la fait bénéficier d’importantes mesures de protection légale. Le paragraphe 32(1) de la LEP interdit de tuer un individu d’une espèce sauvage aquatique inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre. De même, les paragraphes 32(2) et (3) interdisent de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre ou d’échanger un individu – y compris une partie de celui-ci ou un produit qui en provient – d’une telle espèce. En outre, le paragraphe 33 interdit d’endommager ou de détruire la résidence ou le gîte (terrier, nid, ou autre aire ou lieu semblable) d’un ou de plusieurs individus d’une espèce de la nature susdite. Les contrevenants à ces interdictions encourent de lourdes amendes et des peines d’emprisonnement : voir les articles 97 et 98.

 

[18]           L’inscription d’une espèce aquatique comme espèce en voie de disparition ou menacée à l’annexe 1 de la LEP a aussi pour effet d’obliger le ministre à élaborer dans un délai déterminé un programme de rétablissement de cette espèce : voir les paragraphes 37(1) et 42(2) de la LEP. Il doit élaborer un tel programme de rétablissement en collaboration avec divers intéressés : voir l’article 39. Si le ministre conclut que le rétablissement de l’espèce aquatique en voie de disparition ou menacée est réalisable, le programme de rétablissement doit traiter des menaces à sa survie – y compris de toute perte de son habitat – précisées par le COSEPAC, et doit comporter entre autres la désignation de l’habitat essentiel de cette espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible, notamment les informations fournies par le COSEPAC, ainsi que des exemples d’activités susceptibles d’entraîner la destruction dudit habitat : voir l’alinéa 41(1)c).

 

[19]           Le projet de programme de rétablissement fait ensuite l’objet d’une consultation publique. Le ministre étudie les observations qui lui sont présentées et apporte au projet les modifications qu’il estime indiquées. Enfin, il met le texte définitif du programme de rétablissement dans le registre public établi pour l’application de la LEP : voir l’article 43. Le ministre est également tenu d’établir, à intervalles de cinq ans, un rapport public sur la mise en œuvre du programme de rétablissement et sur les progrès réalisés dans la poursuite des objectifs qu’il expose : voir l’article 46.

 

[20]           Le ministre doit élaborer un ou plusieurs plans d’action sur le fondement du programme de rétablissement. Un tel plan d’action comporte notamment : la désignation de l’habitat essentiel de l’espèce aquatique et des exemples d’activités susceptibles d’entraîner sa destruction; un exposé des mesures envisagées pour protéger cet habitat; la désignation de toute partie dudit habitat qui n’est pas protégée; et un exposé des mesures à prendre pour mettre en œuvre le programme de rétablissement : voir l’article 47, et les alinéas 49(1)a), b), c) et d).

 

[21]           L’état définitif du programme de rétablissement d’une espèce aquatique inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée a d’importantes conséquences juridiques sous le régime de la LEP, puisque la totalité de l’habitat essentiel qui y est défini doit être protégée : voir l’article 57 et les paragraphes 58(1) à (5) de la LEP. Cette protection est assurée de l’une ou l’autre des manières suivantes :

a) par des dispositions de la LEP ou de toute autre loi fédérale, ou des mesures prises sous leur régime, auquel cas le ministre doit expliquer comment l’habitat essentiel est protégé légalement dans une déclaration de protection établie en application de l’alinéa 58(5)b);

b) par un arrêté de protection que prend le ministre en application des paragraphes 58(1) et (4), où il définit l’habitat essentiel ou la partie de ce dernier qui y est visé.

 

[22]           Comme de nombreuses espèces en voie de disparition ou menacées ne sont pas des espèces aquatiques ou des oiseaux migrateurs et ne relèvent donc pas principalement de la compétence fédérale, la LEP dispose que l’action fédérale en vue d’empêcher la destruction de l’habitat essentiel de la plupart des espèces doit s’exercer en étroite collaboration avec les autorités provinciales et territoriales. Par conséquent, des dispositions distinctes de la LEP régissent la protection de l’habitat essentiel de ces autres espèces vivant ailleurs que sur le territoire domanial : voir les articles 60 et 61 de la LEP. Il n’est cependant pas nécessaire d’examiner ces autres dispositions de la LEP pour les besoins du présent appel, et aucun élément des présents motifs ne doit s’interpréter comme s’y rapportant.

 

[23]           Le ministre peut aussi utiliser les pouvoirs de délivrance de permis et de licences que lui confère la LEP ou une autre loi fédérale pour protéger les espèces sauvages inscrites, leurs habitats essentiels ou leurs résidences ou gîtes : voir les articles 73, 74 et 65 de la LEP.

 

[24]           Les dispositions de la LEP interdisant la capture et le commerce des espèces aquatiques en voie de disparition ou menacées, ainsi que la destruction de leurs gîtes et de leurs habitats essentiels, ne s’appliquent pas aux activités liées à la sécurité ou à la santé publiques, ou à la sécurité nationale, autorisées sous le régime de toute autre loi fédérale : voir les paragraphes 83(1) à 4) de la LEP.

 

Contexte de l’instance

[25]           L’épaulard est le plus grand membre de la famille des dauphins. Doté d’une grande longévité, il est sans prédateur naturel. On trouve des épaulards dans les trois océans qui baignent le Canada ainsi que, à l’occasion, dans la baie d’Hudson et le golfe du Saint-Laurent. En Colombie-Britannique, la présence de l’espèce a été notée dans presque toutes les zones d’eau salée. Trois formes distinctes d’épaulards (ou écotypes) vivent dans les eaux canadiennes du Pacifique : les épaulards migrateurs, hauturiers et résidents. Ces écotypes sont sympatriques, mais isolés socialement. De plus, ils présentent des différences génétiques, morphologiques, comportementales et alimentaires.

 

[26]           Les épaulards résidents représentent l’écotype le mieux connu des trois. Leur organisation sociale est très structurée et leur unité fondamentale est la lignée maternelle, qui comprend tous les survivants d’une lignée femelle. Une lignée maternelle type est composée d’une femelle adulte, de sa progéniture et de celle de ses filles. Les deux sexes demeurent au sein de leur lignée maternelle leur vie durant.

 

[27]           En Colombie-Britannique, les épaulards résidents font partie de deux communautés : la population du nord et la population du sud. Ces populations d’épaulards résidents sont considérées à risque en raison de leur faible effectif, de leur faible taux de reproduction et des diverses menaces anthropiques susceptibles d’empêcher le rétablissement ou de causer d’autres déclins de l’espèce. Au nombre des principales menaces figurent les contaminants environnementaux, la disponibilité et la quantité réduites des proies, et les perturbations physiques et acoustiques. En 2003, la population des épaulards résidents du sud comptait 85 membres, tandis que la population du nord en comptait 205.

 

[28]           En 2001, le COSEPAC a désigné la population du sud au titre de population « en voie de disparition », et la population du nord au titre de population « menacée ». Les deux populations ont été inscrites à l’Annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) dès que cette loi a été adoptée par le Parlement. Ainsi, en vertu des paragraphes 37(1) et 42(2) de la LEP, le ministre était tenu d’élaborer un programme de rétablissement de ces populations d’épaulards, dans les délais prescrits. À cette fin, une équipe de rétablissement des épaulards résidents (« l’équipe de rétablissement ») composée d’experts indépendants et gouvernementaux a été formée en 2004.

 

[29]           Après une étude approfondie, on a achevé en mai 2006 un projet de programme de rétablissement pour présentation au ministre. La manière dont l’habitat essentiel était défini dans ce projet a suscité des différends entre l’équipe de rétablissement et les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans. Ces différends ont retardé la publication et l’approbation du programme de rétablissement, qui n’a été mis qu’en mars 2008 dans le registre public établi en application de la LEP.

 

[30]           Selon le paragraphe 58(5) de la LEP, la mise du programme de rétablissement dans le registre obligeait le ministre à assurer dans les 180 jours la protection de l’habitat essentiel qui y était défini. Il pouvait le faire soit en prenant un arrêté de protection sous le régime des paragraphes 58(1) et (4), soit en établissant une déclaration énonçant comment l’habitat essentiel ou la partie en cause de celui-ci étaient protégés légalement par des dispositions d’une loi fédérale. Le ministre n’a pas pris d’arrêté sous le régime de la LEP; il a plutôt mis dans le registre une déclaration énonçant comment l’habitat essentiel des populations d’épaulards en question était selon lui protégé légalement (la déclaration de protection visant les épaulards).

 

[31]           Aux fins de la LEP, la déclaration de protection visant les épaulards limitait le concept d’habitat essentiel à des caractéristiques géophysiques. Cette déclaration désignait donc trois types d’activités humaines susceptibles de détruire les caractéristiques géophysiques de l’habitat essentiel des populations d’épaulards concernées vivant dans les secteurs ciblés. Elle mentionnait en outre diverses dispositions législatives, y compris l’article 35 de la Loi sur les pêches et le paragraphe 22(1) du Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53, censées garantir la protection de ces caractéristiques géophysiques. Les paragraphes pertinents de la déclaration de protection visant les épaulards se lisent comme suit :

[traduction]

Les activités humaines susceptibles de détruire les caractéristiques géophysiques de l’habitat essentiel de ces espèces, tel qu’il est défini dans la version finale du programme de rétablissement, et les lois, règlements et/ou politiques fédéraux censés protéger l’habitat contre une telle destruction, sont :

- Les activités industrielles, comme la construction, le forage, le fonçage de pieux, la pose de canalisations et le dragage, et la construction de structures physiques, comme des quais et des enclos en filet pour l’aquaculture

- Habitat protégé en vertu des dispositions de l’article 35 de la Loi sur les pêches et de la section 3 de la partie 7 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Cette protection est appuyée par des processus en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale.

                        -L’exploitation de navires de pêche qui s’adonnent à la pêche à la traîne sur le fond de l’océan

- Habitat protégé en vertu des dispositions de la Loi sur les pêches ou des règlements pris en vertu de cette loi, en particulier le paragraphe 22(1) du Règlement de pêche (dispositions générales). Cette protection est appuyée par des processus aux termes de la Politique de gestion de l’impact de la pêche sur les zones benthiques vulnérables de Pêches et Océans Canada.

- L’utilisation d’ancres de navires qui peuvent endommager de manière permanente le plancher océanique, ou qui peuvent contribuer à détruire les plages où les épaulards vont se frotter

 

- Habitat protégé en vertu des dispositions de l’article 35 de la Loi sur les pêches ou de l’article 35 et/ou 36 de la Loi sur les océans. De plus, on continuera d’élaborer et de mettre en œuvre un code de conduite et des interventions visant à sensibiliser les Canadiens à la nécessité de protéger l’habitat de l’épaulard résident.

 

 

[32]           La difficulté liée à la définition de l’habitat essentiel de l’épaulard sous l’angle de ses caractéristiques géophysiques tenait à ce que certains des éléments les plus importants de l’habitat essentiel, désignés tels dans le programme de rétablissement, étaient laissés sans protection. En effet, le programme de rétablissement avait désigné les perturbations acoustiques, la contamination chimique et biologique, et la disponibilité réduite des proies au titre d’éléments clés de l’habitat essentiel des épaulards. Or, la déclaration de protection visant les épaulards n’englobait pas ces éléments dans l’« habitat essentiel » aux fins de la protection à assurer en vertu de la LEP. La déclaration traitait plutôt ces éléments comme des « éléments de l’écosystème » devant être protégés par des « lois et politiques », plutôt qu’en vertu de la LEP. La déclaration de protection visant les épaulards traitait ces éléments comme suit :

[traduction]

Selon le programme de rétablissement, l’habitat essentiel est une zone géophysique définie. Mais Pêches et Océans Canada (MPO) reconnaît que d’autres éléments de l’écosystème, comme la disponibilité des proies pour s’alimenter et la qualité du milieu, sont importants pour la survie et le rétablissement des épaulards résidents du nord et du sud. Divers outils législatifs et politiques existent pour gérer et atténuer les menaces à ces fonctions de l’habitat essentiel de l’épaulard résident, et aux individus et populations de l’espèce.

-Perturbations

- La gestion et l’atténuation des menaces sont assurées par le Règlement sur les mammifères marins et par les Lignes directrices pour l’observation des baleines élaborées par le MPO en collaboration avec l’industrie.

                        -Détérioration de l’environnement acoustique

- La gestion et l’atténuation des menaces sont assurées par le Règlement sur les mammifères marins, l’Énoncé des pratiques canadiennes d’atténuation des ondes sismiques en milieu marin, et les protocoles d’utilisation des sonars militaires.

                        -Qualité du milieu marin

- La gestion et l’atténuation des menaces sont assurées par les dispositions de la Loi sur les pêches, ou des règlements pris en vertu de cette loi, et de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement ou des règlements pris en vertu de cette loi.

                        -Disponibilité des proies

- La gestion et l’atténuation des menaces sont assurées par les dispositions de la Loi sur les pêches, ou des règlements pris en vertu de cette loi, et appuyées par la Politique sur le saumon sauvage et la mise en place de plans de gestion intégrée des pêches.

 

Chronologie du litige

[33]           Les intimés au présent appel ont contesté la légalité de la déclaration de protection de l’épaulard en formant devant la Cour fédérale, en octobre 2008, une demande de contrôle judiciaire tendant à obtenir diverses conclusions déclaratoires, l’annulation de ladite déclaration et le renvoi de l’affaire devant le ministre pour une nouvelle décision sous le régime de l’article 58 de la LEP.

 

[34]           Les intimés soutenaient dans leur demande que l’habitat essentiel des populations d’épaulards en question comprenait non seulement les caractéristiques géophysiques de la zone définie, mais aussi tous les autres éléments recensés dans le programme de rétablissement. Ils faisaient en outre valoir qu’il n’est pas permis au ministre d’invoquer, dans le cadre d’une déclaration de protection, des politiques non exécutoires, ni des dispositions légales futures, ni son pouvoir discrétionnaire.

 

[35]           Cependant, avant l’instruction de cette demande de contrôle judiciaire, le ministre a fait volte-face. Il a pris conjointement avec le ministre de l’Environnement, sous le régime des paragraphes 58(1) et (4) de la LEP, un arrêté qui a été enregistré le 19 février 2009 sous l’intitulé Arrêté visant les habitats essentiels des populations de l’épaulard (Orcinus orca) résidentes du sud et du nord du Pacifique Nord-Est, DORS/2009‑68 (l’arrêté de protection de l’épaulard). On trouvera en annexe des cartes représentant les aires d’habitat essentiel que vise cet arrêté et qui sont les mêmes que celles définies dans le programme de rétablissement.

 

[36]           Peu après la publication de cet arrêté, les intimés au présent appel ont demandé des éclaircissements sur sa portée et sa signification. Le ministre leur a répondu a) en affirmant que l’arrêté de protection de l’épaulard était une solution de rechange facultative à la déclaration de protection de l’épaulard; b) en soutenant qu’il lui était permis de recourir à des outils discrétionnaires et de politique générale; et c) en refusant de confirmer que l’arrêté de protection de l’épaulard protégeait contre la destruction les caractéristiques biologiques de l’habitat essentiel.

 

[37]           Cette réponse n’a pas satisfait les intimés, qui ont en conséquence formé une seconde demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Cette seconde demande contestait la pratique consistant à limiter l’application de l’arrêté de protection pris sous le régime des paragraphes 58(1) et (4) de la LEP à des zones géospatiales et à des caractéristiques géophysiques de l’habitat essentiel.

 

[38]           Les deux demandes de contrôle judiciaire ont été réunies devant la Cour fédérale après que le juge O’Reilly eut rejeté la requête du ministre tendant à faire écarter au motif de son caractère théorique la demande contestant la déclaration de protection des épaulards. Le juge O’Reilly a admis que, étant donné la prise de l’arrêté de protection visant les épaulards, la demande de contrôle judiciaire contestant la déclaration de protection visant les épaulards n’avait plus qu’un caractère théorique. Cependant, il estimait aussi que se posait la question sérieuse de savoir si la Cour fédérale ne devrait pas néanmoins instruire cette demande en vertu du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose dans ce cas, pouvoir que, a-t-il expliqué, elle pourrait mieux exercer en examinant les deux demandes sur le fond.

 

Les motifs et le dispositif de la décision de la Cour fédérale

[39]           Le juge de la Cour fédérale, après instruction des deux demandes sur le fond, a prononcé la plupart des conclusions déclaratoires demandées et a donné un exposé détaillé des motifs y afférents.

 

[40]           Pour ce qui concerne la norme de contrôle, le juge de la Cour fédérale a conclu que, comme les points en litige étaient pour l’essentiel des questions d’interprétation législative, la norme applicable était celle de la décision correcte.

