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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20120503

 

Dossier : A-436-10

 

Référence : 2012 CAF 134

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

MARIAN JAVOR

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 2 mai 2012.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 3 mai 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                        LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS


Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal


Date : 20120503

Dossier : A-436-10

Référence : 2012 CAF 134

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

MARIAN JAVOR

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               M. Marian Javor interjette appel du jugement par lequel la Cour canadienne de l’impôt (2010 CCI 578) a rejeté ses appels à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) pour les années 2003, 2004 et 2006. M. Javor n’a pas produit de déclarations de revenus pour ces années. En 2009, le ministre du Revenu national a établi son impôt à payer pour ces années en se fondant sur des feuillets T4 et d’autres renseignements reçus. La cotisation incluait une pénalité pour production tardive et des intérêts. Pour les motifs exposés ci‑dessous, je rejetterais l’appel.

[2]               Le revenu imposable calculé par le ministre pour chacune des années 2003, 2004 et 2006 comprend un montant de 536 $ que M. Javor était tenu, aux termes de l’article 146.01 de la Loi de l’impôt sur le revenu, de rembourser à son compte de régime enregistré d’épargne‑retraite pour chacune de ces années, à défaut de quoi ce montant devait être inclus dans ses revenus aux fins du calcul de l’impôt. Selon le ministre, cette obligation de remboursement résulte du fait que M. Javor a, en 1997, retiré environ 8 000 $ de son régime enregistré d’épargne‑retraite pour acheter une maison. Les dispositions légales pertinentes sont résumées dans le paragraphe qui suit.

 

[3]               Le montant d’un régime enregistré d’épargne‑retraite consiste habituellement en des montants versés à titre de cotisation au régime par son propriétaire, qui demande une déduction d’impôt pour les montants ainsi versés. Ces montants sont placés par l’administrateur du régime en vue de les faire fructifier à l’abri de l’impôt. En règle générale, les montants retirés d’un régime enregistré d’épargne‑retraite doivent être inclus dans le revenu de son propriétaire pour l’année où le retrait a été fait. Toutefois, l’article 146.01 de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit une exception pour les montants retirés d’un régime enregistré d’épargne‑retraite qui sont utilisés pour acheter une maison. Ainsi, le montant retiré n’a pas à être inclus dans le revenu établi pour l’année où le retrait a été fait, à la condition qu’il soit remboursé au compte de régime enregistré d’épargne‑retraite en versements répartis sur une période de 15 ans. Si le remboursement obligatoire pour une année donnée n’est pas fait, le montant correspondant doit être inclus dans le revenu du particulier pour cette année‑là aux fins du calcul de l’impôt.

 

[4]               M. Javor admet avoir retiré un montant d’environ 8 000 $ de son régime enregistré d’épargne‑retraite en 1997 pour acheter une maison, mais il avance que l’obligation légale de remboursement ne s’applique pas à lui et que, par conséquent, la disposition prévoyant l’inclusion du montant en cause dans son revenu ne s’applique pas non plus. Sa position repose sur l’ordonnance rendue par un juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario le 19 juin 2001 dans une affaire matrimoniale.

 

[5]               Il semble que l’ordonnance du 19 juin 2001 accordait à l’ex‑conjointe de M. Javor le produit de la vente du foyer conjugal et que cette ordonnance a été rendue exclusivement sur le fondement des documents produits par l’ex‑conjointe de M. Javor ou pour le compte de celle‑ci, parce que les actes de procédure de M. Javor ont été radiés. M. Javor allègue que les renseignements d’ordre factuel sur lesquels l’ordonnance du 19 juin 2001 s’appuie étaient faux ou de nature à induire en erreur. Ses observations sur ce point ne sont pas tout à fait claires, mais j’en déduis que les renseignements dont disposait le juge qui a rendu l’ordonnance du 19 juin 2001 ne tenaient pas compte du fait que la maison avait été achetée avec le montant retiré du régime enregistré d’épargne‑retraite de M. Javor que celui‑ci avait toujours l’obligation de rembourser.

 

[6]               Par suite de l’ordonnance du 19 juin 2001, M. Javor a tiré un certain nombre de conclusions qui l’ont amené à contester les nouvelles cotisations en cause.

 

[7]               M. Javor allègue que l’ordonnance du 19 juin 2001 l’empêche de produire des déclarations de revenus et que, s’il en produit une, il se rendra coupable d’outrage au tribunal ou agira d’une manière illégale. M. Javor se trompe au sujet du contenu de l’ordonnance du 19 juin 2001 et de ses conséquences juridiques. Il n’y a rien dans l’ordonnance du 19 juin 2001 qui indique ou laisse entendre que M. Javor ne peut produire ses déclarations de revenus ou que, s’il les produit, il se rendra coupable d’outrage au tribunal ou agira de manière illégale. Qui plus est, la Cour supérieure de justice de l’Ontario n’est pas investie du pouvoir d’empêcher quelqu’un de produire ses déclarations de revenus.

