Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20120727

Dossier : A-155-11

Référence : 2012 CAF 214

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

NEWMONT CANADA CORPORATION

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 février 2012

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LA JUGE TRUDEL

                                                                                                                         LE JUGE STRATAS

 

 


Date : 20120727

Dossier : A-155-11

Référence : 2012 CAF 214

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

NEWMONT CANADA CORPORATION

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Les questions en litige dans le présent appel interjeté d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt sont celles de savoir si, lors du calcul de son revenu, l'appelante avait le droit, sur le plan fiscal, de déduire :

 

i.                    7 250 000 $ en 1992 et 78 294 $ en 1994 en vertu de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) à titre de principal non recouvré dû relativement au prêt qu’elle avait consenti à Windarra Minerals Ltd. (Windarra) et qui n'avait pas été remboursé au complet (le prêt Windarra);

ii.                  156 888 $, en 1992, en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(i) de la Loi, à l'égard d'intérêts cumulés sur le prêt Windarra qui, suivant l'appelante, avait déjà été inclus dans ses revenus, mais n'avaient pas été effectivement reçus (les intérêts Windarra).

 

[2]               Se fondant sur l'alinéa 18(1)b) de la Loi, le ministre a établi une nouvelle cotisation par laquelle il a refusé les déductions réclamées par l’appelante relativement au prêt Windarra au motif qu'il s'agissait d'un prêt imputable au capital. Le ministre a refusé la déduction réclamée relativement aux intérêts Windarra au motif que ce montant n'avait pas antérieurement été inclus dans le calcul des revenus de l'appelante.

 

[3]               L'appelante a interjeté appel devant la Cour de l'impôt. Par ses motifs publiés à 2011 CCI 148, 2011 DTC 1117, la Cour a rejeté les appels avec dépens.

 

[4]               Par les motifs qui suivent, je suis d'avis de rejeter l'appel dans la mesure où il se rapporte à la déduction du principal à rembourser aux termes du prêt Windarra, et d’accueillir l'appel en ce qui concerne la déductibilité des intérêts Windarra.

 

Les faits

[5]               L'évolution de la structure organisationnelle de l'appelante sera brièvement expliquée plus loin. Par souci de commodité et à l'instar du juge de première instance, je désignerai l'appelante et ses prédécesseurs sous le nom de Hemlo Gold.

[6]               Le juge de la Cour de l'impôt (le juge) a tiré les conclusions de fait suivantes, qui ne sont pas controversées entre les parties dans le présent appel :

 

1.                  Au cours de presque toute la période pertinente, l’appelante était une société ouverte appelée Hemlo Gold Mines Inc. L’activité principale de la société consistait en l’exploitation de la mine Golden Giant, dans le Nord de l’Ontario (par l’entremise de sa filiale, HGM Inc.), et la prospection de minéraux, en particulier de l’or, au Canada et aux États‑Unis (motifs, paragraphes 6 et 15).

2.                  En 1995, après les années d’imposition en cause, Hemlo Gold Mines, HGM Inc. et une société à numéro ont fusionné pour former une nouvelle société appelée Hemlo Gold Mines Inc. En 1996, Hemlo Gold Mines Inc. a fusionné avec une société sans lien de dépendance, Battle Mountain Gold Ltd., et la société a changé de nom pour adopter celui de Battle Mountain Canada Ltd. Newmont Mining Corporation a acquis la société en 2001 et elle a changé de nom pour adopter celui de Newmont Canada Ltd. (motifs, paragraphe 16). Au moment du procès, l’appelante a repris le nom de Newmont Canada Corporation.

3.                  L’un des objectifs de Hemlo Gold, au moment de sa création, était d’accroître ses bénéfices en ajoutant à ses activités la production d’or. Par conséquent, Hemlo Gold cherchait constamment de nouveaux biens miniers étant donné que la mine Golden Giant renfermait une quantité limitée d’or (motifs, paragraphe 117).

4.                  De 1987 à 1989, Hemlo Gold a acquis un certain nombre de droits indirects sur des sociétés minières. Ces droits étaient mentionnés dans son bilan sous la rubrique [traduction] « Investissements et avances ». Les rapports annuels de Hemlo Gold pour les années 1987 à 1991 indiquaient que les investissements et avances étaient passés de 5,4 millions de dollars à la fin du premier exercice (1987) à 60 millions de dollars à la fin de l’exercice 1988 et qu’ils avaient ensuite atteint 82 millions de dollars à la fin de l’exercice 1989. Les investissements et avances sont passés à 49 millions de dollars en 1990 et à 12,4 millions de dollars à la fin de l’exercice 1991 (motifs, paragraphes 121 et 122).

