Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20120628

Dossier : A-290-11

Référence : 2012 CAF 197

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

SANDRA BUSCHAU, SHARON M. PARENT, ALBERT POY, DAVID ALLEN, EILEEN ANDERSON, CHRISTINE ASH, FREDERICK SCOTT ATKINSON, JASPAL BADYAL, MARY BALFRY, CAROLYN LOUISE BARRY, RAJ BHAMBER, EVELYN BISHOP, DEBORAH LOUISE BISSONNETTE, GEORGE BOSHKO, COLLEEN BURKE, BRIAN CARROLL, LYNN CASSIDY, FLORENCE K. COLBECK, PETER COLISTRO, ERNEST A. COTTLE, KEN DANN, DONNA DE FREITAS, TERRY DEWELL, KATRIN DOLEMEYER, ELIZABETH ENGEL, KAREN ENGLESON, GEORGE FIERHELLER, JOAN FISHER, GWEN FORD, DON R. FRASER, MABEL GARWOOD, CHERYL GERVAIS, ROSE GIBB, ROGER GILODO, MURRAY GJERNES, DAPHNE GOODE, KAREN L. GOULD, PETER JAMES HADIKIN, MARIAN HEIBLOEM-REEVES, THOMAS HOBLEY, JOHN IANNANTUONI, VINCENT A. IANNANTUONI, RON INGLIS, MEHROON JANMOHAMED, MICHAEL J. JERVIS, MARLYN KELLNER, KAREN KILBA, DOUGLAS JAMES KILGOUR, YOSHINORI KOGA, MARTIN KOSULJANDIC, URSULA M. KREIGER, WING LEE, ROBERT LESLIE, THOMAS A. LEWTHWAITE, HOLLY LI, DAVID LIDDELL, RITA LIM, BETTY C. LLOYD, ROB LOWRIE, CHE-CHUNG MA, JENNIFER MACDONALD, ROBERT JOHN MACLEOD, SHERRY M. MADDEN, TOM MAKORTOFF, FATIMA MANJI, EDWARD B. MASON, GLENN A. MCFARLANE, ONAGH METCALFE, DOROTHY MITCHELL, SHIRLEY C.T. MUI, WILLIAM NEAL, KATHERINE SHEILA NIMMO, GLORIA PAIEMENT, LYNDA PASACRETA, BARBARA PEAKE, VERA PICCINI, INEZ PINKERTON, DAVE PODWORNY, DOUG PONTIFEX, VICTORIA PROCHASKA, FRANK RADELJA, GALE RAUK, RUTH ROBERTS, ANN LOUISE RODGERS, CIFFORD JAMES ROE, PAMELA MAMON ROE, DELORES ROSE, SABRINA ROZA PEREIRA, SANDRA RYBCHINSKY, KENNETH T. SALMOND, MARIE SCHNEIDER, ALEXANDER C. SCOTT, INDERJEET SHARMA, HUGH DONALD SHIEL, MICHAEL SHIRLEY, GEORGE ALLEN SHORT, GLENDA SIMONCIONI, NORM SMALLWOOD, GILLES A. ST. DENNIS, GERI STEPHEN, GRACE ISOBEL STONE, MARI TSANG, CARMEN TUVERA, SHEERA WAISMAN, MARGARET WATSON, GERTRUDE WESTLAKE, ROBERT E. WHITE, PATRICIA JANE WHITEHEAD, AILEEN WILSON, ELAINE WIRTZ, JOE WUYCHUK, ZLATKA YOUNG

 

appelants

et

ROGERS COMMUNICATIONS INCORPORATED

intimée

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 20 juin 2012

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LA JUGE GAUTHIER

                                                                                                                         LE JUGE STRATAS

 

 


