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Date: 20120418

Dossier : A‑249‑11

Référence : 2012 CAF 117

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

ARTHUR KEITH

appelant

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

intimé

 

ET ENTRE :

ARTHUR KEITH

appelant

et

FORCES CANADIENNES

intimée

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 mars 2012.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 avril 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                      LA JUGE SHARLOW


Date : 20120418

Dossier : A‑249‑11

Référence : 2012 CAF 117

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

ARTHUR KEITH

appelant

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

intimé

 

ET ENTRE :

ARTHUR KEITH

appelant

et

FORCES CANADIENNES

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Le docteur Arthur Keith interjette appel du jugement, répertorié sous 2100 CF 690, par lequel le juge O’Reilly de la Cour fédérale (le juge de première instance) a rejeté les deux demandes de contrôle judiciaire réunies concernant deux décisions distinctes de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission). Dans la première décision, qui porte la date du 3 février 2010, la Commission a, en vertu de l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la Loi), rejeté la plainte que l’appelant avait portée contre le Service correctionnel du Canada à la suite du refus de ce dernier d’examiner sa candidature à un poste supérieur qui exigeait que le candidat ait la qualité d’associé en psychiatrie du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (le Collège royal). Dans sa seconde décision, datée du 20 juillet 2010, la Commission a, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi, estimé irrecevable une plainte semblable portée par l’appelant contre les Forces canadiennes.

 

[2]               L’appelant, qui est né et a fait ses études aux États‑Unis, allègue dans ses plaintes que l’obligation d’avoir la qualité d’associé du Collège royal constitue de la discrimination fondée sur l’origine nationale ou ethnique du fait qu’elle exclue la candidature des psychiatres ayant effectué leurs études à l’étranger. Il ajoute l’âge comme motif de discrimination dans la plainte qu’il a portée contre le Service correctionnel, alléguant qu’en tant que candidat plus âgé, il a moins de chances de franchir avec succès les étapes du processus d’agrément comme associé du Collège royal.

 

[3]               Pour justifier son rejet de la plainte portée contre le Service correctionnel, la Commission a conclu: a) que la qualité d’associé du Collège royal était nécessaire pour pouvoir s’acquitter des fonctions du poste en question; b) que la norme d’embauche relative à la qualité d’associé du Collège royal ne constituait pas, à première vue, une discrimination fondée sur un motif de distinction illicite.

 

[4]               Pour estimer irrecevable la plainte portée contre les Forces canadiennes, la Commission a expliqué que le fond de cette plainte visait le Collège royal et qu’elle n’avait pas compétence sur cette organisation.

 

[5]               Le juge de première instance a abondé dans le sens de la Commission et a par conséquent rejeté les deux demandes de contrôle judiciaire.

 

Contexte

            Agrément des médecins spécialistes

[6]               Comme les plaintes portées par l’appelant concernent les titres de compétence professionnelle des médecins, il est utile de rappeler d’abord les renseignements contenus au dossier au sujet de la procédure suivie en Ontario pour l’agrément des médecins spécialistes.

 

[7]               L’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario (l’OMCO) exerce son mandat conformément à la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées, L.O. 1991, ch. 18, et de la Loi de 1991 sur les Médecins, L.O. 1991, ch. 30. Il règlemente l’exercice de la médecine en Ontario dans le but de protéger et de servir l’intérêt public. Il délivre des certificats d’inscription aux médecins pour leur permettre d’exercer la médecine en Ontario, élabore des normes d’exercice de la profession et en assure le respect au moyen d’évaluations par des pairs et de mesures de correction, fait enquête au nom du public sur les plaintes visant des médecins et inflige des sanctions disciplinaires aux médecins qui peuvent avoir commis une faute professionnelle ou s’être rendus coupables d’incompétence (voir l’examen des pratiques réalisé en 2007 par le Bureau du commissaire à l’équité de l’Ontario (l’Examen de 2007) (dossier d’appel, aux pages 212 et 213).

 

[8]               Suivant l’Examen de 2007, les exigences suivantes ont été adoptées par l’OMCO relativement à l’obtention d’un certificat de pratique indépendante comme médecin en Ontario (dossier d’appel, aux pages 216 et 217) :

• Un diplôme en médecine d’une école de médecine canadienne ou américaine ou d’une école de médecine acceptable dont le nom figure dans le Répertoire mondial des écoles de médecine.

 

• La réussite des parties 1 et 2 de l’examen d’aptitude du Conseil médical du Canada [...]

 

• L’inscription à l’issue d’un examen administré soit par le [Collège royal] soit par le Collège des médecins de famille du Canada [...]

 

-          Pour être admissible aux examens d’admission du [Collège royal], les auteurs d’une demande doivent d’abord terminer un programme de résidence, habituellement au Canada.

 

[...]

 

• Une année de formation postdoctorale ou d’exercice actif de la médecine au Canada, ou un internat clinique complet dans une école de médecine canadienne reconnue.

 

• La citoyenneté canadienne ou le statut de résident permanent, ou un visa de travail.

 

[9]               Les médecins souhaitant être reconnus par l’OMCO comme spécialistes médicaux doivent également être agréés comme spécialistes dans leur domaine par le Collège royal, s’agissant de l’organisme national chargé de l’agrément des spécialistes sur tout le territoire canadien dans tous les domaines de la médecine et de la chirurgie, à l’exception de la médecine familiale (voir l’introduction du document du Collège royal intitulé Normes générales applicables à tous les programmes de résidence, à la page 144).

 

[10]           Le Collège royal a créé diverses voies d’accès au certificat d’inscription pour que les médecins spécialistes qualifiés, y compris les diplômés internationaux en médecine, puissent être dûment inscrits au tableau de l’ordre du Collège royal. Ces diverses voies d’accès sont exposées de la manière suivante dans l’Examen de 2007. Elles comprennent des mesures visant à tenir compte de la formation internationale reçue par les diplômés internationaux en médecine (dossier d’appel, aux pages 220 et 221) :

 

‑ Voie traditionnelle (p. ex., formation et examen agréés par le [Collège royal]).

 

‑ Certificat lié à un poste universitaire (au Canada et à l’extérieur du Canada) : La voie d’accès au certificat d’inscription du [Collège royal] aide les universités de médecine canadiennes à recruter et à conserver les spécialistes formés à l’étranger comme membres à temps plein du corps professoral clinique.

 

‑ Formation approuvée par un organisme membre (pour [les diplômés internationaux en médecine]) : Il y a 29 membres internationaux que le [Collège royal] a évalués et jugés conformes à ses critères. Le [Collège royal] évalue la formation individuelle des diplômés reconnue par ces organismes pour établir la mesure dans laquelle elle répond à ses exigences en matière de formation.

 

‑ Évaluation de l’aptitude à pratiquer [pour les diplômés internationaux en médecine] : ce processus […] s’adresse aux [diplômés internationaux en médecine] au Canada qui détiennent un certificat d’un organisme étranger.

 

‑ Évaluation de la compétence individuelle des [diplômés internationaux en médecine] : Le Comité des titres du [Collège royal] a élaboré un ensemble de critères pour l’évaluation de la formation individuelle des diplômés en médecine formés à l’étranger.

 

[...]

 

[11]           De plus, l’une des fonctions importantes du Collège royal consiste à agréer les programmes de résidence partout au Canada. Plus de 700 programmes parrainés par des universités sont actuellement agréés par le Collège royal, qui a adopté des normes générales et particulières à cette fin (voir l’introduction du document du Collège royal intitulé Normes générales applicables à tous les programmes de résidence, dossier d’appel, à la page 144; voir également des exemples de ces normes aux pages 132 à 161 du dossier d’appel).

 

[12]           Il importe toutefois de signaler pour les besoins du présent appel que l’OMCO a récemment adopté une nouvelle politique qui prévoit que les médecins qui sont titulaires d’un certificat de pratique indépendante en Ontario et qui exercent la médecine dans une spécialité sans avoir obtenu l’agrément du Collège royal peuvent présenter une demande en vue d’être reconnus comme spécialistes dans une discipline autre que la médecine familiale. Suivant cette nouvelle politique, pour être reconnu comme spécialiste, le candidat doit réussir une évaluation axée sur la pratique (l’OMCO évalue la façon dont il exerce la médecine en Ontario) et avoir suivi un cycle d’une année de formation professionnelle continue (voir le feuillet de renseignements de l’OMCO, dossier d’appel, aux pages 203 et 204).