5.                  Dans le cadre de son acquisition d’actions de petites sociétés minières, Hemlo Gold a, le 21 avril 1988, conclu une entente avec Windarra (l’entente Windarra) (motifs, paragraphe 18).

6.                  Windarra détenait des droits sur deux biens miniers dans un secteur appelé camp Mishibishu. Elle détenait un intérêt de 25 p. 100 dans un bien-fonds désigné sous le nom de bien-fonds Magnacon. Les autres propriétaires étaient Flanagan McAdam Resources (« FMR ») et Muscocho Exploration Ltd. (« Muscocho »). Windarra détenait également une participation de 50 p. 100 sur un terrain adjacent au bien-fonds Magnacon, appelé bien-fonds de l’Est (motifs, paragraphe 124).

7.                  Les trois propriétaires du bien-fonds Magnacon aménageaient le bien‑fonds dans le cadre d’une coentreprise. Hemlo Gold a tenté d’acheter à Windarra et à FMR une participation directe de 25 p. 100 dans le bien-fonds Magnacon. Toutefois, elle a échoué : l’un des participants à la coentreprise a invoqué un droit de premier refus stipulé dans l’entente de coentreprise, (motifs, paragraphe 125).

8.                  Après avoir échoué dans ses tentatives d’acquérir un droit direct dans le bien-fonds Magnacon, Hemlo Gold a conclu le 21 avril 1988 avec Windarra un accord qui lui a permis d’acquérir un droit indirect sur le bien-fonds. L’accord stipulait :

 

•      Hemlo Gold s’engageait à prêter à Windarra 7,5 millions de dollars au taux courant pour les prêts-or et le montant du prêt pouvait être augmenté à 8,25 millions de dollars en cas de dépassement des coûts du projet ;

 

       Le produit du prêt devait être utilisé pour payer la part assumée par Windarra à l’égard des travaux d’exploration et d’aménagement se rapportant à la participation de 25 p. 100 que Windarra détenait sur la mine Magnacon et de la participation de 50 p. 100 qu’elle détenait sur le bien-fonds de l’Est;

 

•      Le prêt devait être remboursé à l’aide de la part de 80 p. 100 revenant à Windarra sur la première rentrée de fonds disponible provenant du bien-fonds Magnacon;

 

•      Hemlo Gold devait souscrire 1 500 000 actions de Windarra en échange de 150 000 actions ordinaires de ses propres actions;

 

•      Hemlo Gold devait souscrire 2 millions d’actions de Windarra à deux dollars chacune. Sur les 4 000 000 $ ainsi obtenus, 3 500 000 $ devaient servir au paiement de la part des futurs frais d’exploration et d’aménagement assumés par Windarra relativement au bien-fonds de l’Est et le montant de 500 000 $ restant serait affecté au fonds de roulement de Windarra;

 

•      Hemlo Gold aurait l’option d’acheter deux millions d’actions additionnelles de Windarra;

 

•      Hemlo Gold Hemlo Gold s’engageait, pour une période de six ans, à ne pas porter le nombre d’actions ordinaires qu’elle détenait dans Windarra à plus de 33 1/3 p. 100 des actions ordinaires;

 

•      Windarra devait transférer à Hemlo Gold un droit direct de 25 p. 100 dans le bien-fonds de l’Est. Une fois que Windarra aurait dépensé 3,5 millions de dollars sur le montant reçu lors de l’émission des deux millions d’actions de Windarra, Hemlo Gold était tenue de payer 50 p. 100 des frais d’exploration et d’aménagement se rattachant au bien-fonds de l’Est. (Motifs, paragraphes 126 à 133)

 

9.                  Au cours de son témoignage, Me Joseph Baylis, ancien vice-président, Relations avec les investisseurs, et avocat général de Hemlo Gold, a évoqué le financement de Windarra. Il a qualifié d’offre globale les divers éléments du financement. En ce qui concerne le prêt Windarra, il a déclaré que Windarra avait besoin de financement afin de financer les appels de fonds dans le cadre de la coentreprise pour les travaux de construction et d’aménagement du bien-fonds Magnacon. Il a expliqué que, si Hemlo Gold n’avait pas consenti le prêt, Windarra aurait eu à se procurer des capitaux additionnels auprès de tiers, de sorte qu’elle aurait émis des actions additionnelles, ce qui aurait dilué les avoirs que Hemlo Gold détenait dans la société (motifs, paragraphe 134).