Date : 20120628

Dossier : A-290-11

Référence : 2012 CAF 197

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

SANDRA BUSCHAU, SHARON M. PARENT, ALBERT POY, DAVID ALLEN, EILEEN ANDERSON, CHRISTINE ASH, FREDERICK SCOTT ATKINSON, JASPAL BADYAL, MARY BALFRY, CAROLYN LOUISE BARRY, RAJ BHAMBER, EVELYN BISHOP, DEBORAH LOUISE BISSONNETTE, GEORGE BOSHKO, COLLEEN BURKE, BRIAN CARROLL, LYNN CASSIDY, FLORENCE K. COLBECK, PETER COLISTRO, ERNEST A. COTTLE, KEN DANN, DONNA DE FREITAS, TERRY DEWELL, KATRIN DOLEMEYER, ELIZABETH ENGEL, KAREN ENGLESON, GEORGE FIERHELLER, JOAN FISHER, GWEN FORD, DON R. FRASER, MABEL GARWOOD, CHERYL GERVAIS, ROSE GIBB, ROGER GILODO, MURRAY GJERNES, DAPHNE GOODE, KAREN L. GOULD, PETER JAMES HADIKIN, MARIAN HEIBLOEM-REEVES, THOMAS HOBLEY, JOHN IANNANTUONI, VINCENT A. IANNANTUONI, RON INGLIS, MEHROON JANMOHAMED, MICHAEL J. JERVIS, MARLYN KELLNER, KAREN KILBA, DOUGLAS JAMES KILGOUR, YOSHINORI KOGA, MARTIN KOSULJANDIC, URSULA M. KREIGER, WING LEE, ROBERT LESLIE, THOMAS A. LEWTHWAITE, HOLLY LI, DAVID LIDDELL, RITA LIM, BETTY C. LLOYD, ROB LOWRIE, CHE-CHUNG MA, JENNIFER MACDONALD, ROBERT JOHN MACLEOD, SHERRY M. MADDEN, TOM MAKORTOFF, FATIMA MANJI, EDWARD B. MASON, GLENN A. MCFARLANE, ONAGH METCALFE, DOROTHY MITCHELL, SHIRLEY C.T. MUI, WILLIAM NEAL, KATHERINE SHEILA NIMMO, GLORIA PAIEMENT, LYNDA PASACRETA, BARBARA PEAKE, VERA PICCINI, INEZ PINKERTON, DAVE PODWORNY, DOUG PONTIFEX, VICTORIA PROCHASKA, FRANK RADELJA, GALE RAUK, RUTH ROBERTS, ANN LOUISE RODGERS, CIFFORD JAMES ROE, PAMELA MAMON ROE, DELORES ROSE, SABRINA ROZA PEREIRA, SANDRA RYBCHINSKY, KENNETH T. SALMOND, MARIE SCHNEIDER, ALEXANDER C. SCOTT, INDERJEET SHARMA, HUGH DONALD SHIEL, MICHAEL SHIRLEY, GEORGE ALLEN SHORT, GLENDA SIMONCIONI, NORM SMALLWOOD, GILLES A. ST. DENNIS, GERI STEPHEN, GRACE ISOBEL STONE, MARI TSANG, CARMEN TUVERA, SHEERA WAISMAN, MARGARET WATSON, GERTRUDE WESTLAKE, ROBERT E. WHITE, PATRICIA JANE WHITEHEAD, AILEEN WILSON, ELAINE WIRTZ, JOE WUYCHUK, ZLATKA YOUNG

 

appelants

et

ROGERS COMMUNICATIONS INCORPORATED

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale. Dans des motifs détaillés et réfléchis (2011 CF 911, 337 D.L.R. (4th) 467), la Cour fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 4 novembre 2010 par le Bureau du surintendant des institutions financières Canada (la surintendante) de ne pas réexaminer huit questions soulevées par les appelants.

 

Le contexte factuel

[2]               Comme la juge de la Cour fédérale l’a mentionné, les parties s’opposent dans le cadre d’un long litige concernant un surplus actuariel accumulé dans un régime de retraite à prestations déterminées des employés. Des juges de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, de la Cour suprême du Canada, de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale se sont prononcés sur le litige. Au début de l’audience, l’avocat des appelants nous a appris que nous étions les 27e, 28e et 29e juges à se pencher sur l’affaire.

[3]               Les faits sont décrits en détail dans la décision de la Cour fédérale. Il suffit de rappeler les faits suivants en l’espèce :

 

1.                  les appelants sont des participants au régime de retraite Premier (le régime), qui est administré par l’intimée depuis qu’elle a acquis l’ancien employeur des appelants, Premier Communications Ltd., en 1980;