 

            Faits à l’origine des plaintes

[13]           Né en 1950, le docteur Keith a fait ses études et a reçu sa formation aux États‑Unis comme médecin et psychiatre. Il a été agréé aux États‑Unis comme spécialiste en psychiatrie par l’American Board of Psychiatry and Neurology. Il est ensuite venu s’installer au Canada et il a maintenant la double citoyenneté américaine et canadienne. En 1989, à l’âge de 39 ans, alors qu’il vivait toujours au Tennessee, il a demandé au Collège royal de le reconnaître comme spécialiste en psychiatrie (voir l’annexe D de l’affidavit souscrit le 5 avril 2010 par Luz Sucilan, dossier d’appel, aux pages 72 à 89).

 

[14]           Le Collège royal a examiné ses titres de compétence et a reconnu la plus grande partie de la formation qu’il avait reçue aux États‑Unis. Par conséquent, pour pouvoir satisfaire aux exigences du Collège royal, le docteur Keith n’avait besoin que de réussir un examen écrit, faire un stage de résidence de six mois en pédopsychiatrie et subir un examen oral en psychiatrie (voir l’annexe D de l’affidavit souscrit le 5 avril 2010 par Luz Sucilan, dossier d’appel, aux pages 72 à 89).

 

[15]           En 1990, le docteur Keith a échoué à l’examen écrit du Collège royal. Il a par la suite réussi le volet écrit de l’examen en 1992. Il a également fait six mois de résidence en psychiatrie pour enfants et adolescents à l’Université du Manitoba (voir l’annexe D de l’affidavit souscrit le 5 avril 2010 par Luz Sucilan, dossier d’appel, aux pages 72 à 89).

 

[16]           Toutefois, en novembre 1992, le jury d’examen en psychiatrie du Collège royal a estimé que le docteur Keith avait échoué à l’examen oral. À la suite d’un deuxième examen oral tenu en juin 1993, le jury d’examen a de nouveau estimé que l’appelant avait échoué. Finalement, après s’être présenté pour une troisième fois à son examen oral, M. Keith a été informé le 26 novembre 1993 par le Collège royal qu’il n’avait toujours pas réussi à obtenir la note de passage, que sa période d’admissibilité pour se présenter aux examens avait expiré et qu’il devait s’adresser au Comité des titres pour faire renouveler son admissibilité. Le 10 décembre 1993, le Collège royal a informé le docteur Keith qu’il devait fournir des renseignements complémentaires au sujet de sa formation et de son expérience et que, si son admissibilité était renouvelée, il lui faudrait se présenter à nouveau à l’examen écrit. Le docteur Keith a choisi de ne pas demander le renouvellement de son admissibilité (voir l’annexe D de l’affidavit souscrit le 5 avril 2010 par Luz Sucilan, dossier d’appel, aux pages 72 à 89).

 

[17]           Pendant une période de temps qui n’a pas été précisée, le docteur Keith a exercé la médecine en Ontario en vertu d’un certificat de pratique indépendante délivré par l’OMCO. Même si, formellement, il était un médecin généraliste, il semble qu’il ait surtout exercé en psychiatrie. En 2007, il a fait l’objet d’une évaluation de ses spécialités par l’OMCO en vertu de la politique que l’Ordre venait d’adopter et qui s’appliquait à tous les médecins titulaires d’un certificat de pratique indépendante en Ontario qui exerçaient la médecine dans une spécialité sans avoir été agréés par le Collège royal. En vertu de cette nouvelle politique, le docteur Keith est maintenant reconnu par l’OMCO comme spécialiste en psychiatrie. Le docteur Keith affirme que l’agrément qu’il vient d’obtenir en Ontario comme spécialiste en vertu de cette nouvelle politique équivaut à un agrément délivré par le Collège royal et qu’il devrait être reconnu comme tel par ses éventuels employeurs (voir la plainte du 13 décembre 2008, dossier d’appel, à la page 47).

 

[18]           Le 15 avril 2008, le docteur Keith a communiqué avec Calian – une entreprise faisant affaire avec le ministère de la Défense nationale pour offrir les services de médecins civils aux Forces canadiennes – au sujet d’éventuels postes pour des psychiatres civils dans les bases des Forces canadiennes. Il s’est porté candidat à deux postes qui étaient vacants à l’époque, un à Cold Lake, en Alberta, et l’autre à Pembroke, en Ontario, et ce, malgré le fait que la description de travail de chacun de ces postes exigeait que le candidat ait la qualité d’associé du Collège royal. Calian a examiné sa candidature sous réserve de la vérification de ses compétences professionnelles et de leur acceptation par le ministère de la Défense nationale (voir la plainte modifiée du 13 février 2009, dossier d’appel, à la page 516).

 

[19]           De plus, après avoir appris, en lisant le numéro du 5 août 2008 du Medical Post, que le Service correctionnel du Canada cherchait à combler le poste de directeur du Service de psychiatrie au Centre régional de traitement du Service correctionnel du Canada à Kingston, en Ontario, le docteur Keith s’est porté candidat à ce poste, même si le candidat devait avoir qualité d’associé du Collège royal (plainte du 13 décembre 2008, dossier d’appel, à la p. 46).

 

[20]           Le 29 août 2008, Calian a informé le docteur Keith que l’exigence relative à la qualité d’associé en psychiatrie du Collège royal s’appliquait aussi aux postes de psychiatres offerts dans les bases des Forces canadiennes. Le docteur Keith a déposé une plainte à la Commission le 20 octobre 2008 contre le ministère de la Défense nationale dans laquelle il alléguait qu’il faisait l’objet d’une discrimination fondée sur son origine nationale. Cette plainte a par la suite été modifiée pour tenir compte du fait qu’elle était formulée contre les Forces canadiennes (plainte modifiée, dossier d’appel, aux pages 516 et 517). Voici les conclusions de sa plainte modifiée :

            [traduction]

Le fait que les Forces canadiennes insistent pour que les candidats possèdent des titres de compétence spécialisée canadiens est discriminatoire. Suivant l’Ontario, les titres de compétence professionnelle qui m’ont été reconnus équivalent au statut d’associé du Collège royal. Il semble que la seule raison pour laquelle on refuse ma candidature à des postes de psychiatre civil au sein des Forces canadiennes soit le fait que mon agrément comme spécialiste ne soit pas canadien.

 

Le fait de m’obliger à avoir la qualité d’associé du Collège royal constitue une discrimination illicite fondée sur l’origine nationale (non canadienne) et a pour effet d’exclure des postes offerts au sein des Forces canadiennes les médecins (dont moi) qui possèdent des titres de compétence équivalents d’autres pays. La santé est de compétence provinciale (et non fédérale). Or, la province reconnaît que mes titres de compétence professionnelle étrangers équivalent à des titres de compétence professionnelle canadiens. Dans ces conditions, la décision suivant laquelle je ne suis pas admissible à me porter candidat à des postes civils pour exercer la psychiatrie militaire constitue un traitement discriminatoire fondé sur mes origines nationales (non canadiennes).

 

[21]           Le 6 novembre 2008, le docteur Keith a également été informé que le Service correctionnel du Canada ne pouvait renoncer à l’exigence relative à la qualité d’associé en psychiatrie du Collège royal et qu’il ne répondait donc pas aux exigences du poste de directeur du Service de psychiatrie au Centre régional de traitement de Kingston. Le 13 décembre 2008, le docteur Keith a déposé auprès de la Commission une autre plainte dans laquelle il alléguait cette fois‑ci qu’il était victime de discrimination fondée sur l’origine ethnique de la part du Service correctionnel (plainte modifiée du 13 décembre 2008, dossier d’appel, aux pages 46 et 47).

 

Procédure devant la Commission et décisions de la Commission

            La plainte portée contre le Service correctionnel du Canada

[22]           La plainte portée contre le Service correctionnel a été examinée par la Commission sur le fondement des articles 43 et 44 de la Loi. Les paragraphes 43(1), 44(1) et 44(3) disposent :

 (1) La Commission peut charger une personne, appelée, dans la présente loi, « l’enquêteur », d’enquêter sur une plainte.

 

 (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

 

 

[…]

 

*       (3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

*                 a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

*             (i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci est justifié,

*             (ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

 

*                 b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

*             (i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié,

*             (ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

[…]

 (1) The Commission may designate a person, in this Part referred to as an “investigator”, to investigate a complaint.

 

 (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

 

*       (3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

*                 (a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

*             (i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

*             (ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

*                 (b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

*             (i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

*             (ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

[23]           L’enquête a été menée par un membre supérieur du personnel de la Commission, Mme Bonnie Rittersporn, qui a mené des entrevues téléphoniques avec a) M. Ron Stolz, coordonnateur antiharcèlement pour l’Ontario au Service correctionnel du Canada (15 juin 2009), b) Mme Josée Lavergne, adjointe administrative, Services aux membres du Collège royal (15 juin 2009), c) Mme Emily Stevenson, directrice du Comité des titres au Collège royal (15 juin 2009) et d) le docteur Keith (13 juin 2009).

