Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20120221

Dossier : A‑75‑11

Référence : 2012 CAF 60

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

LE CONSEIL DU RÉGIME DE RETRAITE DES

ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS DE L’ONTARIO

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 24 octobre 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 février 2012.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                         LA JUGE DAWSON

 

 


Date : 20120221

Dossier : A‑75‑11

Référence : 2012 CAF 60

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

LE CONSEIL DU RÉGIME DE RETRAITE DES

ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS DE L’ONTARIO

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]               La Cour est saisie de l’appel d’un jugement (2011 CF 58), en date du 18 janvier 2011, par lequel le juge Mandamin de la Cour fédérale (le juge) a rejeté l’appel interjeté par l’appelant d’une décision rendue par la registraire des marques de commerce (la registraire) le 8 mai 2009, dans laquelle celle‑ci a conclu que la marque de commerce « TEACHERS’ » (la marque de commerce) n’était pas enregistrable parce qu’elle donnait une description claire de la nature des services de l’appelant. Pour tirer cette conclusion, la registraire s’est fondée sur les alinéas 12(1)b) et 37(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi).

 

[2]               La principale question que soulève le présent appel est de savoir si le juge a commis une erreur en concluant que la marque de commerce donnait une description claire au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

Les faits

[3]               L’appelant est le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, qui administre le régime de retraite des enseignantes et des enseignants (les enseignants) de l’Ontario, lequel constitue le plus important régime de retraite régissant une seule profession au Canada. À la fin de 2008, l’appelant administrait les rentes de retraite des 173 000 enseignants des écoles primaires et secondaires de l’Ontario et de 11 000  retraités.

 

[4]               Le 20 juin 2002, l’appelant a déposé devant l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC) la demande 1,144,430 en vue de faire enregistrer la marque de commerce en liaison avec les services suivants : [traduction] « [a]dministration d’un régime de pension, gestion d’un fonds de pension et investissements y afférents pour les enseignants de l’Ontario ».

 

[5]               Le 29 avril 2003, par l’entremise de l’examinateur des marques de commerce, la registraire a informé l’appelant que la marque de commerce n’était pas enregistrable, parce qu’elle était [traduction] « une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, étant donné qu’elle indique clairement qu’il s’agit d’un fonds de pension pour les enseignants ». À l’appui de sa conclusion, l’examinateur a invoqué l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

[6]               Il s’en est suivi, pendant une période d’environ six ans, plusieurs échanges écrits entre la registraire et l’appelant au terme desquels la registraire a conclu, sur le fondement des alinéas 12(1)b) et 37(1)b) de la Loi, que la marque de commerce n’était pas enregistrable. Par conséquent, la registraire a rejeté la demande d’enregistrement de la marque de commerce de l’appelant. Plus précisément, la registraire s’est dite d’avis que la marque de commerce donnait une description claire de la nature des services d’administration de régime de retraite offerts par l’appelant et qu’elle n’était donc pas enregistrable aux termes des dispositions susmentionnées. De l’avis de la registraire, la marque de commerce était [traduction] « un mot approprié sur le plan commercial pour décrire la nature intrinsèque des services d’administration, de gestion et de placement relatifs à un régime ou fonds pour les enseignants et, par conséquent, ce mot devrait pouvoir être employé par d’autres personnes parce que les mots descriptifs sont la propriété de tous et qu’une personne ne peut pas se les approprier pour son utilisation exclusive ».

 

[7]               Le 23 juillet 2009, l’appelant a interjeté appel de la décision de la registraire devant la Cour fédérale.

 

Dispositions législatives applicables

[8]               Les dispositions suivantes de la Loi sont utiles pour trancher le présent appel :

12.  (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

 

37.  (1) Le registraire rejette une demande d’enregistrement d’une marque de commerce s’il est convaincu que, selon le cas :

 

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

 

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

 

c) le requérant n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce parce que cette marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l’enregistrement de laquelle une demande est pendante. Lorsque le registraire n’est pas ainsi convaincu, il fait annoncer la demande de la manière prescrite.

 

56.  (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

 

(2) L’appel est interjeté au moyen d’un avis d’appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

 

 

(3) L’appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l’avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

 

(4) Le tribunal peut ordonner qu’un avis public de l’audition de l’appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu’il juge opportune.

 

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 

[Non souligné dans l’original]

12.  (1) Subject to section 13, a trade‑mark is registrable if it is not

 

 

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

 

 

 

 

37.  (1) The Registrar shall refuse an application for the registration of a trade‑mark if he is satisfied that

 

(a) the application does not conform to the requirements of section 30,

 

(b) the trade‑mark is not registrable, or

 

 

(c) the applicant is not the person entitled to registration of the trade‑mark because it is confusing with another trade‑mark for the registration of which an application is pending, and where the Registrar is not so satisfied, he shall cause the application to be advertised in the manner prescribed.

