Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20120625

Dossier : A‑22‑12

Référence : 2012 CAF 194

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS   

                        LA JUGE SHARLOW

                       

 

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE CONSULTANTS EN IMMIGRATION

appelante

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 juin 2012

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 25 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                       LE JUGE EVANS

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20120625

Dossier : A‑22‑12

Référence : 2012 CAF 194

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE EVANS   

                        LA JUGE SHARLOW

                       

 

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE CONSULTANTS EN IMMIGRATION

appelante

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 25 juin 2012)

 

LE JUGE EVANS

[1]               La Cour est saisie d’un appel formé par la Société canadienne de consultants en immigration (la Société) contre la décision de la Cour fédérale publiée sous la référence 2011 CF 1435, 3 Imm. L.R. (4th) 175. Par cette décision, le juge Martineau a rejeté la demande de contrôle judiciaire par laquelle la Société contestait la validité de règlements, pris par le gouverneur en conseil et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre), qui lui retiraient son agrément comme organisme de réglementation des consultants en immigration et la remplaçaient par le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (le Conseil).

 

[2]               Le juge Martineau a certifié la question suivante aux fins d’appel sous le régime de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2011, c. 27 (la LIPR) :

Le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2011‑129), le Décret fixant au 30 juin 2011 la date d’entrée en vigueur du chapitre 8 des Lois du Canada (TR/2011‑57), et/ou le Règlement désignant un organisme pour l’application de l’alinéa 91(2)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2011‑142), sont-ils ultra vires, illégaux et/ou invalides en droit?

 

 

[3]               La Société soutient que, malgré le large pouvoir discrétionnaire que la LIPR confère au gouverneur en conseil et au ministre, un organisme de réglementation des consultants en immigration ne peut perdre son agrément sauf conclusion du ministre comme quoi il n’a pas rempli son mandat légal de réglementation desdits consultants dans l’intérêt public. Cet argument se fonde sur la thèse que le régime légal prévoit l’indépendance de l’organisme de réglementation des consultants en immigration par rapport au ministre afin que, lorsqu’ils représentent leurs clients dans des différends avec celui‑ci, ces consultants puissent agir sans crainte de représailles par voie réglementaire. Le ministre, fait valoir la Société, n’a pas conclu que la Société avait manqué à ses obligations de réglementation; par conséquent, les règlements qui lui retirent son agrément et la remplacent par le Conseil sont invalides.

 

[4]               La Société ne nous paraît pas fondée en ce moyen. À notre avis, il était loisible au ministre de conclure à partir des éléments produits devant lui que la Société n’avait plus la confiance du public en tant qu’organisme de réglementation des consultants en immigration, et qu’il était dans l’intérêt public d’agréer un autre organisme non gouvernemental pour remplir cette fonction sous le nouveau régime légal institué en 2011 par le projet de loi C‑35. Il incombait au ministre de prendre une importante décision d’ordre public sur une question qui touchait à l’intégrité de l’application du droit de l’immigration et du droit des réfugiés.

 

[5]               Dans la présente espèce, le remplacement d’un organisme de réglementation non gouvernemental par un autre n’empiétait pas, directement ou indirectement, sur l’indépendance des consultants en immigration et sur leur réglementation dans l’intérêt public de manière à justifier que nous entérinions la limitation des pouvoirs de réglementation du gouverneur en conseil et du ministre dont la Société voudrait nous faire admettre le bien-fondé.

 

[6]               La Société a aussi soutenu que le processus ayant mené à la promulgation des règlements contestés n’avait pas rempli le critère de l’équité procédurale, ni ne s’était révélé [TRADUCTION] « équitable et ouvert » comme le ministre l’avait promis.

 

[7]               Nous ne pouvons souscrire à cette affirmation. À notre avis, même dans l’hypothèse où l’obligation d’agir équitablement et la doctrine des attentes légitimes seraient ici d’application – question sur laquelle nous ne nous prononçons pas – , la Société a eu toute possibilité, à de multiples étapes du processus, de présenter des observations et de répondre à ceux qui se déclaraient insatisfaits de son activité, en particulier les témoins qui se sont exprimés devant le Comité permanent du Parlement sur la citoyenneté et l’immigration en 2008, à l’époque où il enquêtait sur la réglementation des consultants en immigration.

 

[8]               Le fait que la Société n’ait pu ensuite infirmer l’opinion du ministre que le public avait perdu confiance en elle et qu’elle n’avait répondu de manière satisfaisante à ces préoccupations dans aucune des communications qu’elle avait présentées au cours du processus de sélection de l’organisme de réglementation n’est attribuable à aucun défaut de ce processus. Étant donné la nature d’ordre public de la décision de remplacer la Société et l’identité des décideurs, désignés par le législateur, qui l’ont prise (soit le gouverneur en conseil et le ministre), nous ne croyons pas que cette décision soit entachée d’un quelconque manquement à l’obligation d’équité procédurale qui justifierait l’invalidation des règlements contestés.

 

[9]               De même, la Société ne nous a pas convaincus que les règlements attaqués seraient invalides au motif qu’une personne raisonnable et bien renseignée qui aurait étudié la question en profondeur et de façon pratique conclurait que le ministre n’était pas ouvert à la persuasion, à supposer qu’on puisse invoquer ce motif pour faire invalider lesdits règlements, question que nous n’avons pas à trancher. Le dossier indique, il est vrai, que les fonctionnaires du ministre avaient de sérieuses réserves sur la capacité de la Société à remplir sa fonction de réglementation, étant donné les plaintes dont elle avait fait l’objet et la manière dont elle y avait répondu, mais ce fait n’établit pas que le ministre, ayant lancé un processus de sélection, était fermé à toute possibilité de se laisser convaincre que la Société devait conserver sa fonction de réglementation, ou qu’il aurait paru tel à un observateur raisonnable.

 

[10]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté. L’avocat du ministre a admis l’absence de circonstances spéciales qui justifieraient l’adjudication de dépens, et il n’en sera pas adjugé.

 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A‑22‑12

 

APPELS DU PREMIER JUGEMENT ET DU JUGEMENT SUPPLÉTIF RESPECTIVEMENT RENDUS PAR MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU LES 8 DÉCEMBRE 2011 ET 9 JANVIER 2012 DANS LE DOSSIER NO IMM‑5039‑11

 

INTITULÉ :                                                                          LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE CONSULTANTS EN IMMIGRATION c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 25 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                    LES JUGES NOËL, EVANS ET SHARLOW

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                            LE JUGE EVANS

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Callaghan

Benjamin Na

POUR L’APPELANTE

 

 

Marianne Zoric

Catherine Vasilaros

Neal Samson

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling LaFleur Henderson, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.