 

[24]           À la suite de ces entrevues, Mme Rittersporn a recommandé le rejet de la plainte en application de l’article 44(3)b) de la Loi au motif que [traduction] « les éléments de preuve recueillis au cours de la présente évaluation ne permettent pas de conclure que le plaignant s’est vu refuser une possibilité d’emploi en raison d’un ou de plusieurs motifs de distinction illicite » (rapport d’évaluation de juillet 2009, dossier d’appel, à la page 40).

 

[25]           Mme Rittersporn a notamment conclu ce qui suit :

a.       la qualité d’associé du Collège royal et la reconnaissance de la qualité de spécialiste par l’OMCO sont deux choses différentes : la première suppose l’application de normes nationales, tandis que la seconde a trait au permis d’exercer la médecine en Ontario (rapport d’évaluation, aux paragraphes 23, 26, 27 et 34, dossier d’appel, aux pages 39 et 40);

b.      le processus d’agrément du Collège royal tient compte de la formation et des titres de compétence obtenus à l’étranger lorsqu’il s’agit de reconnaître la qualité d’associé (rapport d’évaluation, aux paragraphes 28, 29, 31, 32 et 35, dossier d’appel, aux pages 39 et 40);

c.       le poste de directeur du Service de psychiatrie au Centre régional de traitement de Kingston exige que le titulaire ait la qualité d’associé du Collège royal, compte tenu des exigences du programme de formation médicale que le Centre appuie (rapport d’évaluation, aux paragraphes 37 et 38, dossier d’appel, à la page 40);

d.      le Collège royal relève de la compétence provinciale et, comme la Commission n’a aucune compétence législative sur le Collège royal, la question de savoir si son processus d’agrément est discriminatoire ou non ne sera pas examinée (dossier d’appel, à la page 40).

 

[26]           Le rapport d’évaluation a été soumis au docteur Keith pour recueillir ses observations. L’avocat du docteur Keith a fait part de ses nombreuses observations. Il a notamment critiqué le rapport qui était, selon lui, entaché de diverses erreurs. Il a notamment contesté l’obligation relative à la qualité d’associé du Collège royal exigée par le programme de formation médicale appuyé par le Centre. Le docteur Keith souhaitait également ajouter l’âge comme nouveau motif de discrimination à l’appui de sa plainte. Il alléguait en particulier que les médecins d’origine étrangère avaient tendance à se présenter aux examens écrits du Collège royal plus tard dans leur carrière et qu’ils étaient donc plus âgés lorsqu’ils se présentaient à ces examens. Il alléguait également que les candidats plus âgés étaient davantage susceptibles d’échouer à leurs examens que leurs collègues plus jeunes (observations formulées par le plaignant au sujet de l’évaluation préliminaire, dossier d’appel, aux pages 62 à 71).

 

[27]           Compte tenu de ces observations, Mme Rittersporn a procédé à une enquête supplémentaire à la suite de laquelle elle a élaboré un rapport d’évaluation complémentaire, daté du 28 octobre 2009. Dans ce rapport, elle rejetait implicitement l’argument du docteur Keith suivant lequel il n’était pas nécessaire d’avoir la qualité d’associé pour satisfaire aux exigences du programme de formation médicale appuyé par le Centre (rapport d’évaluation complémentaire, aux paragraphes 20 à 22, dossier d’appel, aux pages 43 et 44). Comme dans le premier rapport d’évaluation, elle a également souligné le fait que [traduction] « comme le [Collège royal] relève de la compétence provinciale et comme la Commission n’a aucune compétence législative sur le Collège royal, la question de savoir si son processus d’agrément est discriminatoire ou non ne sera pas examinée dans le présent rapport » (rapport d’évaluation complémentaire, au paragraphe 14, dossier d’appel, à la page 43). De plus, elle a également rejeté explicitement l’allégation de discrimination fondée sur l’âge, estimant que le plaignant n’avait pas démontré qu’il y a discrimination à première vue (rapport d’évaluation complémentaire, aux paragraphes 29 à 31, dossier d’appel, à la page 45) : 

            [traduction]

29. Le plaignant s’est présenté pour la première fois à l’examen écrit en 1990, à l’âge de 40 ans. Il s’est de nouveau présenté à l’examen écrit en 1992, à l’âge de 42 ans. Entre novembre 1992 et novembre 1993, le plaignant s’est présenté à trois reprises à un examen oral, mais il a échoué à chaque fois. Il attribue cet échec à l’âge qu’il avait au moment où il a subi ses examens. Seize ans plus tard, en 2008, le plaignant s’est porté candidat au poste offert par l’intimé. Comme l’une des exigences du poste était l’obligation d’avoir la qualité d’associé [du Collège royal] et comme il ne répondait pas à cette condition, le plaignant soutient que l’examen qu’il a subi quelque seize ans plus tôt était discriminatoire et que l’obligation imposée par l’intimé en ce qui concerne la qualité d’associé est également discriminatoire.

 

30. L’intimé a invoqué des raisons légitimes non discriminatoires pour exiger la qualité d’associé [du Collège royal].

 

31. La preuve présentée par le plaignant n’établit pas de lien entre le présumé acte discriminatoire et un motif de distinction illicite et l’évaluation n’a pas permis d’établir un tel lien. Vu l’ensemble de la preuve, le fait que le plaignant n’a pas obtenu le poste n’est lié à aucun motif de distinction illicite.

 

[28]           Encore une fois, l’appelant a eu l’occasion de formuler ses observations au sujet du rapport d’évaluation complémentaire et il a une fois de plus fait valoir son point de vue par le truchement de son avocat, qui a contesté les conclusions et les recommandations du rapport (observations formulées par le plaignant au sujet de l’évaluation préliminaire complémentaire, dossier d’appel, aux pages 99 à 108).

 

[29]           La Commission a examiné les deux rapports ainsi que les observations détaillées présentées par le docteur Keith en réponse à ces rapports et a décidé, en application de l’alinéa 44(3)b) de la Loi, de rejeter la plainte au motif que [traduction] « les éléments de preuve recueillis au cours de la présente évaluation ne permettent pas de conclure que le plaignant s’est vu refuser une possibilité d’emploi en raison d’un ou de plusieurs motifs de distinction illicite » (lettre du 3 février 2010 de la Commission, dossier d’appel, à la page 35).

 

            La plainte portée contre les Forces canadiennes

[30]           La Commission a procédé différemment en ce qui concerne la plainte visant les Forces canadiennes. Ces dernières soutenaient que la plainte devait être portée contre Calian dans le cadre d’une enquête menée en vertu de la législation provinciale sur les droits de la personne, étant donné que Calian était l’entreprise qui lui fournissait les services de médecins civils (lettre du 15 mai 2009 du ministère de la Défense nationale, dossier d’appel, aux pages 532 à 535).

 

[31]           En conséquence, au lieu d’examiner la plainte en vertu des articles 43 et 44 de la Loi, la Commission a plutôt cherché à déterminer, à titre préliminaire, si la plainte était de sa compétence. L’alinéa 41(1)c) de la Loi dispose :

*        (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants :

*       ]

c) la plainte n’est pas de sa compétence;

*        (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

*      

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

 

[32]           Pour l’aider à trancher cette question préliminaire, la Commission a demandé à l’un des membres de son personnel, M. Dean Steacy, de faire rapport sur la question de la compétence de la Commission à l’égard de Calian. À cette fin, M. Steacy a invité les parties à lui fournir des observations détaillées, ce qu’elles ont fait.

 

[33]           M. Steacy a remis le 31 mars 2010 un « rapport relatif aux articles 40 et 41 » dans lequel il recommandait le rejet de la prétention que les Forces canadiennes n’étaient pas l’employeur aux fins de la plainte présentée sous le régime de la Loi. M. Steacy a par conséquent conclu que la Commission devait exercer son pouvoir discrétionnaire en statuant sur la plainte en vertu de la Loi (Rapport relatif aux articles 40 et 41, au paragraphe 28, dossier d’appel, à la page 512).

 

[34]           Sans avoir eu l’avantage de connaître les conclusions d’une enquête menée en vertu de l’article 43, M. Steacy a ensuite analysé la plainte sur le fond, à la lumière des observations reçues au sujet de la question de la compétence de la Commission sur Calian. Il a conclu que la condition relative à la qualité d’associé du Collège royal semblait une exigence neutre et qu’en conséquence, le fait que la candidature du docteur Keith avait été exclue n’avait rien à voir avec son origine nationale (Rapport relatif aux articles 40 et 41, au paragraphe 49, dossier d’appel, à la page 515). M. Steacy a également examiné les politiques et la procédure d’agrément et d’octroi de la qualité d’associé du Collège royal et a estimé qu’à première vue elles n’étaient pas discriminatoires (Rapport relatif aux articles 40 et 41, au paragraphe 47, dossier d’appel, aux pages 514 et 515). Quant à l’allégation du docteur Keith suivant laquelle les méthodes d’évaluation et les examens du Collège royal étaient eux‑mêmes discriminatoires, M. Steacy a fait observer que, comme le Collège royal relevait de la compétence provinciale, il était préférable que cette allégation soit examinée par une commission provinciale des droits de la personne (Rapport relatif aux articles 40 et 41, au paragraphe 48, dossier d’appel, à la page 515).