 

[8]               M. Javor avance que l’ordonnance du 19 juin 2001 le dégageait de l’obligation légale de rembourser le montant retiré de son régime enregistré d’épargne‑retraite en 1997 ou transférait cette obligation à son ex‑conjointe et que, par conséquent, il ne devrait pas être tenu d’ajouter ce montant à son revenu en raison de son défaut de faire les remboursements. Encore une fois, M. Javor fait erreur. L’ordonnance du 19 juin 2001 n’indique ou ne laisse entendre rien de la sorte. Et, je le répète, la Cour supérieure de justice de l’Ontario n’est pas investie du pouvoir de dégager quelqu’un de l’obligation légale de rembourser le montant retiré d’un régime enregistré d’épargne‑retraite pour acheter une maison ou de l’obligation de payer de l’impôt sur les montants de remboursement non versés.

 

[9]               M. Javor fait valoir que, étant donné que les faits concernant le montant retiré de son régime enregistré d’épargne‑retraite et le montant à payer résultant n’ont pas été dûment pris en compte lorsque l’ordonnance du 19 juin 2001 a été rendue, il a été privé des avantages découlant de ce retrait et, par conséquent, il ne devrait pas avoir à rembourser ce montant ou à payer de l’impôt sur celui‑ci. M. Javor fait erreur. Son obligation de rembourser le montant retiré de son régime enregistré d’épargne‑retraite pour acheter une maison ou de payer de l’impôt sur les montants non remboursés existe indépendamment de ce qui est advenu de la maison achetée avec le montant retiré ou du produit de sa vente. Le fait que la maison a été vendue ou le fait que le produit de sa vente a été attribué, par ordonnance judiciaire, en entier à l’ex‑conjointe sont dépourvus d’intérêt juridique en ce qui a trait aux obligations fiscales de M. Javor.

 

[10]           M. Javor soutient qu’il ne devrait pas être tenu de rembourser le montant retiré ni, par conséquent, de payer un montant en impôt relativement aux montants de remboursement non versés parce qu’on lui a interdit de participer à l’audience à l’issue de laquelle l’ordonnance du 19 juin 2001 a été rendue. Cet argument doit être rejeté. Plusieurs raisons peuvent être données pour expliquer pourquoi M. Javor n’a pas participé à l’audience qui a donné lieu à l’ordonnance du 19 juin 2001 mais, si l’on se fie au dossier dont la Cour dispose, il n’est pas possible de déterminer pourquoi ce fut le cas ou si ce fut le cas en raison d’une erreur procédurale de la part de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Même si une erreur d’une quelconque nature avait été commise, cela importe peu. Je le répète : sur le plan juridique, la Cour supérieure de justice de l’Ontario n’a pas le pouvoir de dégager M. Javor de l’obligation de rembourser le montant retiré en 1997 de son régime enregistré d’épargne‑retraite ou de l’obligation de payer de l’impôt sur les montants de remboursement non versés.

 

[11]           M. Javor soutient que l’ordonnance du 19 juin 2001 résulte de la fraude commise par son ex‑conjointe, l’avocat de cette dernière et le juge ou par certains d’entre eux. La fraude, selon M. Javor, consiste en le fait qu’ils n’auraient pas tenu compte des faits liés au retrait effectué dans son compte de régime enregistré d’épargne‑retraite pour acheter la maison et à l’obligation de continuer à rembourser le montant retiré. Le dossier ne comporte aucune preuve de fraude commise par qui que ce soit et, pour les raisons déjà données, même si l’ordonnance du 19 juin 2012 avait été rendue sans qu’il soit tenu compte des faits concernant le retrait effectué dans le régime enregistré d’épargne‑retraite de M. Javor, celui‑ci ne serait pas dégagé de l’obligation de rembourser le montant retiré en 1997 de son régime enregistré d’épargne‑retraite ou de l’obligation de payer de l’impôt sur les montants de remboursement non versés.

 

[12]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus que le juge de la Cour de l’impôt n’a commis aucune erreur en concluant qu’il n’y avait aucun fondement en droit ou en fait justifiant notre Cour d’accueillir les appels visant les cotisations établies à l’endroit de M. Javor pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2006.