10.              Dans une note de service datée du 25 avril 1988 adressée au conseil d’administration de Hemlo Gold, le président et celui qui à l’époque était le vice‑président, Finances, de Hemlo Gold, expliquaient que Hemlo Gold fournissait du financement à Windarra afin de s’établir sur les terres du camp Mishibishu (et de protéger ainsi [traduction] « la position générale » de Hemlo Gold dans le camp) et d’obtenir un investissement direct dans le bien-fonds de l’Est. La note disait également qu’en effectuant ces investissements, Hemlo Gold [traduction] « s’assurerait la participation de la société à titre d’associée [...] et [qu’]elle en ferait finalement l’acquisition, si de nouvelles découvertes ou si l’expansion des réserves sur le bien-fonds Magnacon le justifiaient » (motifs, paragraphe 135).

11.              Au cours des années 1988 et 1989, Hemlo Gold a acquis les actions de Windarra et a avancé certaines sommes conformément à l’entente relative au prêt Windarra. À la fin de 1989, Hemlo Gold avait acquis 5,65 millions d’actions de Windarra et elle a avancé le montant maximum prévu dans l’entente relative au prêt Windarra, soit 8,25 millions de dollars. Selon les notes jointes aux états financiers vérifiés de 1989 de Hemlo Gold, le montant de 17,784 millions de dollars à l’égard des actions de Windarra et du prêt Windarra a été inclus dans le solde des investissements et avances, dans le bilan de Hemlo Gold (motifs, paragraphe 136).

12.              Au cours de 1990, les participants à la coentreprise chargée de mettre en valeur le bien-fonds Magnacon ont décidé de fermer la mine, de sorte que Hemlo Gold a réduit la valeur, à des fins comptables, de son investissement dans les actions de Windarra et du montant du prêt Windarra. La valeur comptable des actions a été ramenée à leur valeur marchande estimative d’un million de dollars, soit une réduction de valeur de 7,513 millions de dollars (motifs, paragraphe 137).

13.              Le 6 novembre 1992, Windarra et Hemlo Gold ont conclu une entente de règlement en vertu de laquelle les parties étaient libérées des obligations énoncées dans l’entente de Windarra. L’obligation de Windarra de rembourser le prêt Windarra a été éteinte en contrepartie de son engagement de payer un montant d’un million de dollars (motifs, paragraphe 142). Le montant de 921 706 $ devait être payé au plus tard le 17 décembre 1992 et un montant de 78 294 $ devait être payé au plus tard le 17 décembre 1993 (motifs, note 115). Cette dernière somme n’a jamais été payée.

14.              En préparant ses déclarations de revenus de 1992 et de 1994, Hemlo Gold a déduit les montants de 7 590 684 $ et de 78 294 $ respectivement à l’égard du prêt Windarra. En 1992, elle a déclaré la disposition des actions de Windarra à titre de dispositions d’immobilisations (motifs, paragraphe 143).

15.              Lors de l’établissement de la nouvelle cotisation de Hemlo Gold, le ministre a autorisé une déduction en rapport avec des revenus en intérêts cumulés de 183 336 $ qui avaient déjà été inclus dans le revenu de Hemlo Gold mais n’avaient jamais été reçus de Windarra. Le ministre a refusé un montant de 7 407 308 $ sur le montant déduit en 1992 pour le prêt Windarra ainsi que la totalité du montant déduit en 1994 (motifs, paragraphe 144).

 

Décision de la Cour de l’impôt

[7]               En ce qui concerne la première question, le juge a statué que le principal non recouvré dû relativement au prêt Windarra était une perte imputable au capital parce qu’aux termes de l’entente Windarra, « Hemlo Gold a acquis des actifs offrant un avantage durable » (motifs, paragraphes 154 à 156). Suivant le juge :

155      Le prêt Windarra a fourni à Windarra le fonds de roulement nécessaire en vue de lui permettre de financer sa part des frais d’exploration et d’aménagement associés au bien-fonds Magnacon. Le prêt Windarra a été consenti en vue d’assurer à Hemlo Gold un flux de revenu (des intérêts) et de permettre à Windarra d’aménager le bien-fonds Magnacon. L’aménagement fructueux du bien-fonds aurait assuré à Hemlo Gold un avantage durable sous la forme de dividendes ou d’une augmentation de la valeur des actions de Windarra.