 

[41]           Touchant la portée de l’expression « habitat essentiel » pour l’application de la LEP, le juge de la Cour fédérale a conclu que le juge Campbell, de la même Cour, avait décidé cette question de manière concluante dans Environmental Defence Canada c. Canada (Pêches et Océans), 2009 CF 878, 349 F.T.R. 225 (Environmental Defence).

 

[42]           La principale question en litige dans Environmental Defence était celle de la portée de l’expression « habitat essentiel » aux fins de la désignation d’un tel habitat dans un programme de rétablissement en application des alinéas 41(1)c) et c.1) de la LEP. Les demandeurs, dans cette affaire, soutenaient que les éléments constitutifs de l’habitat – et par voie de conséquence de l’habitat essentiel – d’une espèce déterminée « sont un emplacement qu’il est possible de déterminer et les caractéristiques de cet emplacement » : voir Environmental Defence, paragraphe 46. Le juge Campbell a accueilli ce moyen et statué que, pour l’application de la LEP, le terme « aires » employé dans la définition qu’elle donne du terme « habitat » ne désigne « pas seulement [...] un emplacement, mais [...] un emplacement qui comporte ses caractéristiques pouvant être précisées »; voir Environmental Defence, paragraphe 58. Le ministre n’a pas interjeté appel contre l’ordonnance rendue par le juge Campbell dans cette affaire et admet maintenant que la LEP vise non seulement le lieu de l’habitat essentiel, mais aussi ses caractéristiques ou éléments.

 

[43]           Comme, dans la présente espèce, le programme de rétablissement définissait la réduction de la disponibilité de proies, la contamination toxique, ainsi que les perturbations physiques et acoustiques, comme des éléments de l’habitat essentiel des populations d’épaulards en question, le juge de la Cour fédérale a conclu que l’arrêté de protection de l’épaulard devait s’appliquer à tous ces éléments : voir les motifs, paragraphes 163 et 164, et 337 à 339. Qui plus est, le ministre avait en fait concédé ce point devant lui, par suite de la décision Environmental Defence : voir les motifs, paragraphes 159 et 163. Par voie de conséquence nécessaire, la déclaration de protection visant les épaulards était défectueuse aussi puisqu’elle excluait ces éléments de la définition de l’habitat essentiel : voir les motifs, paragraphes 337 à 339.

 

[44]           Le juge de la Cour fédérale a ensuite rejeté l’argument du ministre selon lequel les conclusions déclaratoires demandées au sujet de l’arrêté de protection de l’épaulard outrepassaient la compétence de la Cour fédérale. Le ministre soutenait en effet que l’arrêté de protection de l’épaulard n’était pas une « décision » susceptible de contrôle judiciaire, mais plutôt un « règlement » au sens de la Loi sur les instruments réglementaires, L.R.C. 1985, ch. S-22, échappant à ce titre au contrôle judiciaire. Cet argument n’a pas convaincu le juge de la Cour fédérale, qui a conclu que le législateur n’avait pas mis à l’abri du contrôle judiciaire les décisions prises sous le régime du paragraphe 58(5) de la LEP, que ce soit par une clause privative ou par un autre moyen. Selon lui, la LEP ouvrait manifestement droit au recours judiciaire et fixait des obligations au ministre, dont les mesures prises en vertu de cette loi étaient assujetties au contrôle de la Cour fédérale  voir les motifs, paragraphes 183 et 184.

 

[45]           Le juge de la Cour fédérale a aussi décidé d’instruire la demande concernant la déclaration de protection visant les épaulards en dépit du fait que la prise de l’arrêté de protection de l’épaulard lui eût enlevé sa portée pratique. Appliquant les critères formulés dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, il a conclu que, étant donné les questions de droit fondamentales que soulevait l’instance, il restait bel et bien un litige actuel entre les parties : voir les motifs, paragraphes 242 à  245. Il a également conclu que ces questions étaient d’importance générale pour l’interprétation et l’application de la LEP : voir les motifs, paragraphes 250 et 251.

 

[46]           Le juge de la Cour fédérale a ensuite statué qu’il n’est pas permis à un ministre compétent de recourir à une autre loi fédérale comme solution de rechange à un arrêté de protection, à moins que cette loi n’assure à l’habitat essentiel un niveau de protection égal à celui que lui garantirait un tel arrêté : voir les motifs, paragraphes 257 et 272. Il a statué ainsi sur la base d’une interprétation téléologique des dispositions applicables de la LEP, ayant conclu que le législateur avait voulu limiter le pouvoir discrétionnaire ministériel pour ce qui concerne la protection de l’habitat essentiel des espèces en voie de disparition et menacées : voir les motifs, paragraphes 277 à 280.

 

[47]           Le juge de la Cour fédérale a ensuite conclu qu’il n’était pas permis d’utiliser la Loi sur les pêches ni ses règlements d’application comme solution de rechange à un arrêté de protection. Cette conclusion se fondait sur le caractère hautement discrétionnaire des vastes pouvoirs conférés au ministre par ce régime, qui lui donnait notamment toute latitude pour autoriser la destruction d’un habitat de poissons sous le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches et pour assortir les permis de pêche de conditions sous l’article 22 du Règlement de pêche (dispositions générales) : voir les motifs, paragraphes 320 et 321.

 

[48]           Le juge de la Cour fédérale a aussi écarté l’article 36 de la Loi sur les pêches – qui interdit de rejeter des substances nocives dans des eaux où vivent des poissons – au motif qu’il permet néanmoins d’autoriser de tels rejets par voie réglementaire, « à la discrétion du Cabinet » : voir les motifs, paragraphe 325.

 

[49]           Le juge de la Cour fédérale a ensuite formulé onze conclusions déclaratoires, dont voici le texte :

1.      Pour ce qui est de la demande relative à la déclaration de protection :

a.   le ministre des Pêches et des Océans a commis une erreur de droit en décidant que l’habitat essentiel des épaulards était déjà légalement protégé par des lois existantes du Canada;

b.   l’article 58 de la LEP exige que les ministres compétents protègent légalement tous les éléments de l’habitat essentiel;

c.  des programmes de sensibilisation, des programmes de gestion, des codes volontaires de conduite ou de pratiques, des protocoles volontaires ou des lignes directrices volontaires et des politiques ne protègent pas légalement l’habitat essentiel au sens de l’article 58 de la LEP, et il était illégal que le ministre cite dans la déclaration de protection des documents de politique générale;

d.   le pouvoir discrétionnaire ministériel ne protège pas légalement l’habitat essentiel au sens de l’article 58 de la LEP, et il était illégal que le ministre cite dans la déclaration de protection des dispositions de nature discrétionnaire de la Loi sur les pêches;

e.   les lois prospectives et les règlements non encore en vigueur ne protègent pas légalement l’habitat essentiel au sens de l’article 58 de la LEP, et il était illégal que le ministre cite dans la déclaration de protection des dispositions qui ne sont pas encore en vigueur;

f.   les lois provinciales ne protègent pas légalement l’habitat essentiel au sens de l’article 58 de la LEP, et il était illégal que le ministre cite dans la déclaration de protection des lois provinciales.

 

2.       Pour ce qui est de la demande relative à l’arrêté de protection :

a.        les ministres ont agi illégalement en restreignant l’application et la portée de l’arrêté de protection pris en vertu du paragraphe 58(4) de la LEP;

b.        les ministres sont tenus en vertu de l’article 58 de protéger légalement tous les éléments de l’habitat essentiel des épaulards résidents contre leur destruction;

c.        les ministres ont agi illégalement en limitant l’application et la portée de l’interdiction de destruction prévue au paragraphe 58(1) de la LEP à certains éléments de l’habitat essentiel, alors que cette interdiction s’applique à tous les éléments;

d.       les ministres ont commis une erreur de droit en limitant l’application et la portée de l’arrêté de protection de façon à ne protéger légalement que les éléments géophysiques de l’habitat essentiel;

e.       il était illégal que les ministres excluent de la portée de l’arrêté de protection les caractéristiques écosystémiques de l’habitat essentiel des épaulards résidents, y compris la disponibilité de proies et les facteurs acoustiques et environnementaux.

 

 

Les questions en litige dans le présent appel

 

[50]           Bien que le ministre de l’Environnement fût codéfendeur devant la Cour fédérale, seul le ministre des Pêches et des Océans s’est pourvu en appel devant notre Cour. En outre, l’appel du ministre ne concerne qu’une des conclusions déclaratoires du juge de la Cour fédérale, à savoir la conclusion 1d), qui porte que le pouvoir discrétionnaire ministériel ne protège pas légalement l’habitat essentiel au sens de l’article 58 de la LEP et qu’il était par conséquent illégal de la part du ministre de citer dans la déclaration de protection visant les épaulards des dispositions de nature discrétionnaire de la Loi sur les pêches.

 

[51]           Le premier moyen d’appel du ministre concerne la norme de contrôle judiciaire. Il soutient que, le législateur lui ayant confié la responsabilité de gérer les espèces aquatiques sous le double régime de la LEP et de la Loi sur les pêches, son interprétation de ces deux lois commande la retenue judiciaire.

 

[52]           Comme second moyen d’appel, le ministre soutient qu’il était légal de sa part d’invoquer les dispositions de la Loi sur les pêches dans la déclaration de protection visant les épaulards, et qu’il lui est permis de les citer dans toute déclaration de protection prévue au paragraphe 58(5) de la LEP.

 

[53]           Le présent appel soulève par conséquent les questions suivantes :

a.       Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable?

b.      Le ministre a-t-il commis une erreur en invoquant dans la déclaration de protection visant les épaulards les dispositions de la Loi sur les pêches et de ses règlements d’application?

 

[54]           Je dois en outre examiner la question préliminaire de savoir s’il faut écarter le présent appel au motif du caractère théorique des points mis en litige par le ministre.

 

La question préliminaire : Faut‑il écarter le présent appel au motif du caractère théorique des points mis en litige par le ministre?

 

[55]           L’appel du ministre concerne la déclaration de protection visant les épaulards, qui a été remplacée par l’arrêté de protection de l’épaulard. Ainsi que le juge O’Reilly et le juge de la Cour fédérale l’ont conclu dans la présente affaire, les questions que celle-ci soulève concernant la déclaration de protection visant les épaulards sont manifestement de nature théorique. Cela étant, notre Cour devrait-elle examiner ces questions?

 

[56]           Ni le ministre ni les intimés n’invoquent le caractère théorique devant notre Cour, mais il ne s’ensuit pas pour autant que celle-ci puisse tout bonnement passer ce problème sous silence. Quelque peu disposée qu’elle soit à statuer sur un point qui n’a pas été pleinement débattu devant elle, cette Cour ne peut décider le présent appel avant d’avoir établi si les questions en litige sont de nature purement théorique et, dans l’affirmative, si elle devrait néanmoins les trancher.

 

[57]            Le choix du critère à appliquer au point de savoir si une affaire est de nature théorique ou non est une question de droit. La décision d’instruire une telle affaire est discrétionnaire : voir Aktiebolaget Hassle c. Apotex Inc., 2008 CAF 88, paragraphe 11. La définition des facteurs à prendre en considération dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire est aussi une question de droit; voir Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, 2003 CSC 62, paragraphe 18.

 

[58]           Il est incontestable que les questions soulevées ici sont théoriques. Il est également évident, à la lecture des paragraphes 236 à 252 de ses motifs, que le juge de la Cour fédérale a défini correctement les facteurs à prendre à considération dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’examiner ces questions malgré leur absence de portée pratique. Dans le cadre d’un appel formé contre un tel jugement, notre Cour devrait-elle contrôler l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par le juge de la Cour fédérale suivant la norme du caractère raisonnable, ou devrait-elle plutôt exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l’examen depuis le début et décider elle-même s’il convient ou non de connaître des questions théoriques en appel? Dans des affaires antérieures, notre Cour semble avoir retenu de préférence cette deuxième possibilité : voir Baron c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CAF 81, paragraphes 26 à 46.

 

[59]           La Cour suprême du Canada, aux pages 358 à 363 de Borowski c. Canada (Procureur général), précité, et aux paragraphes 18 à 22 de Doucet-Bourdreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), également précité, a recommandé aux tribunaux judiciaires d’appliquer les critères suivants dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire d’instruire une affaire théorique :

a.       l’existence d’un débat contradictoire;

b.      le souci d’économie des ressources judiciaires;

c.       la nécessité pour les tribunaux d’être conscients de leur fonction juridictionnelle dans notre structure politique.

 

[60]           Appliquant ces critères à la présente affaire, je conclus que le juge de la Cour fédérale a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire d’examiner les questions relatives à la déclaration de protection visant les épaulards. Je conclus en outre que notre Cour devrait aussi exercer son pouvoir discrétionnaire d’examiner ces questions malgré leur caractère théorique.

 

[61]           Lesdites questions ont été débattues à fond devant la Cour fédérale et devant notre Cour, et il existe entre les parties un litige actuel qui persistera jusqu’à ce qu’elles soient définitivement tranchées.

 

[62]           L’examen par notre Cour des questions en litige ne peut que favoriser l’économie des ressources judiciaires. Ces questions ont été débattues à fond dans la présente affaire et elles se poseront vraisemblablement de nouveau dans le contexte d’autres déclarations de protection établies sous le régime de la LEP. Il paraît donc préférable de les régler maintenant, plutôt que d’attendre une autre affaire, qui exigerait des efforts et des dépenses supplémentaires.

 

[63]           Les questions soulevées ici sont d’importance publique, et il est dans l’intérêt public de les régler. La présente affaire est la première portée devant notre Cour concernant le contenu d’une déclaration de protection établie sous le régime de la LEP. De nombreuses autres déclarations de protection visant d’autres espèces en voie de disparition ou menacées sont en cours d’élaboration et ont peut-être été publiées. C’est pourquoi le ministre aussi bien que les intimés recherchent des lignes directrices pour l’interprétation et l’application de l’article 58 de la LEP.

 

[64]           Enfin, notre Cour ne s’écarte pas de son rôle traditionnel d’instance juridictionnelle, pas plus qu’elle n’empiète sur les domaines des pouvoirs législatif ou exécutif, en décidant d’entendre le présent appel. Les points ici en litige sont tous des questions d’interprétation législative. Qui plus est, le ministre – agissant à titre de membre du pouvoir exécutif – demande l’avis de notre Cour sur ces points.

 

La norme de contrôle

            La position du ministre

[65]           La principale question portée devant notre Cour concerne la signification des termes « protégés légalement par des dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, ou une mesure prise sous leur régime » du paragraphe 58(5) de la LEP. Il s’agit donc là d’une question d’interprétation législative, ce que le ministre ne conteste pas.

 

[66]           Cependant, le ministre soutient que, comme le législateur lui a confié la responsabilité de gérer les systèmes de réglementation afférents à la LEP et à la Loi sur les pêches, son interprétation de l’article 58 de la LEP – ainsi que des dispositions de la Loi sur les pêches et de ses règlements d’application pour autant qu’elles se rapportent à cet article – commande la retenue judiciaire.

 

[67]           Le ministre invoque à l’appui de cette thèse l’arrêt Dunsmuir et d’autres décisions récentes de la Cour suprême du Canada qui insistent toutes sans ambiguïté sur la retenue que doivent exercer les tribunaux judiciaires envers le tribunal administratif qui interprète une disposition de sa loi habilitante (ou « loi constitutive ») ou d’une loi étroitement liée à son mandat. Le ministre cite notamment les paragraphes 33 et 34 de Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011]  1 R.C.S. 3 (Celgene); les paragraphes 15 à 27 de Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53 (Mowat); et le paragraphe 26 de Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160 (Smith). Je ferai observer à ce propos que notre Cour a constaté l’incertitude que laisse planer l’arrêt Dunsmuir sur la norme de contrôle judiciaire applicable à l’interprétation d’une loi par un représentant du gouvernement; voir Global Wireless Management c. Public Mobile Inc., 2011 CAF 194, [2011] 3 R.C.F. 344, paragraphe 35; et Toussaint c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 213, 420 N.R. 213, paragraphe 19.

 

[68]           Le ministre fonde aussi sa position sur une décision récente de la Cour fédérale : Adam c. Canada (Environnement), 2011 CF 962; sub nom. Athabasca Chipewyan First Nation v. Canada (Minister of the Environment), [2011] 4 C.N.L.R. 17 (Adam). Dans cette affaire, les demandeurs priaient la Cour d’ordonner au ministre de l’Environnement : a) de mettre dans le registre, sous le régime de la LEP, un programme de rétablissement du caribou boréal vivant dans le Nord-est de l’Alberta; et b) de recommander au gouverneur en conseil de prendre un décret d’urgence pour la protection de cette espèce sous le régime du paragraphe 80(2) de la LEP. La Cour fédérale a conclu, sans effectuer d’analyse relative à la norme de contrôle et en se fondant sur sa lecture de Dunsmuir et de Smith, que l’interprétation donnée par le ministre de l’Environnement du paragraphe 80(2) de la LEP devait être contrôlée suivant la norme du caractère raisonnable. Elle a contrôlé ladite interprétation suivant cette norme aux motifs que le ministre interprétait sa loi « constitutive » (la LEP), et que l’affaire ne soulevait ni une question constitutionnelle, ni une question de droit d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ni une question de compétence : voir Adam, paragraphe 40.