 

[35]           À la suite de la publication du Rapport relatif aux articles 40 et 41, la Commission a, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi, estimé que la plainte était irrecevable, en adoptant à cette fin l’analyse suivante figurant dans le rapport (dossier d’appel, aux pages 505 et 506) :

            [traduction] 

Il ressort de l’examen des documents fournis par les parties que les [Forces canadiennes] exigent que le candidat à un poste de psychiatre ait qualité d’associé du [Collège royal]. Il est par ailleurs évident que Calian avait l’obligation d’appliquer la même norme à tous les candidats en exigeant qu’ils aient la qualité d’associés du [Collège royal].

[...]

Le docteur Keith soutient que la procédure d’évaluation des compétences et les examens du Collège royal eux‑mêmes sont discriminatoires. Toutefois, comme le [Collège royal] relève de la compétence provinciale et que la [Commission] n’a aucune compétence législative sur le Collège royal, il serait préférable que l’allégation du docteur Keith suivant laquelle le processus d’agrément est discriminatoire soit examinée dans le cadre d’une plainte déposée devant une commission provinciale des droits de la personne.

[…]

Il ressort des documents soumis par les deux parties que les Forces canadiennes ont communiqué à Calian les qualifications et les conditions qui devaient être respectées pour se porter candidat à un poste de psychiatre et que ces conditions [ont été] appliquées à tous les candidats, de sorte que l’exigence relative à la qualité d’associé du [Collège royal] semble être neutre. À cet égard, bien qu’il soit vrai que les médecins qui ont été formés à l’étranger doivent faire vérifier et confirmer leurs titres de compétence pour pouvoir obtenir un agrément équivalent à celui d’« associé » [du Collège royal], il en va de même pour les médecins canadiens qui ont reçu leur formation à l’extérieur du Canada. De plus, indépendamment de son origine nationale ou ethnique, toute personne qui a été formée comme psychiatre au Canada et qui a obtenu un permis d’exercice de la psychiatrie dans une province canadienne doit faire évaluer et reconnaître ses études et ses qualifications par le [Collège royal] et avoir la qualité d’associé du [Collège royal] pour être en mesure de se porter candidate. Dès lors que la décision de Calian de ne pas engager le docteur Keith reposait sur des critères fixés par les [Forces canadiennes], les qualifications du docteur Keith ont fait l’objet du même examen que pour tout autre candidat. Le fait que la candidature du docteur Keith ait été écartée n’avait rien à voir avec ses origines nationales ou ethniques. La décision reposait plutôt sur le fait que le docteur Keith n’avait pas la qualité d’associé du [Collège royal].

 

Motifs du juge de première instance

[36]           Le juge de première instance a appliqué la norme de la décision raisonnable pour contrôler la décision de la Commission de rejeter, en application de l’alinéa 44(3)b) de la Loi, la plainte portée contre le Service correctionnel et la norme de la décision correcte à la décision de la Commission de déclarer irrecevable, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi, la plainte portée contre les Forces canadiennes au motif que cette plainte n’était pas de sa compétence (motifs, aux paragraphes 16, 19, 23 et 28).

 

[37]           Le juge de première instance a estimé que le rejet de la plainte portée contre le Service correctionnel était raisonnable, étant donné que « [f]aute de preuve du caractère manifestement discriminatoire de la norme en question, ou du fait que le SCC [le Service correctionnel] appliquait cette norme dans un but de discrimination, il est clair que la plainte du Dr Keith visait en fait le [Collège royal], et non le SCC. Il n’était par conséquent pas déraisonnable de conclure que l’examen de la plainte ne se justifiait pas » (Motifs, au paragraphe 19).

 

[38]           Quant à la plainte portée contre les Forces canadiennes, le juge de première instance a estimé que c’était à bon droit que la Commission avait conclu que la plainte du docteur Keith visait en réalité le Collège royal et que la Commission n’avait par conséquent pas compétence pour enquêter sur cette plainte (Motifs, au paragraphe 29).

 

[39]           Le juge de première instance a également estimé qu’eu égard aux circonstances de la présente affaire, l’enquête menée par la Commission sur les deux plaintes était suffisamment approfondie (Motifs, aux paragraphes 20 à 23 et 30 et 31).

 

Questions en litige

[40]           Le présent appel soulève les questions suivantes :

a.       La norme de contrôle applicable.

b.      L’application de la Loi à des qualifications professionnelles provinciales adoptées comme normes d’embauche par un employeur relevant de la compétence fédérale.

c.       La question de savoir si la Commission a commis une erreur en rejetant en application de l’alinéa 44(3)b) de la Loi la plainte portée contre le Service correctionnel du Canada.

d.      La question de savoir si la Commission a commis une erreur en estimant, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi, que la plainte portée contre les Forces canadiennes était irrecevable parce qu’elle ne relevait pas de sa compétence.

 

A. Norme de contrôle

[41]           S’agissant de l’appel d’un jugement relatif à une demande de contrôle judiciaire, le rôle de notre Cour consiste à déterminer si le juge de première instance a arrêté et appliqué la bonne norme de contrôle et, dans la négative, à examiner la décision contestée à la lumière de la norme applicable. Le choix de la norme de contrôle appropriée par le juge de première instance est en soi une question de droit assujettie à la norme de la décision correcte (Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 43; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100, au paragraphe 35; Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2006 CAF 31, [2006] 3 R.C.F. 610, aux paragraphes 13 et 14; Yu c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 42, au paragraphe 19).

 

Norme de contrôle applicable à la décision de rejeter, en application de l’alinéa 44(3)b) de la Loi, la plainte portée contre le Service correctionnel du Canada

 

[42]           À l’issue de l’enquête menée sur une plainte conformément au paragraphe 43(1) de la Loi, et sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe 44(1), la Commission doit soit demander au président du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) d’instruire la plainte visée par le rapport si elle est convaincue que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, l’examen de celle‑ci est justifié, soit rejeter la plainte, si elle est convaincue, compte tenu de l’ensemble des circonstances, que l’examen de la plainte n’est pas justifié (paragraphe 44(3) de la Loi).

 

[43]           Pour décider si la plainte devrait être instruite par le Tribunal, la Commission procède à un examen préalable assez semblable à celui qu’un juge effectue lors d’une enquête préliminaire, en ce sens qu’elle doit décider si, vu l’ensemble des faits dont elle dispose, l’examen de la plainte par le Tribunal est justifié. L’élément central du rôle qui est confié à la Commission consiste donc à évaluer la suffisance des éléments de preuve qui lui sont soumis, c’est‑à‑dire à déterminer si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante. De plus, la décision de la Commission est discrétionnaire (Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10 (Halifax), aux paragraphes 23 à 25; Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, au paragraphe 53; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, aux pages 898 et 899).

 

[44]           Il est bien établi que la décision de la Commission de renvoyer une plainte au Tribunal est susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable (Halifax, aux paragraphes 27, 40 et 44 à 53; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113 (C.A.), au paragraphe 38). Dans l’arrêt Halifax, le juge Cromwell s’est récemment penché sur la question de la norme de contrôle applicable en pareil cas. Il a conclu que « le tribunal de révision qui contrôle la décision de la Commission de demander la nomination d’une commission chargée d’enquêter sur une plainte doit se demander si la loi ou la preuve offre un fondement raisonnable à cette décision » (Halifax, au paragraphe 53). Même si l’arrêt Halifax portait sur les fonctions d’examen préalable exercées par la Commission des droits de la personne de la Nouvelle‑Écosse, les conclusions que la Cour a tirées dans cet arrêt s’appliquent tout autant aux fonctions d’examen préalable qui sont attribuées à la Commission canadienne des droits de la personne (Halifax, au paragraphe 52).

 

[45]           En l’espèce, la Cour n’est pas appelée à examiner la décision de renvoyer une plainte au Tribunal : la Commission a décidé de rejeter la plainte. À mon avis, lorsque la Commission rejette une plainte en application de l’alinéa 43(3)b) de la Loi, il y a lieu de procéder à un examen plus poussé.