 

 

56.  (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

 

 

(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registrar and in the Federal Court.

 

(3) The applicant shall, within the time limited or allowed by subsection (1), send a copy of the notice by registered mail to the registered owner of any trade‑mark that has been referred to by the Registrar in the decision complained of and to every other person who was entitled to notice of the decision.

 

 

(4) The Federal Court may direct that public notice of the hearing of an appeal under subsection (1) and of the matters at issue therein be given in such manner as it deems proper.

 

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

 

[Emphasis added]

 

Décision de la Cour fédérale

[9]               Le juge a rejeté le 18 janvier 2011 l’appel interjeté par l’appelant de la décision de la registraire. À son avis, la registraire n’avait pas commis d’erreur en concluant que la marque de commerce « TEACHERS’ » projetée n’était pas enregistrable par application des alinéas 12(1)b) et 37(1)b) de la Loi.

 

[10]           Le juge a d’abord examiné la question de la norme de contrôle applicable. Après avoir précisé que l’appel dont il était saisi avait été introduit conformément au paragraphe 56(2) de la Loi, il a souligné que le paragraphe 56(5) permettait aux parties de présenter « des éléments de preuve […] en plus de ceux qui ont été présentés à la registraire », et que, par suite de la présentation de ces nouveaux éléments de preuve, « la Cour fédérale peut exercer tout pouvoir discrétionnaire conféré à la registraire ».

 

[11]           Le juge a ensuite expliqué que, lorsque les éléments qui lui sont soumis sont significatifs et importants, la Cour peut procéder comme s’il s’agissait d’une nouvelle audience. À l’appui de cette proposition, il a cité l’arrêt rendu par notre Cour dans l’affaire Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145 (C.A.) (Molson (CAF)), et celui rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 R.C.S. 772. Il s’est également fondé sur la décision de la Cour fédérale rendue par notre collègue le juge Mainville (maintenant juge à la Cour d’appel) dans l’affaire Advance Magazine Publishers Inc. c. Wise Gourmet, 2009 CF 1208, (2009) 356 F.T.R. 270.

 

[12]           Après avoir signalé que la question en litige dans ces affaires concernait la probabilité de confusion entre des marques de commerce, le juge s’est dit d’avis, au paragraphe 17 de ses motifs, qu’il convenait « d’appliquer la même approche à la question qui fait l’objet de l’appel, soit celle de savoir si une marque de commerce donne une description claire au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi ». Le juge est parvenu à cette conclusion parce qu’il estimait que tant la question de la confusion que la question qui lui était soumise exigeaient que l’on examine et que l’on interprète la marque de commerce concernée et que l’on évalue l’impression qu’elle créait sur le public « ainsi que les effets de la marque sur d’autres entreprises dans le même domaine commercial ou dans un domaine connexe ».

 

[13]           Le juge s’est ensuite penché sur les éléments de preuve présentés par l’appelant dans l’instance introduite devant lui et a fait remarquer que, même si l’appelant n’avait à toutes fins utiles soumis aucun élément de preuve à la registraire, il avait présenté, à l’appui de son appel, trois recueils d’éléments de preuve qui contenaient deux importants affidavits.

 

[14]           Le premier affidavit, souscrit par Mme Elenita Anastacio, recherchiste expérimentée en marques de commerce, renfermait des exemples de marques de commerce qui donnaient une description claire du groupe ciblé, mais non du service offert, et dont l’enregistrement avait été accepté. L’affidavit de Mme Anastacio comprenait également une liste de marques de commerce qui avaient été annoncées, qui avaient fait l’objet d’une opposition et qui avaient été rejetées, radiées, admises et enregistrées en liaison avec des services de régime de retraite et de fonds de pension. Il présentait aussi des listes semblables de marques de commerce en liaison avec des régimes d’avantages sociaux et des régimes de retraite. De plus, il renfermait des définitions de dictionnaires des mots « teacher » [enseignant] et « professor » [professeur].

 

[15]           Le deuxième affidavit, celui de Mme Deborah Allan, directrice des Communications et des Relations avec les médias de l’appelant, a été déposé pour démontrer que l’appelant employait la marque de commerce dans ses communications avec le public, notamment dans ses communiqués de presse et ses rapports annuels. L’affidavit démontrait donc que de nombreux Canadiens avaient été mis en contact avec la marque de commerce.