 

[69]           Le ministre soutient que, du fait de sa qualité de « ministre compétent » pour les espèces aquatiques, son interprétation des dispositions applicables de la LEP commande la même retenue judiciaire, et que, comme il est le ministre responsable de l’exécution de la Loi sur les pêches, son interprétation de cette loi et des règlements d’application de celle-ci appelle pareillement la déférence. Bref, le ministre affirme que, selon la jurisprudence la plus récente de la Cour suprême du Canada, les décideurs administratifs – tels que lui-même – bénéficient d’une présomption de retenue judiciaire lorsqu’ils interprètent leurs lois habilitantes (ou « constitutives »).

 

[70]           Je ne puis souscrire à cette thèse du ministre. Par les motifs dont l’exposé suit, j’ai conclu que l’interprétation que le Ministre donne des dispositions applicables de la LEP ou de la Loi sur les pêches et de ses règlements d’application ne commande pas la déférence de notre Cour.

 

Les fondements historiques et constitutionnels du contrôle judiciaire

[71]           Il ne paraît pas inutile de rappeler brièvement les fondements du contrôle judiciaire au Canada. Les deux principes directeurs de la constitution britannique – sur laquelle la nôtre est modelée – sont la souveraineté du Parlement et la primauté du droit. Ces principes constitutionnels furent en grande partie élaborés en conséquence directe et indirecte de la Guerre civile anglaise du XVIIe siècle. La lutte longue, difficile et souvent sanglante qui opposa durant cette période la monarchie et le Parlement s’acheva par la victoire des parlementaires avec la « Glorieuse Révolution », qui permit l’avènement de Guillaume et Marie d’Orange et mena à l’adoption du Bill of Rights de 1689, puis de l’Act of Settlement de 1701.

 

[72]           C’est ainsi que la marche de l’histoire entraîna la subordination des pouvoirs de la monarchie aux lois du Parlement. Avant le Bill of Rights de 1689, l’autorité royale prétendait [TRADUCTION] « s’attribuer et exercer le pouvoir de dispenser des lois ou de leur exécution, et de suspendre les lois ou leur exécution, sans le consentement du Parlement » (préambule du Bill of Rights de 1689). Le Bill of Rights de 1689, tout en consacrant le principe de la souveraineté du Parlement, conférait implicitement aux tribunaux judiciaires, en particulier aux cours de common law, le pouvoir d’interpréter les lois du Parlement et de réprimer les actes illicites des représentants de la Couronne. Ceci se trouva plus tard confirmé par l’Act of Settlement de 1701, qui établissait l’indépendance du pouvoir judiciaire.

 

[73]           Le Bill of Rights de 1689, l’Act of Settlement de 1701 et les principes constitutionnels découlant de ces deux lois ont ainsi subordonné la Couronne et ses représentants aux lois du Parlement telles qu’interprétées par les cours de common law, devenues indépendantes : voir Dussault et Borgeat, Traité de droit administratif, deuxième édition, tome III, Presses de l’Université Laval, 1989, pages 18 à 20 et 40 à 46; A.L. Goodhart et R.E. Megarry, « Judicial Review and the Rule of Law: Historical Origins » (1956), 72 L.Q.R. 345, page 362; et lord Hailsham of St. Marylebone, « Democracy and Judicial Independence » (1979), 28 N.B.L.J. 7, page 9.

 

[74]           Les principes de la souveraineté du Parlement et de la primauté du droit sont encore aujourd’hui les fondements du contrôle judiciaire : voir Dunsmuir, paragraphes 27 à 30.

 

[75]           Avec le développement de l’intervention étatique dans la première moitié du XXe siècle, le Parlement a établi de nombreux et complexes régimes axés sur des objectifs économiques et sociaux non moins complexes. Il a en conséquence dû déléguer de plus en plus de pouvoirs à divers organismes administratifs chargés de mettre ces régimes en œuvre. Le Parlement a aussi créé de nombreux tribunaux administratifs pour arbitrer les différends suscités par ces régimes complexes. Dans certains cas, il a voulu mettre ces organismes et tribunaux administratifs à l’abri de l’intervention judiciaire, principalement par le moyen de l’inscription de diverses clauses privatives dans leurs lois habilitantes.

 

[76]           Après avoir farouchement résisté dans l’ensemble du Commonwealth à cette réduction de leurs pouvoirs, les tribunaux judiciaires se sont en fin de compte laissé fléchir par respect pour le principe de la souveraineté du Parlement. Cependant, ils ont conservé le droit – encore que limité – de contrôler les décisions administratives au motif que la primauté du droit l’exigeait dans certains cas, notamment lors d’excès de compétence, d’abus de pouvoir ou de manquement aux principes de justice naturelle.

 

La conception canadienne contemporaine du contrôle judiciaire relatif aux questions de droit

[77]           La conception canadienne contemporaine du contrôle judiciaire des questions de droit soulevées par les décisions des tribunaux administratifs est exposée dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227 (S.C.F.P.), et dans Blanchard c. Control Data Canada Ltée, [1984] 2 R.C.S. 476 (Control Data). Le juge Lamer a résumé comme suit cette conception aux pages 492 et 493 de Control Data :

En principe, compte tenu de la présence d’une clause privative, les juridictions supérieures ne devraient pas pouvoir réviser les erreurs de droit des tribunaux administratifs. Toutefois, il est maintenant établi que certaines erreurs de droit peuvent faire perdre juridiction à l’arbitre. La controverse porte plutôt sur la détermination de quelles erreurs de droit font perdre juridiction. Contrairement à la décision de Lord Denning dans l’affaire Pearlman v. Keepers and Governors of Harrow School, [1979] 1 All E.R. 365, où il est dit (à la p. 372) que [TRADUCTION] « aucune cour ni aucun tribunal n’a la compétence de faire une erreur de droit dont dépend l’issue de l’affaire » (désapprouvée par la suite par le Conseil privé dans South East Asia Fire Bricks Sdn. Bhd. v. Non-Metallic Mineral Products Manufacturing Employees Union, [1980] 3 W.L.R. 318, et Re Racal Communications Ltd., [1980] 2 All E.R. 634), la tendance de cette Cour depuis les affaires Nipawin, précitée [Union internationale des employés des services, Local no. 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association et al., (1975) 1 R.C.S. 382] et S.C.F.P., précitée, a été d’éviter d’intervenir lorsque la décision du tribunal administratif, erronée ou non, était raisonnable. En d’autres termes, seules les erreurs de droit déraisonnables portent atteinte à la juridiction. L’extrait suivant de l’arrêt S.C.F.P., précité, à la p. 237, cité à maintes reprises par la suite, est devenu l’énoncé classique de l’approche de cette Cour :

Autrement dit, l’interprétation de la Commission est-elle déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s’appuyer sur la législation pertinente et d’exiger une intervention judiciaire?

C’est là un test très sévère et qui marque une approche restrictive en ce qui concerne le contrôle judiciaire. C’est pourtant le test que cette Cour a appliqué et applique encore [...]

 

[78]           Donc, si le Parlement (ou une assemblée législative provinciale) a adopté une clause privative disposant que les décisions d’un tribunal administratif déterminé – ou d’un décideur administratif déterminé, de quelque autre nature qu’il soit – ne sont pas soumises au contrôle judiciaire sous le rapport des questions de droit, les tribunaux judiciaires doivent s’efforcer de respecter l’intention du législateur et ne remettre ces décisions en cause que si elles sont déraisonnables.

 

[79]           La Cour suprême du Canada a appliqué cette conception par la suite, et ce, même en cas d’absence de clause privative, à condition que l’intention du législateur ressorte à l’évidence de certains éléments de la loi habilitante.

 

[80]           Dans les arrêts Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557 (Pezim), et Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 (Southam) – qui concernaient tous deux un appel prévu par la loi –, la Cour suprême du Canada s’est refusée à appliquer la norme de la décision correcte aux questions de droit, s’en remettant plutôt à l’analyse juridique du premier décideur. Dans ces deux affaires, c’est l’intention du législateur qui a motivé l’application de la norme du caractère raisonnable. Rappelons à ce sujet les observations formulées par le juge Iacobucci aux pages 589 et 590 de Pezim :

Dans l’examen de la norme de contrôle applicable, il faut avant tout déterminer quelle était l’intention du législateur lorsqu’il a conféré compétence au tribunal administratif. Pour répondre à cette question, les tribunaux ont examiné divers facteurs, dont le rôle ou la fonction du tribunal. Il est également essentiel de savoir si les décisions de l’organisme sont protégées par une clause privative. Enfin, il est d’une importance fondamentale de savoir si la question touche la compétence du tribunal concerné.

 

[81]           La Cour suprême a établi dans Pezim et Southam que les clauses privatives ne formaient qu’un des nombreux facteurs pouvant être pris en considération aux fins d’établir l’intention du législateur de limiter le pouvoir de contrôle judiciaire des décisions d’un tribunal administratif relativement à des questions de droit. Elle a posé que, en plus de l’existence ou de l’inexistence d’une clause privative, on pouvait prendre en considération aux fins susdites des facteurs tels que la nature du problème soumis au tribunal, le libellé de la loi habilitante (ou « constitutive »), l’objet de cette loi et les domaines d’expertise. Par conséquent, il fallait suivre une méthode dite « pragmatique et fonctionnelle » – analogue à celle élaborée dans U.E.S., local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, en vue de la définition des questions de compétence – pour déterminer les limites du contrôle judiciaire applicable à la décision d’un tribunal administratif. Voir Pezim, page 592.

 

[82]           Le même principe est exprimé au paragraphe 26 de Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 : « La détermination de la norme de contrôle que la cour de justice doit appliquer est centrée sur l’intention du législateur qui a créé le tribunal dont la décision est en cause. » On en retrouve aussi une formulation au paragraphe 21 de Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226 : « La méthode pragmatique et fonctionnelle implique ainsi l’examen de l’intention du législateur, mais sur l’arrière-plan de l’obligation constitutionnelle des tribunaux de protéger la légalité ».

 

Dunsmuir et la jurisprudence postérieure

[83]           Le ministre soutient dans le présent appel que, étant donné les attributions que lui confèrent la LEP et la Loi sur les pêches, son interprétation de ces lois ne peut être contrôlée judiciairement suivant la norme de la décision correcte. Cette position du ministre implique que l’analyse relative à la norme de contrôle doit s’arrêter dès qu’il est constaté que le législateur a confié à un ministre la charge d’appliquer une loi fédérale. C’est là selon lui ce qu’il faut conclure de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada. Je dois m’inscrire en faux contre cette thèse.

 

[84]           La Cour suprême du Canada, dans Dunsmuir, puis dans Celgene, Mowat et Smith, n’a pas répudié la pertinence de l’intention du législateur, ni rejeté l’utilité d’une analyse relative à la norme de contrôle, comme le ministre le laisse entendre. Ce n’est pas là la leçon de ces arrêts. En effet, comme il est rappelé au paragraphe 30 de Dunsmuir, « la suprématie législative [est assurée par] la détermination de la norme de contrôle applicable en fonction de l’intention du législateur ».

 

[85]           Ainsi que les juges Bastarache et LeBel l’expliquent aux paragraphes 27 à 31 de Dunsmuir, le contrôle judiciaire est étroitement lié au maintien de la primauté du droit et à la volonté d’assurer la suprématie législative. Même s’il définit un cadre plus cohérent et plus praticable pour le contrôle judiciaire – notamment en fusionnant les normes du « caractère manifestement déraisonnable » et du « caractère raisonnable simpliciter » dans la norme de la « décision raisonnable » –, l’arrêt Dunsmuir n’en exige pas moins qu’on détermine la norme de contrôle applicable au moyen d’une analyse en bonne et due forme dans les cas qui le justifient.  

 

[86]           À cette fin, Dunsmuir a établi un processus en deux étapes : premièrement, la cour de révision établit si la jurisprudence a déjà déterminé de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une question donnée; et deuxièmement, si cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettront d’arrêter la norme de contrôle applicable : voir Dunsmuir, paragraphe 62.

 

[87]           Si l’on a affaire à un tribunal administratif qui statue sur des litiges dans le cadre d’une procédure contradictoire, et auquel sa loi habilitante confère explicitement ou implicitement le pouvoir de décider des questions de droit, l’interprétation qu’il donne de cette loi ou d’une loi étroitement liée à son mandat commande normalement la retenue judiciaire. Dunsmuir tirait cette conclusion de la jurisprudence existante, qui avait déjà examiné de manière approfondie la question de la norme de contrôle applicable aux tribunaux administratifs statuant sur des litiges. Citons à ce propos le paragraphe 54 de cet arrêt :

[54] La jurisprudence actuelle peut être mise à contribution pour déterminer quelles questions emportent l’application de la norme de la raisonnabilité. Lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise : Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, par. 48; Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, par. 39. Elle peut également s’imposer lorsque le tribunal administratif a acquis une expertise dans l’application d’une règle générale de common law ou de droit civil dans son domaine spécialisé : Toronto (Ville) c. S.C.F.P., par. 72.  L’arbitrage en droit du travail demeure un domaine où cette approche se révèle particulièrement indiquée. La jurisprudence a considérablement évolué depuis l’arrêt McLeod c. Egan, [1975] 1 R.C.S. 517, et la Cour s’est dissociée de la position stricte qu’elle y avait adoptée. Dans cette affaire, la Cour avait statué que l’interprétation, par un décideur administratif, d’une autre loi que celle qui le constitue est toujours susceptible d’annulation par voie de contrôle judiciaire.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[88]           Cependant, la retenue judiciaire touchant les questions de droit ne sera pas toujours applicable, notamment si l’organisme administratif dont la décision ou les mesures font l’objet du contrôle ne statue pas sur des litiges,  n’est pas protégé par une clause privative et n’est pas autorisé par sa législation habilitante à décider avec autorité des questions de droit. Il reste nécessaire d’effectuer une analyse relative à la norme de contrôle dans les cas qui le justifient. Les juges Bastarache et LeBel formulent à ce sujet les observations suivantes aux paragraphes 63 et 64 de Dunsmuir :

[63]      L’analyse qui préside actuellement à la détermination de la norme de contrôle applicable est généralement qualifiée de « pragmatique et fonctionnelle ». Cette appellation importe peu, et la cour de révision ne doit pas s’y attacher au détriment de ce qu’exige réellement la démarche. Il se peut qu’elle ait induit les cours de justice en erreur dans le passé.  C’est pourquoi, à l’avenir, nous parlerons simplement d’« analyse relative à la norme de contrôle ».

[64]      L’analyse doit être contextuelle. Nous rappelons que son issue dépend de l’application d’un certain nombre de facteurs pertinents, dont (1) l’existence ou l’inexistence d’une clause privative, (2) la raison d’être du tribunal administratif suivant l’interprétation de sa loi habilitante, (3) la nature de la question en cause et (4) l’expertise du tribunal administratif. Dans bien des cas, il n’est pas nécessaire de tenir compte de tous les facteurs, car certains d’entre eux peuvent, dans une affaire donnée, déterminer l’application de la norme de la décision raisonnable.

 

 

[89]           Ce qui ressort à l’évidence de Dunsmuir, c’est qu’« [i]l n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle » (paragraphe 57). En outre, cet arrêt précise bien que, « sur le plan institutionnel, on peut présumer que les arbitres [...] possèdent une expertise relative dans l’interprétation de la loi dont ils tiennent leur mandat ainsi que des dispositions législatives connexes qu’ils sont souvent appelés à appliquer dans l’exercice de leurs fonctions » (Dunsmuir, paragraphe 68); voir aussi Nor-Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals, 2011 CSC 59, paragraphe 53.

 

[90]           Par conséquent, depuis Dunsmuir, l’interprétation de sa loi habilitante ou de lois étroitement liées à son mandat par un tribunal qui statue sur des litiges doit être présumée, sauf cas exceptionnel, être une question d’interprétation législative qui commande la déférence lors d’un contrôle judiciaire : voir Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, paragraphes 34 et 41, le juge Rothstein (Alberta Teachers’ Association).

 

[91]           Les arrêts Celgene, Mowat et Smith, invoqués par le ministre, s’accordent avec Dunsmuir et le principe de la pertinence de l’intention du législateur. Valablement interprétés, ces arrêts n’étayent pas la position du ministre concernant la norme de contrôle.