 

[8]               Le juge a également relevé que le prêt Windarra et les actions de Windarra figuraient dans le bilan de Hemlo Gold à titre d’investissements et d’avances (motifs, paragraphe 150), ce qui correspondait à ce qu’on trouvait dans les rapports annuels de 1987, 1988 et 1989 de Hemlo Gold. Au paragraphe 151 de ses motifs, le juge cite l’extrait suivant du rapport annuel 1988 :

Le portefeuille d’investissements de Hemlo Gold soutient nos initiatives dans le domaine de l’exploration. Il y a d’abord eu l’acquisition d’actions de Viceroy Resource Corporation, en 1987, et ensuite, en 1988 des investissements similaires visant à assurer une participation dans Windarra Minerals Ltd., Central Crude Ltd. et Granges Exploration Ltd. Hemlo a également consenti des prêts à Windarra et à Viceroy à des fins de production et s’est engagée à consentir un prêt à Central Crude. Ces investissements sont effectués dans des sociétés minières aurifères comportant d’énormes possibilités de contribuer aux recettes futures de Hemlo tout en offrant un potentiel de croissance. En outre, les acquisitions d’actions dans ces sociétés et dans d’autres sociétés similaires axées sur la croissance seront effectuées. [Passages soulignés dans les motifs de la Cour de l’impôt.]

 

[9]               Le juge a observé que le fait de considérer le prêt Windarra comme étant imputable au capital s’accordait aussi avec la façon dont Hemlo Gold avait traité, sur le plan fiscal, la disposition d’actions qu’elle possédait dans des petites sociétés aurifères. Hemlo Gold a considéré la disposition de ces actions en 1990 et en 1991 comme étant imputable au capital (motifs, paragraphe 152).

 

[10]           Le juge a rejeté l’argument de Hemlo Gold suivant lequel l’opération était visée par la première exception mentionnée dans l’arrêt Easton c. Canada, [1998] 2 C.F. 44. Suivant le juge, le prêt Windarra ne tombait pas sous le coup de la première exception parce qu’il avait été consenti « afin de permettre le financement d’activités de Windarra générant un bénéfice [et n’avait] pas été consenti dans un but productif de revenu lié à la propre entreprise de Hemlo Gold » (motifs, paragraphe 158).

 

[11]           En ce qui concerne la seconde question, le juge a observé qu’il fallait rechercher quels montants avaient été inclus lors du calcul des revenus de Hemlo Gold pour les années d'imposition 1988, 1989 et 1990, s’agissant des intérêts cumulés sur le prêt Windarra (motifs, paragraphe 172). Un vérificateur de l'Agence du revenu du Canada, M. MacGibbon, a expliqué dans le cadre de son témoignage qu’en examinant le grand livre, il avait pu repérer des inscriptions s'élevant en tout à 183 336 $ faisant état du revenu en intérêts à l'égard des intérêts cumulés sur le prêt Windarra (motifs, paragraphe 175).

 

[12]           En ce qui concerne la thèse défendue par l’appelante, le juge fait les observations suivantes :

176      L’appelante a soutenu que le ministre avait sous-estimé d’un montant de 156 888 $ la déduction effectuée en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(i). Elle est arrivée à ce chiffre en procédant au calcul suivant :

 

[traduction]

 

Premièrement, le montant des intérêts cumulés au 31 décembre 1989 a été établi ainsi :

 

a.    Montant indiqué dans le bilan au 31 décembre 1989 à l’égard du prêt Windarra : 8,513 millions de dollars;

 

b.    Moins : principal du prêt au 31 décembre 1989 : 8,25 millions de dollars;

 

c.    Correspond au montant des intérêts cumulés au 31 décembre 1989 : 263 000 $.

 

L’appelante a ensuite comparé les 263 000 $ au montant du revenu en intérêts que M. MacGibbon avait calculé pour les périodes antérieures à l’année 1989, soit un montant de 106 112 $.

 

177      Selon la position prise par l’appelante, la différence entre le montant de 263 000 $ et le montant de 106 112 $, soit 156 888 $, représente un revenu additionnel en intérêts cumulés qui a été inclus dans le revenu indiqué dans les déclarations de revenus de 1988 et de 1989 de Hemlo Gold.

 

178      Au cours de son témoignage, M. Proctor a résumé l’argument de l’appelante ainsi : [traduction] « Parce que nous l’avons dans le bilan et comme les débits doivent correspondre aux crédits, le montant en question doit avoir figuré dans l’état des résultats et nous ne l’avons pas rajusté en arrivant au revenu net aux fins de l’impôt sur le revenu. Pour les besoins des états financiers, ce montant doit être inclus dans le revenu net aux fins de l’impôt sur le revenu ». [Renvois omis.]

