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Date : 20120629

Dossiers : A-148-11

A-149-11

A-150-11

Référence : 2012 CAF 200

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

A-148-11

ENTRE :

LES PRO-POSEURS INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

A-149-11

ENTRE :

LES PRO-POSEURS INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

 

A-150-11

ENTRE :

CLAUDE SÉGUIN

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 18 juin 2012.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 juin 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LA JUGE TRUDEL

LE JUGE MAINVILLE

 


Date : 20120629

Dossiers : A-148-11

A-149-11

A-150-11

Référence : 2012 CAF 200

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

A-148-11

ENTRE :

LES PRO-POSEURS INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

A-149-11

ENTRE :

LES PRO-POSEURS INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

A-150-11

ENTRE :

CLAUDE SÉGUIN

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit de trois appels dirigés à l’encontre de décisions rendues par le juge Paul Bédard de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la CCI) qui a confirmé selon un seul jeu de motifs trois séries de cotisations émises à l’encontre de Les Pro-Poseurs Inc. (la Compagnie) et son principal actionnaire Claude Séguin (collectivement, les appelants) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR) et la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la LTA).

 

[2]               Les motifs qui suivent disposent des trois appels. L’original sera déposé dans le dossier

A-148-11 et une copie sera déposée dans les deux autres dossiers pour y tenir lieu de motifs.

 

[3]               Les trois séries de cotisations sont issues de la même trame factuelle, soit que les appelants se seraient engagés dans un stratagème de factures d’accommodation ou de complaisance en vertu duquel la Compagnie prétendait payer des sous-traitants (les accommodateurs) pour des services ou fournitures alors qu’aucun tel service ou fourniture n’était rendu ou fournie et que la valeur en espèces des chèques émis en paiement de ces factures était retournée aux appelants. La Compagnie aurait par la suite déduit les montants inscrits à ces factures dans le calcul de son revenu et réclamé les crédits de taxe sur les intrants qui en découlent.

 

[4]               La première série de cotisations a pour effet de refuser la déduction du montant inscrit à ces factures dans le calcul du revenu de la Compagnie pour les années pertinentes en vertu de la LIR (A-148-11). La deuxième série de cotisations a pour effet de refuser les crédits de taxe sur les intrants réclamés par la Compagnie sur la foi de ces factures en vertu de la LTA (A-149-11). La troisième série de cotisations ajoute au revenu de Claude Séguin, en tant qu’actionnaire de la Compagnie, le montant inscrit à ces fausses factures en vertu du paragraphe 15(1) de la LIR, au motif qu’il se serait approprié les montants en espèces remis par les accommodateurs (A-150-11). Chaque série de cotisations prélève des pénalités pour déclarations fausses ou trompeuses et certaines des cotisations furent émises après que la période normale de cotisation se soit écoulée.

 

[5]               Le juge de la CCI a tiré une inférence négative du fait que les appelants auraient pu produire de nombreux témoins pour valider leur thèse, et ne l’ont pas fait. Se fondant sur l’ensemble de la preuve et après avoir jugé que les témoins-clés présentés par les appelants n’étaient pas crédibles, il a retenu la théorie du Ministre du Revenu national (le ministre) selon laquelle les appelants avaient participé au stratagème de fausses factures tel qu’explicité dans les réponses aux avis d’appel déposées par l’intimée. Le juge de la CCI a donc confirmé le refus par le ministre d’accorder à la Compagnie les dépenses et les crédits d’impôt réclamés selon les fausses factures.

 

[6]               Compte tenu de cette conclusion et en l’absence d’explication quant à l’utilisation des fonds générés par les fausses factures, le juge de la CCI a aussi conclu que la série de cotisations émises à l’encontre de Claude Séguin au motif qu’il s’était approprié ces fonds pour ses fins personnelles était bien fondée.

 

[7]               Considérant la nature des gestes retenus à l’encontre des appelants, le juge de la CCI n’a pas eu de difficulté à conclure que le ministre s’était acquitté du fardeau qui lui incombait pour justifier l’imposition de pénalités en vertu de la LIR et de la LTA (voir respectivement le paragraphe 163(2) de la LIR et l’article 285 de la LTA) et pour justifier l’émission de cotisations hors délai (voir le paragraphe152(4) de la LIR).