 

[92]           Celgene concernait l’interprétation d’une expression de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés. Cette question d’interprétation législative avait été examinée et tranchée en contrôle judiciaire suivant la norme de la décision correcte. Cependant, la Cour suprême s’est interrogée sur le point de savoir si cette norme était bien applicable à l’espèce. Elle n’a pas répondu à cette question, ayant conclu que la décision du Conseil se révélait inattaquable qu’on y applique la norme de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable. Le ministre a donc tort d’invoquer ici cet arrêt.

 

[93]           L’arrêt Mowat concernait une décision par laquelle le Tribunal canadien des droits de la personne, statuant sur un litige selon la fonction que lui assigne la Loi canadienne sur les droits de la personne, avait adjugé des dépens à la plaignante à l’issue d’une procédure contradictoire. La question en litige dans cette affaire était l’interprétation donnée par le Tribunal de dispositions de ladite loi. Les juges LeBel et Cromwell ont conclu que, selon Dunsmuir, les décisions des tribunaux statuant sur un litige commandaient normalement la déférence pour ce qui concerne l’interprétation de leurs lois habilitantes. Appliquant donc la norme de la décision raisonnable, ils ont en fin de compte conclu au caractère intenable de l’interprétation donnée par le Tribunal de sa loi habilitante. On voit donc que cet arrêt n’étaye pas non plus la position du ministre, puisqu’il s’appliquait à un tribunal qui statuait à l’égard d’un litige.

 

[94]           Quant à l’arrêt Smith, il visait une décision d’adjudication de frais rendue par un comité d’arbitrage constitué en vertu de la partie V de la Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C. 1985, ch. N‑7. La question en litige dans cette affaire touchait à l’interprétation donnée par le comité d’arbitrage du terme « frais » que contient le paragraphe 99(1) de cette loi. Le juge Fish a statué au nom de la majorité que, comme le comité d’arbitrage interprétait sa loi habilitante, il découlait des principes formulés dans Dunsmuir que sa décision devait être contrôlée suivant la norme de la décision raisonnable. Cette conclusion se fondait sur l’intention du législateur, comme l’explique le paragraphe 31 de Smith :

[...] le législateur a expressément laissé au comité une grande marge d’appréciation lui permettant « d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables » lorsqu’il est appelé à fixer les frais que les autorités expropriantes doivent payer (Dunsmuir, par. 47). Les seuls frais qui peuvent être accordés en vertu du par. 99(1) sont ceux « que le comité estime avoir été entraînés par l’exercice du recours ». Le texte de la loi traduit la volonté du législateur de confier en exclusivité aux comités d’arbitrage la responsabilité de déterminer la nature et le montant des frais à accorder dans les litiges qu’ils sont tenus de trancher aux termes de la LONE. [Non souligné dans l’original.]

 

[95]           Le juge Fish a récemment exposé comme suit, aux paragraphes 35 et 36 de Nor-Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals, précité, le cadre d’analyse et la présomption découlant de Dunsmuir :

[35]  La décision d’un tribunal administratif est assujettie à la norme de la décision correcte si elle soulève une question constitutionnelle; une question de « droit générale “à la fois, d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise de l’arbitre” »; une « question touchant véritablement à la compétence »; ou une question portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents (Dunsmuir, par. 58‑61; Smith, par. 26; Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77 (« Toronto (Ville) »), par. 62, le juge LeBel).

[36]  En revanche, la norme de la raisonnabilité l’emporte généralement lorsque la décision du tribunal administratif touche aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique; lorsque les faits et le droit s’entrelacent et ne peuvent être facilement dissociés; ou lorsque le tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une « loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » (Dunsmuir, par. 51 et 53‑54; Smith, par. 26).

 

[96]           Il faut replacer ce cadre d’analyse et cette présomption dans le contexte où ils ont été établis : ils s’appliquent aux tribunaux administratifs qui statuent à l’égard d’un litige. La présomption découle de la jurisprudence antérieure, qui avait examiné de manière approfondie la question de la norme de contrôle applicable aux décisions de tels tribunaux. Il est présumé que, en conférant à un tribunal administratif le pouvoir de statuer sur des différends selon une procédure contradictoire, le législateur a restreint le contrôle judiciaire dont est susceptible l’interprétation que donne ce tribunal de sa loi habilitante et des lois étroitement liées à son mandat juridictionnel. Il est cependant possible de réfuter cette présomption en établissant son incompatibilité avec l’intention du législateur.

 

[97]           Le ministre invite notre Cour à étendre le cadre analytique et la présomption de Dunsmuir tels que formulés plus haut à l’ensemble des décideurs administratifs chargés de l’application d’une loi fédérale. Or je ne pense pas que ce principe puisse se déduire de Dunsmuir ni des arrêts postérieurs de la Cour suprême du Canada.

 

[98]           Le ministre soutient, pour l’essentiel, que l’interprétation de la LEP et de la Loi sur les pêches à laquelle souscrivent son ministère et les organismes centraux de l’État, tels que le ministère de la Justice, devrait l’emporter. Il tend ainsi à établir un nouveau paradigme constitutionnel selon lequel l’interprétation donnée par l’exécutif des lois du Parlement prévaudrait à condition de ne pas être déraisonnable. Ce nouveau paradigme nous ramènerait à l’époque qui a précédé le Bill of Rights de 1689, où la Couronne se réservait le droit d’interpréter et d’appliquer les lois du Parlement en fonction de ses propres objectifs politiques. Il faudrait que le Parlement adopte des dispositions très explicites dans ce sens pour que notre Cour prononce une conclusion d’une portée aussi considérable.

 

[99]           Les questions en litige dans le présent appel concernent l’interprétation d’une loi par un ministre qui ne statut pas à l’égard d’un litige et qui ne dispose donc pas d’un pouvoir implicite de décider des questions de droit. Bien sûr, le ministre doit se faire une idée de la signification de la loi applicable pour pouvoir agir. Mais cela n’équivaut pas à disposer du pouvoir, délégué par le Parlement, de décider des questions de droit. La présomption de retenue judiciaire découlant de Dunsmuir, et réaffirmée aux paragraphes 34 et 41 d’Alberta Teachers’ Association, ne s’applique pas à ce cas. Il faut donc dans la présente affaire effectuer l’analyse relative à la norme de contrôle que prévoient les paragraphes 63 et 64 de Dunsmuir afin d’établir l’intention du Parlement.

 

[100]       Autrement dit, l’intention du Parlement est-elle de dispenser du contrôle judiciaire suivant la norme de la décision correcte l’interprétation que donne le ministre des dispositions applicables de la LEP et de la Loi sur les pêches? Me fondant sur l’analyse relative à la norme de contrôle exposée ci-dessous, je réponds à cette question par la négative.

 

Analyse relative à la norme de contrôle

[101]       Premièrement, ni la LEP ni la Loi sur les pêches ne contiennent de clause privative. C’est là un signe fort de l’intention du législateur de ne pas mettre à l’abri du contrôle judiciaire l’interprétation juridique de ces lois par le ministre.

 

[102]       Deuxièmement, comme le précise l’article 57 de la LEP, son article 58 a pour objet de « faire en sorte que [...] tout l’habitat essentiel soit protégé ». Par conséquent, aux termes du paragraphe 58(5), le ministre « est tenu » de prendre un arrêté visant à protéger l’habitat essentiel désigné, à moins qu’il ne soit « protégé [...] légalement par des dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, ou une mesure prise sous leur régime ». Ce sont là autant d’indications que le Parlement a considérablement limité le pouvoir discrétionnaire du ministre. Il serait pour le moins curieux que l’interprétation donnée par le ministre d’un libellé aussi restrictif puisse d’une manière ou d’une autre l’emporter de sorte à contrer l’intention du Parlement qui a adopté ces dispositions. Ici encore, l’intention du Parlement de ne pas mettre l’interprétation juridique du ministre à l’abri du contrôle judiciaire paraît manifeste.

 

[103]       Troisièmement, le ministre ne statue pas à l’égard d’un litige mais remplit plutôt une fonction administrative lorsqu’il élabore et publie une déclaration de protection sous le régime du paragraphe 58(5) de la LEP. Le fait que le Parlement n’ait pas créé un tribunal administratif indépendant pour trancher les questions de droit qui se soulèvent sous le régime de la LEP, notamment de son article 58, est un autre signe de l’intention qu’il avait de conférer aux tribunaux judiciaires le pouvoir de se prononcer sur ces questions suivant la norme de la décision correcte. Le point en litige est une question d’interprétation législative que les tribunaux judiciaires sont le plus aptes à décider dans les circonstances de la présente affaire.

 

[104]       Enfin, bien que le ministre des Pêches et des Océans – conseillé par les fonctionnaires de son ministère – puisse certainement faire état d’expertise en matière de gestion des pêches et de l’habitat des poissons, il n’en est pas pour autant pourvu d’expertise dans l’interprétation des lois. Les connaissances halieutiques, en effet, ne confèrent pas nécessairement une expertise juridique spéciale pour interpréter les dispositions de la LEP ou de la Loi sur les pêches.

 

[105]       Pour ces motifs, les questions d’interprétation législative que soulève le présent appel seront examinées et tranchées selon la norme de la décision correcte.

 

Le ministre a‑t‑il commis une erreur en invoquant les dispositions de la Loi sur les pêches et de ses règlements d’application dans la déclaration de protection visant les épaulards?

 

La position du ministre

[106]       Le ministre admet que la protection de l’habitat essentiel des espèces aquatiques en voie de disparition ou menacées sous le régime de la LEP n’est pas laissée à sa discrétion. Il fait cependant valoir que le législateur avait l’intention de lui accorder une certaine latitude dans le choix des moyens d’assurer cette protection obligatoire. Il soutient en outre que la confirmation par notre Cour des conclusions du juge de la Cour fédérale le priverait de cette latitude.

 

[107]       Il n’est pas nécessaire, ajoute le ministre, que tous les instruments invoqués dans une déclaration de protection soient des [TRADUCTION] « dispositions légales » prévoyant des mesures obligatoires et exécutoires de protection de l’habitat essentiel contre la destruction. Cette approche lui donnerait une considérable marge de manœuvre pour établir les meilleurs moyens d’assurer la protection en question. C’était là, selon le ministre, l’intention du Parlement. Si ce dernier avait envisagé de protéger l’habitat essentiel seulement par une interdiction légale de destruction – comme c’est le cas pour la résidence, ainsi que pour le fait de tuer des individus d’une espèce sauvage, de leur nuire ou de les harceler –, il n’aurait pas prévu la solution de rechange que constitue la déclaration de protection. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que les mesures de protection invoquées dans une déclaration de protection soient des interdictions de destruction.

 

[108]       Le ministre affirme en outre que, en voulant s’assurer cette flexibilité, il ne cherche pas à réduire la protection de l’habitat essentiel ni à donner une protection inférieure à celle qu’assurerait un arrêté de protection. C’est plutôt, explique-t-il, qu’il existe d’autres méthodes aptes à protéger l’habitat essentiel contre la destruction. Il cite des dispositions déterminées de la Loi sur les pêches comme solutions de rechange légitimes à un arrêté de protection. S’il reconnaît que cette loi lui confère un pouvoir discrétionnaire de gestion des pêches sans restriction, il ajoute que [TRADUCTION] « dans le cas où il se sera engagé à se conformer aux prescriptions de la LEP touchant la protection de l’habitat essentiel au moyen des dispositions de la Loi sur les pêches, il exercera son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de cet engagement » (mémoire de l’appelant, paragraphe 47).

 

[109]       Le problème que soulève la position du ministre est qu’elle n’est pas compatible avec les dispositions de la LEP, qui prévoient clairement l’obligation d’assurer une « protection juridique » à tout l’habitat essentiel désigné des espèces aquatiques inscrites comme espèces en voie de disparition ou menacées. Accepter la position du ministre reviendrait à remplacer dans les faits le dispositif non discrétionnaire de protection de l’habitat essentiel de la LEP par le dispositif discrétionnaire de gestion de la Loi sur les pêches. Ce n’est pas là ce que prévoit la LEP.

 

Interprétation des dispositions applicables de la LEP

[110]       Le préambule de la LEP pose en principe que « l’habitat des espèces en péril est important pour leur conservation ». Aux fins de cette conservation, l’article 57 de la LEP – qui est une disposition d’interprétation – porte que tout l’habitat essentiel désigné au programme de rétablissement doit être protégé dans les 180 jours suivant la mise de celui-ci dans le registre :

 L’article 58 a pour objet de faire en sorte que, dans les cent quatre-vingts jours suivant la mise dans le registre du programme de rétablissement ou du plan d’action ayant défini l’habitat essentiel visé au paragraphe 58(1), tout l’habitat essentiel soit protégé :

*                   a) soit par des dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, ou une mesure prise sous leur régime, notamment les accords conclus au titre de l’article 11;

*                   b) soit par l’application du paragraphe 58(1).

[Je souligne.]

 The purpose of section 58 is to ensure that, within 180 days after the recovery strategy or action plan that identified the critical habitat referred to in subsection 58(1) is included in the public registry, all of the critical habitat is protected by

 

           (a) provisions in, or measures under, this or any other Act of Parliament, including agreements under section 11; or

*                   (b) the application of subsection 58(1)

[Emphasis added]

 

[111]       L’article 58 de la LEP ajoute que cette protection doit être assurée par des mesures légalement contraignantes. Les dispositions pertinentes de cet article sont libellées comme suit :

 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, il est interdit de détruire un élément de l’habitat essentiel d’une espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée — ou comme espèce disparue du pays dont un programme de rétablissement a recommandé la réinsertion à l’état sauvage au Canada : [...]

b) si l’espèce inscrite est une espèce aquatique; [...]

 

4) Le paragraphe (1) s’applique à l’habitat essentiel ou à la partie de celui-ci [...] selon ce que précise un arrêté pris par le ministre compétent.

 

 

(5) Dans les cent quatre-vingts jours suivant la mise dans le registre du programme de rétablissement ou du plan d’action ayant défini l’habitat essentiel, le ministre compétent est tenu, [...] :

 

*                   a) de prendre l’arrêté visé au paragraphe (4), si l’habitat essentiel ou la partie de celui-ci ne sont pas protégés légalement par des dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, ou une mesure prise sous leur régime, notamment les accords conclus au titre de l’article 11;

*                   b) s’il ne prend pas l’arrêté, de mettre dans le registre une déclaration énonçant comment l’habitat essentiel ou la partie de celui-ci sont protégés légalement.

[Je souligne.]

 (1) Subject to this section, no person shall destroy any part of the critical habitat of any listed endangered species or of any listed threatened species — or of any listed extirpated species if a recovery strategy has recommended the reintroduction of the species into the wild in Canada — if [...]

 

(b) the listed species is an aquatic species; [...]

(4) [...] subsection (1) applies in respect of the critical habitat or portion of the critical habitat, as the case may be, specified in an order made by the competent minister.

 

(5) Within 180 days after the recovery strategy or action plan that identified the critical habitat is included in the public registry, the competent minister must, [...] with respect to all of the critical habitat or any portion of the critical habitat [...]

*                   (a) make the order referred to in subsection (4) if the critical habitat or any portion of the critical habitat is not legally protected by provisions in, or measures under, this or any other Act of Parliament, including agreements under section 11; or

 

*                   (b) if the competent minister does not make the order, he or she must include in the public registry a statement setting out how the critical habitat or portions of it, as the case may be, are legally protected.

[Emphasis added]

 

 

[112]       La méthode à suivre pour interpréter ces dispositions légales consiste à déterminer l’intention du Parlement au moyen d’une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la LEP dans son ensemble : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 au paragraphe 10; voir aussi Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 au paragraphe 21.

 

[113]       Le terme protect [protéger] est défini comme suit dans la deuxième édition du Canadian Oxford Dictionary : attempt to preserve (a threatened plant or animal species) by legislating against hunting, collecting, etc.; restrict by law access to or development of (land) in order to preserve its wildlife or its undisturbed state [s’efforcer de préserver (une espèce végétale ou animale menacée) en légiférant contre la chasse, le ramassage, etc.; limiter par la loi l’accès (à des terres) ou l’exploitation (de terres) afin de les maintenir dans leur état originel, ou d’en préserver la faune ou la flore]. De même, Le Nouveau Petit Robert donne la définition suivante du verbe « protéger » : « Rendre inefficaces les efforts pour compromettre, faire disparaître (qqch.); garantir, sauvegarder; couvrir de manière à intercepter ce qui peut nuire, à mettre à l’abri des chocs, des agents atmosphériques, du regard d’autrui; abriter, défendre, garantir, préserver. »

 

[114]       On peut déduire sans risque d’erreur de ces définitions lexicographiques que l’intention du législateur était d’éviter la perturbation et la destruction de l’habitat essentiel. Nous sommes là très loin du concept de gestion de l’habitat essentiel mis de l’avant par le ministre. Qui plus est, la juxtaposition des termes « protégés » [protected] et « légalement » [legally] pour former le syntagme « protégés légalement » [legally protected] ne laisse guère planer d’ambiguïté sur l’intention du législateur : l’habitat essentiel doit être préservé au moyen de mesures légalement contraignantes.