2.                  après le procès ayant opposé les parties devant les tribunaux de la Colombie‑Britannique, la Cour suprême du Canada a statué, dans Buschau c. Rogers Communications Inc., 2006 CSC 28, [2006] 1 R.C.S. 973, que les appelants ne pouvaient pas mettre fin à la fiducie de fonds de retraite en vertu de la règle énoncée dans Saunders c. Vautier, parce que les dispositions de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, L.R.C. 1985 (2suppl.), ch. 32 (la Loi), supplantaient la règle de common law (motifs de la Cour suprême, paragraphes 26 et 28). La Cour suprême a conclu également que la surintendante était la mieux placée pour déterminer s’il avait été mis fin au régime en vertu de la Loi ou s’il fallait y mettre fin en vertu de la Loi (motifs de la Cour suprême, paragraphes 47 à 57);

3.                  les appelants ont ensuite demandé que la surintendante mette fin au régime ou déclare qu’il y avait déjà été mis fin. L’intimée a demandé l’approbation de la surintendante concernant les modifications qui rouvriraient le régime aux nouveaux employés;

4.                  la surintendante a statué sur les deux demandes le 27 avril 2007. Elle a approuvé les modifications demandées par l’intimée et refusé de mettre fin au régime ou de déclarer qu’il y avait été mis fin;

5.                  les appelants ont demandé le contrôle judiciaire de la décision de la surintendante. Ils ont eu gain de cause devant la Cour fédérale (2008 CF 1023, [2008] A.C.F. no 1283), mais la Cour d’appel fédérale a annulé cette décision (2009 CAF 258, 393 N.R. 337), rétablissant ainsi la décision de la surintendante;

6.                  par la suite, la Cour suprême a refusé d’accorder l’autorisation nécessaire pour interjeter appel de la décision de la Cour d’appel fédérale ([2009] C.S.C.R. no 457);

7.                  le 30 juin 2010, les appelants ont adressé à la surintendante huit questions qui, estimaient‑ils, n’avaient pas été traitées dans sa décision antérieure ou avaient pris naissance depuis cette décision. Les questions sont énoncées par la juge au paragraphe 37 de ses motifs;

8.                  la décision de la surintendante de ne pas réexaminer un certain nombre de questions est décrite en détail aux paragraphes 39 à 45 des motifs de la juge. C’est cette décision qui faisait l’objet de la demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour fédérale.

 

La décision de la Cour fédérale

[4]               La décision de la Cour fédérale peut être résumée comme suit aux fins des questions soulevées dans le présent appel.

[5]               La juge a commencé par décrire certaines des principales modalités du régime : (1) l’intimée pouvait modifier le régime; (2) l’actif du régime pouvait être utilisé seulement au bénéfice exclusif des participants; (3) le régime permettait, mais n’exigeait pas, qu’un surplus actuariel soit utilisé pour augmenter les prestations des participants; (4) s’il y avait un surplus actuariel au moment de la cessation du régime, il devait être [traduction« réparti […] aux autres participants ». Elle a ensuite passé en revue les nombreuses décisions judiciaires rendues relativement au litige en cours et a résumé la décision rendue par la surintendante en 2010.

 

[6]               La juge a ensuite traité des huit questions que les appelants avaient adressées à la surintendante. Elle a estimé que la conclusion de celle‑ci selon laquelle les quatre premières questions avaient déjà été tranchées était raisonnable. Elle s’est ensuite penchée sur la question de savoir si la surintendante avait compétence pour réexaminer une décision antérieure.

 

[7]               Comme la Loi ne permet ni n’interdit le réexamen d’une décision antérieure et comme le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’applique aux décisions des tribunaux administratifs, la juge a conclu que la surintendante pouvait, en vertu de ce principe, exercer son pouvoir discrétionnaire de rouvrir une question tranchée précédemment. Elle a ensuite appliqué ce principe aux faits dont elle était saisie et a conclu que les trois conditions préalables à l’application de la préclusion étaient remplies. À son avis, la seule conclusion raisonnable à laquelle la surintendante pouvait parvenir était que les appelants ne pouvaient pas, en raison de la préclusion, soulever à nouveau les questions 1 à 4.

[8]               La juge a écrit ce qui suit au paragraphe 84 de ses motifs :

Dans les circonstances de l’espèce, étant donné la conclusion raisonnable de la surintendante selon laquelle les quatre premières questions soumises par les demandeurs étaient identiques à celles qui avaient déjà été tranchées, la seule ligne de conduite raisonnable était de conclure que les demandeurs étaient empêchés en raison de la préclusion de soulever les questions de nouveau. La décision de 2007 de la surintendante avait fait l’objet d’un contrôle judiciaire ainsi que d’un appel à la Cour d’appel fédérale. Ce n’est que lorsque la Cour suprême a refusé d’accorder l’autorisation d’interjeter appel que les demandeurs sont revenus devant la surintendante en reprenant, en substance, les mêmes questions, formulées différemment. Cela équivaut ni plus ni moins à un abus de procédure. Le présent litige dure, sous une forme ou sous une autre, depuis plus de quinze ans. Il est clairement dans l’intérêt public d’assurer le caractère définitif des décisions. Dans ces circonstances, la seule décision qui appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit que pouvait rendre la surintendante était la conclusion selon laquelle le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquait, et empêchait les demandeurs de rouvrir le débat sur les questions un à quatre.