 

[16]           Après avoir examiné ces éléments de preuve, le juge a conclu qu’ils ont « une incidence suffisamment importante sur la question de savoir si la marque de commerce en question, “TEACHERS’”, donne une description claire ou une description fausse et trompeuse au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi », ajoutant que, indépendamment de la question de savoir si ces éléments de preuve pouvaient trancher la question en litige, « il faudrait effectuer un nouvel examen de l’application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi » (motifs du juge, par. 27). Le juge s’est par conséquent dit d’avis que l’affaire devait être examinée au vu de l’ensemble de la preuve soumise par l’appelant, de sorte qu’il n’avait pas à décider si la registraire avait commis une erreur et qu’il n’était pas non plus obligé de faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la registraire.

 

[17]           Après avoir exposé les arguments invoqués en appel par l’appelant, le juge a tiré les conclusions suivantes. Premièrement, se fondant sur l’observation formulée par le juge Cattanach dans The Molson Companies Ltd. c. Brasseries Carling O’Keefe du Canada Ltée et Registraire des marques de commerce, [1982] 1 C.F. 275, au paragraphe 30 (Molson (CF)), suivant laquelle il ne faut pas examiner la marque de commerce isolément, mais plutôt en fonction du contexte des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, le juge a conclu qu’il convenait de considérer la marque de commerce dans le contexte du régime de retraite des enseignants de l’Ontario, dans le cadre duquel l’appelant devait gérer un fonds de pension et effectuer les investissements y afférents pour les enseignants ontariens. Le juge a déclaré ce qui suit au paragraphe 39 de ses motifs :

 

[39]      Le demandeur est le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Son personnel est composé d’agents financiers qui administrent, gèrent et investissent un fonds de pension très important, celui des enseignants de l’Ontario. On peut décrire les enseignants de l’Ontario comme les consommateurs finaux éventuels des services financiers fournis par les agents financiers du Conseil. On peut également décrire les enseignants de l’Ontario, qu’ils soient actifs ou à la retraite, comme les propriétaires bénéficiaires du fonds de pension même. De plus, les diverses entreprises qui veulent que le fonds de pension investisse dans leurs activités peuvent également être décrites comme des consommateurs éventuels.

 

[18]           Le juge a ensuite expliqué qu’il souscrivait à l’argument du demandeur selon lequel la marque de commerce ne donnait pas une description claire des services auxquels elle était associée et qu’elle ne décrivait pas les conditions de leur production ni les personnes qui les produisent ou leur lieu d’origine, ajoutant que l’utilisation des mots « marchandises ou services » à l’alinéa 12(1)b) de la Loi requérait de « considérer autre chose que les seuls services » (motifs du juge, par. 42). À son avis, le régime de pension administré par l’appelant relevait du domaine plus large visé par les mots « marchandises ou services ». Le juge a ensuite exprimé l’opinion que l’emploi des mots « marchandises ou services » avait pour objet que les fonds financiers commerciaux soient visés par le large domaine du commerce que régit la Loi.

 

[19]           Il a ensuite examiné l’expression « nature ou [...] qualité des marchandises ou services » que l’on trouve à l’alinéa 12(1)b) de la Loi et expliqué que ces mots étaient censés évoquer une caractéristique distinctive ou notable des marchandises ou des services offerts en liaison avec la marque de commerce. À l’appui de cette proposition, le juge s’est notamment fondé sur les motifs de la décision ITV Technologies Inc. c. WIC Television, 2003 CF 1056, dans lesquels la juge Tremblay‑Lamer a écrit, au paragraphe 67, que « [l]a description [de la marque de commerce] doit s’appliquer à la composition matérielle des marchandises ou services qui forment l’objet de la marque de commerce, ou se rapporter à une de leurs qualités intrinsèques évidentes, par exemple une caractéristique, une particularité ou un trait inhérents au produit », ce qui a amené le juge a conclure qu’une marque de commerce « qui décrit clairement une caractéristique notable des marchandises ou services tombe sous le coup de l’interdiction d’enregistrement prévue au paragraphe 12(1)b) » (motifs du juge, par. 47).

 

[20]           Le juge a ensuite affirmé que, pour évaluer la validité d’une marque de commerce, il fallait non seulement apprécier la preuve, mais aussi tenir compte du sens commun, ajoutant que la décision « doit être fondée sur la première impression créée par les marchandises ou services en question » (motifs du juge, par. 48), citant à l’appui l’opinion exprimée à ce sujet par le juge Martineau dans la décision Neptune S.A. c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 715.