 

[13]           Dans son appel devant notre Cour, M. Javor a soulevé un certain nombre de problèmes liés à la procédure. Son principal argument concerne deux assignations que le juge de la Cour de l’impôt a annulées. Les assignations avaient été délivrées, à la demande de M. Javor, à son ex‑conjointe et à une agente du Barreau du Haut‑Canada pour leur enjoindre de se présenter à l’audience devant la Cour de l’impôt pour témoigner. M. Javor avance que le juge de la Cour de l’impôt a fait erreur en annulant les assignations. Je ne suis pas d’accord.

[14]           M. Javor croit à tort que son ex‑conjointe et une agente du Barreau du Haut‑Canada pouvaient fournir une preuve pertinente, et ce, en raison de sa mauvaise compréhension du droit relatif à l’obligation de rembourser le montant retiré de son régime enregistré d’épargne‑retraite en 1997 pour acheter une maison et à l’obligation de payer de l’impôt sur les montants de remboursement non versés, obligations dont la teneur a été expliquée précédemment. Après un examen minutieux de la transcription de l’audience tenue devant la Cour de l’impôt, il est manifeste que c’est à bon droit que les assignations ont été annulées. Il n’y a rien au dossier ni dans ce que M. Javor a affirmé devant la Cour de l’impôt ou devant notre Cour qui permette d’établir que l’une ou l’autre des personnes convoquées aurait pu témoigner sur des éléments juridiquement pertinents quant aux obligations fiscales de M. Javor.

 

[15]           M. Javor allègue que le juge de la Cour de l’impôt a manqué à son obligation d’agir équitablement lorsqu’il a examiné la question de savoir si l’assignation délivrée à son ex‑conjointe devait être annulée. Cette allégation n’est pas corroborée par la preuve. La transcription révèle que le juge de la Cour de l’impôt avait été informé par le personnel du greffe que l’ex‑conjointe de M. Javor s’était présentée en personne au bureau du greffe conformément à l’assignation. Elle est restée dans une salle de réunion privée pendant qu’il était débattu du bien‑fondé de l’assignation en audience publique. M. Javor n’a pas précisé quelle preuve juridiquement pertinente son ex‑conjointe aurait pu fournir quant à ses appels en matière d’impôt sur le revenu. La procédure suivie par le juge dans ces circonstances inhabituelles était appropriée et n’a causé aucun préjudice à M. Javor. Tel qu’il a été expliqué précédemment, sa conviction que le témoignage de son ex‑conjointe pourrait être pertinent reposait sur une mauvaise compréhension du droit.

 

[16]           M. Javor a demandé à notre Cour, comme il avait demandé à la Cour de l’impôt, de déposer une plainte auprès du Conseil canadien de la magistrature concernant le juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario qui était chargé de trancher le litige matrimonial et une plainte auprès du Barreau du Haut‑Canada concernant l’avocat qui représentait son ex‑conjointe dans ce litige. Le juge de la Cour de l’impôt a refusé de le faire et notre Cour doit également faire la même chose. Je comprends que M. Javor est fortement convaincu que le juge et l’avocat ont agi de manière inappropriée, mais le dossier dont notre Cour dispose ne révèle rien qui soit raisonnablement susceptible de corroborer cette conviction. En tout état de cause, notre Cour ne considère généralement pas qu’il est approprié de déposer des plaintes contre des juges ou des avocats relativement à une inconduite reprochée lors d’une instance qui s’est déroulée devant d’autres cours.

 

[17]           M. Javor soutient que le jugement de la Cour de l’impôt est entaché d’un vice fatal en raison de sa partialité, de l’existence d’une crainte raisonnable de partialité ou des interventions et interruptions excessives du juge. Un examen minutieux de la transcription et du jugement ne révèle aucun appui à cette allégation.

 

 

[18]           Enfin, M. Javor conteste l’obligation qui lui incombe de payer une pénalité et des intérêts pour production tardive. Toutefois, il ne conteste pas avoir omis de produire ses déclarations de revenus à temps et il n’offre aucun fondement valide pour contester le montant d’impôt établi. Il s’ensuit forcément qu’il devra payer une pénalité et des intérêts pour production tardive.

 

[19]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            David Stratas, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-436-10

 

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR MONSIEUR LE JUGE S.K. DARCY LE 21 OCTOBRE 2010 DANS LE DOSSIER NO 2012 – 1812 (IT)I)

 

INTITULÉ :                                                                          Marian Javor c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 2 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           LE JUGE PELLETIER

                                                                                                LE JUGE STRATAS

                                                                                               

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 3 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marian Javor

(pour son propre compte)

 

POUR L’APPELANT

 

Jenna Clark

Rishma Bhimji

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s.o.

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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