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Date : 20120504

Dossier : A‑300‑11

Référence : 2012 CAF 139

 

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE MACTAVISH (ex officio)

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

BILL BURKE

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 avril 2012

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                          LE JUGE EVANS

                                                                                                 LA JUGE MACTAVISH (ex officio)

 

 


 

Date : 20120504

Dossier : A‑300‑11

Référence : 2012 CAF 139

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE MACTAVISH (ex officio)

 

 

ENTRE :

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

demandeur

et

BILL BURKE

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE DAWSON

[1]                        La demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle un juge‑arbitre (CUB 77245) a rejeté l’appel interjeté par la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) à l’encontre d’une décision unanime du conseil arbitral. La question soulevée dans la présente demande est de savoir si la décision du juge‑arbitre de rejeter l’appel était raisonnable.

 

Les faits

[2]                        Le défendeur, M. Burke, occupait un poste de superviseur dans une entreprise de construction. Il a cessé de travailler le 26 septembre 2009, mais il n’a pas fait de demande de prestations d’assurance‑emploi avant le 25 janvier 2010, et à ce moment il a demandé qu’elle soit antidatée au 27 septembre 2009.

 

[3]                        M. Burke a informé la Commission qu’il n’avait pas présenté sa demande de prestations plus tôt parce qu’il avait de bonnes raisons de croire qu’on lui offrirait un emploi dans le cadre d’un nouveau projet, comme gérant ou comme opérateur de machine. Il s’attendait à commencer à occuper cet emploi, si tout se déroulait comme prévu, à la fin de novembre ou, comme il l’a précisé plus tard, au début de décembre 2009. Un contrat avait été signé pour ce projet et les fournitures et l’équipement nécessaires se trouvaient déjà sur le chantier. Toutefois, indépendamment du contrat, des négociations devaient avoir lieu avec une Première Nation. Le 20 janvier 2010, il lui est paru évident que le nouveau projet ne serait pas mis en route parce que la saison était trop avancée.

 

[4]                        La Commission a appliqué que la demande de M. Burke soit antidatée parce qu’elle a conclu qu’il n’avait pas démontré que, du 27 septembre 2009 au 24 janvier 2010, il avait un « motif valable » pour justifier la tardiveté de sa demande de prestations au sens du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23.

 

La décision du conseil arbitral

[5]                        Le conseil arbitral s’est référé au critère qu’il convient d’appliquer pour déterminer s’il existe un motif valable justifiant un retard dans la production d’une demande de prestations. Un prestataire est tenu de démontrer qu’il s’est conduit comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables pendant toute la durée de la période de retard. Le conseil a ensuite conclu que le prestataire avait agi comme toute personne raisonnable l’aurait fait. Pour ce faire, il s’est fondé sur les faits et les conclusions qui se dégageaient de la décision CUB 58234.

 

La décision du juge‑arbitre

[6]                        Au début de ses motifs, le juge‑arbitre a bien exposé la chronologie des faits pertinents et l’explication de M. Burke pour justifier la tardiveté de sa demande. Après avoir expliqué la position de la Commission appelante, le juge‑arbitre a examiné la décision du conseil arbitral. Il a noté que le conseil s’appuyait sur la décision CUB 58234, dans laquelle un retard de 74 jours dans la production de la demande de prestations a été jugé raisonnable eu égard aux circonstances. Malheureusement, après avoir correctement établi la chronologie des faits pertinents dans l’affaire devant lui, le juge‑arbitre a fait une erreur de calcul et déterminé qu’il s’était écoulé 90 jours avant que la demande ne soit présentée alors qu’en fait il s’était écoulé 121 jours.

 

[7]               Le juge‑arbitre a poursuivi en affirmant, à juste titre, que la demande de prestations devait être présentée sans tarder et il a souligné que l’exception relative au « motif valable justifiant le retard » devait être appliquée avec circonspection. Puis, il a correctement énoncé le critère servant à déterminer si un motif valable existe.

 

[8]                        Le juge‑arbitre a ensuite examiné la décision antérieure CUB 75829 et conclu que les observations formulées par le juge‑arbitre dans cette affaire pouvaient être appliquées à la situation de M. Burke. En dernière analyse, il a conclu que les faits de la présente affaire ne différaient pas suffisamment des faits de la décision CUB 58234 pour justifier qu’il modifie la décision du conseil arbitral.