 

[21]           Le juge a ensuite expliqué que, lorsque l’on pensait à un régime de retraite, il était tout aussi probable, voire plus probable, que l’on pense au pensionné ou au pensionné éventuel plutôt qu’à l’administrateur ou au gestionnaire. Pour reprendre les termes du juge, « l’on est plus susceptible de penser au bénéficiaire de la pension, en l’espèce les enseignants, que de penser à ceux qui administrent le fonds de pension, les agents financiers » (motifs du juge, par. 49), ce qui l’a amené à affirmer que les enseignants ontariens, qui étaient les bénéficiaires du régime ou, pour reprendre encore ses mots, qui étaient « les consommateurs finaux éventuels des services qu’il fournit », estimeraient certainement d’emblée, à la première impression, que la marque de commerce projetée décrivait leur régime de retraite. Ainsi, comme le mot « TEACHERS’ » décrit une caractéristique notable du fonds de pension des enseignants ontariens, il donnait une description claire au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, et ce, malgré le fait qu’il ne décrivait pas les services d’administration, de gestion ou de placement relatifs aux fonds de pension en question.

 

[22]           Pour conclure, le juge a expliqué qu’accorder à l’appelant un monopole sur l’emploi du mot commun « TEACHERS’ » « empêcherait d’autres services de pension et de services financiers visant les enseignants de l’Ontario ou d’autres provinces ou territoires, ou appartenant à de tels enseignants, d’employer le terme » (motifs du juge, par. 53). Suivant le juge, le mot « TEACHERS’ » devait pouvoir être employé par d’autres personnes.

 

[23]           Pour ces motifs, le juge a conclu que la registraire n’avait pas commis d’erreur en concluant que la marque de commerce n’était pas enregistrable par application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Il a par conséquent rejeté l’appel. Il n’a pas adjugé de dépens au procureur général du Canada, qui agissait comme défendeur, parce qu’il « n’a pas agi pour le compte de la registraire pour la contestation du présent appel et n’a pas engagé de frais à cet égard » (motifs du juge, par. 57).

 

Prétentions et moyens de l’appelant

[24]           L’appelant invoque trois moyens pour expliquer pourquoi nous devrions faire droit à son appel. Premièrement, il affirme que le jugement se contredit lui‑même du fait que, par suite de la conclusion formulée au paragraphe 41 suivant laquelle la marque de commerce « ne donne pas de description claire des services fournis », le juge aurait dû accueillir l’appel de la décision de la registraire. Plus précisément, l’appelant soutient que la marque de commerce ne donne pas une description claire des services qu’il offre et qu’à la première impression, la marque de commerce ne donne pas non plus au consommateur moyen une description claire de ses services.

 

[25]           Deuxièmement, l’appelant soutient que la preuve ne justifiait pas la crainte du juge que l’enregistrement de la marque de commerce lui confère un monopole sur l’usage du mot « TEACHERS’ » et qu’en tout état de cause, le juge s’est mépris étant donné qu’on ne pouvait dire avec certitude que l’enregistrement de la marque de commerce empêcherait d’autres fournisseurs de services financiers d’utiliser le mot « TEACHERS’ ».

 

[26]           Enfin, l’appelant affirme que sa demande d’enregistrement de la marque de commerce devrait être approuvée en vue de sa publication à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce, étant donné que c’est devant la Commission des oppositions des marques de commerce qu’il convient de débattre et de faire trancher les questions de monopole.

 

Analyse

[27]           Je vais commencer en formulant quelques observations au sujet de la norme de contrôle applicable. L’affaire qui nous est soumise est un appel d’un jugement par lequel la Cour fédérale a confirmé une décision de la registraire. Ce sont donc les normes énoncées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, qui s’appliquent. Les questions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte, alors que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit sont assujetties à la norme de l’erreur manifeste et dominante sauf lorsqu’il existe une question de droit isolable, auquel cas la norme qui s’applique est celle de la décision correcte.

 

[28]           Je suis convaincu qu’il n’y a aucune raison de modifier la conclusion du juge suivant laquelle, vu l’ensemble de la preuve dont il disposait, il lui était loisible de tirer sa propre conclusion au sujet du bien‑fondé de la décision du registraire. L’appelant ne conteste pas cette partie de la décision du juge, et je passe donc aux principes qui s’appliquent en ce qui concerne ce que la Cour est appelée à décider en dernier ressort dans le présent appel, à savoir si le juge a commis une erreur en concluant que la marque de commerce donnait une description claire de la nature des services en liaison avec lesquels l’appelant emploie la marque de commerce.