 

[9]               La juge a ensuite examiné la prétention des appelants selon laquelle Nolan c. Kerry (Canada) Inc., 2009 CSC 39, [2009] 2 R.C.S. 678, avait modifié le droit, de sorte qu’elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer la préclusion. Elle a conclu que Nolan n’avait pas « modifi[é] le droit d’une façon qui soit pertinente au regard des questions en litige ». La Cour suprême a seulement répété dans Nolan ce qu’elle avait dit dans Buschau.

 

[10]           Il s’ensuit que, même si elle possédait le pouvoir discrétionnaire de rouvrir une décision antérieure, la surintendante n’avait pas commis une erreur en refusant, en vertu du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, de réexaminer les questions soulevées par les appelants qui avaient déjà été tranchées.

 

Les questions en litige en appel

[11]           Les appelants formulent les questions en litige dans le cadre du présent appel de la façon suivante :

1.                  Le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée empêche‑t‑il les appelants de rouvrir le débat sur la question de leur droit « exclusif » au surplus du régime à la cessation de celui‑ci et sur la question de savoir si Rogers peut utiliser ledit surplus pour s’acquitter de ses obligations en matière de cotisation à l’égard des nouveaux employés ajoutés au régime?

2.                  Si les appelants ont le droit de rouvrir le débat sur les questions ci‑dessus [traduction] « et que la Cour convient que les participants originaux (et eux seuls) ont un droit exclusif au surplus à la cessation du régime et que Rogers ne peut utiliser le surplus pour s’acquitter de ses obligations en matière de cotisation à l’égard des nouveaux employés, le jugement de [la Cour fédérale] devrait‑il être rétabli et l’affaire, renvoyée à la surintendante pour qu’elle réexamine la question de la cessation, ou la Cour devrait‑elle exercer son pouvoir de faire ce que la surintendante aurait dû faire et mettre fin au régime »?

 

[12]           En ce qui concerne la première question, les appelants ne contestent pas l’applicabilité du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Ils font plutôt valoir qu’il existe des circonstances spéciales qui devraient leur permettre de rouvrir le débat sur les questions que la Cour a tranchées précédemment à leur encontre. Selon eux, les faits suivants constituent des circonstances spéciales :

1.                  la décision antérieure de la Cour a été rendue [traduction] « sans qu’il soit tenu compte de l’arrêt contraignant rendu par la C.S.C. dans Nolan et a donc été rendue per incuriam »;

2.                  la Cour [traduction] « a elle‑même créé une grande incertitude au regard des conclusions auxquelles elle était parvenue quant au droit de Rogers de “toucher le surplus” »;

3.                  la Cour [traduction] « a semblé poser un geste sans précédent en adoptant l’opinion de la minorité, et non de la majorité, de la C.S.C. ».

 

Les requêtes de nature procédurale

[13]           Deux requêtes interlocutoires ont été présentées lors de l’audition de l’appel. Dans la première, les appelants proposaient de produire de nouveaux éléments de preuve ainsi que les éléments de preuve que la juge de la Cour fédérale avait refusé d’admettre. L’intimée s’est opposée à cette requête. Dans la deuxième, l’intimée sollicitait l’autorisation de déposer un affidavit pour contester la requête des appelants et, si ces derniers obtenaient l’autorisation de produire une nouvelle preuve, elle demandait l’autorisation de déposer le même affidavit dans le cadre de l’appel.

 

[14]           La Cour a réservé son jugement sur ces requêtes. Je vais maintenant rendre ce jugement.