 

[8]               Enfin, indépendamment de ce qui précède le juge de la CCI a conclu dans le dossier

A-149-11 que les crédits de taxe sur les intrants réclamés par la Compagnie ne pouvaient être accordés puisque les factures soumises à l’appui ne reflètent pas une description suffisante des travaux tel que l’exige le paragraphe 169(4) de la LTA et plus particulièrement le sous-alinéa (3)c)(iv) du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH), DORS/91-45 (le Règlement).

 

[9]               Au soutien de leurs appels, les appelants s’en remettent à la preuve qu’ils ont présentée devant le juge de la CCI, et font valoir que cette preuve était suffisante pour démontrer de façon prima facie que la Compagnie a fait de réelles acquisitions de fournitures et de services. Selon les appelants, cette preuve fait en sorte qu’ils se sont acquittés de leur « fardeau de preuve initiale » et il incombait dès lors à l’intimée, au nom du ministre, d’établir l’existence du stratagème allégué, ce qu’elle n’a pas réussi à faire. Ils ajoutent que le juge de la CCI ne pouvait tirer une inférence négative du fait que certaines personnes n’ont pas été appelées à témoigner puisque la preuve révèle qu’elles étaient introuvables. C’est donc à tort que le juge de la CCI a conclu que les appelants ne se sont pas acquittés du fardeau qui leurs incombait.

 

[10]           Les appelants font valoir plusieurs prétentions additionnelles lesquelles cependant n’ont pas à être abordées dans la mesure où la Cour conclut, à l’instar du juge de la CCI, qu’ils ne se sont pas déchargés du fardeau initial qui leur incombait.

 

[11]           Je souligne au départ que les appelants en formulant leurs moyens d’appel n’ont pas tenu compte de la norme de contrôle. Or, il est acquis que les questions de droit sont révisables selon la norme de la décision correcte alors que les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit le sont selon la norme de l’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

 

[12]           Les appelants ne prétendent pas que le juge de la CCI a mal identifié le critère juridique applicable en matière du fardeau de la preuve (Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336; voir aussi Stewart c. Canada, [2000] A.C.I. no 53, tel que repris par Amiante Spec Inc. c. Canada, 2009 CAF 139 et House c. Canada, 2011 CAF 234). Ils prétendent cependant que le juge de la CCI a mis la barre trop haute puisque selon eux, la preuve qu’ils ont présentée était crédible et suffisante pour leur permettre de s’acquitter de ce fardeau.

 

[13]           L’appréciation de la preuve et de sa suffisance par le juge de la CCI ainsi que l’évaluation qu’il a faite de la crédibilité des témoins qui ont comparu devant lui ne peuvent être remises en question en l’absence de la démonstration d’une erreur manifeste et dominante.

 

[14]           Aucune telle erreur n’a été démontrée. Au contraire, la preuve présentée par les appelants révèle des contradictions, ambiguïtés et des imprécisions qui justifient les doutes exprimés par le juge de la CCI quant à la force probante de cette preuve et sa crédibilité.

 

[15]           Parmi ces éléments, je souligne :

 

-     le témoignage de Hermel Lanteigne, beau-frère de Claude Séguin, qui aurait effectué des travaux pour le compte de plusieurs des prétendus fournisseurs alors qu’aucun d’entre eux n’aurait déclaré les heures travaillées à la Commission de la construction du Québec (CCQ), avec la conséquence que monsieur Lanteigne n’a pas accumulé de paie de vacances ou de pension pendant les années en cause;

 

-     le fait que lors de sa rencontre avec les agents du ministre, Claude Séguin n’a pas été en mesure de dire qui était l’individu qui aurait accompli les travaux pour le compte de ces prétendus fournisseurs alors que selon la preuve qu’il a lui-même présentée par la suite, il s’agissait de son propre beau-frère, monsieur Lanteigne;

 

-     le fait que Claude Séguin n’aurait jamais communiqué avec les dirigeants des prétendus fournisseurs au motif qu’il ne transigeait qu’avec des employés de ces prétendus fournisseurs et selon des ententes verbales;

 

-     le fait que la quasi-totalité des chèques émis par la Compagnie en paiement des services qu’auraient rendus les prétendus fournisseurs étaient encaissés auprès de bureaux de change, et que certains des chèques émis en paiement des prétendus travaux étaient tirés au nom de bureaux de change;

 

-     le fait que les témoins des appelants ont généralement été vagues et imprécis dans leur description du lieu et de la nature des travaux effectués et que les factures de façon générale ne comportent ni détail ni description;

 

-          le fait que même si les treize prétendus fournisseurs sont des entités distinctes, plusieurs factures sont identiques au niveau de la forme;

 

-          le fait que certaines factures ont une numérotation séquentielle qui manque de suite par rapport à leurs dates d’émission.