 

[115]       Un régime de protection légale n’est pas un système de gestion réglementaire. Si le législateur avait eu l’intention d’autoriser le ministre à réglementer l’habitat essentiel des espèces aquatiques dans le cadre des systèmes existants de réglementation – par exemple celui de la Loi sur les pêches –, il n’aurait pas adopté une disposition exigeant la protection légale, obligatoire et non discrétionnaire de cet habitat.

 

[116]       Les analyses contextuelle et téléologique viennent confirmer cette analyse textuelle.

 

[117]       L’article 57 de la LEP dispose sans aucune ambiguïté que son article 58 a pour objet de faire en sorte que tout l’habitat essentiel soit protégé, soit par des dispositions d’une loi fédérale ou une mesure prise sous son régime, soit par la prise d’un arrêté de protection en application des paragraphes 58(1) et (4) de la LEP. Comment ne pas en conclure qu’il doit y avoir une certaine équivalence entre les deux moyens de protection envisagés? On n’exige pas qu’ils soient identiques, mais ils doivent certainement avoir le même objectif. Aux termes du paragraphe 58(1), l’objectif de l’arrêté de protection est d’interdire « de détruire un élément de l’habitat essentiel d’une espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée [...] si l’espèce inscrite est une espèce aquatique ». Les dispositions d’une loi fédérale ou la mesure prise sous son régime qu’on veut invoquer comme solution de rechange à l’arrêté de protection doivent donc – en principe – remplir le même objectif que cet arrêté.

 

[118]       Le ministre invoque cependant les termes « les accords conclus au titre de l’article 11 » de l’alinéa 58(5)a) de la LEP, pour conclure que l’intention du Parlement était de permettre la prise de mesures discrétionnaires et non obligatoires comme solutions de rechange à l’arrêté de protection. L’argument que le ministre fonde sur cette disposition est erroné. L’alinéa 58(5)a) cite les accords de conservation conclus au titre de l’article 11 simplement comme exemples des mesures de rechange à l’arrêté de protection qui peuvent être prises pour protéger l’habitat essentiel de la destruction. Mais il ne faut pas oublier que pour constituer une solution de rechange valable à l’arrêté de protection, l’accord de conservation conclu au titre de l’article 11 doit faire en sorte que l’habitat essentiel soit « protégé[...] légalement » contre la destruction.

 

[119]       Toutes sortes d’accords de conservation peuvent être conclus au titre de l’article 11 de la LEP. Le paragraphe 11(2) dispose qu’un tel accord peut prévoir des mesures en ce qui concerne a) le suivi de la situation de l’espèce; b) l’élaboration et la mise en œuvre de programmes d’éducation et de sensibilisation du public; c) l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de rétablissement, de plans d’action et de plans de gestion; d) la protection de l’habitat de l’espèce, notamment de son habitat essentiel; ou e) la mise sur pied de projets de recherche visant à favoriser le rétablissement de l’espèce. Parmi les accords de conservation conclus au titre de l’article 11, seuls ceux que prévoit l’alinéa 11(2)d), destinés à protéger l’habitat essentiel d’une espèce, peuvent remplir les conditions de l’article 58, et seulement pour autant qu’ils protègent légalement cet habitat contre la destruction par des moyens non discrétionnaires. S’il en était autrement, le ministre pourrait tout simplement se soustraire par contrat à l’application de l’article 58, interprétation qu’il serait absurde d’envisager.

 

[120]       Les articles 74 et 77 de la LEP étayent aussi le point de vue selon lequel les dispositions d’une loi fédérale ou la mesure prise sous son régime doivent remplir le même objectif que l’arrêté de protection pour être acceptables comme solution de rechange à celui-ci.

 

[121]       L’article 74 de la LEP ne permet au « ministre compétent » – notamment au ministre appelant à la présente instance – de conclure un accord, de délivrer un permis ou une licence, ou de prendre un arrêté en application d’une autre loi fédérale – telle que la Loi sur les pêches –, aux fins d’autoriser l’exercice d’une activité « touchant » l’habitat essentiel d’une espèce sauvage inscrite, que s’il s’agit d’une des activités suivantes : a) des recherches scientifiques sur la conservation des espèces menées par des personnes compétentes; b) une activité qui profite à l’espèce ou qui est nécessaire à l’augmentation de ses chances de survie; c) une activité qui ne touche l’espèce que de façon incidente : voir l’alinéa 74a) et le paragraphe 73(2) de la LEP.

 

[122]       Et même dans un cadre déjà aussi restreint, l’article 74 ne permet au ministre compétent de conclure l’accord ou de délivrer le permis que s’il estime que toutes les solutions de rechange raisonnables ont été envisagées et que la meilleure solution a été retenue, que toutes les mesures possibles ont été prises afin de réduire au minimum les conséquences négatives de l’activité, et que celle-ci ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement de l’espèce; voir l’alinéa 74a) et le paragraphe 73(3) de la LEP.

 

[123]       En outre, le paragraphe 77(1) de la LEP dispose que toute personne ou tout organisme – autre qu’un ministre compétent – habilité par une loi fédérale à délivrer un permis ou une autre autorisation, ou à y donner son agrément, visant la mise à exécution d’une activité susceptible d’entraîner la destruction d’un élément de l’habitat essentiel d’une espèce sauvage inscrite ne peut le faire que s’il a consulté le ministre compétent et envisagé les solutions de rechange raisonnables. Cependant, si l’habitat essentiel relève de l’article 58 – s’il s’agit par exemple de l’habitat essentiel d’une espèce aquatique inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée –, le paragraphe 77(2) de la LEP dispose qu’il est entendu que l’article 58 est d’application même si l’autorisation en cause a été délivrée. Il est à noter que le paragraphe 77(2) fait référence à l’article 58 dans son ensemble, et donc aussi bien à l’arrêté de protection pris en application des paragraphes 58(1) et (4) qu’à la déclaration de protection établie sous le régime de l’alinéa 58(5)b), soulignant ainsi que ces mesures tendent toutes deux à protéger l’habitat essentiel contre la destruction.

 

[124]       Il ressort à l’évidence de la structure d’ensemble de la LEP que l’habitat essentiel d’une espèce visée à son article 58 – par exemple une espèce aquatique inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée – ne peut être détruit ou subir de conséquences négatives du fait d’un permis ou d’une autre autorisation délivré sous le régime de ses articles 74 ou 77. C’est là une autre indication que l’article 58 a pour objet de protéger l’habitat essentiel contre la destruction –soit au moyen d’un arrêté de protection, soit par l’application de dispositions légales ou de mesures citées dans une déclaration de protection –, y compris contre la destruction qui résulterait d’activités faisant l’objet de permis, de licences ou d’autres autorisations délivrés en vertu de lois fédérales.

 

[125]       L’analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l’article 58 de la LEP montre donc que le Parlement cherche précisément à éviter la destruction de l’habitat essentiel désigné des espèces aquatiques inscrites comme espèces en voie de disparition ou menacées d’où que puisse venir cette destruction, y compris d’activités autorisées par des permis ou licences délivrés en vertu d’un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, une disposition d’une loi fédérale ou une mesure prise sous le régime d’une telle loi ne peut protéger légalement l’habitat essentiel aux fins de l’article 58 que si elle en prévient la destruction par des moyens légalement contraignants qui ne relèvent pas d’un pouvoir discrétionnaire ministériel.

 

L’article 35 de la Loi sur les pêches

[126]       Je m’appliquerai maintenant à examiner la Loi sur les pêches afin d’établir s’il est permis au ministre d’en invoquer les dispositions aux fins de l’article 58 de la LEP.

 

[127]       Le paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches interdit d’exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson. Cependant, son paragraphe 35(2) permet au ministre d’autoriser la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson dans les circonstances qui selon lui le justifient. Les interdictions formulées au paragraphe 35(1), conjuguées avec les dispositions du paragraphe 35(2), constituent donc un moyen légal pour le ministre de gérer et de contrôler la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson. Autrement dit, le paragraphe 35(2) habilite le ministre à délivrer des permis autorisant des activités préjudiciables à l’habitat du poisson qui, non ainsi autorisées, enfreindraient le paragraphe 35(1) :Québec (Procureur général) c. Moses, 2010 CSC 17, [2010] 1 R.C.S. 477 au paragraphe 49.

 

[128]       L’article 35 de la Loi sur les pêches se lit comme suit :

 (1) Il est interdit d’exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson.

 

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux personnes qui détériorent, détruisent ou perturbent l’habitat du poisson avec des moyens ou dans des circonstances autorisés par le ministre ou conformes aux règlements pris par le gouverneur en conseil en application de la présente loi.

 (1) No person shall carry on any work or undertaking that results in the harmful alteration, disruption or destruction of fish habitat.

(2) No person contravenes subsection (1) by causing the alteration, disruption or destruction of fish habitat by any means or under any conditions authorized by the Minister or under regulations made by the Governor in Council under this Act.

 

 

[129]       Selon le ministre, il [TRADUCTION] « est dénué de pertinence » que le paragraphe 35(2) permette la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson puisque [TRADUCTION] « la simple possibilité d’une autorisation future n’enlève rien au fait que le paragraphe 35(1) garantit la protection de cet habitat »; voir le paragraphe 51 du mémoire de l’appelant. [TRADUCTION] « S’il est vrai, ajoute-t-il, que le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par la Loi sur les pêches est en général très étendu, dans les cas où il aura invoqué les mécanismes de protection prévus dans cette loi pour remplir les exigences de la LEP, cet engagement guidera l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de manière à garantir la protection de l’habitat essentiel. » : voir le paragraphe 2 du mémoire de l’appelant.

 

[130]       Le ministre interprète le paragraphe 35(1) indépendamment du paragraphe 35(2). Or ces deux paragraphes sont interdépendants et étroitement liés; il faut les lire et les comprendre ensemble. Il n’est pas contesté que le ministre, en vertu du paragraphe 35(2), peut à son gré déroger à la protection de l’habitat du poisson que prévoit le paragraphe 35(1). Par conséquent, ce dernier paragraphe ne peut pas faire en sorte que l’habitat essentiel d’une espèce aquatique en voie de disparition ou menacée soit « protégé[...] légalement » au sens de l’article 58 de la LEP.

 

[131]       Le ministre fait valoir par la voix de son avocat qu’il a l’intention de s’abstenir d’exercer le pouvoir discrétionnaire d’autoriser la destruction d’habitats essentiels que lui confère le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. Cependant, il n’explique pas comment il serait possible d’obtenir juridiquement l’exécution de son intention dans le cas où il changerait plus tard d’avis pour un motif que nous supposerons valable, ni non plus comment son intention actuelle lierait ses successeurs. L’intention de ne pas faire usage d’un pouvoir discrétionnaire n’est pas légalement contraignante. Une simple intention ne suffit pas à garantir que l’habitat essentiel sera « protégé[...] légalement » au sens de l’article 58 de la LEP.

 

L’article 36 de la Loi sur les pêches

[132]        L’article 36 de la Loi sur les pêches vise à prévenir la pollution des eaux où vivent des poissons – auxquels sont assimilés les autres animaux marins – en interdisant d’immerger ou de rejeter une substance nocive dans de telles eaux, ou en quelque autre lieu si le risque existe que cette substance ou toute autre substance nocive provenant de son immersion ou rejet pénètre dans ces eaux. Cependant, le paragraphe 36(4) de la même loi permet d’immerger ou de rejeter dans les eaux ou lieux en cause les déchets, polluants et substances nocives désignés par des règlements que le gouverneur en conseil aura pris en application de toute loi fédérale ou du paragraphe 36(5) de la Loi sur les pêches, pourvu que les conditions, notamment les quantités maximales et les degrés de concentration, qui y sont fixées soient respectées.

 

[133]       Les dispositions applicables de l’article 36 de la Loi sur les pêches sont les suivantes :

(3) Sous réserve du paragraphe (4), il est interdit d’immerger ou de rejeter une substance nocive — ou d’en permettre l’immersion ou le rejet — dans des eaux où vivent des poissons, ou en quelque autre lieu si le risque existe que la substance ou toute autre substance nocive provenant de son immersion ou rejet pénètre dans ces eaux.

 

(4) Par dérogation au paragraphe (3), il est permis d’immerger ou de rejeter:

 

*                   a) les déchets ou les polluants désignés par les règlements applicables aux eaux ou lieux en cause pris par le gouverneur en conseil en application d’une autre loi, pourvu que les conditions, notamment les quantités maximales, qui y sont fixées soient respectées;

            b) les substances nocives des catégories désignées ou prévues par les règlements applicables aux eaux ou lieux en cause, ou aux ouvrages ou entreprises ou à leurs catégories, pris par le gouverneur en conseil en application du paragraphe (5), pourvu que les conditions, notamment les quantités maximales et les degrés de concentration, qui y sont fixées soient respectées.

 

(5) Pour l’application de l’alinéa (4)b), le gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer :

*                   a) les substances ou catégories de substances nocives dont l’immersion ou le rejet sont autorisés par dérogation au paragraphe (3);

*                   b) les eaux et les lieux ou leurs catégories où l’immersion ou le rejet des substances ou catégories de substances visées à l’alinéa a) sont autorisés;

*                   c) les ouvrages ou entreprises ou catégories d’ouvrages ou d’entreprises pour lesquels l’immersion ou le rejet des substances ou des catégories de substances visées à l’alinéa a) sont autorisés;

*                   d) les quantités ou les degrés de concentration des substances ou des catégories de substances visées à l’alinéa a) dont l’immersion ou le rejet sont autorisés;

*                   e) les conditions, les quantités, les exigences préalables et les degrés de concentration autorisés pour l’immersion ou le rejet des substances ou catégories de substances visées à l’alinéa a) dans les eaux et les lieux visés à l’alinéa b) ou dans le cadre des ouvrages ou entreprises visés à l’alinéa c);

*                    

*                   f) les personnes habilitées à autoriser l’immersion ou le rejet de substances ou de catégories de substances nocives en l’absence de toute autre autorité et les conditions et exigences attachées à l’exercice de ce pouvoir.

(3) Subject to subsection (4), no person shall deposit or permit the deposit of a deleterious substance of any type in water frequented by fish or in any place under any conditions where the deleterious substance or any other deleterious substance that results from the deposit of the deleterious substance may enter any such water.

 

 

(4) No person contravenes subsection (3) by depositing or permitting the deposit in any water or place of

            (a) waste or pollutant of a type, in a quantity and under conditions authorized by regulations applicable to that water or place made by the Governor in Council under any Act other than this Act; or

 

 

 

            (b) a deleterious substance of a class, in a quantity or concentration and under conditions authorized by or pursuant to regulations applicable to that water or place or to any work or undertaking or class thereof, made by the Governor in Council under subsection (5).

 

 

 

 

(5) The Governor in Council may make regulations for the purpose of paragraph (4)(b) prescribing

*                   (a) the deleterious substances or classes thereof authorized to be deposited notwithstanding subsection (3);

*                   (b) the waters or places or classes thereof where any deleterious substances or classes thereof referred to in paragraph (a) are authorized to be deposited;

*                   (c) the works or undertakings or classes thereof in the course or conduct of which any deleterious substances or classes thereof referred to in paragraph (a) are authorized to be deposited;

*                   (d) the quantities or concentrations of any deleterious substances or classes thereof referred to in paragraph (a) that are authorized to be deposited;

*                   (e) the conditions or circumstances under which and the requirements subject to which any deleterious substances or classes thereof referred to in paragraph (a) or any quantities or concentrations of those deleterious substances or classes thereof are authorized to be deposited in any waters or places or classes thereof referred to in paragraph (b) or in the course or conduct of any works or undertakings or classes thereof referred to in paragraph (c); and

*                   (f) the persons who may authorize the deposit of any deleterious substances or classes thereof in the absence of any other authority, and the conditions or circumstances under which and requirements subject to which those persons may grant the authorization.

 

 

[134]       Les principaux règlements pris en application du paragraphe 36(5) de la Loi sur les pêches sont le Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2002-222, et le Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers, DORS/92-269.