[15]           Comme il a été expliqué ci‑dessus, il s’agit en l’espèce d’un appel d’une décision de la Cour fédérale concernant une demande de contrôle judiciaire visant une décision de la surintendante. Le contrôle judiciaire se déroule normalement sur la foi du dossier dont disposait le décideur. Des éléments de preuve additionnels peuvent être admis sur des questions d’équité procédurale ou de compétence (Ordre des architectes de l’Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, [2003] 1 C.F. 331, paragraphe 30). La preuve que les appelants veulent produire n’a pas trait à des questions de compétence ou d’équité procédurale et aucune raison de compléter le dossier du tribunal n’a été établie.

 

[16]           Bien que ce motif soit suffisant en soi pour rejeter la requête des appelants, j’estime également que la preuve que les appelants cherchent à produire n’est pas pertinente au regard de la question de savoir si le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’applique aux questions qu’ils ont soulevées. En outre, comme les appelants demandent l’admission d’éléments de preuve que la juge a refusés, il ne s’agit manifestement pas d’une nouvelle preuve.

 

[17]           Je rejetterais donc la requête interlocutoire des appelants. Comme la mesure de redressement demandée dans la requête de l’intimée était subordonnée au fait que la requête des appelants soit accueillie, je rejetterais cette requête également.

 

L’examen des questions soulevées en appel

[18]           Comme il a été mentionné précédemment, les appelants ne contestent pas, dans le cadre du présent appel, que les trois conditions préalables à l’application du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée sont remplies. Ils prétendent plutôt que des circonstances spéciales devraient leur permettre de soulever à nouveau les questions à l’égard desquelles la Cour a rendu précédemment une décision qui leur était défavorable.

 

[19]           Les appelants font valoir principalement qu’il faut considérer que la décision antérieure de la Cour a été annulée par l’arrêt Nolan de la Cour suprême du Canada (un arrêt rendu environ un mois avant le prononcé de la décision de la Cour).

 

[20]           La juge a traité de cette prétention aux paragraphes 85 à 88 de ses motifs :

85.       Les demandeurs soutiennent toutefois que des changements sont survenus dans le droit applicable depuis la décision rendue par la surintendante en 2007, de sorte qu’elle était tenue, dans sa décision 2010, d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer la préclusion. Quoiqu’il soit vrai qu’un changement dans le droit applicable puisse justifier de ne pas appliquer le principe de la préclusion dans certaines circonstances (Hockin c. Bank of British Columbia (1995), 3 BCLR (3d) 193, 123 DLR (4th) 538 (CA)), je n’estime pas qu’il y a eu une modification du droit en l’espèce. Ni l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Nolan, ni l’arrêt qu’elle a rendu dans Burke, ne modifient le droit d’une façon qui soit pertinente au regard des questions en litige.

86.       La majorité dans Nolan, précité, a notamment examiné la question de savoir si un employeur pouvait s’accorder des périodes d’exonération de cotisations en ce qui concerne le volet à cotisations déterminées d’un régime de retraite en raison d’un surplus actuariel qui s’était accumulé dans le volet à prestations déterminées du même régime. Les participants du volet à prestations déterminées faisaient une analogie entre leur situation et la situation en cause dans Buschau III. Ils s’appuyaient sur le fait que la majorité dans Buschau III avait indiqué qu’il serait « problématique » de rouvrir le régime de Premier à de nouveaux participants et de permettre des périodes d’exonération de cotisation en ce qui les concerne. La Cour a estimé que cette analogie n’était pas convaincante. Elle a indiqué que les circonstances dans Buschau III étaient différentes et en quoi elles l’étaient. Elle a expliqué que la défenderesse avait tenté sans succès de fusionner le régime de Premier avec le régime de Rogers et que la C.A. C.‑B. dans Buschau II avait conclu que la réouverture du régime à de nouveaux participants serait inappropriée. Elle a précisé que « [c]’est dans ce contexte que la juge Deschamps a tenu ces propos au sujet des problèmes soulevés par la réouverture du régime ».

87.       L’arrêt Nolan a seulement repris ce que la Cour suprême avait déjà dit dans Buschau III, à savoir que la réouverture du régime de Premier par la défenderesse était « problématique » étant donné les décisions antérieures des cours de justice de la Colombie‑Britannique. Que ce soit dans Buschau III ou dans Nolan, la Cour suprême n’est pas allée plus loin – la question de savoir si la défenderesse avait en fait le droit de rouvrir le régime de Premier restait posée. Cependant, la surintendante y a répondu dans sa décision de 2007 et elle a conclu que la réouverture du régime de Premier était acceptable compte tenu des modalités du régime et des dispositions de la LNPP. La Cour d’appel fédérale, dans Buschau IV, a confirmé la raisonnabilité de cette décision.

