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Date : 20120215

Dossier : A‑246‑11

Référence : 2012 CAF 51

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        le juge Noël

                        le juge Pelletier

 

ENTRE :

LES SYSTÈMES EQUINOX INC.

demanderesse

et

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada

ET le procureur général du Canada

défendeurs

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 février 2012.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 février 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                               LA COUR

 


Date : 20120215

Dossier : A‑246‑11

Référence : 2012 CAF 51

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        le juge Noël

                        le juge Pelletier

 

ENTRE :

LES SYSTÈMES EQUINOX INC.

demanderesse

et

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada

ET le procureur général du Canada

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

 

LA COUR

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Les Systèmes Equinox Inc. (la demanderesse) à l’égard de la décision par laquelle le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal ou le TCCE) a recommandé, conformément aux paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) (la Loi), que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC ou le défendeur) verse à la demanderesse la somme de 322 377 $, à titre d’indemnité pour l’occasion perdue découlant de l’octroi inapproprié d’un contrat à un autre soumissionnaire.

 

[2]               Cette recommandation a été faite à la suite d’une série de décisions rendues tant par le Tribunal que par notre Cour. Une décision antérieure du Tribunal avait notamment recommandé que la demanderesse soit indemnisée pour l’occasion perdue « d’un montant égal à un quart du profit qu’elle aurait raisonnablement obtenu si elle avait été le soumissionnaire gagnant […] » (décision du Tribunal rendue le 12 mars 2009, au paragraphe 86). Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la question en litige porte sur le montant de l’indemnité recommandé par le Tribunal.

 

[3]               La demanderesse soutient que la recommandation finale est déraisonnable et repose sur plusieurs erreurs. Elle demande que l’affaire soit renvoyée au Tribunal pour qu’il procède à une nouvelle détermination de l’indemnité. Pour sa part, le défendeur conteste le fait que le montant accordé comprenne des intérêts avant jugement composés.

 

[4]               Les décisions du Tribunal rendues dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lui permettant d’accorder une indemnité et d’en établir le montant doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable puisque cet exercice est au cœur même de sa compétence (voir Canada (Procureur général) c. Envoy Relocation Services, 2007 CAF 176, aux paragraphes 15 à 18, décision rendue à l’époque où la norme de la « décision manifestement déraisonnable » était la norme qui commandait le plus grand degré de retenue). L’application de la norme de la décision raisonnable s’étend à la décision d’accorder des intérêts avant jugement puisque cet exercice est inextricablement lié au mandat du Tribunal d’établir le montant de l’indemnité (comparer avec Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] A.C.S. no 53, au paragraphe 25).

 

[5]               Appliquant cette norme, nous sommes d’avis que ni la demanderesse ni le défendeur n’ont démontré d’erreur susceptible de contrôle.

 

[6]               Plus particulièrement, nous ne sommes pas d’accord pour dire que la méthode employée pour évaluer l’indemnité était déraisonnable. Le Tribunal avait le droit de prendre en compte des renseignements provenant de la relation réelle entre TPSGC et le soumissionnaire retenu. Ce faisant, le Tribunal a pris soin de ne pas utiliser ce co‑soumissionnaire comme [traduction] « substitut » et a cherché à évaluer l’indemnité appropriée pour l’occasion perdue d’Equinox en faisant les ajustements nécessaires (voir par exemple le paragraphe 76 de la décision).

 

[7]               La demanderesse soutient également qu’une méthode d’évaluation différente aurait dû être employée. Elle fait valoir que le Tribunal aurait dû appliquer le pourcentage reflétant la marge bénéficiaire d’Equinox aux dépenses totales de TPSGC pendant la durée du contrat. Nous convenons avec le défendeur que l’existence d’une méthode d’évaluation différente ne rend pas la décision du Tribunal déraisonnable.

[8]               Il était également raisonnable de la part du Tribunal de limiter à cinq ans la période d’indemnisation étant donné qu’après cette période, le recours de la demanderesse est de nature conjecturale.