 

[46]           Le juge Cromwell a bien pris soin de préciser que la conclusion tirée dans l’arrêt Halifax ne valait que pour les cas où la plainte est renvoyée à un tribunal en vue d’un examen plus poussé. En pareil cas, tout intéressé peut faire valoir son point de vue et soumettre des éléments de preuve appropriés à la seconde étape du processus; en conséquence, le fait de renvoyer la plainte pour qu’elle soit examinée plus à fond ne constitue pas une décision définitive sur la plainte. Comme le juge Cromwell le fait observer au paragraphe 15 de l’arrêt Halifax, « [l]a seule mesure prise par la Commission avait été de renvoyer la plainte à une commission d’enquête. Elle n’avait tranché aucune question sur le fond » (voir également les paragraphes 23 et 50 de l’arrêt Halifax). Le rejet ordonné en vertu de l’alinéa 44(3)b) de la Loi a toutefois pour effet d’empêcher la Commission et le Tribunal de poursuivre l’examen ou l’instruction de la plainte.

 

[47]           La décision de la Commission de rejeter la plainte en vertu de l’alinéa 44(3)b) de la Loi est une décision définitive qui intervient normalement dès les premières étapes, mais en pareil cas – contrairement à la décision par laquelle la Commission déclare la plainte irrecevable en vertu de l’article 41 –, la Commission rend sa décision à la lumière de l’enquête menée aux termes de l’article 43. Cette décision est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable, mais, ainsi qu’il a été précisé dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 59, et récemment réitéré dans l’arrêt Halifax, au paragraphe 44, la raisonnabilité constitue une notion unique qui « s’adapte » au contexte particulier. En l’espèce, la nature du rôle de la Commission et le rôle que joue la décision rendue en vertu de l’alinéa 44(3)b) dans le cas du processus prévu par la Loi constituent des aspects importants de ce contexte dont il faut en tenir compte pour l’application de la norme de la décision raisonnable.

 

[48]           À mon avis, la cour de révision devrait s’en remettre aux conclusions de fait tirées par la Commission à l’issue de l’enquête qu’elle mène aux termes de l’article 43 ainsi qu’aux conclusions de droit que la Commission tire dans le cadre de son mandat. Si elle juge ces conclusions raisonnables, la cour de révision doit ensuite se demander si le rejet de la plainte dès le début du processus, en application de l’alinéa 44(3)b) de la Loi, était une conclusion raisonnable à tirer compte tenu du fait que la décision de rejeter la plainte est une décision définitive qui empêche de poursuivre l’enquête ou l’examen de la plainte en vertu de la Loi.

 

[49]           Cette formulation garantit que la décision de la Commission et le processus prévu par la Loi font l’objet de la déférence judiciaire qui convient eu égard à la nature du rejet prévu à l’alinéa 44(3)b). La jurisprudence de notre Cour antérieure à l’arrêt Dunsmuir appuie cette idée pour ce qui est du contrôle judiciaire des décisions dans lesquelles la Commission rejette une plainte en application de l’alinéa 44(3)b) de la Loi (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392).

 

Norme de contrôle applicable à la décision de la Commission de conclure, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi, que la plainte portée contre les Forces canadiennes était irrecevable parce qu’elle n’était pas de sa compétence

 

[50]           La Commission peut, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi, refuser de statuer sur une plainte au motif qu’elle n’est pas de sa compétence. Elle peut prendre cette décision avant ou après l’enquête prévue à l’article 43 de la Loi. Dans le cas qui nous occupe, la Commission a rendu sa décision sans avoir eu l’avantage de connaître les conclusions d’une enquête. Suivant la jurisprudence de la Cour fédérale, dans ces situations, la Commission ne devrait déclarer une plainte irrecevable que dans les cas évidents, et ce, parce que la décision que rend la Commission en vertu de l’article 41 est une décision définitive rendue à un stade préliminaire sans que la plainte n’ait fait l’objet d’une enquête aux termes de l’article 43 de la Loi (Société canadienne des postes c. Commission canadienne des droits de la personne et autres, (1997), 130 F.T.R. 241, au paragraphe 3 (le juge Rothstein ), conf. par 169 F.T.R. 138, 245 N.R. 397 (C.A.F.); Michon‑Hamelin c. Canada (Procureur général), 2007 CF 1258, au paragraphe 16 (la juge Mactavish, citant le juge Rothstein dans la décision Société canadienne des postes, précitée); Hicks c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1059, au paragraphe 22 (la juge Snider); Canada (Procureur général) c. Maracle, 2012 CF 105, aux paragraphes 39 et 40 (la juge Bédard)).

 

[51]           De plus, comme la Commission a, en l’espèce, tranché la question de sa compétence sans avoir eu l’avantage de prendre connaissances des conclusions d’une enquête menée en vertu de l’article 43, les allégations de fait qui étaient articulées dans la plainte doivent être présumées vraies (décision Michon‑Hamelin c. Canada (Procureur général), précitée, aux paragraphes 23 et 24; décision Hicks c. Canada (Procureur général), précitée, au paragraphe 6).

 

[52]           La Commission a estimé que la plainte était irrecevable au motif qu’elle portait essentiellement sur la procédure d’évaluation des compétences et sur les examens du Collège royal, question sur laquelle la Commission a estimé qu’elle n’avait pas compétence en vertu de la Loi et qu’il était préférable de trancher dans le cadre d’une plainte portée devant une commission provinciale des droits de la personne.

 

[53]           Les questions relatives au partage des pouvoirs entre le Parlement et les provinces sont, comme toute autre question d’ordre constitutionnel, nécessairement assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte, au même titre que les questions relatives à la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 R.C.S. 471, au paragraphe 18, citant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 58 et 61). La décision de la Commission de refuser de statuer sur la plainte portée contre les Forces canadiennes entre dans ces paramètres et est donc assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte.

 

B. Application de la Loi aux qualifications professionnelles provinciales adoptées comme normes d’embauche par un employeur relevant de la compétence fédérale

 

[54]           La plainte du docteur Keith a trait à une norme d’embauche adoptée par des employeurs relevant de la compétence fédérale en fonction de l’agrément professionnel accordé par une association professionnelle qui, elle, relève de la compétence provinciale. La première question à laquelle il faut répondre est par conséquent celle de savoir si les pouvoirs de la Commission d’enquêter sur les plaintes s’étendent aux normes professionnelles adoptées par des associations provinciales.

 

[55]           Dès lors qu’un employeur relevant de la compétence fédérale adopte une norme d’embauche, cette norme d’embauche fait l’objet d’une analyse en vertu de la Loi, et ce, peu importe qu’elle émane de cet employeur ou qu’elle s’inspire, comme c’est le cas en l’espèce, de qualifications professionnelles élaborées par une association provinciale externe. L’employeur relevant de la compétence fédérale ne peut se soustraire à cette analyse en se contentant d’adopter des qualifications professionnelles provinciales comme norme d’embauche pour ensuite se déclarer à l’abri de tout examen en invoquant des raisons constitutionnelles. Il ne s’ensuit pas pour autant que la Commission peut déborder le cadre de la compétence que la Loi lui confère lorsqu’elle examine une norme d’embauche : ce ne sont en effet pas toutes les normes d’embauche qui font l’objet d’une analyse en vertu de la Loi, mais uniquement celles qui créent à première vue une discrimination fondée sur un motif de distinction illicite.

 

[56]           Toutefois, il y a des limites constitutionnelles à respecter. Ainsi, si un employeur relevant de la compétence fédérale exige que les candidats à un poste soient membres d’une organisation professionnelle de compétence provinciale, l’examen prévu par la Loi portera sur la question de savoir si l’obligation d’être membre de cette organisation constitue une véritable exigence du poste ou n’est en réalité qu’un moyen d’exclure des candidats pour un motif illicite. La Commission ne peut toutefois se servir de ses pouvoirs d’enquête pour élargir sa compétence aux conditions d’accréditation de l’association professionnelle elle‑même, étant donné que la réglementation des professions et des métiers relève de la compétence provinciale (Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, vol. 1, 5e éd. (Toronto, Carswell, 2007), au paragraphe 21.7).

 

[57]           Une situation hypothétique nous aidera à illustrer la question : l’employeur relevant de la compétence fédérale qui adopterait comme norme d’embauche à un poste de programmeur l’appartenance à une association professionnelle dont on pourrait démontrer prima facie qu’elle choisit ses membres en fonction de la race, aurait la lourde charge de démontrer qu’il s’agit d’une exigence professionnelle justifiée. Si, en revanche, il n’y a pas de preuve prima facie que cette association s’est rendue coupable de discrimination directe ou de discrimination par suite d’un effet préjudiciable, il ne serait pas nécessaire d’examiner l’affaire plus à fond.

 

C. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en rejetant, en application de l’alinéa 44(3)b) de la Loi, la plainte portée contre le Service correctionnel du Canada?