88.       Par conséquent, dans la mesure où il s’applique aux circonstances de l’espèce, l’arrêt Nolan ne contient rien de nouveau et on ne peut donc reprocher à la surintendante de ne pas en avoir traité dans sa décision.

 

[21]           À mon avis, l’analyse de la juge est correcte en droit et rien ne justifie notre intervention. En termes simples, la Cour suprême a répété, dans les passages de Nolan invoqués par les appelants, ce qu’elle avait décidé précédemment dans Buschau. Elle n’a rien dit qui modifiait cet arrêt. Par conséquent, Nolan ne peut pas avoir annulé la décision rendue par la Cour dans Buschau. Je constate que cette décision et le rejet, par la Cour suprême, de la demande d’autorisation de la porter en appel sont survenus après que la Cour suprême a rendu sa décision dans Nolan. Les appelants soutenaient, dans leur demande d’autorisation d’appel, que Nolan avait modifié la décision rendue par la Cour dans Buschau et que celle‑ci avait commis une erreur en s’appuyant sur la décision de la minorité de la Cour suprême dans cette affaire. La Cour suprême n’a cependant pas accordé l’autorisation.

 

[22]           Dans sa plaidoirie, l’avocat des appelants a reconnu que les deux autres motifs qui, selon ces derniers, constituaient des circonstances spéciales étaient [traduction] « nouveaux ». À mon avis, les présumés défauts ou incertitudes contenus dans les motifs donnés au soutien d’une décision définitive antérieure ne peuvent, en droit, constituer des circonstances spéciales permettant d’écarter le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Si c’était le cas, aucune décision ne serait définitive. Toute partie déçue pourrait relever quelque chose dans les motifs rendus précédemment et s’en servir pour demander la réouverture de la décision. Le fait que nous sommes les 27e, 28e et 29e juges à examiner le droit des appelants au surplus actuariel montre l’importance et l’utilité du principe du caractère définitif des décisions.

 

[23]           La juge n’a donc commis aucune erreur en concluant que les appelants n’avaient pas droit de soulever à nouveau les questions qui avaient déjà été tranchées en leur défaveur. De plus, il n’est pas nécessaire d’examiner les prétentions des appelants concernant le redressement.

 

Conclusion et dépens

[24]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

[25]           L’intimée demande les dépens sur une base avocat‑client. Elle soutient que le présent appel constitue un abus de procédure et que la Cour doit le faire savoir clairement en adjugeant les dépens sur une base avocat‑client.

 

[26]           Je ne suis pas convaincue que l’adjudication des dépens sur une base avocat‑client soit justifiée compte tenu des faits en l’espèce. De tels dépens ne sont adjugés que rarement, par exemple lorsqu’une partie s’est conduite de manière répréhensible ou scandaleuse. À mon avis, on ne peut pas qualifier ainsi la conduite des appelants.

 

[27]           Je suis tout aussi convaincue cependant que les efforts déployés par les appelants pour rouvrir le débat sur les questions que la Cour a tranchées précédemment en leur défaveur justifient des dépens élevés. En conséquence, j’ordonnerais que, si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, ceux‑ci soient taxés selon l’échelon le plus élevé de la colonne V du tableau du tarif B des Règles des Cours fédérales.

 

 

 

 

 

 

 

 

Post‑scriptum

[28]           Après l’audience, nous avons reçu des observations écrites additionnelles non sollicitées des appelants. Ces observations concernent un aspect de la question de la réouverture du débat ainsi que des questions relatives aux dépens. L’intimée s’oppose à ce que la Cour les examine. Cette opposition est fondée, mais, en tout état de cause, ces observations n’ont aucune incidence sur la décision de rejeter le présent appel ou sur les motifs sur lesquels cette décision est fondée.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Johanne Gauthier j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            David Stratas j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        A-290-11

 

INTITULÉ :                                                     SANDRA BUSCHAU ET AL. c.

                                                                            ROGERS COMMUNICATIONS INCORPORATED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            Le 20 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                       LA JUGE GAUTHIER

                                                                            LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                    Le 28 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

John N. Laxton, c.r.

Robert D. Gibbens

 

POUR LES APPELANTS

 

Stephen R. Schachter, c.r.

Peter R. Senkpiel

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Laxton Gibbens & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES APPELANTS

 

Nathanson, Schachter & Thompson LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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