 

[29]           Il est de jurisprudence constante que le critère applicable pour décider si une marque de commerce donne une description claire est celui de la première impression créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable. Si cette personne n’est pas certaine de la signification de la marque de commerce en ce qui concerne les marchandises ou les services ou si elle hésite à ce sujet ou encore si la marque de commerce suggère un sens autre qu’un sens qui décrit les marchandises ou les services, on ne peut pas dire que ce mot donne une description claire. On ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque, mais on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que donne la marque, compte tenu des marchandises ou des services avec lesquels elle est utilisée ou avec lesquels on se propose de l’utiliser. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être examinée de façon isolée, mais en fonction de l’ensemble du contexte des marchandises et des services. Pour établir si une marque de commerce donne une description claire, il faut également se rappeler que le mot « claire » à l’alinéa 12(1)b) de la Loi sert à véhiculer l’idée qu’il doit être évident, clair ou manifeste que la marque de commerce donne une description des marchandises ou des services (Hughes on Trade‑marks, 2e éd., édition à feuilles mobiles (consulté le 7 février 2012), (Markham, LexisNexis, 2005), p. 629 à 631, par. 30; Milan Chromecek et Stuart C. McCormack, World Intellectual Property Guidebook Canada, (New York, Matthew Bender & Co. Inc., 1991) p. 6‑61 à 6‑68; voir également les décisions Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, p. 33 et 34 (Cour de l’Éch.) (Drackett); et Molson (CAF) au paragraphe 30)). Enfin, le mot « nature » que l’on trouve à l’alinéa 12(1)b) a été défini par la jurisprudence comme devant s’entendre d’une caractéristique, d’une particularité ou d’un trait inhérents aux marchandises ou aux services (Drackett, p. 34; G.W.G. Ltd. c. Registraire des marques de commerce, (1981), 55 C.P.R. 2d 1, p. 6, Association of Professional Engineers of Ontario c. Registrar of Trade‑marks, (1959), 31 C.P.R. 79, p. 88).

 

[30]           Il ne fait aucun doute, à mon avis, que le juge a bien compris le critère et les principes applicables. En conséquence, la seule question à trancher est celle de savoir s’il a commis une erreur dans la façon dont il a appliqué ce critère et ces principes aux faits portés à sa connaissance.

 

[31]           J’examinerai maintenant les reproches que l’appelant adresse à l’endroit de la décision du juge. Plus particulièrement, je vais maintenant aborder les moyens précis invoqués par l’appelant pour réclamer l’infirmation de la décision du juge. Je vais commencer par les deuxième et troisième arguments, qu’on peut aisément trancher.

 

[32]           Le troisième moyen invoqué par l’appelant est que la registraire aurait dû approuver la demande en vue de sa publication et permettre à la question d’être débattue devant la Commission des oppositions des marques de commerce. À mon avis, cet argument est dénué de fondement.

 

[33]           Il ressort des alinéas 12(1)b) et 37(1)b) de la Loi que le registraire doit refuser la demande « s’il est convaincu que [...] la marque de commerce n’est pas enregistrable ». Ainsi, si le registraire est d’avis que la marque de commerce en litige donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises ou des services en liaison avec lesquels elle est employée ou à l’égard desquels on projette de l’employer, il doit refuser l’enregistrement. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Effigi Inc., 2005 CAF 172, notre Cour a clairement indiqué que l’article 37 de la Loi est un code complet qui régit la procédure d’examen d’une demande d’enregistrement. Voici en quels termes notre Cour a exprimé cette opinion, au paragraphe 9 :

[9]     […] L’article 37 est un code complet qui régit la procédure d’examen d’une demande d’enregistrement. Le registraire se voit investi d’un pouvoir considérable, celui de rejeter de manière sommaire une demande d’enregistrement. Le législateur a jugé bon d’encadrer ce pouvoir et de le restreindre aux seuls cas de manquement aux exigences plus procédurales que substantielles de l’article 30, de « non‑enregistrabilité » de la marque (une référence implicite à l’article 12) et d’absence de droit à l’enregistrement, non pas pour les motifs déjà énoncés à l’article 16, mais pour le seul motif de confusion avec une marque faisant l’objet d’une demande pendante. Si le législateur avait voulu que la confusion visée à l’alinéa 37(1)c) puisse aussi découler de l’emploi antérieur, il aurait pu aisément reprendre les termes de l’alinéa 16(3)c).