 

[58]           L’argument de M. Keith est que, compte tenu de la reconnaissance qu’il a récemment obtenue de l’OMCO comme spécialiste, l’obligation qui lui est faite d’avoir la qualité d’associé du Collège royal pour pouvoir se porter candidat au poste de directeur du Service de la psychiatrie au Centre régional de traitement de Kingston est discriminatoire parce qu’elle a pour effet d’éliminer des candidats compétents pour des motifs de distinction illicite, à savoir, l’origine nationale et l’âge.

 

[59]           Tant dans le cas des plaintes fondées sur une discrimination directe que dans celui des plaintes fondées sur une discrimination par suite d’un effet préjudiciable portant sur une norme d’embauche contestée, le plaignant doit d’abord établir que la norme en question est discriminatoire à première vue (Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin), aux paragraphes 2, 3 et 13). Par preuve prima facie de discrimination, on entend une preuve « qui porte sur des allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé » (Commission des droits de la personne de l’Ontario c. Simpsons‑Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, à la page 558).

 

[60]           Dans l’affaire Meiorin, le débat portait sur l’utilisation de tests d’évaluation de la condition physique qui étaient administrés à des pompiers forestiers pour vérifier s’ils pouvaient continuer à exercer leurs fonctions. L’administration de ces tests avait conduit, après trois années de services satisfaisants, au congédiement de Mme Meiorin, qui occupait un poste de pompière forestière au ministère des Forêts de la Colombie‑Britannique. Les tests ont été considérés comme une norme d’emploi à première vue discriminatoire pour les raisons suivantes : a) la preuve démontrait qu’en raison de différences physiologiques, la plupart des femmes ont une capacité aérobique moindre que celle de la plupart des hommes et que, même en s’entraînant, la plupart des femmes sont incapables d’accroître leur capacité aérobique au niveau requis par la norme aérobique exigée par les tests contestés, bien que l’entraînement puisse permettre à la plupart des hommes de le faire (Meiorin, au paragraphe 11); b) il n’y avait aucune preuve démontrant que la capacité aérobique prescrite était nécessaire pour que soit les hommes soit les femmes puissent exécuter le travail de pompier forestier sans danger et de façon efficace (Meiorin, aux paragraphes 12 et 18).

 

[61]           Dès lors qu’une norme d’embauche est jugée à première vue discriminatoire, l’employeur doit la justifier en établissant, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle constitue une exigence professionnelle justifiée. Pour ce faire, une méthode en trois étapes a été proposée au paragraphe 54 de l’arrêt Meiorin. Ainsi, l’employeur doit démontrer :

 

a.       qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

b.      qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

c.       que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

 

[62]           Dans le cas qui nous occupe, la Commission a conclu, sur la foi des renseignements soumis par M. Ron Stolz pour le compte du Service correctionnel, que l’obligation d’avoir la qualité d’associé du Collège royal était nécessaire pour pouvoir exécuter les tâches liées au poste de directeur du Service de psychiatrie au Centre régional de traitement de Kingston. Le rapport d’évaluation signalait le rôle que jouait le Centre en ce qui concerne la formation des étudiants en médecine (rapport d’évaluation, aux paragraphes 37 et 38, reproduit à la page 40 du dossier d’appel) :

            [traduction]

37. M. Stolz a expliqué que sans l’agrément et la qualité d’associé [du Collège royal], le directeur ne serait pas en mesure de s’acquitter des fonctions de son poste. À titre d’exemple, M. Stolz a expliqué que la formation est donnée à l’Université Queen’s de Kingston et que les stagiaires obtiennent des postes dans le cadre du programme coopératif au Centre de traitement. M. Stolz a ajouté que seuls les programmes [du Collège royal] comportant des volets d’agrément peuvent mener à l’obtention d’un diplôme pour les stagiaires et que le Centre de traitement de Kingston, qui est doté d’un programme de formation en résidence, doit satisfaire aux exigences du programme [du Collège royal] pour être en mesure de décerner des diplômes aux stagiaires. Le directeur doit par conséquent nécessairement avoir la qualité d’associé [du Collège royal].

 

38. M. Stolz a également expliqué que le directeur entretient des liens avec les ressources communautaires et que les hôpitaux communautaires exigent de ses médecins qu’ils aient la qualité d’associés pour leur accorder un permis d’exercice leur permettant de faire des recherches ou de la formation et de traiter des patients (les détenus). Le directeur qui ne serait pas agréé [par le Collège royal] n’aurait pas accès à ces ressources.

 

Le rapport d’évaluation complémentaire confirmait et réaffirmait ces conclusions de fait au paragraphe 20, reproduit au paragraphe 43 du dossier d’appel.

 

[63]           La Commission avait également accès à des éléments de preuve documentaires concernant le système canadien de formation des médecins, y compris des éléments de preuve concernant le rôle que joue le Collège royal dans ce système, et plus particulièrement le document du Collège royal intitulé Normes générales applicables à tous les programmes de résidence (affidavit souscrit par Luz Sucilan le 5 avril 2010, au paragraphe 8, reproduit aux pages 49 et 50 du dossier d’appel). Ces normes générales précisent qu’il doit exister une structure administrative appropriée pour chaque programme de résidence et qu’en particulier, « [i]l doit y avoir un directeur ou une directrice de programme dont les qualifications sont acceptables [pour le Collège royal] » (dossier d’appel, à la page 145 (caractères gras dans l’original).

 

[64]           Le docteur Keith a contesté devant la Commission l’obligation faite à toute personne souhaitant offrir des programmes de formation au Collège royal d’avoir la qualité d’associé du Collège royal. Il a cité une conversation téléphonique qu’il avait eue avec un représentant du Collège royal à ce sujet. Le docteur Keith n’a toutefois soumis aucun élément de preuve au sujet des exigences relatives au programme de formation des médecins offert à Kingston.

 

[65]           Le docteur Keith a également soutenu devant la Commission qu’il n’existait aucune obligation générale quant à la nécessité d’avoir la qualité d’associé du Collège royal pour pouvoir se voir conférer des droits hospitaliers et il a cité comme exemple les droits hospitaliers qu’il possédait lui‑même à l’hôpital psychiatrique de North Bay. Il n’a toutefois soumis aucun élément de preuve au sujet des conditions à remplir pour se voir reconnaître des droits hospitaliers dans les hôpitaux affiliés à des universités offrant une formation médicale – comme l’Université Queen’s – ou dans des hôpitaux offrant des programmes de résidence du Collège royal dans la région de Kingston et qui ont des liens avec la communauté médicale universitaire de la région. Le docteur Keith a reconnu ces lacunes dans ses observations et a conclu que l’obligation qu’imposerait tout hôpital quant à la qualité d’associé du Collège royal serait également discriminatoire (observations du plaignant au sujet de l’évaluation préliminaire, au paragraphe 39, dossier d’appel, à la page 68] :          

[traduction] Même si l’obligation d’être associé [du Collège royal] était une condition à laquelle il fallait satisfaire pour se voir conférer des droits hospitaliers, l’intimé ne peut exciper de la discrimination commise par d’autres pour justifier sa propre conduite discriminatoire. Si l’obligation imposée par l’intimé d’avoir la qualité d’associé du Collège royal est prima facie discriminatoire, tout hôpital qui exige cette qualité pour pouvoir accorder des droits hospitaliers est également coupable de discrimination et ne peut donc l’invoquer pour se justifier.

 

[66]           La Commission a examiné les arguments invoqués par le docteur Keith à ce sujet, mais elle n’était de toute évidence pas convaincue. Elle a plutôt conclu que la qualité d’associé du Collège royal était une qualification essentielle pour pouvoir s’acquitter des fonctions du poste (rapport d’évaluation complémentaire, aux paragraphes 20 à 22, dossier d’appel, aux pages 43 et 44).

 

[67]           Compte tenu de tout ce qui précède, la conclusion de la Commission suivant laquelle la qualité d’associé du Collège royal était une condition nécessaire pour pouvoir effectuer les tâches liées au poste de directeur du Service de psychiatrie au Centre régional de traitement de Kingston était une conclusion raisonnable que la preuve qui lui avait été soumise lui permettait de tirer.

 

[68]           De plus, la Commission a également conclu que la procédure d’agrément qui devait être suivie pour obtenir la qualité d’associé en psychiatrie au Collège royal ne constituait pas à première vue une discrimination fondée sur l’origine nationale. La Commission a interrogé des membres du personnel du Collège royal chargés du processus d’agrément et a pu consulter divers documents expliquant ce processus, ce qui lui a permis de conclure non seulement que le processus n’était pas prima facie discriminatoire, mais également qu’il tenait compte de la formation et des titres de compétence obtenus à l’étranger lorsqu’il s’agissait de reconnaître la qualité d’associé (rapport d’évaluation, aux paragraphes 28, 29, 31, 32 et 35; dossier d’appel, aux pages 39 et 40).