 

[135]       Le Règlement sur les effluents des mines de métaux permet le rejet d’effluents miniers contenant des substances nocives dans des eaux où vivent des poissons si les conditions suivantes sont réunies : a) la concentration des substances nocives dans l’effluent ne dépasse pas les limites fixées dans ce règlement; b) le pH de l’effluent est égal ou supérieur à 6,0 mais ne dépasse pas 9,5; et c) la substance nocive n’est pas un effluent à létalité aiguë. L’autorisation de rejet est subordonnée à de nombreuses autres conditions que prévoit le règlement, concernant en particulier les études de suivi des effets sur l’environnement, le suivi de l’effluent et l’établissement de rapports.

 

[136]       Le Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers permet, pour l’application de l’alinéa 36(4)b) de la Loi sur les pêches, le rejet ou l’immersion dans des eaux ou en un autre lieu – selon des limites quantitatives déterminées – de matières qui consomment l’oxygène dissous dans l’eau et de matières en suspension par :

a) le propriétaire ou l’exploitant d’une fabrique de pâtes et papiers : alinéa 6(1)a) et article 14;

b) le propriétaire ou l’exploitant d’une installation qui traite l’effluent d’une fabrique de pâtes et papiers, si l’immersion ou le rejet est expressément autorisé : paragraphe 6(2), et alinéas 15(1)c) et d);

c) le propriétaire ou l’exploitant d’une fabrique de pâtes et papiers qui traite des eaux usées en plus de son propre effluent et qui a été mise en exploitation avant le 3 novembre 1971, sous réserve d’autorisation expresse : alinéas 6(1)b) et 15(1)a), paragraphes 16(1) et 18(1), et article 19;

d) le propriétaire ou l’exploitant d’une fabrique de pâtes et papiers mise en exploitation avant le 3 novembre 1971 et qui traite l’effluent provenant de la production de pâte au bisulfite pour transformation chimique depuis cette date, sous réserve d’autorisation expresse : alinéas 6(1)b) et 15(1)b), paragraphes 16(2) et 18(1), et article 20;

e) la fabrique de Port Alberni : articles 33 et 34.

Ce règlement prévoit aussi de nombreuses conditions relatives aux études de suivi et à l’établissement de rapports.

[137]       Le juge de la Cour fédérale a statué qu’il n’était pas permis au ministre d’invoquer l’article 36 de la Loi sur les pêches aux fins de l’établissement d’une déclaration de protection sous le régime de l’article 58 de la LEP, se fondant sur sa conclusion que cet article « interdit de rejeter une substance nocive dans des eaux où vivent des poissons, mais [...] prévoit qu’il est permis de procéder à de tels rejets par voie réglementaire à la discrétion du Cabinet »; voir le paragraphe 325 des motifs. Je ne puis le suivre à cet égard.

 

[138]       Le ministre ne peut permettre de dérogations au paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches au moyen d’une licence, d’un permis ou d’une autre autorisation, pas plus qu’il ne peut permettre de dérogations au Règlement sur les effluents des mines de métaux ou au Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers. Les mesures prises sous le régime de ce paragraphe et de ces règlements sont légalement contraignantes et ne sont pas soumises au pouvoir discrétionnaire du ministre. Ce paragraphe et ses dispositions réglementaires d’application garantissent donc des mesures obligatoires, non discrétionnaires et légalement contraignantes.

 

[139]       Comme la plupart des autres dispositions réglementaires, les dispositions d’application de l’article 36 de la Loi sur les pêches sont adoptées selon les besoins et peuvent être modifiées s’il y lieu. Le fait qu’une disposition légale ou réglementaire risque d’être un jour ou l’autre modifiée n’a pas pour conséquence d’interdire au ministre de l’invoquer pour l’application du paragraphe 58(5) de la LEP. S’il en allait autrement, le ministre ne pourrait invoquer aucune disposition légale ou réglementaire. Ce n’est pas là ce que prévoit le paragraphe 58(5). Il y a une différence fondamentale entre une réglementation non discrétionnaire et légalement contraignante, et un système discrétionnaire d’autorisation ministérielle.

 

[140]       Il peut arriver que l’effet conjugué de l’article 36 de la Loi sur les pêches et de ses règlements d’application garantisse la protection de l’habitat essentiel contre la destruction. En effet, les limites fixées dans le Règlement sur les effluents des mines de métaux et le Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers sont légalement contraignantes et peuvent, quand les conditions nécessaires sont réunies, être considérés comme protégeant l’habitat essentiel. Si ces conditions sont remplies, l’article 36 et ses règlements d’application peuvent assurer à une espèce déterminée en voie de disparition ou menacée la protection légale qu’exige l’article 58 de la LEP, et il est permis de les invoquer comme garanties que l’habitat essentiel est « protégé[...] légalement » sous le régime de cet article. Par conséquent, lorsque les circonstances le justifient, il est permis d’invoquer ledit article 36 de la Loi sur les pêches et ses règlements d’application dans une déclaration de protection établie sous le régime de l’alinéa 58(5)b) de la LEP.

 

[141]       Cependant, dans la présente affaire, aucun élément du dossier dont dispose notre Cour ne tend à répondre à la question de savoir si les mécanismes antipollution prévus par ces règlements protégeraient contre la destruction l’habitat essentiel des populations d’épaulards en cause. Par conséquent, il n’y avait rien dans la présente affaire sur quoi le juge de la Cour fédérale aurait pu se fonder pour établir si le ministre aurait eu la faculté d’invoquer l’article 36 de la Loi sur les pêches dans le cadre des dispositions de l’article 58 de la LEP.

 

[142]       En conséquence, dans la mesure où elle interdit au ministre d’invoquer, dans les cas qui le justifieraient, l’article 36 de la Loi sur les pêches et ses règlements d’application aux fins de l’établissement d’une déclaration de protection sous le régime de l’alinéa 58(1)b) de la LEP, la conclusion déclaratoire du juge de la Cour fédérale ne peut être confirmée. Cependant, étant donné la preuve produite devant notre Cour et la nature de la présente instance, nous n’avons pas à décider si l’article 58 de la LEP permettait en l’occurrence au ministre d’invoquer cet article de la Loi sur les pêches.

 

La réglementation des pêches

[143]       Le ministre a invoqué dans la déclaration de protection visant les épaulards le système existant de gestion des pêches adopté dans le cadre de la Loi sur les pêches. Il soutient que le système existant de gestion de la pêche au saumon suffit à assurer la disponibilité du saumon comme proie pour les populations d’épaulards en question.

 

[144]       Le ministre cite dans son mémoire, à l’appui de cette affirmation, l’article 22 du Règlement de pêche (dispositions générales); les articles 51 à 60 et l’annexe VI du Règlement de pêche du Pacifique (1993), DORS/94‑54; ainsi que les articles 42 à 50 et l’annexe VI du Règlement de 1996 de pêche sportive de la Colombie-Britannique, DORS/96‑137. Ces dispositions réglementaires, selon le ministre, constituent des mesures prises sous le régime d’une loi fédérale qui « prot[ègent] légalement » l’habitat essentiel au sens de l’article 58 de la LEP.

[145]       L’article 22 du Règlement de pêche (dispositions générales) confère au ministre le pouvoir d’assortir à son gré les permis de conditions visant à assurer une gestion et une surveillance judicieuses des pêches, ainsi que la conservation et la protection du poisson. Les articles 51 à 60 et l’annexe VI du Règlement de pêche du Pacifique (1993) définissent un régime de gestion de la pêche commerciale au saumon dans le Pacifique, et les articles 42 à 50 et l’annexe VI du Règlement de 1996 de pêche sportive de la Colombie-Britannique font de même pour la pêche sportive au saumon en Colombie-Britannique.

 

[146]       Le ministre n’est pas fondé à invoquer ces dispositions réglementaires. Ces dispositions n’ont pas pour objet d’interdire la destruction du saumon en tant que proie de l’espèce en péril et élément de son habitat essentiel. Elles établissent plutôt les bases de la gestion de la pêche au saumon dans le Pacifique dans le cadre d’un système d’autorisation ministérielle hautement discrétionnaire.

 

[147]       Le paragraphe 7(1) de la Loi sur les pêches dispose que le ministre peut « à discrétion » délivrer des permis de pêche, et l’alinéa 22(1)a) du Règlement de pêche (dispositions générales) l’habilite à spécifier sur de tels permis les quantités de poissons qui peuvent être prises. Ce sont là des pouvoirs discrétionnaires très étendus; voir Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, et Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (C.A.), 221 N.R. 372, au paragraphe 37.

 

[148]       Notre Cour ne peut avaliser le remplacement du régime non discrétionnaire et obligatoire de protection de l’habitat essentiel que définit l’article 58 de la LEP par le système discrétionnaire de gestion des pêches établi dans le cadre de la Loi sur les pêches et de ses règlements d’application.

 

[149]       Il faut éviter de confondre la protection et la gestion de l’habitat essentiel. La LEP exige à la fois la protection de l’habitat essentiel dans le cadre de son article 58 et la prise de mesures de gestion propres à assurer le rétablissement de cet habitat, par exemple sous la forme de plans d’action.

 

[150]       Comme il a été posé en principe dans Environmental Defence, la notion d’habitat essentiel recouvre aussi bien un espace géographique – en l’occurrence les zones définies dans le programme de rétablissement et représentées sur les cartes ci-annexées – que les caractéristiques de cet espace – en l’occurrence la disponibilité de saumon comme proie dans ces zones. L’article 58 exige que soit protégé contre la destruction le saumon pouvant servir de proie à l’espèce en péril dans ces zones désignées. La LEP exige aussi la prise de mesures de gestion à l’extérieur de ces zones afin d’assurer le rétablissement de l’habitat essentiel, c’est-à-dire d’accroître la disponibilité du saumon comme proie dans lesdites zones. Ces mesures de gestion peuvent revêtir la forme de plans d’action dressés en application des articles 47 à 54 de la LEP, ou de l’adjonction, en vertu de son article 75, de conditions aux autorisations ministérielles.

 

[151]       Quoique le ministre soit fondé de prendre des mesures de gestion propres à accroître la disponibilité de saumon comme proie pour les populations d’épaulards en question, ces mesures ne sont pas des substituts à la protection légalement contraignante dont doit bénéficier cette proie dans les limites des aires de l’habitat essentiel désignées par le programme de rétablissement, tel que l’exige l’article 58 de la LEP.

 

Conclusions

[152]       Pour ces motifs, la conclusion déclaratoire 1d) formulée dans le jugement du juge de la Cour fédérale devrait être confirmée sauf dans la mesure où, pour l’application de l’article 58 de la LEP, elle interdirait au ministre d’invoquer, dans les cas qui le justifieraient, l’article 36 de la Loi sur les pêches et ses règlements d’application. En conséquence, j’accueillerais le présent appel sous ce seul rapport et j’annulerais partiellement la conclusion déclaratoire susdite, laquelle, rendant le jugement qui aurait dû être rendu, je remplacerais par la suivante :

le pouvoir discrétionnaire ministériel ne protège pas légalement l’habitat essentiel au sens de l’article 58 de la Loi sur les espèces en péril, et il était illégal de la part du ministre de citer dans la déclaration de protection visant les épaulards des dispositions de la Loi sur les pêches pour autant qu’elles sont tributaires dudit pouvoir discrétionnaire ministériel.

 

[153]       Les intimés ayant en grande partie obtenu gain de cause dans le présent appel, je leur accorderais les dépens.

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


ANNEXE A

 

Dispositions pertinentes de la Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002, ch. 29

 

 

Préambule

Attendu :

que le patrimoine naturel du Canada fait partie intégrante de notre identité nationale et de notre histoire;

que les espèces sauvages, sous toutes leurs formes, ont leur valeur intrinsèque et sont appréciées des Canadiens pour des raisons esthétiques, culturelles, spirituelles, récréatives, éducatives, historiques, économiques, médicales, écologiques et scientifiques;

que les espèces sauvages et les écosystèmes du Canada font aussi partie du patrimoine mondial et que le gouvernement du Canada a ratifié la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique;

que l’attribution d’une protection juridique aux espèces en péril complétera les textes législatifs existants et permettra au Canada de respecter une partie des engagements qu’il a pris aux termes de cette convention;

que le gouvernement du Canada s’est engagé à conserver la diversité biologique et à respecter le principe voulant que, s’il existe une menace d’atteinte grave ou irréversible à une espèce sauvage, le manque de certitude scientifique ne soit pas prétexte à retarder la prise de mesures efficientes pour prévenir sa disparition ou sa décroissance;

[...]

que la connaissance des espèces sauvages et des écosystèmes est essentielle à leur conservation;

que l’habitat des espèces en péril est important pour leur conservation;

 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« espèce aquatique » Espèce sauvage de poissons, au sens de l’article 2 de la Loi sur les pêches, ou de plantes marines, au sens de l’article 47 de cette loi.

 

« ministre compétent »

 

a) En ce qui concerne les individus présents dans les parties du territoire domanial dont la gestion relève de l’Agence Parcs Canada, le ministre responsable de celle-ci;

 

b) en ce qui concerne les espèces aquatiques dont les individus ne sont pas visés par l’alinéa a), le ministre des Pêches et des Océans;

 

c) en ce qui concerne tout autre individu, le ministre de l’Environnement.

 

« habitat essentiel » L’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce.

 

« espèce en voie de disparition » Espèce sauvage qui, de façon imminente, risque de disparaître du pays ou de la planète.

 

 « espèce disparue du pays » Espèce sauvage qu’on ne trouve plus à l’état sauvage au Canada, mais qu’on trouve ailleurs à l’état sauvage.

 

« habitat »

 

a) S’agissant d’une espèce aquatique, les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire;

 

 

b) s’agissant de toute autre espèce sauvage, l’aire ou le type d’endroit où un individu ou l’espèce se trouvent ou dont leur survie dépend directement ou indirectement ou se sont déjà trouvés, et où il est possible de les réintroduire.

 

 

« ministre » Le ministre de l’Environnement.

 

« résidence » Gîte — terrier, nid ou autre aire ou lieu semblable — occupé ou habituellement occupé par un ou plusieurs individus pendant tout ou partie de leur vie, notamment pendant la reproduction, l’élevage, les haltes migratoires, l’hivernage, l’alimentation ou l’hibernation.

 

« espèce en péril » Espèce sauvage disparue du pays, en voie de disparition, menacée ou préoccupante.

 

« espèce préoccupante » Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou une espèce en voie de disparition par l’effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces signalées à son égard.

 

« espèce menacée » Espèce sauvage susceptible de devenir une espèce en voie de disparition si rien n’est fait pour contrer les facteurs menaçant de la faire disparaître.

 

(3) La mention de ministre compétent dans une disposition de la présente loi vaut celle du ministre compétent à l’égard d’une espèce sauvage, ou des individus d’une telle espèce, auxquels la disposition s’applique.

2002, ch. 29, art. 2 et 141.1; 2005, ch. 2, art. 14.

 

 

5. La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province.

 

6. La présente loi vise à prévenir la disparition — de la planète ou du Canada seulement — des espèces sauvages, à permettre le rétablissement de celles qui, par suite de l’activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées et à favoriser la gestion des espèces préoccupantes pour éviter qu’elles ne deviennent des espèces en voie de disparition ou menacées.

 

8. (1) Sous réserve des dispositions de la présente loi conférant une responsabilité particulière à un autre ministre, le ministre est responsable de l’application de la présente loi.

 

11. (1) Après consultation de tout autre ministre compétent et, s’il l’estime indiqué, du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril ou de tout membre de celui-ci, le ministre compétent peut conclure avec un gouvernement au Canada, une organisation ou une personne un accord de conservation qui est bénéfique pour une espèce en péril ou qui améliore ses chances de survie à l’état sauvage.

 

       (2) L’accord doit prévoir des mesures de conservation et d’autres mesures compatibles avec l’objet de la présente loi, et peut prévoir des mesures en ce qui concerne :

 

       a) le suivi de la situation de l’espèce;

 

       b) l’élaboration et la mise en oeuvre de programmes d’éducation et de sensibilisation du public;

 

       c) l’élaboration et la mise en oeuvre de programmes de rétablissement, de plans d’action et de plans de gestion;

 

       d) la protection de l’habitat de l’espèce, notamment son habitat essentiel;

 

       e) la mise sur pied de projets de recherche visant à favoriser le rétablissement de l’espèce.

 

32. (1) Il est interdit de tuer un individu d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre.

 

(2) Il est interdit de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre ou d’échanger un individu — notamment partie d’un individu ou produit qui en provient — d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée.

 

(3) Pour l’application du paragraphe (2), tout animal, toute plante ou toute chose présentée comme un individu — notamment partie d’un individu ou produit qui en provient — d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée est réputée, sauf preuve contraire, être tel individu, telle partie ou tel produit.

