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Date : 20120227

Dossier : A-263-11

Référence : 2012 CAF 66

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

KHAN KHOKHAR

appelant

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 février 2012

Jugement rendu oralement à l’audience à Toronto (Ontario), le 27 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                 LA JUGE DAWSON

 



 

Date : 20120227

Dossier : A-263-11

Référence : 2012 CAF 66

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

KHAN KHOKHAR

appelant

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 27 février 2012)

 

LA JUGE DAWSON

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Khan Khokhar à l’encontre d’une ordonnance rendue par la Cour fédérale le 7 juin 2011.

 

[2]               L’ordonnance, rendue dans le dossier de la Cour no IMM-3647-11, prévoyait ce qui suit :

a.                   la requête présentée par la demanderesse, Bhasmini Singh, afin d’obtenir une ordonnance sursoyant à son renvoi du Canada était rejetée;

b.                  l’ancien consultant en immigration de Mme Singh, M. Khokhar, était condamné à payer des dépens de 1 000 $;

c.                   une copie de l’ordonnance de la Cour devait [traduction] « être portée à l’attention des organismes dirigeants compétents dont M.  Khokhar pourrait être membre afin que soit prise toute mesure qu’ils jugent indiquée ».

 

[3]               M. Khokhar n’était pas partie à cette instance et n’a pas été avisé qu’une ordonnance serait rendue contre lui. À l’audience, le défendeur n’a pas demandé qu’un redressement soit ordonné à l’encontre de M. Khokhar.

 

[4]               Le juge a motivé dans les termes suivants sa décision d’accorder un redressement à l’encontre de M. Khokhar :

[traduction]

7.     J’agirais de façon négligente si je ne tenais pas compte des affidavits déposés par le défendeur concernant les activités de Khan Khokhar, un consultant en immigration qui a représenté la demanderesse dans le cadre de toutes ses démarches en matière d’immigration. M. Khokhar a écrit à Caribbean Airlines le 31 mai 2011 pour informer la compagnie que la demanderesse était enceinte et que sa grossesse présentait des complications. La lettre indiquait également : « Veuillez noter que si elle est autorisée à voyager à bord de vos appareils, vous serez tenus responsables de tout problème susceptible d’apparaître en conséquence. » M. Khokhar n’a pas transmis cette lettre au défendeur, mais la compagnie aérienne l’a fait tout juste avant l’audition de la demande de sursis ce matin. À mon avis, une telle lettre était inappropriée et le ton qui y était employé par le consultant était menaçant. En outre, j’estime qu’elle visait à empêcher le renvoi de la demanderesse malgré l’ordonnance de la Cour. Il faut prévenir une telle attitude qui porte atteinte au processus d’immigration et constitue un affront à la Cour. Je suis d’avis d’ordonner qu’une copie de la présente ordonnance soit portée à l’attention des organismes dirigeants compétents dont M.  Khokhar pourrait être membre afin que soit prise toute mesure qu’ils jugent indiquée.

 

a.          En outre, je suis d’avis que M. Khokhar devrait être personnellement condamné aux dépens en l’espèce.

 

b.      Pour ces motifs, la requête en sursis de la mesure de renvoi est rejetée et M. Khan Khokhar est condamné à payer personnellement au défendeur des dépens de 1 000 $.

 

 

[5]               La lettre de M. Khokhar était libellée comme suit :

 

[traduction] Nous représentons Mme Bhasmini Singh, qui, selon ce qui a été fixé par la Section de l’immigration de l’Agence des services frontaliers du Canada, doit quitter Toronto (Aéroport international Pearson) vers le Guyana à 23 h 30, le 7 juin 2011.

 

Nous devons vous aviser que l’Agence des services frontaliers du Canada n’a PAS révélé que la passagère, Bhasmini Singh (notre cliente), est enceinte, qu’elle devrait accoucher dans sept (7) semaines et que sa grossesse présente des complications. Son médecin a indiqué qu’elle doit rester alitée, qu’elle passe actuellement des tests et qu’elle consulte son gynécologue afin que des investigations plus poussées soient effectuées afin d’en savoir plus sur les complications.

 

Son médecin a indiqué qu’elle n’est pas en état de voyager avant son accouchement. Or, des démarches ont été faites en vue de son renvoi du Canada le 7 juin 2011 à bord de l’un de vos appareils. Vous trouverez ci‑joint des copies des pièces justificatives du docteur Allan H.H. Leung.

 

Veuillez noter que si elle est autorisée à voyager à bord de vos appareils, vous serez tenus responsables de tout problème susceptible d’apparaître en conséquence.