 

[9]               La demanderesse conteste l’évaluation de postes particuliers de revenus et de coûts. À titre d’exemple, elle conteste le rejet du tribunal du montant indiqué à l’élément no 001‑A de la soumission d’Equinox. Comme l’a indiqué le défendeur, cet élément a été déclaré non conforme aux exigences du processus de passation de marché dans une décision antérieure du TCCE. À notre avis, il était raisonnable de la part du Tribunal de choisir de ne pas tenir compte de cet élément dans l’évaluation de l’indemnité. De même, nous ne croyons pas que l’évaluation du Tribunal de la main d’œuvre et des frais généraux était déraisonnable.

 

[10]           La demanderesse soutient également que le Tribunal a commis une erreur en ne l’indemnisant pas pour l’occasion perdue de vendre son code source. À cet égard, nous constatons que la demanderesse n’a présenté aucune demande d’indemnité sous ce chef. Il s’ensuit que le Tribunal n’a commis aucune erreur dans sa décision à cet égard.

 

[11]           Enfin, la demanderesse fait valoir que les intérêts avant jugement qui lui ont été accordés auraient dû être plus élevés pour refléter le fait qu’une plus grande proportion des dépenses aurait eu lieu plus tôt dans le cadre de l’exécution du contrat. Le Tribunal a toutefois calculé les intérêts pour refléter la préoccupation de la demanderesse selon laquelle la plupart des dépenses auraient eu lieu au début du contrat. La demanderesse peut être en désaccord avec le montant que le Tribunal a finalement recommandé, mais cela ne le rend pas déraisonnable.

 

[12]           Pour sa part, le défendeur soutient que le Tribunal n’avait pas le pouvoir d’accorder des intérêts avant jugement et, subsidiairement, que les intérêts n’auraient pas dû être des intérêts composés. Nous constatons tout d’abord que le défendeur n’a pas présenté de demande de contrôle judiciaire. Dans l’arrêt Larsson c. Canada, [1997] A.C.F. no 1044 [Larsson], notre Cour a statué qu’un défendeur qui n’a pas déposé de demande de contrôle judiciaire ne pouvait pas solliciter le contrôle judiciaire d’une partie de la décision (Larsson, aux paragraphes 27 et 28) :

 

27. Si le contribuable voulait contester la décision rendue par le juge de la Cour de l’impôt au sujet de la question de la somme forfaitaire, il lui était entièrement loisible de présenter sa propre demande de contrôle judiciaire. Une requête fondée sur l’article 1620 des Règles de la Cour fédérale aurait pu être présentée pour faire entendre conjointement les deux demandes de contrôle judiciaire. Je suis d’accord avec le représentant du ministre pour dire que cet article implique à tout le moins que, dans le cas d’une demande de contrôle judiciaire, l’intimé est tenu de présenter sa propre demande de contrôle judiciaire lorsqu’il désire faire contrôler la décision sur le fondement de moyens différents de ceux qu’invoque le requérant.

 

28. En conséquence, je ne fais aucune observation au sujet du bien‑fondé des prétentions formulées par le contribuable au sujet de l’imposition de la somme forfaitaire. Si le contribuable voulait soumettre cette question à un contrôle judiciaire, il lui incombait de présenter sa propre demande de contrôle judiciaire.

 

 

[13]           Nous ajouterions que quoi qu’il en soit, il était raisonnable que le Tribunal recommande que le paiement d’intérêts avant jugement composés soit inclus dans l’indemnité due à Equinox. Même si la Loi ne lui donne pas expressément le pouvoir de recommander l’octroi d’intérêts avant jugement, le Tribunal a le droit de prendre en compte la valeur temporelle de l’argent. À notre avis, le pouvoir discrétionnaire du Tribunal en ce qui concerne la réparation, énoncé à l’alinéa 30.15(2)e), est suffisamment large pour autoriser le montant établi.

 

[14]           La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée. Compte tenu du rejet de la demande et de la tentative infructueuse du défendeur de contester la décision du Tribunal, les parties devraient assumer leurs propres dépens.

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                    A‑246‑11

 

INTITULÉ :                                                   LES SYSTÈMES EQUINOX INC. et

                                                                        Travaux publics ET Services gouvernementaux Canada ET

                                                                        le procureur général du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            Le 14 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              Les juges Létourneau, Noël et Pelletier

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 15 février 2012

 

 

Comparutions :

 

Gordon Lafortune

POUR LA DEMANDERESSE

 

David M. Attwater

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gottlieb et Associés

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

David M. Attwater

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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