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Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20120306

Dossier : A-280-11

Référence : 2012 CAF 74

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DEJA WARREN

défenderesse

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 mars 2012.

Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 mars 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                             LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 


Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20120306

Dossier : A-280-11

Référence : 2012 CAF 74

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DEJA WARREN

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 mars 2012)

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

[1]               La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si le juge‑arbitre a commis une erreur en ne concluant pas que le conseil arbitral (le conseil) avait conclu à tort que la somme de 12 000 $ reçue par la défenderesse constituait une indemnité pour la renonciation à un droit de réintégration. À notre avis, le juge‑arbitre a bien commis une erreur en ne corrigeant pas l’erreur du conseil. La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 

[2]               La défenderesse a travaillé pour la province de la Colombie-Britannique. À la suite d’un incident survenu à son lieu de travail, elle s’est absentée du travail pour des raisons médicales. Elle a fait une demande de prestations en vertu d’un régime d’assurance‑invalidité de courte durée (régime d’AICD). L’employeur a refusé sa demande. Elle a demandé et reçu des prestations de maladie de l’assurance‑emploi (prestations de maladie) du 25 octobre 2009 au 6 mars 2010, puis a demandé et reçu des prestations régulières de l’assurance‑emploi (prestations).

 

[3]               Pendant qu’elle recevait des prestations de maladie, la défenderesse a déposé un grief à l’égard du refus de l’employeur de lui verser des prestations en vertu du régime d’AICD. Les discussions entre le représentant syndical de la défenderesse et l’employeur ont abouti à un accord de règlement (l’accord), daté du 26 janvier 2010, prévoyant le règlement total et définitif de toutes les questions non résolues opposant la défenderesse et l’employeur. Aux termes de l’accord, l’employeur devait verser à la défenderesse la somme globale de 12 000 $, moins les retenues prévues par la loi, et lui fournir une lettre de recommandation neutre. La défenderesse devait démissionner de son poste, rendre les biens de son employeur, retirer son grief et exonérer son employeur de toute responsabilité à l’égard de toute réclamation pouvant découler de l’emploi ou de la cessation de l’emploi. La défenderesse a ensuite signé une exonération (contenant la clause habituelle de non‑reconnaissance de responsabilité), le 2 février 2010.

 

[4]               La défenderesse a informé la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) qu’elle avait reçu 9 600 $ (somme nette) de son employeur. La Commission a déduit 12 000 $ (somme brute) des prestations reçues par la défenderesse. La Commission a déterminé, après déduction, qu’il y avait un trop‑payé de 1 536 $.

 

[5]               Le conseil a conclu, en se fondant sur les arrêts de la Cour dans Canada c. Plasse (2000), 261 N.R. 380 (C.A.F.) (Plasse) et Meechan c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 368 (Meechan), que les sommes reçues pour renoncer à un droit de réintégration n’étaient pas des rémunérations déductibles. Il a estimé qu’au moment où elle avait conclu l’accord de règlement, la défenderesse avait le droit d’être réintégrée parce que son emploi n’avait pas pris fin, et qu’elle était donc en mesure de [traduction] « reprendre son travail ».

 

[6]               Le procureur général (la Couronne) a interjeté appel de la décision du conseil. Le juge‑arbitre a estimé que la question en litige en était une mixte de fait et de droit, assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable. Il a conclu qu’il était loisible au conseil de conclure que les sommes avaient été payées à la défenderesse en échange de sa renonciation à son droit de réintégration.

 

[7]               Tous conviennent qu’à moins que le paiement puisse être qualifié d’indemnité pour la renonciation au droit de réintégration, il peut être réparti selon les dispositions de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) et du Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96-332 (le Règlement).

 

[8]               À notre avis, le conseil, puis le juge‑arbitre, ont mal interprété la règle de droit établie dans les arrêts Plasse et Meechan. Le principe juridique qui se dégage de ces précédents a été énoncé succinctement dans l’arrêt Procureur général du Canada c. Cantin, 2008 CAF 192 (Cantin), où la Cour a affirmé que le droit à la réintégration en droit fédéral est le droit d’un employé de reprendre son travail à la suite d’un congédiement injustifié. Dans ces circonstances, l’indemnité reçue pour renoncer au droit de réintégration à la suite d’un congédiement injustifié ne constitue pas une rémunération au sens de la Loi et du Règlement (Cantin, par. 33). Toutefois, le congédiement injustifié est une condition préalable à l’existence du droit de réintégration.

 

[9]               La défenderesse n’a pas fait l’objet d’un congédiement injustifié. Au contraire, jusqu’à ce qu’elle remette sa démission, son employeur l’a considérée comme une employée absente. D’ailleurs, avant le règlement, la position de l’employeur était que la défenderesse pourrait faire l’objet d’une mesure disciplinaire à son retour au travail. La démission de la défenderesse était une modalité de l’accord de règlement; le droit à la réintégration n’avait pas pris naissance et n’était pas négociable. Le conseil a essentiellement considéré qu’un retour au statu quo équivalait à un droit de réintégration, ce qui n’est pas le cas. En n’interprétant et en n’appliquant pas correctement le droit, le conseil a commis une erreur. Son application de son interprétation erronée aux faits a rendu sa décision déraisonnable. Le juge‑arbitre a commis une erreur en ne corrigeant pas l’erreur du conseil.

 

[10]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision du juge‑arbitre sera annulée, et l’affaire sera renvoyée au juge‑arbitre en chef, ou au juge‑arbitre qu’il désignera, pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant pour acquis que le paiement reçu par la défenderesse ne constituait pas une indemnité pour la renonciation à un droit de réintégration. La Couronne n’a pas réclamé de dépens et aucuns ne seront adjugés.

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-280-11

 

APPEL D’UNE DÉCISION DU JUGE‑ARBITRE L.‑P. LANDRY, DATÉE DU 29 AVRIL 2011, CUB 76966.

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c. Deja Warren

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 6 mars 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LE JUGE EN CHEF BLAIS, LE JUGE EVANS ET LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Amy Smeltzer

POUR LE DEMANDEUR

 

Thomas J. Yachnin

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Thomas J. Yachnin

B.C. Government and Service Employee’s Union

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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