 

Nous espérons que cette information est suffisante. Toutefois, n’hésitez pas à communiquer avec le soussigné si vous avez besoin de renseignements additionnels.

 

Je vous remercie.

 

 

[6]               La lettre suivante du docteur Leung était jointe à la lettre de M. Khokhar :

 

[traduction] Cette patiente me consulte. Elle est enceinte et sa grossesse en est à son deuxième trimestre. Elle a commencé à avoir des vertiges et à se sentir faible et sur le point de défaillir pendant de courtes périodes. Ces symptômes sont liés à sa grossesse et aussi au stress et à l’anxiété qu’elle ressent à cause de son renvoi du Canada. Elle passe actuellement des tests et elle verra son gynécologue afin que des investigations plus poussées et un suivi soient effectués. Il lui est conseillé de ne pas voyager jusqu’à ce que ces investigations soient terminées et qu’elle ait consulté son gynécologue/obstétricien. Elle commencera bientôt son troisième trimestre; il est souhaitable qu’elle ne voyage pas avant son accouchement. 

 

Je vous prie d’agréer l’expression de mes meilleurs sentiments.

 

 

[7]               Dans le cadre du présent appel, l’intimé concède à juste titre que M. Khokhar avait le droit d’être avisé de l’intention de la Cour de rendre une ordonnance contre lui. Il concède également que M. Khokhar avait le droit de se faire entendre avant qu’une ordonnance soit rendue contre lui. La possibilité de se faire entendre englobait le droit de produire une preuve pour son compte et de contester la preuve de l’intimé. Or, M. Khokhar n’a pas été avisé de l’intention de la Cour et n’a pas eu la possibilité de se faire entendre.

 

[8]               L’intimé soutient cependant que la Cour n’a pas compétence pour entendre un appel visant une décision de la Cour fédérale si aucune question grave de portée générale n’a été certifiée (voir l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)). Il ne formule aucune observation relativement à l’application de l’alinéa 72(2)e) de la Loi, qui vise les décisions interlocutoires, et nous refusons d’examiner cette question.

 

[9]               L’alinéa 74d) de la Loi prévoit :

 Les règles suivantes s’appliquent à la demande de contrôle judiciaire :

 

d) le jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.

 Judicial review is subject to the following provisions:

 

(d) an appeal to the Federal Court of Appeal may be made only if, in rendering judgment, the judge certifies that a serious question of general importance is involved and states the question.

 

 

[10]           L’intention du législateur de limiter le droit d’appel des parties à une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de la Loi ressort de l’alinéa 74d). Cela étant dit, nous ne pouvons pas interpréter cette disposition comme si elle privait une non‑partie d’un droit d’appel dans les rares cas où une ordonnance est rendue à l’encontre d’une non‑partie sans que celle‑ci en soit avisée ou ait la possibilité de se faire entendre.

 

[11]           Par conséquent, nous rejetons la prétention de l’intimé selon laquelle nous n’avons pas la compétence voulue pour instruire le présent appel dans les circonstances particulières de l’espèce.

 

[12]           En ce qui concerne le bien-fondé de l’appel, nous n’avons pas l’obligation de faire montre de déférence à l’égard des conclusions du juge de la Cour fédérale alors que l’ordonnance faisant l’objet de l’appel a été rendue sans qu’aucun avis n’ait été donné à M. Khokhar et sans que ce dernier n’ait eu la possibilité de se faire entendre.

 

[13]           Compte tenu du dossier dont nous disposons en l’espèce, dont certains éléments sont décrits ci‑dessus, nous ne sommes pas convaincus que l’ordonnance faisant l’objet du présent appel peut être maintenue, en particulier parce que, à l’audience de la Cour fédérale, l’intimé n’a pas réclamé les dépens ou demandé un autre redressement à l’encontre de M. Khokhar.

[14]           Pour ces motifs, l’appel est accueilli avec dépens et l’ordonnance de la Cour fédérale est annulée en ce qui concerne M. Khokhar. Par souci de clarté, l’instruction de la Cour fédérale visant les organismes dirigeants dont ce dernier pourrait être membre est sans effet.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        A-263-11

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DU JUGE NEAR DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉE DU 7 JUIN 2011 DANS LE DOSSIER NO IMM-3647-11

 

INTITULÉ :                                                     KHAN KHOKHAR c.

                                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            Le 27 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LES JUGES DAWSON, TRUDEL ET STRATAS

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LA JUGE DAWSON

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Moustacalis

POUR L’APPELANT

 

Judy Michaely

Bradley Bechard

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Anthony Moustacalis

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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