 

[69]           Le docteur Keith n’a soumis aucun élément de preuve pour démontrer que le processus d’agrément du Collège royal établissait une discrimination fondée sur l’origine nationale. La preuve versée au dossier démontrait que le Collège royal avait reconnu la formation qu’il avait reçue aux États‑Unis en vue de lui reconnaître la qualité d’associé en psychiatrie. De plus, la preuve démontrait également que le docteur Keith avait réussi l’examen écrit en vue d’obtenir son agrément comme associé. Il avait toutefois échoué à trois reprises à l’examen oral. Il prétend maintenant, de nombreuses années plus tard, que le fait qu’il n’a pas réussi à obtenir la qualité d’associé doit être attribuable à une discrimination par suite d’un effet préjudiciable résultant de son origine nationale. Pourtant, il n’a soumis aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation. Le docteur Keith affirme plutôt qu’on doit simplement ajouter foi à son allégation suivant laquelle il a été victime d’une discrimination fondée sur son origine nationale. Ce n’est toutefois pas ce sur quoi porte l’enquête prévue à l’article 43 de la Loi. Se fondant sur les éléments de preuve recueillis au cours de son enquête, la Commission a tiré sa propre conclusion au sujet de l’allégation de discrimination fondée sur l’origine nationale. La conclusion que la Commission a tirée à la suite de son enquête était raisonnable, compte tenu des éléments de preuve (ou du manque d’éléments de preuve) qui lui avaient été soumis.

 

[70]           Le docteur Keith a toutefois tenté de présenter certains éléments de preuve tendant à démontrer qu’il avait été victime d’une discrimination fondée sur l’âge, renvoyant la Commission à une étude américaine datant de 1991 qui démontrait que le fait d’avoir moins de 30 ans et d’être de langue maternelle anglaise constituait les facteurs les plus solides pour prédire la réussite aux examens administrés aux diplômés médicaux étrangers entre 1984 et 1987 par l’Educational Commission for Foreign Medical Graduates des États‑Unis (dossier d’appel, aux pages 111 à 124). Cette étude n’indiquait pas et ne démontrait pas à première vue que les taux de réussite en question étaient le résultat de pratiques discriminatoires fondées sur l’âge. Le docteur Keith n’a également avancé aucune explication pour justifier en quoi cette étude avait une incidence directe sur le processus d’agrément du Collège royal. Il a également cité d’autres études étrangères concernant l’âge et les examens mais qui présentaient les mêmes limites.

 

[71]           À l’instruction du présent appel, on a demandé à l’avocat du docteur Keith d’indiquer les éléments de preuve versés au dossier qui appuyaient l’argument que le processus d’agrément du Collège royal était entaché de discrimination fondée sur l’âge. L’avocat a reconnu qu’on ne pouvait trouver aucun élément de preuve en ce sens au dossier, insistant pour dire que cet argument sautait aux yeux et qu’il reposait sur le simple bon sens du fait que plus une personne est avancée en âge, plus il lui est difficile de réussir un examen. Cette proposition ne saurait à mon avis remplacer des éléments de preuve prima facie de discrimination fondée sur l’âge. Une telle proposition aboutit à la conclusion absurde que tous les examens d’admission administrés par des établissements d’enseignement – écoles, collèges et universités – et par des ordres professionnels, ainsi que tous les processus d’examen de ces institutions, sont discriminatoires au regard de l’âge. Il faudrait tirer des conclusions analogues dans le cas de tous les examens de recrutement du personnel administrés par le secteur public et par les employeurs du secteur privé. Cela revient à demander à notre Cour de conclure que la condition humaine justifie, en soi, d’établir une discrimination prima facie fondée sur l’âge. Je ne crois pas que c’est ce que la Loi prévoit.

 

[72]           Ayant estimé que les conclusions de fait et de droit tirées par la Commission étaient raisonnables, je conclus également que la décision par laquelle la Commission a rejeté la plainte en application de l’alinéa 44(3)b) était aussi une conclusion raisonnable qu’il lui était loisible de tirer compte tenu des conclusions en question et du fait que la décision de rejeter la plainte est une décision définitive qui empêche de poursuivre l’enquête ou l’examen de la plainte en vertu de la Loi.

 

[73]           La Commission a estimé que l’exigence relative à la qualité d’associé du Collège royal était nécessaire pour l’exécution des tâches exigées du titulaire du poste. Elle a conclu que le Centre régional de traitement de Kingston faisait partie du réseau de formation médicale du Collège royal et que le directeur du Service de psychiatrie du centre devait avoir la qualité d’associé du Collège à cette fin ainsi qu’à d’autres fins. Vu l’ensemble des éléments de preuve dont elle disposait, la Commission a également conclu qu’aucune discrimination prima facie fondée sur l’âge ou l’origine nationale n’avait été démontrée en ce qui concerne le processus d’agrément à titre d’associé du Collège royal. Compte tenu des conclusions tirées par la Commission au sujet de la preuve, force est de conclure que le docteur Keith n’a pas démontré que la norme d’embauche qu’il conteste est prima facie discriminatoire.

 

[74]           Par ailleurs, je ne puis accepter l’argument du docteur Keith suivant lequel l’enquête de la Commission n’était pas suffisamment approfondie. Les propos du juge Nadon (devenu par la suite juge à la Cour d’appel fédérale) dans la décision Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, aux pages 600 et 601, sont pertinents en l’espèce :

Dans des situations où les parties ont le droit de présenter des observations en réponse au rapport de l’enquêteur, comme c’est le cas en l’espèce, les parties peuvent compenser les omissions moins graves en les portant à l’attention du décideur. Par conséquent, ce ne serait que lorsque les plaignants ne sont pas en mesure de corriger de telles omissions que le contrôle judiciaire devrait se justifier. Même s’il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, il me semble que les circonstances où des observations supplémentaires ne sauraient compenser les omissions de l’enquêteur devraient comprendre : (1) les cas où l’omission est de nature si fondamentale que le seul fait d’attirer l’attention du décideur sur l’omission ne suffit pas à y remédier; ou (2) le cas où le décideur n’a pas accès à la preuve de fond en raison de la nature protégée de l’information ou encore du rejet explicite qu’il en a fait. 

 

L’appelant n’a pas démontré que l’enquête de la Commission était à ce point viciée qu’elle justifiait l’intervention de notre Cour. Au contraire, l’enquête était plutôt approfondie : elle s’est soldée non pas par un, mais bien par deux rapports, et l’appelant a eu amplement l’occasion de formuler tous les arguments qu’il souhaitait présenter et il s’est d’ailleurs amplement prévalu de cette possibilité. Il a également cité dans ses observations un grand nombre de documents pour étayer sa plainte.

 

[75]           Compte tenu de la conclusion que la qualité d’associé était nécessaire pour l’exécution des fonctions du poste de directeur et que le processus d’agrément à titre d’associé du Collège royal ne constituait pas à première vue une discrimination fondée sur un motif de distinction illicite, le seul aspect de la plainte du docteur Keith qu’il nous reste à traiter concerne ses arguments quant à l’équivalence entre son accréditation par l’OMCO et la qualité d’associé du Collège royal. Ce dernier aspect de la plainte n’a rien à voir avec la discrimination; il concerne plutôt l’évaluation des équivalences en matière de compétences professionnelles. La Commission n’a aucune compétence et aucune connaissance spécialisée qui lui permettrait de procéder à l’évaluation des équivalences en matière de compétences professionnelles et c’est donc avec raison qu’elle a refusé de le faire.

 

D. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en estimant, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi, que la plainte portée contre les Forces canadiennes était irrecevable parce qu’elle ne relevait pas de sa compétence?

 

[76]           La Commission a rejeté l’argument relatif à la compétence invoqué par les Forces canadiennes au sujet de Calian. Au lieu de procéder à une enquête aux termes de l’article 43 et de rendre sa décision en application de l’article 44 de la Loi, comme elle l’aurait normalement fait en pareil cas, la Commission a déclaré la plainte irrecevable en expliquant que celle‑ci constituait essentiellement une contestation du processus d’agrément à titre d’associé du Collège royal et qu’elle ne relevait donc pas de sa compétence.

 

[77]           Bien que la plainte du docteur Keith soulève certainement des questions liées au processus d’agrément du Collège royal, il s’agit néanmoins d’une plainte visant l’application, par les Forces canadiennes, d’une norme d’embauche qui aurait des effets discriminatoires. La Commission était tenue, de par la Loi, de faire enquête pour déterminer si la norme d’embauche adoptée par les Forces canadiennes, en l’occurrence la qualité d’associé du Collège royal, créait une discrimination au sein des Forces canadiennes sur le fondement d’un motif de distinction interdit par la Loi. La Commission devait également trancher cette question en application du paragraphe 44(3) de la Loi.