 

[34]           En conséquence, le registraire n’a aucune marge de manœuvre lorsqu’il s’agit d’annoncer une marque de commerce s’il est convaincu qu’elle n’est pas enregistrable. Ainsi, la question de savoir s’il conviendrait davantage, comme le laisse entendre l’appelant, de laisser à la Commission des oppositions des marques de commerce le soin d’examiner la question de l’enregistrabilité de la marque de commerce ne se pose pas, étant donné que le législateur s’est clairement exprimé sur la question et que le registraire ne peut déférer la question à la Commission des oppositions des marques de commerce dès lors qu’il est convaincu que la marque de commerce n’est pas enregistrable.

 

[35]           L’alinéa 37(1)c) de la Loi prévoit que lorsque le registraire n’est pas convaincu que la marque de commerce n’est pas enregistrable, il doit « fai[re] annoncer la demande de la manière prescrite ». Il ressort à mon avis de cette disposition que, dans les cas limites, la question doit être résolue en faveur de celui qui demande l’enregistrement. Toutefois, lorsqu’il exerce sa compétence, le registraire doit toujours avoir à l’esprit la raison logique pour laquelle les marques de commerce qui donnent une description claire ne doivent pas être enregistrées. Ce principe a été énoncé par le Conseil privé dans l’arrêt Eastman Photographic Materials Co. Ltd. c. Comptroller‑General of Patents, Designs and Trade‑marks, [1898] A.C. 571, dans lequel Leurs Seigneuries ont formulé les observations suivantes à la page 580 :

            [traduction]

[…] En ce qui concerne l’alinéa e),  n’importe quel mot de la langue anglaise peut être utilisé comme marque de commerce; on pourrait employer le mot le plus commun. Dans ces circonstances, il serait évidemment impossible d’accorder à quelqu’un le monopole de l’emploi d’un mot qui réfère à la nature ou à la qualité de certaines marchandises. Les mots de la langue anglaise constituent un bien commun : ils appartiennent également à tous; et personne ne devrait être autorisé à empêcher les autres membres de la communauté d’employer un mot qui réfère à la nature ou à la qualité de marchandises pour les décrire.

 

S’il est effectivement possible d’utiliser n’importe quel mot à titre de marque de commerce, il est également essentiel d’empêcher l’emploi d’un mot à titre de marque de commerce lorsqu’un tel emploi priverait le reste de la communauté de son droit à utiliser ce mot dans le but de décrire la nature ou la qualité de marchandises. Mais en ce qui concerne les mots qui sont de véritables mots inventés, des néologismes, et qui n’ont jamais été utilisés auparavant, la situation est, il me semble, complètement différente et les raisons qui justifiaient l’insertion de la condition n’existent plus. Si un homme a réellement inventé un mot pour s’en servir comme marque de commerce, en quoi cause‑t‑il un tort ou un préjudice à d’autres personnes si celles‑ci ne peuvent l’utiliser et que l’emploi de ce mot se limite à une catégorie ou à des catégories de marchandises de l’inventeur? Ainsi, comme rien ne justifie d’établir une distinction entre les situations détaillées visées aux alinéas d) et e), il me semble qu’il existe une foule de raisons de ne pas interpoler à l’alinéa d) des mots que le législateur n’a employés qu’à l’alinéa e).

 

[36]           Je passe maintenant au second moyen invoqué par l’appelant, suivant lequel on ne trouve au dossier aucun élément de preuve qui appuie l’idée que l’enregistrement de la marque de commerce conférerait à l’appelant un monopole sur l’emploi du mot « TEACHERS’ » et on ne peut affirmer avec certitude que l’enregistrement de la marque de commerce empêcherait d’autres fournisseurs de services financiers d’employer le mot « TEACHERS’ ».

 

[37]           Je suis également d’avis que cet argument est dénué de fondement. Lorsqu’il examine une demande d’enregistrement d’une marque de commerce présentée en vertu du paragraphe 37(1) de la Loi, le registraire doit tenir compte de l’alinéa 12(1)b), qui vise à empêcher les commerçants d’acquérir un monopole sur des mots qui appartiennent [traduction] « au fonds commun de mots courants que tous les commerçants devraient pouvoir continuer à employer pour décrire leurs marchandises et leurs services » (Gerald O.S. Oyen, Clearly Descriptive Trade‑marks – Drawing the Line in the Wake of the Off! Decision, 65 C.P.R. 193, p. 217 (Oyen)). En d’autres termes, la question de la création d’un monopole ne se pose que si l’on permet l’enregistrement d’une marque de commerce qui donne une description claire. Ainsi, si l’enregistrement d’une marque de commerce employée en liaison avec les marchandises ou les services du commerçant devait entraîner le retrait du fonds commun des mots courants d’un mot [traduction] « qui est approprié ou que les commerçants emploieraient normalement pour décrire leurs biens ou leurs services, supprimant ainsi le droit des autres commerçants d’employer, dans le cours normal de leurs activités commerciales, ce mot ou des mots semblables » (Oyen, p. 243), la marque donne alors une description claire. Cette idée a été reprise par le juge Rand lorsqu’il a expliqué ce qui suit, dans les motifs qu’il a rédigés au nom de la Cour suprême dans l’arrêt General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678, à la page 688, (1949) 10 C.P.R. 101 (p. 112 et 113) (General Motors) :