 

 

33. Il est interdit d’endommager ou de détruire la résidence d’un ou de plusieurs individus soit d’une espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée, soit d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays dont un programme de rétablissement a recommandé la réinsertion à l’état sauvage au Canada.

 

37. (1) Si une espèce sauvage est inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, le ministre compétent est tenu d’élaborer un programme de rétablissement à son égard.

 

38. Pour l’élaboration d’un programme de rétablissement, d’un plan d’action ou d’un plan de gestion, le ministre compétent tient compte de l’engagement qu’a pris le gouvernement du Canada de conserver la diversité biologique et de respecter le principe selon lequel, s’il existe une menace d’atteinte grave ou irréversible à l’espèce sauvage inscrite, le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes pour prévenir sa disparition ou sa décroissance.

 

41. (1) Si le ministre compétent conclut que le rétablissement de l’espèce sauvage inscrite est réalisable, le programme de rétablissement doit traiter des menaces à la survie de l’espèce — notamment de toute perte de son habitat — précisées par le COSEPAC et doit comporter notamment :

 

a) une description de l’espèce et de ses besoins qui soit compatible avec les renseignements fournis par le COSEPAC;

 

b) une désignation des menaces à la survie de l’espèce et des menaces à son habitat qui soit compatible avec les renseignements fournis par le COSEPAC, et des grandes lignes du plan à suivre pour y faire face;

 

 

c) la désignation de l’habitat essentiel de l’espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible, notamment les informations fournies par le COSEPAC, et des exemples d’activités susceptibles d’entraîner sa destruction;

 

c.1) un calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel lorsque l’information accessible est insuffisante;

 

d) un énoncé des objectifs en matière de population et de dissémination visant à favoriser la survie et le rétablissement de l’espèce, ainsi qu’une description générale des activités de recherche et de gestion nécessaires à l’atteinte de ces objectifs;

 

e) tout autre élément prévu par règlement;

 

f) un énoncé sur l’opportunité de fournir des renseignements supplémentaires concernant l’espèce;

 

g) un exposé de l’échéancier prévu pour l’élaboration d’un ou de plusieurs plans d’action relatifs au programme de rétablissement.

 

42. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le ministre compétent met le projet de programme de rétablissement dans le registre dans l’année suivant l’inscription de l’espèce sauvage comme espèce en voie de disparition ou dans les deux ans suivant l’inscription de telle espèce comme espèce menacée ou disparue du pays.

 

 

(2) En ce qui concerne les espèces sauvages inscrites à l’annexe 1 à l’entrée en vigueur de l’article 27, le ministre compétent met le projet de programme de rétablissement dans le registre dans les trois ans suivant cette date dans le cas de l’espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou dans les quatre ans suivant cette date dans le cas de l’espèce sauvage inscrite comme espèce menacée ou disparue du pays.

 

43. (1) Dans les soixante jours suivant la mise du projet dans le registre, toute personne peut déposer par écrit auprès du ministre compétent des observations relativement au projet.

 

(2) Dans les trente jours suivant la fin du délai prévu au paragraphe (1), le ministre compétent étudie les observations qui lui ont été présentées, apporte au projet les modifications qu’il estime indiquées et met le texte définitif du programme de rétablissement dans le registre.

 

 

46. Il incombe au ministre compétent d’établir un rapport sur la mise en oeuvre du programme de rétablissement et sur les progrès effectués en vue des objectifs qu’il expose, à intervalles de cinq ans à compter de sa mise dans le registre, et ce, jusqu’à ce que ces objectifs soient atteints ou que le rétablissement de l’espèce ne soit plus réalisable. Il met son rapport dans le registre.

 

47. Le ministre compétent responsable d’un programme de rétablissement est tenu d’élaborer un ou plusieurs plans d’action sur le fondement de celui-ci. Si plusieurs ministres compétents sont responsables du programme, les plans d’action peuvent être élaborés conjointement par eux.

 

49. (1) Le plan d’action comporte notamment, en ce qui concerne l’aire à laquelle il s’applique :

 

a) la désignation de l’habitat essentiel de l’espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible et d’une façon compatible avec le programme de rétablissement, et des exemples d’activités susceptibles d’entraîner sa destruction;

 

b) un exposé des mesures envisagées pour protéger l’habitat essentiel de l’espèce, notamment la conclusion d’accords en application de l’article 11;

 

c) la désignation de toute partie de l’habitat essentiel de l’espèce qui n’est pas protégée;

 

d) un exposé des mesures à prendre pour mettre en oeuvre le programme de rétablissement, notamment celles qui traitent des menaces à la survie de l’espèce et celles qui aident à atteindre les objectifs en matière de population et de dissémination, ainsi qu’une indication du moment prévu pour leur exécution;

 

d.1) les méthodes à utiliser pour surveiller le rétablissement de l’espèce et sa viabilité à long terme;

 

e) l’évaluation des répercussions socioéconomiques de sa mise en oeuvre et des avantages en découlant;

 

f) tout autre élément prévu par règlement.

 

55. Cinq ans après la mise du plan d’action dans le registre, il incombe au ministre compétent d’assurer le suivi de sa mise en oeuvre et des progrès réalisés en vue de l’atteinte de ses objectifs. Il l’évalue et établit un rapport, notamment sur ses répercussions écologiques et socioéconomiques. Il met une copie de son rapport dans le registre.

 

57. L’article 58 a pour objet de faire en sorte que, dans les cent quatre-vingts jours suivant la mise dans le registre du programme de rétablissement ou du plan d’action ayant défini l’habitat essentiel visé au paragraphe 58(1), tout l’habitat essentiel soit protégé :

 

a) soit par des dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, ou une mesure prise sous leur régime, notamment les accords conclus au titre de l’article 11;

 

b) soit par l’application du paragraphe

58(1).

 

58. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, il est interdit de détruire un élément de l’habitat essentiel d’une espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée — ou comme espèce disparue du pays dont un programme de rétablissement a recommandé la réinsertion à l’état sauvage au Canada :

 

a) si l’habitat essentiel se trouve soit sur le territoire domanial, soit dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental du Canada;

 

b) si l’espèce inscrite est une espèce aquatique;

 

c) si l’espèce inscrite est une espèce d’oiseau migrateur protégée par la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.

 

(2) Si l’habitat essentiel ou une partie de celui-ci se trouve dans un parc national du Canada dénommé et décrit à l’annexe 1 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, une zone de protection marine sous le régime de la Loi sur les océans, un refuge d’oiseaux migrateurs sous le régime de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ou une réserve nationale de la faune sous le régime de la Loi sur les espèces sauvages du Canada, le ministre compétent est tenu, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la mise dans le registre du programme de rétablissement ou du plan d’action ayant défini l’habitat essentiel, de publier dans la Gazette du Canada une description de l’habitat essentiel ou de la partie de celui-ci qui se trouve dans le parc, la zone, le refuge ou la réserve.

 

(3) Le paragraphe (1) s’applique à l’habitat essentiel ou à la partie de celui-ci visés au paragraphe (2) après les quatre-vingt-dix jours suivant la publication de sa description dans la Gazette du Canada en application de ce paragraphe.

 

(4) Le paragraphe (1) s’applique à l’habitat essentiel ou à la partie de celui-ci qui ne se trouve pas dans un lieu visé au paragraphe (2), selon ce que précise un arrêté pris par le ministre compétent.

 

 

 

(5) Dans les cent quatre-vingts jours suivant la mise dans le registre du programme de rétablissement ou du plan d’action ayant défini l’habitat essentiel, le ministre compétent est tenu, après consultation de tout autre ministre compétent, à l’égard de l’habitat essentiel ou de la partie de celui-ci qui ne se trouve pas dans un lieu visé au paragraphe (2) :

 

a) de prendre l’arrêté visé au paragraphe (4), si l’habitat essentiel ou la partie de celui-ci ne sont pas protégés légalement par des dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, ou une mesure prise sous leur régime, notamment les accords conclus au titre de l’article 11;

 

b) s’il ne prend pas l’arrêté, de mettre dans le registre une déclaration énonçant comment l’habitat essentiel ou la partie de celui-ci sont protégés légalement.

 

 

[...]

 

 

73. (1) Le ministre compétent peut conclure avec une personne un accord l’autorisant à exercer une activité touchant une espèce sauvage inscrite, tout élément de son habitat essentiel ou la résidence de ses individus, ou lui délivrer un permis à cet effet.

 

(2) Cette activité ne peut faire l’objet de l’accord ou du permis que si le ministre compétent estime qu’il s’agit d’une des activités suivantes :

 

a) des recherches scientifiques sur la conservation des espèces menées par des personnes compétentes;

 

 

b) une activité qui profite à l’espèce ou qui est nécessaire à l’augmentation des chances de survie de l’espèce à l’état sauvage;

 

c) une activité qui ne touche l’espèce que de façon incidente.

 

 

(3) Le ministre compétent ne conclut l’accord ou ne délivre le permis que s’il estime que :

 

 

a) toutes les solutions de rechange susceptibles de minimiser les conséquences négatives de l’activité pour l’espèce ont été envisagées et la meilleure solution retenue;

 

b) toutes les mesures possibles seront prises afin de minimiser les conséquences négatives de l’activité pour l’espèce, son habitat essentiel ou la résidence de ses individus;

 

c) l’activité ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement de l’espèce.

 

(3.1) Si un accord est conclu ou un permis délivré, le ministre compétent met dans le registre les raisons pour lesquelles l’accord a été conclu ou le permis délivré, compte tenu des considérations mentionnées aux alinéas (3)a) à c).

 

(6) Le ministre compétent assortit l’accord ou le permis de toutes les conditions — régissant l’exercice de l’activité — qu’il estime nécessaires pour assurer la protection de l’espèce, minimiser les conséquences négatives de l’activité pour elle ou permettre son rétablissement.

 

(7) Le ministre compétent est tenu de réviser l’accord ou le permis si un décret d’urgence est pris à l’égard de l’espèce.

 

(8) Il peut révoquer ou modifier l’accord ou le permis au besoin afin d’assurer la survie ou le rétablissement d’une espèce.

 

(9) La durée maximale de validité d’un permis est de trois ans et celle d’un accord, de cinq ans.

 

 

74. A le même effet qu’un accord ou permis visé au paragraphe 73(1) tout accord, tout permis, toute licence ou tout arrêté — ou autre document semblable — conclu, délivré ou pris par le ministre compétent en application d’une autre loi fédérale et ayant pour objet d’autoriser l’exercice d’une activité touchant une espèce sauvage inscrite, tout élément de son habitat essentiel ou la résidence de ses individus, si :

 

a) avant la conclusion, la délivrance ou la prise, le ministre compétent estime que les exigences des paragraphes 73(2) à (6) et (9) sont remplies;

 

b) après la conclusion, la délivrance ou la prise, le ministre compétent se conforme aux exigences du paragraphe 73(7).

 

75. (1) Le ministre compétent peut ajouter des conditions visant la protection d’une espèce sauvage inscrite, de tout élément de son habitat essentiel ou de la résidence de ses individus à tout accord, tout permis, toute licence ou tout arrêté — ou autre document semblable — conclu, délivré ou pris par lui en application d’une autre loi fédérale et ayant pour objet d’autoriser l’exercice d’une activité touchant l’espèce, tout élément de son habitat essentiel ou la résidence de ses individus.

(2) Il peut aussi annuler ou modifier les conditions d’un tel document pour protéger une espèce sauvage inscrite, tout élément de son habitat essentiel ou la résidence de ses individus.

(3) Pour l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du présent article, le ministre compétent prend en compte les dispositions applicables des traités et des accords sur des revendications territoriales.

 

77. (1) Malgré toute autre loi fédérale, toute personne ou tout organisme, autre qu’un ministre compétent, habilité par une loi fédérale, à l’exception de la présente loi, à délivrer un permis ou une autre autorisation, ou à y donner son agrément, visant la mise à exécution d’une activité susceptible d’entraîner la destruction d’un élément de l’habitat essentiel d’une espèce sauvage inscrite ne peut le faire que s’il a consulté le ministre compétent, s’il a envisagé les conséquences négatives de l’activité pour l’habitat essentiel de l’espèce et s’il estime, à la fois :

 

a) que toutes les solutions de rechange susceptibles de minimiser les conséquences négatives de l’activité pour l’habitat essentiel de l’espèce ont été envisagées, et la meilleure solution retenue;

 

b) que toutes les mesures possibles seront prises afin de minimiser les conséquences négatives de l’activité pour l’habitat essentiel de l’espèce.

 

(2) Il est entendu que l’article 58 s’applique même si l’autorisation a été délivrée ou l’agrément a été donné en conformité avec le paragraphe (1).

 

83. (1) Les paragraphes 32(1) et (2), l’article 33, les paragraphes 36(1), 58(1), 60(1) et 61(1), les règlements pris en vertu des articles 53, 59 ou 71 et les décrets d’urgence ne s’appliquent pas à une personne exerçant des activités :

 

a) en matière soit de sécurité ou de santé publiques ou de sécurité nationale autorisées sous le régime de toute autre loi fédérale, soit de santé des animaux et des végétaux autorisées sous le régime de la Loi sur la santé des animaux et la Loi sur la protection des végétaux;

 

b) autorisées par un accord, un permis, une licence, un arrêté ou un autre document visé aux articles 73, 74 ou 78.

 

(2) Toute activité interdite aux termes des paragraphes 32(1) ou (2), de l’article 33, des paragraphes 36(1), 58(1), 60(1) ou 61(1), des règlements pris en vertu des articles 53, 59 ou 71 ou d’un décret d’urgence peut être autorisée au titre d’une loi visée à l’alinéa (1)a) si la personne qui l’autorise :

 

a) conclut qu’elle est nécessaire à la protection de la sécurité ou de la santé publiques — notamment celle des animaux et des végétaux — ou de la sécurité nationale;

 

b) respecte, dans la mesure du possible, l’objet de la présente loi.

 

(3) Les paragraphes 32(1) et (2), l’article 33, les paragraphes 36(1), 58(1), 60(1) et 61(1) et les règlements pris en vertu des articles 53, 59 ou 71 ne s’appliquent pas à une personne exerçant des activités conformes aux régimes de conservation des espèces sauvages dans le cadre d’un accord sur des revendications territoriales.

 

(4) Les paragraphes 32(1) et (2), l’article 33, les paragraphes 36(1), 58(1), 60(1) et 61(1) ne s’appliquent pas à une personne exerçant des activités autorisées, d’une part, par un programme de rétablissement, un plan d’action ou un plan de gestion et, d’autre part, sous le régime d’une loi fédérale, notamment au titre d’un règlement pris en vertu des articles 53, 59 ou 71.

 

 

ANNEXE 1

(paragraphes 2(1), 42(2) et 68(2))

LISTE DES ESPÈCES EN PÉRIL

 

 

PARTIE 2

ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION

 

Épaulard (Orcinus orca) population résidente du sud du Pacifique Nord-Est

Whale, Killer Northeast Pacific southern resident population

 

 

 

PARTIE 3

ESPÈCES MENACÉES

 

 

Épaulard (Orcinus orca) population résidente du nord du Pacifique Nord-Est

Whale, Killer Northeast Pacific northern resident population

 

 

Preamble

Recognizing that

Canada’s natural heritage is an integral part of our national identity and history,

wildlife, in all its forms, has value in and of itself and is valued by Canadians for aesthetic, cultural, spiritual, recreational, educational, historical, economic, medical, ecological and scientific reasons,

Canadian wildlife species and ecosystems are also part of the world’s heritage and the Government of Canada has ratified the United Nations Convention on the Conservation of Biological Diversity,

providing legal protection for species at risk will complement existing legislation and will, in part, meet Canada’s commitments under that Convention,

the Government of Canada is committed to conserving biological diversity and to the principle that, if there are threats of serious or irreversible damage to a wildlife species, cost-effective measures to prevent the reduction or loss of the species should not be postponed for a lack of full scientific certainty,

[...]

knowledge of wildlife species and ecosystems is critical to their conservation,

the habitat of species at risk is key to their conservation

 

 

 

 

 

 

 

 

2. (1) The definitions in this subsection apply in this Act.

 

“aquatic species” means a wildlife species that is a fish, as defined in section 2 of the Fisheries Act, or a marine plant, as defined in section 47 of that Act.

 

“competent minister” means

 

(a) the Minister responsible for the Parks Canada Agency with respect to individuals in or on federal lands administered by that Agency;

 

(b) the Minister of Fisheries and Oceans with respect to aquatic species, other than individuals mentioned in paragraph (a); and

 

(c) the Minister of the Environment with respect to all other individuals.