 

 

[16]           Le juge de la CCI était aussi en droit de tirer une inférence négative du fait que plusieurs des individus qui auraient été en mesure de soutenir les prétentions des appelants n’ont pas été appelés à témoigner. J’ai à l’esprit le personnel de la Quincaillerie où la Compagnie recrutait sa main-d’œuvre ainsi que le comptable des appelants.

 

[17]           Quant aux têtes dirigeantes des prétendus fournisseurs, il est vrai que les vérificateurs n’ont pas été en mesure de les contacter. Par contre, ceci n’établit pas que les appelants n’étaient pas en mesure de le faire et ces derniers n’ont fait état d’aucune démarche entreprise en ce sens. J’ajouterais que s’il est vrai qu’aucun de ces individus ne peut être retrouvé, cela est assez révélateur en soi.

 

[18]           J’en viens donc à la conclusion que la preuve permettait au juge de la CCI de conclure que les appelants ne se sont pas acquittés du fardeau initial qui leur incombait de démontrer que les factures reflétaient de réelles acquisitions. Compte tenu de cette conclusion et en l’absence d’explication quant à l’utilisation des argents générés par le stratagème de fausses factures, la preuve permettait aussi au juge de la CCI de conclure que Claude Séguin s’était approprié ces argents pour ses fins personnelles tel qu’allégué par le ministre. Finalement, la nature des gestes retenus à l’encontre des appelants permettait au juge de la CCI de conclure que le ministre s’était acquitté de son fardeau quant aux pénalités et à l’émission de cotisations hors délai.

 

[19]           Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire ni opportun que la Cour se penche sur la conclusion subsidiaire retenue par le juge de la CCI dans le dossier A-149-11 selon laquelle seules les factures qui rencontrent les exigences énoncées au paragraphe 46 de ses motifs peuvent donner droit à un crédit de taxe sur les intrants.

 

[20]           Pour ces motifs, je rejetterais les trois appels avec dépens dans chaque cas.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

« Je suis d'accord.

           Johanne Trudel, j.c.a. »

 

« Je suis d'accord.

           Robert M. Mainville, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-148-11

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE PAUL BÉDARD DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DU 1er MARS 2011, N° DE DOSSIER 2008-3955(IT)G.

 

INTITULÉ :                                                                          LES PRO-POSEURS INC. et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 18 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           La juge Trudel

                                                                                                Le juge Mainville

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 29 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Martin Fortier

POUR L’APPELANTE

 

Me Dany Leduc

Me Mounes Ayadi

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

De Chantal, D'Amour, Fortier  

Longueuil (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

Myles J. Kirvan  

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-149-11

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE PAUL BÉDARD DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DU 1er MARS 2011, N° DE DOSSIER 2008-2580(GST)G.

 

INTITULÉ :                                                                          LES PRO-POSEURS INC. et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 18 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           La juge Trudel

                                                                                                Le juge Mainville

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 29 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Martin Fortier

POUR L’APPELANTE

 

Me Dany Leduc

Me Mounes Ayadi 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

De Chantal, D'Amour, Fortier  

Longueuil (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

Myles J. Kirvan  

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-150-11

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE PAUL BÉDARD DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DU 1er MARS 2011, N° DE DOSSIER 2008-3954(IT)G.

 

INTITULÉ :                                                                          CLAUDE SÉGUIN et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 18 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           La juge Trudel

                                                                                                Le juge Mainville

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 29 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Martin Fortier

POUR L’APPELANTE

 

Me Dany Leduc

Me Mounes Ayadi 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

De Chantal, D'Amour, Fortier  

Longueuil (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

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