[traduction] 

La première question à se poser est donc de celle de savoir si le mot « Frigidaire » a régulièrement été inscrit au registre en 1933. La règle citée illustre le conflit reconnu depuis longtemps par les tribunaux avant qu’on légifère sur la question, soit le conflit entre l’appropriation par un commerçant d’un mot dans un champ lexicologique qui serait employé habituellement par les commerçants pour décrire les marchandises particulières, et le droit d’autres commerçants dans l’exercice normal de leurs activités d’employer les mêmes mots ou des mots semblables. Dans le domaine de la publicité, plus des marchandises sont complexes et dispendieuses, plus ceux qui les produisent cherchent de manière imaginative des mots attrayants et surprenants; cependant, en établissant les limites de la protection légale, les tribunaux doivent mettre en balance les intérêts conflictuels et éviter de désavantager de manière indue la concurrence légitime en ce qui a trait aux mots qui sont communs à tous.

 

[38]           En conséquence, il importe peu de savoir avec certitude si l’enregistrement de la marque de commerce empêcherait d’autres personnes d’employer le mot « TEACHERS’ » ou si l’appelant détiendrait un monopole sur ce mot advenant le cas où l’enregistrement de sa marque de commerce lui serait accordé. La véritable question est celle de savoir si le mot « TEACHERS’ » donne ou non une description claire des services de l’appelant.

 

[39]           Je passe donc au premier argument de l’appelant, qui est au centre du présent appel. L’appelant affirme que le mot « TEACHERS’ » ne donne pas une description claire des services en liaison avec lesquels il emploie la marque de commerce. Suivant l’appelant, le mot « TEACHERS’ » ne décrit pas de façon claire ou évidente les services de l’appelant selon l’impression immédiate qui serait créée dans l’esprit du consommateur moyen, ajoutant que le juge a commis une erreur en considérant que le fait que la marque de commerce mentionnait le bénéficiaire des services limitait de toute évidence la portée de la marque de commerce par application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

[40]           La registraire a refusé d’enregistrer la marque de commerce de l’appelant parce qu’elle estimait que le mot « TEACHERS’ » était [traduction] « un mot approprié sur le plan commercial pour décrire la nature intrinsèque des services d’administration, de gestion et de placement relatifs à un régime ou fonds pour les enseignants et que, par conséquent, ce mot devrait pouvoir être employé par d’autres personnes parce que les mots descriptifs sont la propriété de tous et qu’une personne ne peut pas se les approprier par son utilisation exclusive ». La registraire a invoqué l’arrêt General Motors de la Cour suprême du Canada à l’appui de cette conclusion.

 

[41]           Pour rejeter l’appel interjeté par l’appelant de la décision de la registraire, le juge a également estimé que la marque de commerce donnait une description claire des services de l’appelant. À son avis, la première impression créée par la marque de commerce en liaison avec les services de l’appelant, c.‑à‑d. [traduction] « administration d’un régime de retraite, gestion d’un fonds de pension et investissements y afférents pour les enseignants de l’Ontario » était que la marque de commerce projetée décrivait une caractéristique notable d’un fonds de pension pour les enseignants et qu’elle tombait donc sous le coup de l’alinéa 12(1)b) de la Loi. La marque de commerce donne donc une description claire « même si elle ne décrit pas l’administration, la gestion ou l’investissement des fonds de pension en question » (motifs du juge, par. 50).

 

[42]           Je passe maintenant à l’argument de l’appelant suivant lequel le jugement se contredit lui‑même en raison du fait que le juge déclare, au paragraphe 41 de ses motifs, que le mot « TEACHERS’ » ne donne pas une description claire des services fournis par l’appelant. Bien qu’il soit vrai qu’au paragraphe 41 de ses motifs, le juge déclare qu’il est d’accord avec l’appelant pour dire que le mot « TEACHERS’ » ne donne pas une description claire des services offerts par l’appelant, on ne saurait affirmer, comme le prétend l’appelant, que le juge aurait pour autant dû faire droit à son appel. Lorsqu’on rapproche la déclaration du juge des observations qu’il a faites aux paragraphes suivants de ses motifs, il est évident qu’il ne concluait pas que la marque de commerce ne donnait pas « une description claire » au sens de la Loi.