 

Norme de contrôle

[9]                        La Commission n’a pas allégué devant le juge‑arbitre que le conseil arbitral n’avait pas respecté les principes de justice naturelle ou autrement outrepassé sa compétence. Même si la Commission a avancé que le conseil arbitral a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de toute la preuve, il reste que la question de savoir si M. Burke avait un motif valable pour justifier son retard est une question mixte de fait et de droit. Par conséquent, le juge‑arbitre ne pouvait modifier la décision du conseil arbitral que si elle était déraisonnable. Pour apprécier le caractère raisonnable de cette décision, le juge‑arbitre se devait d’appliquer le critère juridique aux faits. Il découle de la nature de la question dont le juge‑arbitre était saisi que la norme de contrôle applicable à sa décision est celle de la décision raisonnable.

 

Application de la norme de contrôle

[10]                    Dans son exposé des faits et du droit, le procureur général allègue au nom de la Commission que la décision du juge‑arbitre est déraisonnable quant à deux aspects. Premièrement, le juge‑arbitre a fait une erreur dans le calcul de la période du retard. Deuxièmement, le juge‑arbitre n’est pas intervenu pour modifier la conclusion déraisonnable du conseil portant que le défendeur a établi l’existence d’un motif valable pour toute la période de retard.

 

[11]                    À mon avis, le premier motif allégué ne peut être retenu pour les raisons qui suivent. D’abord, comme il a été souligné précédemment, le juge‑arbitre, au début de ses motifs, a bien établi la date du dernier jour de travail effectif et la date à laquelle M. Burke a présenté sa demande de prestations. Ainsi, le juge‑arbitre était conscient de la période qui s’est écoulée avant que M. Burke ne présente sa demande de prestations. Considérant le dossier dans son ensemble, je ne suis pas convaincue que l’inexactitude relevée quant à la durée du retard était importante dans la décision du juge‑arbitre. En second lieu, bien que la durée du retard soit un facteur pertinent, la raison qui l’explique revêt encore plus d’importance (Canada (Procureur général) c. McBride, 2009 CAF 1, [2009] A.C.F. no 8, au paragraphe 6). Le juge‑arbitre a compris l’explication du défendeur et rien au dossier ne porte à croire que la raison pour laquelle M. Burke a tardé à produire sa demande de prestations a changé au cours de la période pertinente.

 

[12]                    En ce qui a trait à la seconde erreur alléguée, le tribunal est tenu de considérer les motifs énoncés de même que le résultat lorsqu’il détermine si une décision est raisonnable. L’application par le tribunal de contrôle de la norme de la décision raisonnable suppose le « respect du processus décisionnel au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 47 et 48).

 

[13]                    Le conseil arbitral a bien exposé le critère juridique à appliquer. Il a conclu que M. Burke avait toutes les raisons de croire qu’il recommencerait à travailler au plus tard à la mi‑décembre 2009 et que le projet était retardé en raison d’un processus de négociation. Le 20 janvier 2010, il est devenu évident pour M. Burke que les travaux ne commenceraient pas cet hiver‑là, et il a présenté une demande de prestations le 25 janvier 2010. Ces conclusions de fait étaient étayées par le dossier dont disposait le conseil.

 

[14]                    Compte tenu de ces conclusions de fait, la conclusion du conseil selon laquelle M. Burke s’est conduit comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les circonstances faisait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Les motifs du conseil étaient justifiables, transparents et intelligibles. Sa décision était par conséquent raisonnable. Il s’ensuit qu’il était raisonnable pour le juge‑arbitre de rejeter l’appel interjeté par la Commission à l’encontre de la décision du conseil.
Conclusion

[15]                  Pour les motifs exposés ci‑dessus, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. Comme M. Burke n’a pas comparu en bonne et due forme, je n’adjugerais aucuns dépens.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            John M. Evans j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Anne Mactavish j.c.a. » (ex officio)

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑300‑11

 

INTITULÉ :                                                  PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.
BILL BURKE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 25 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LE JUGE EVANS

                                                                        LA JUGE MACTAVISH (ex officio)

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 4 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael J. Sims

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bill Burke

Pour son propre compte

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

s.o.

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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