 

[78]           Comme nous l’avons déjà expliqué, dès lors qu’un employeur fédéral, comme les Forces canadiennes, adopte comme norme d’embauche une qualification professionnelle provinciale, cette norme d’embauche est sujette à un examen fondé sur la Loi. Dans le cadre de ce processus, la Commission doit déterminer – comme elle l’a fait dans le cas de la plainte portée par M. Keith au sujet du Service correctionnel – si une preuve prima facie de discrimination a été établie et, dans l’affirmative, si la norme d’embauche en cause constitue une exigence professionnelle justifiée. Bien que la Commission ne doive pas déborder le cadre de sa compétence en enquêtant sur un organisme professionnel relevant de la compétence provinciale, elle a effectivement le pouvoir de faire enquête sur l’employeur fédéral qui a fait sienne la norme en question et, pour ce faire, elle peut se demander comment cette norme pourrait créer une situation discriminatoire au sens de la Loi en ce qui concerne l’employeur fédéral en question.

 

[79]           Dans le cas qui nous occupe, les Forces canadiennes ont adopté une norme d’embauche qui exigeait que le candidat ait la qualité d’associé du Collège royal. La Commission avait le droit d’examiner cette norme d’embauche pour déterminer si elle avait pour effet d’exclure des candidats pour des motifs interdits par la Loi. Ce faisant, la Commission ne se déclare pas compétente sur le Collège royal, mais elle exerce plutôt sa compétence sur les Forces canadiennes. Pour mener son enquête en vertu de la Loi, la Commission doit veiller à ne pas empiéter sur les activités du Collège royal lui‑même, lequel échappe à sa compétence.

 

[80]           En l’espèce, la Commission a décliné sa compétence sans avoir d’abord enquêté sur la plainte portée contre les Forces canadiennes, ce qu’elle ne pouvait faire.

 

[81]           Je suis toutefois bien conscient du fait que, vu les conclusions sur lesquelles la Commission s’est fondée pour rejeter la plainte visant le Service correctionnel, un examen de la plainte portée contre les Forces canadiennes pouvait s’avérer quelque peu superfétatoire. La Commission devait toutefois être conséquente avec son choix tout à fait conscient de traiter séparément les deux plaintes en appliquant deux mécanismes législatifs distincts. Elle était parfaitement consciente du fait qu’elle était saisie de deux plaintes, mais elle a choisi de les traiter séparément. Pour une raison inconnue, elle ne s’est pas fondée sur les éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête qu’elle avait menée sur la plainte portée contre le Service correctionnel pour trancher celle portée contre les Forces canadiennes.

 

Conclusions

[82]           Pour les motifs qui ont été exposés : a) je rejetterais l’appel interjeté du jugement par lequel la Cour fédérale a, dans le dossier T‑356‑10, rejeté la demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Commission qui déboutait l’appelant de sa plainte contre le Service correctionnel du Canada; b) j’accueillerais l’appel du jugement rendu par la Cour fédérale dans le dossier T‑1326‑10 et je renverrais à la Commission la plainte portée par l’appelant contre les Forces canadiennes pour qu’elle enquête sur cette plainte conformément à l’article 43 et qu’elle rende une décision en vertu de l’article 44 de la Loi. Vu le résultat partagé du présent appel, je n’adjugerais aucuns dépens dans le présent appel.

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, j.c. »

 

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow, j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE

 

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE, L.R.C. 1985, ch. H‑6

 

 La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.

 

 

 (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

 

 Il est entendu que les actes discriminatoires comprennent les actes fondés sur un ou plusieurs motifs de distinction illicite ou l’effet combiné de plusieurs motifs.

 

 

 Les actes discriminatoires prévus aux articles 5 à 14.1 peuvent faire l’objet d’une plainte en vertu de la partie III et toute personne reconnue coupable de ces actes peut faire l’objet des ordonnances prévues aux articles 53 et 54.

 

 

 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

*                   a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu; []

 

 

 

 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

*                   a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

*                   b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

 

*        (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

 

 

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

 

 

 

(8) Le présent article s’applique à tout fait, qu’il ait pour résultat la discrimination directe ou la discrimination par suite d’un effet préjudiciable.

 

 Pour l’application de la présente partie, « acte discriminatoire » s’entend d’un acte visé aux articles 5 à 14.1.

 

 

 (1) Sous réserve des paragraphes (5) et (7), un individu ou un groupe d’individus ayant des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission en la forme acceptable pour cette dernière.

 

*        (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants :

*                 a) la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

 

*                 b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

 

*                 c) la plainte n’est pas de sa compétence;

 

*                 d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi;

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

 

 

 (1) La Commission peut charger une personne, appelée, dans la présente loi, « l’enquêteur », d’enquêter sur une plainte.

 

 (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

 

 

*       (2) La Commission renvoie le plaignant à l’autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

*                 a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

*                 b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

 

 

 

*       (3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

*                 a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

*             (i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci est justifié,

*             (ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

*              

*                 b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

 

*             (i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié,

 

*             (ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

 

 (1) La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada sauf en ce qui concerne les gouvernements du Yukon, des Territoires du Nord‑Ouest et du Nunavut.

 The purpose of this Act is to extend the laws in Canada to give effect, within the purview of matters coming within the legislative authority of Parliament, to the principle that all individuals should have an opportunity equal with other individuals to make for themselves the lives that they are able and wish to have and to have their needs accommodated, consistent with their duties and obligations as members of society, without being hindered in or prevented from doing so by discriminatory practices based on race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability or conviction for an offence for which a pardon has been granted.

 

 (1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for which a pardon has been granted.

 

 

 

 For greater certainty, a discriminatory practice includes a practice based on one or more prohibited grounds of discrimination or on the effect of a combination of prohibited grounds.

 

 A discriminatory practice, as described in sections 5 to 14.1, may be the subject of a complaint under Part III and anyone found to be engaging or to have engaged in a discriminatory practice may be made subject to an order as provided in sections 53 and 54.

 

 It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

 

*                   (a) to refuse to employ or continue to employ any individual . . .

 

on a prohibited ground of discrimination.

 

 It is a discriminatory practice for an employer, employee organization or employer organization

 

*                   a) to establish or pursue a policy or practice, or

*                   (b) to enter into an agreement affecting recruitment, referral, hiring, promotion, training, apprenticeship, transfer or any other matter relating to employment or prospective employment,

that deprives or tends to deprive an individual or class of individuals of any employment opportunities on a prohibited ground of discrimination.

 

 

*        (1) It is not a discriminatory practice if

(a) any refusal, exclusion, expulsion, suspension, limitation, specification or preference in relation to any employment is established by an employer to be based on a bona fide occupational requirement;

 

(2) For any practice mentioned in paragraph (1)(a) to be considered to be based on a bona fide occupational requirement and for any practice mentioned in paragraph (1)(g) to be considered to have a bona fide justification, it must be established that accommodation of the needs of an individual or a class of individuals affected would impose undue hardship on the person who would have to accommodate those needs, considering health, safety and cost.

 

(8) This section applies in respect of a practice regardless of whether it results in direct discrimination or adverse effect discrimination.

 

 

 For the purposes of this Part, a “discriminatory practice” means any practice that is a discriminatory practice within the meaning of sections 5 to 14.1.

 

 (1) Subject to subsections (5) and (7), any individual or group of individuals having reasonable grounds for believing that a person is engaging or has engaged in a discriminatory practice may file with the Commission a complaint in a form acceptable to the Commission.

 

*        (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

 

*                 (a) the alleged victim of the discriminatory practice to which the complaint relates ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available;

 

*                 (b) the complaint is one that could more appropriately be dealt with, initially or completely, according to a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act;

*                 (c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

*                 (d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith; or

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

 

 (1) The Commission may designate a person, in this Part referred to as an “investigator”, to investigate a complaint.

 

 (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

*       (2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

*                 (a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

 

 

*                 (b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

 

*       (3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

*                 (a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

*             (i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

*             (ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

*                 (b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

*             (i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

*             (ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

 (1) This Act is binding on Her Majesty in right of Canada, except in matters respecting the Yukon Government or the Government of the Northwest Territories or Nunavut.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                      A‑249‑11

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE RENDUE LE 14 JUIN 2011 PAR LE JUGE O’REILLY.

 

INTITULÉ :                                                                    ARTHUR KEITH c.
SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA et ARTHUR KEITH c. FORCES CANADIENNES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                           Le 13 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                         LE JUGE MAINVILLE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                     LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                          LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                   Le 18 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Baker

Meryl Zisman Gary

 

POUR L’APPELANT

 

Victoria Yankou

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bakerlaw

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS

 

 

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