 

[43]           D’ailleurs, dans les paragraphes suivant le paragraphe 41 de ses motifs, le juge aborde la question de savoir si le mot « TEACHERS’ » donne une description claire de la nature ou de la qualité des services en liaison avec lesquels la marque de commerce était employée. En d’autres termes, son examen du mot « TEACHERS’ » en rapport avec l’administration d’un régime de pension ou d’un fonds de retraite l’a amené à conclure que ce mot donnait une description claire de la nature des services, à savoir une caractéristique distinctive notable des marchandises en question, ce qui empêchait la marque de commerce de devenir enregistrable.

 

[44]           La question qui se pose est donc celle de savoir quelle impression le mot « TEACHERS’ », interprété correctement en fonction de son contexte, créerait dans l’esprit d’une personne normale ou raisonnable. À mon avis, cette personne comprendrait aisément que l’appelant administre un régime de retraite pour les enseignants et qu’il offre des services de gestion et de placement en ce qui concerne la caisse de retraite des enseignants en question. En d’autres termes, lorsqu’on examine le mot « TEACHERS’ » employé en liaison avec les services de l’appelant, la conclusion qui viendrait spontanément à l’esprit de la personne raisonnable est, à mon humble avis, que le régime de retraite concerne des enseignants et que les services de gestion et de placement offerts en rapport avec la caisse de retraite sont des services de gestion et de placement offerts exclusivement au profit des enseignants.

 

[45]           La personne raisonnable n’a aucun effort d’imagination à faire pour conclure que la marque de commerce des appelants donne une description claire de la nature des services offerts par l’appelant. Il n’y a aucune incongruité en l’espèce. Les qualités des services offerts par l’appelant sautent aux yeux et la personne raisonnable n’a pas à suivre un raisonnement en plusieurs étapes pour être en mesure de déterminer la nature ou les qualités évoquées par la marque de commerce. Par conséquent, on ne saurait prétendre que la marque de commerce est de quelque façon suggestive et d’ailleurs l’appelant n’a pas formulé un tel argument. En d’autres termes, la seule signification possible du mot « TEACHERS’ » lorsqu’il est employé en liaison avec les services de l’appelant est une signification claire, évidente ou manifeste. Bien qu’à la page 225 de son article Oyen souligne qu’il n’est pas toujours facile d’établir une distinction entre les marques de commerce qui donnent une description et celles qui donnent une description claire, comme ce serait le cas s’agissant des nuances des couleurs d’un spectre, ce n’est pas le cas en l’espèce. Il n’est pas difficile de tracer la ligne de démarcation en l’espèce étant donné que, lorsqu’on examine la marque de commerce en la situant dans son contexte, les services offerts par l’appelant sont évidents.

 

[46]           Je suis convaincu que le mot « TEACHERS’ », qui permet de savoir clairement quelles sont les personnes dont l’appelant administre le régime de retraite et au profit desquelles sont rendus les services de gestion du fonds de retraite et de placement, décrit une caractéristique, une particularité ou un trait notable des services de l’appelant.

 

[47]           Je suis donc convaincu que le mot « TEACHERS’ » donne une description claire de la nature ou d’une qualité inhérente ou intrinsèque des marchandises de l’appelant. On ne m’a par conséquent pas convaincu que le juge a commis une erreur de droit ou qu’il a mal appliqué le critère applicable aux faits qui lui étaient soumis. Ainsi, peu importe que le critère applicable soit celui de la décision correcte ou celui de l’erreur manifeste et dominante, j’estime qu’il n’y a aucune raison de modifier la conclusion du juge suivant laquelle la registraire « avait raison de conclure que la marque “TEACHERS’” n’était pas enregistrable en application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi » (motifs du juge, par. 54).

 

Dispositif

[48]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel. Comme l’intimé n’a pas réclamé de dépens, je n’en adjugerais aucuns.

 

 

« M. Nadon »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, j.c.

 

« Je suis d’accord.

            Eleanor R. Dawson, j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑75‑11

 

INTITULÉ :                                                  CONSEIL DU RÉGIME DE RETRAITE DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS DE L’ONTARIO c. P.G.C.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 24 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE NADON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                        LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 21 février 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark L. Robbins

 

POUR L’APPELANT

 

Jacqueline Dais‑Visca

Abigail Brown

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bereskin et Parr LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.