 

 

 

“critical habitat” means the habitat that is necessary for the survival or recovery of a listed wildlife species and that is identified as the species’ critical habitat in the recovery strategy or in an action plan for the species.

 

 

“endangered species” means a wildlife species that is facing imminent extirpation or extinction.

 

 

“extirpated species” means a wildlife species that no longer exists in the wild in Canada, but exists elsewhere in the wild.

 

“habitat” means

 

(a) in respect of aquatic species, spawning grounds and nursery, rearing, food supply, migration and any other areas on which aquatic species depend directly or indirectly in order to carry out their life processes, or areas where aquatic species formerly occurred and have the potential to be reintroduced; and

 

(b) in respect of other wildlife species, the area or type of site where an individual or wildlife species naturally occurs or depends on directly or indirectly in order to carry out its life processes or formerly occurred and has the potential to be reintroduced.

 

“Minister” means the Minister of the Environment.

 

“residence” means a dwelling-place, such as a den, nest or other similar area or place, that is occupied or habitually occupied by one or more individuals during all or part of their life cycles, including breeding, rearing, staging, wintering, feeding or hibernating.

 

“species at risk” means an extirpated, endangered or threatened species or a species of special concern.

 

“species of special concern” means a wildlife species that may become a threatened or an endangered species because of a combination of biological characteristics and identified threats.

 

 

“threatened species” means a wildlife species that is likely to become an endangered species if nothing is done to reverse the factors leading to its extirpation or extinction.

 

(3) A reference to a competent minister in any provision of this Act is to be read as a reference to the competent minister in respect of the wildlife species, or the individuals of the wildlife species, to which the provision relates.

2002, c. 29, ss. 2, 141.1; 2005, c. 2, s. 14.

 

5. This Act is binding on Her Majesty in right of Canada or a province.

 

6. The purposes of this Act are to prevent wildlife species from being extirpated or becoming extinct, to provide for the recovery of wildlife species that are extirpated, endangered or threatened as a result of human activity and to manage species of special concern to prevent them from becoming endangered or threatened.

 

 

 

 

8. (1) The Minister is responsible for the administration of this Act, except in so far as this Act gives responsibility to another minister.

 

 

11. (1) A competent minister may, after consultation with every other competent minister, and with the Canadian Endangered Species Conservation Council or any of its members if he or she considers it appropriate to do so, enter into a conservation agreement with any government in Canada, organization or person to benefit a species at risk or enhance its survival in the wild.

 

      (2) The agreement must provide for the taking of conservation measures and any other measures consistent with the purposes of this Act, and may include measures with respect to

 

     (a) monitoring the status of the species;

 

      (b) developing and implementing education and public awareness programs;

 

 

       (c) developing and implementing recovery strategies, action plans and management plans;

 

 

      (d) protecting the species’ habitat, including its critical habitat; or

 

 

       (e) undertaking research projects in support of recovery efforts for the species.

 

32. (1) No person shall kill, harm, harass, capture or take an individual of a wildlife species that is listed as an extirpated species, an endangered species or a threatened species.

 

 

(2) No person shall possess, collect, buy, sell or trade an individual of a wildlife species that is listed as an extirpated species, an endangered species or a threatened species, or any part or derivative of such an individual.

 

 

(3) For the purposes of subsection (2), any animal, plant or thing that is represented to be an individual, or a part or derivative of an individual, of a wildlife species that is listed as an extirpated species, an endangered species or a threatened species is deemed, in the absence of evidence to the contrary, to be such an individual or a part or derivative of such an individual.

 

33. No person shall damage or destroy the residence of one or more individuals of a wildlife species that is listed as an endangered species or a threatened species, or that is listed as an extirpated species if a recovery strategy has recommended the reintroduction of the species into the wild in Canada.

 

 

37. (1) If a wildlife species is listed as an extirpated species, an endangered species or a threatened species, the competent minister must prepare a strategy for its recovery.

 

 

38. In preparing a recovery strategy, action plan or management plan, the competent minister must consider the commitment of the Government of Canada to conserving biological diversity and to the principle that, if there are threats of serious or irreversible damage to the listed wildlife species, cost-effective measures to prevent the reduction or loss of the species should not be postponed for a lack of full scientific certainty.

 

 

 

41. (1) If the competent minister determines that the recovery of the listed wildlife species is feasible, the recovery strategy must address the threats to the survival of the species identified by COSEWIC, including any loss of habitat, and must include

 

 

 

(a) a description of the species and its needs that is consistent with information provided by COSEWIC;

 

(b) an identification of the threats to the survival of the species and threats to its habitat that is consistent with information provided by COSEWIC and a description of the broad strategy to be taken to address those threats;

 

(c) an identification of the species’ critical habitat, to the extent possible, based on the best available information, including the information provided by COSEWIC, and examples of activities that are likely to result in its destruction;

 

(c.1) a schedule of studies to identify critical habitat, where available information is inadequate;

 

 

(d) a statement of the population and distribution objectives that will assist the recovery and survival of the species, and a general description of the research and management activities needed to meet those objectives;

 

 

(e) any other matters that are prescribed by the regulations;

 

(f) a statement about whether additional information is required about the species; and

 

 

(g) a statement of when one or more action plans in relation to the recovery strategy will be completed.

 

42. (1) Subject to subsection (2), the competent minister must include a proposed recovery strategy in the public registry within one year after the wildlife species is listed, in the case of a wildlife species listed as an endangered species, and within two years after the species is listed, in the case of a wildlife species listed as a threatened species or an extirpated species.

 

(2) With respect to wildlife species that are set out in Schedule 1 on the day section 27 comes into force, the competent minister must include a proposed recovery strategy in the public registry within three years after that day, in the case of a wildlife species listed as an endangered species, and within four years after that day, in the case of a wildlife species listed as a threatened species or an extirpated species.

 

43. (1) Within 60 days after the proposed recovery strategy is included in the public registry, any person may file written comments with the competent minister.

 

(2) Within 30 days after the expiry of the period referred to in subsection (1), the competent minister must consider any comments received, make any changes to the proposed recovery strategy that he or she considers appropriate and finalize the recovery strategy by including a copy of it in the public registry.

 

46. The competent minister must report on the implementation of the recovery strategy, and the progress towards meeting its objectives, within five years after it is included in the public registry and in every subsequent five-year period, until its objectives have been achieved or the species’ recovery is no longer feasible. The report must be included in the public registry.

 

47. The competent minister in respect of a recovery strategy must prepare one or more action plans based on the recovery strategy. If there is more than one competent minister with respect to the recovery strategy, they may prepare the action plan or plans together.

 

49. (1) An action plan must include, with respect to the area to which the action plan relates,

 

(a) an identification of the species’ critical habitat, to the extent possible, based on the best available information and consistent with the recovery strategy, and examples of activities that are likely to result in its destruction;

 

 

 

(b) a statement of the measures that are proposed to be taken to protect the species’ critical habitat, including the entering into of agreements under section 11;

 

(c) an identification of any portions of the species’ critical habitat that have not been protected;

 

(d) a statement of the measures that are to be taken to implement the recovery strategy, including those that address the threats to the species and those that help to achieve the population and distribution objectives, as well as an indication as to when these measures are to take place;

 

 

(d.1) the methods to be used to monitor the recovery of the species and its long-term viability;

 

(e) an evaluation of the socio-economic costs of the action plan and the benefits to be derived from its implementation; and

 

(f) any other matters that are prescribed by the regulations.

 

55. The competent minister must monitor the implementation of an action plan and the progress towards meeting its objectives and assess and report on its implementation and its ecological and socio-economic impacts five years after the plan comes into effect. A copy of the report must be included in the public registry.

 

57. The purpose of section 58 is to ensure that, within 180 days after the recovery strategy or action plan that identified the critical habitat referred to in subsection 58(1) is included in the public registry, all of the critical habitat is protected by

 

(a) provisions in, or measures under, this or any other Act of Parliament, including agreements under section 11; or

 

 

 

(b) the application of subsection 58(1).

 

 

58. (1) Subject to this section, no person shall destroy any part of the critical habitat of any listed endangered species or of any listed threatened species — or of any listed extirpated species if a recovery strategy has recommended the reintroduction of the species into the wild in Canada — if

 

 

(a) the critical habitat is on federal land, in the exclusive economic zone of Canada or on the continental shelf of Canada;

 

 

(b) the listed species is an aquatic species; or

 

(c) the listed species is a species of migratory birds protected by the Migratory Birds Convention Act, 1994.

 

(2) If the critical habitat or a portion of the critical habitat is in a national park of Canada named and described in Schedule 1 to the Canada National Parks Act, a marine protected area under the Oceans Act, a migratory bird sanctuary under the Migratory Birds Convention Act, 1994 or a national wildlife area under the Canada Wildlife Act, the competent Minister must, within 90 days after the recovery strategy or action plan that identified the critical habitat is included in the public registry, publish in the Canada Gazette a description of the critical habitat or portion that is in that park, area or sanctuary.

 

 

 

 

 

 

 

(3) If subsection (2) applies, subsection (1) applies to the critical habitat or the portion of the critical habitat described in the Canada Gazette under subsection (2) 90 days after the description is published in the Canada Gazette.

 

(4) If all of the critical habitat or any portion of the critical habitat is not in a place referred to in subsection (2), subsection (1) applies in respect of the critical habitat or portion of the critical habitat, as the case may be, specified in an order made by the competent minister.

 

(5) Within 180 days after the recovery strategy or action plan that identified the critical habitat is included in the public registry, the competent minister must, after consultation with every other competent minister, with respect to all of the critical habitat or any portion of the critical habitat that is not in a place referred to in subsection (2),

 

(a) make the order referred to in subsection (4) if the critical habitat or any portion of the critical habitat is not legally protected by provisions in, or measures under, this or any other Act of Parliament, including agreements under section 11; or

 

 

(b) if the competent minister does not make the order, he or she must include in the public registry a statement setting out how the critical habitat or portions of it, as the case may be, are legally protected.

 

[...]

 

73. (1) The competent minister may enter into an agreement with a person, or issue a permit to a person, authorizing the person to engage in an activity affecting a listed wildlife species, any part of its critical habitat or the residences of its individuals.

 

(2) The agreement may be entered into, or the permit issued, only if the competent minister is of the opinion that

 

(a) the activity is scientific research relating to the conservation of the species and conducted by qualified persons;

 

(b) the activity benefits the species or is required to enhance its chance of survival in the wild; or

 

 

(c) affecting the species is incidental to the carrying out of the activity.

 

(3) The agreement may be entered into, or the permit issued, only if the competent minister is of the opinion that

 

(a) all reasonable alternatives to the activity that would reduce the impact on the species have been considered and the best solution has been adopted;

 

 

(b) all feasible measures will be taken to minimize the impact of the activity on the species or its critical habitat or the residences of its individuals; and

 

 

(c) the activity will not jeopardize the survival or recovery of the species.

 

(3.1) If an agreement is entered into or a permit is issued, the competent minister must include in the public registry an explanation of why it was entered into or issued, taking into account the matters referred to in paragraphs (3)(a), (b) and (c).

 

(6) The agreement or permit must contain any terms and conditions governing the activity that the competent minister considers necessary for protecting the species, minimizing the impact of the authorized activity on the species or providing for its recovery.

 

(7) The competent minister must review the agreement or permit if an emergency order is made with respect to the species.

 

(8) The competent minister may revoke or amend an agreement or a permit to ensure the survival or recovery of a species.

 

(9) No agreement may be entered into for a term longer than five years and no permit may be issued for a term longer than three years.

 

74. An agreement, permit, licence, order or other similar document authorizing a person or organization to engage in an activity affecting a listed wildlife species, any part of its critical habitat or the residences of its individuals that is entered into, issued or made by the competent minister under another Act of Parliament has the same effect as an agreement or permit under subsection 73(1) if

 

 

(a) before it is entered into, issued or made, the competent minister is of the opinion that the requirements of subsections 73(2) to (6) and (9) are met; and

 

(b) after it is entered into, issued or made, the competent minister complies with the requirements of subsection 73(7).

 

75. (1) A competent minister may add terms and conditions to protect a listed wildlife species, any part of its critical habitat or the residences of its individuals to any agreement, permit, licence, order or other similar document authorizing a person to engage in an activity affecting the species, any part of its critical habitat or the residences of its individuals that is entered into, issued or made by the competent minister under another Act of Parliament.

(2) A competent minister may also revoke or amend any term or condition in any of those documents to protect a listed wildlife species, any part of its critical habitat or the residences of its individuals.

(3) The competent minister must take into account any applicable provisions of treaty and land claims agreements when carrying out his or her powers under this section.

 

 

 

77. (1) Despite any other Act of Parliament, any person or body, other than a competent minister, authorized under any Act of Parliament, other than this Act, to issue or approve a licence, a permit or any other authorization that authorizes an activity that may result in the destruction of any part of the critical habitat of a listed wildlife species may enter into, issue, approve or make the authorization only if the person or body has consulted with the competent minister, has considered the impact on the species’ critical habitat and is of the opinion that

 

 

(a) all reasonable alternatives to the activity that would reduce the impact on the species’ critical habitat have been considered and the best solution has been adopted; and

 

(b) all feasible measures will be taken to minimize the impact of the activity on the species’ critical habitat.

 

(2) For greater certainty, section 58 applies even though a licence, a permit or any other authorization has been issued in accordance with subsection (1).

 

83. (1) Subsections 32(1) and (2), section 33, subsections 36(1), 58(1), 60(1) and 61(1), regulations made under section 53, 59 or 71 and emergency orders do not apply to a person who is engaging in

 

 

(a) activities related to public safety, health or national security, that are authorized by or under any other Act of Parliament or activities under the Health of Animals Act and the Plant Protection Act for the health of animals and plants; or

 

 

(b) activities authorized under section 73, 74 or 78 by an agreement, permit, licence, order or similar document.

 

(2) A power under an Act described in paragraph (1)(a) may be used to authorize an activity prohibited by subsection 32(1) or (2), section 33, subsection 36(1), 58(1), 60(1) or 61(1), a regulation made under section 53, 59 or 71 or an emergency order only if the person exercising the power

 

(a) determines that the activity is necessary for the protection of public safety, health, including animal and plant health, or national security; and

 

(b) respects the purposes of this Act to the greatest extent possible.

 

(3) Subsections 32(1) and (2), section 33, subsections 36(1), 58(1), 60(1) and 61(1) and regulations made under section 53, 59 or 71 do not apply to a person who is engaging in activities in accordance with conservation measures for wildlife species under a land claims agreement.

 

 

(4) Subsections 32(1) and (2), section 33 and subsections 36(1), 58(1), 60(1) and 61(1) do not apply to a person who is engaging in activities that are permitted by a recovery strategy, an action plan or a management plan and who is also authorized under an Act of Parliament to engage in that activity, including a regulation made under section 53, 59 or 71.

 

 

 

SCHEDULE 1

(Subsections 2(1), 42(2) and 68(2))

LIST OF WILDLIFE SPECIES AT RISK

 

 

PART 2

ENDANGERED SPECIES

 

Whale, Killer (Orcinus orca) Northeast Pacific southern resident population

Épaulard population résidente du sud du Pacifique Nord-Est

 

 

 

PART 3

THREATENED SPECIES

 

 

Whale, Killer (Orcinus orca) Northeast Pacific northern resident population

Épaulard population résidente du nord du Pacifique Nord-Est

 

 

 

 


ANNEXE B

CARTE DE L’HABITAT ESSENTIEL DES ÉPAULARDS RÉSIDENTS DU SUD

 

 

Figure 4   Habitat essentiel des épaulards résidents du sud. La partie hachurée des eaux américaines représente approximativement les zones désignées par l’Endangered Species Act comme formant l’habitat essentiel de cette population d’épaulards.

 

Carte tirée du cahier d’appel (volume 1, onglet 5B, page 74) et agrandie


ANNEXE C

CARTE DE L’HABITAT ESSENTIEL DES ÉPAULARDS RÉSIDENTS DU NORD

 

 

Figure 5   Habitat essentiel estival et automnal des épaulards résidents du nord en Colombie-Britannique.

 

Carte tirée du cahier d’appel (volume 1, onglet 5B, page 76) et agrandie

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                          A‑2‑11

 

APPPEL D’UNE ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL EN DATE DU 7 DÉCEMBRE 2010

 

INTITULÉ :                                                                        MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS c.

                                                                                               FONDATION DAVID SUZUKI ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                               Le 30 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                             LE JUGE MAINVILLE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                          LE JUGE NADON

                                                                                               LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                       Le 9 février 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Lachance

Lisa Riddle

 

 

POUR L’APPELANT

 

Margot Venton

Tim Leadem

 

POUR LES INTIMÉS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR L’APPELANT

 

Ecojustice

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES INTIMÉS

 


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