 

[13]           Le juge a poursuivi ainsi son raisonnement :

180      De toute évidence, la façon la plus facile pour l’appelante de prouver que c’est ce qui s’est en fait produit consistait à produire les inscriptions de journal pertinentes ou les comptes du grand livre. Toutefois, l’appelante n’a pas pu trouver ses registres de l’année 1988 et de la première moitié de l’année 1989. Elle les a apparemment perdus lors d’un déménagement.

 

181      Je ne puis retenir l’argument de l’appelante. Hemlo Gold aurait pu inscrire le montant compensatoire à titre de revenu en intérêts, ou encore, elle aurait pu inscrire le montant compensatoire dans un compte du bilan tel que le compte de revenus reportés ou un compte de réserve. La seule façon de déterminer comment les montants compensatoires ont été consignés en 1988 et au cours de la première moitié de l’année 1989 consisterait à examiner les livres et registres pertinents. Malheureusement, les livres pertinents n’ont pas été fournis au ministre ni à la Cour.

 

182      Le seul élément de preuve indiquant que les intérêts cumulés avaient été inclus dans le revenu de Hemlo Gold figurait dans les documents de travail de M. MacGibbon. Je suis d’accord avec l’avocate de l’intimée lorsqu’elle dit que, pour que l’appelante obtienne une déduction en sus du montant admis par le ministre, [traduction] « il faudrait qu’elle présente à la Cour quelque chose de plus fiable qu’une conclusion fondée sur des hypothèses non corroborées ». [Renvois omis.]

 

Les erreurs dont il est fait grief

[14]           En ce qui concerne la conclusion tirée par le juge au sujet de la première question (celle suivant laquelle le prêt Windarra était imputable au capital), l'appelante affirme :

1.                  Le juge a commis une erreur sur un moyen mélangé de fait et de droit en concluant que le prêt Windarra était imputable au capital.

2.                  Le juge a commis une erreur de droit :

a)        en n’appliquant pas correctement la première exception consacrée par la jurisprudence Easton;

b)       en ne suivant pas une jurisprudence constante enseignant que le facteur le plus important pour décider si une opération est imputable au revenu ou au capital est l'intention du contribuable au moment de l'opération en question;

c)        en ne suivant pas une jurisprudence constante enseignant que, pour savoir si une opération est imputable au capital ou au revenu, il convient de rechercher ce que l'opération visait du point de vue pratique et commercial plutôt que du point de vue d'une classification juridique ou selon un critère rigide.

 

[15]           Au cours des débats qui ont eu lieu dans le cadre du présent appel, l'avocat de l'appelante a fait savoir que Hemlo Gold avait renoncé à défendre l’argument suivant lequel le capital non récupéré était déductible en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(ii) de la Loi.

 

[16]           Pour ce qui est de la conclusion tirée par le juge au sujet de la seconde question, en l'occurrence sa conclusion quant au montant exact des intérêts cumulés qui avait déjà été inclus dans les revenus de l'appelante relativement au prêt Windarra, l'appelante affirme :

 

1.                  Le juge a commis une erreur de droit en appliquant une norme de preuve trop exigeante;

 

2.                  Le juge a commis une erreur de fait en concluant que l'appelante n'avait pas démontré qu'elle avait inclus la somme de 156 888 $ dans ses revenus aux fins de l’impôt pour la période antérieure au 1er août 1989.

 

La norme de contrôle

[17]           Le premier point litigieux porte sur la question de savoir si le prêt Windarra est imputable au capital ou au revenu. Il s’agit d’un moyen mélangé de fait et de droit (Canada c. Johns-Manville Corp., [1985] 2 R.C.S. 46, à la page 62). Il s’ensuit que notre Cour ne peut intervenir que si le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante ou « une erreur de principe isolable en déterminant la norme applicable ou en appliquant cette norme, auquel cas l’erreur peut constituer une erreur de droit » (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 37).

[18]           De même, notre Cour ne peut intervenir en ce qui concerne la seconde question que si le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante dans son appréciation de la preuve ou a commis une erreur de droit dans son application de la norme de preuve.

 

Analyse

Première question : Le prêt Windarra

(i)         Les textes pertinents

[19]           L'alinéa 18(1)b) de la Loi interdit au contribuable de déduire une perte en capital ou un paiement à titre de capital de ses revenus lorsqu'il calcule le bénéfice qu'il a tiré de son entreprise ou d'un bien. L'alinéa 18(1)b) dispose [non souligné dans l'original] :

18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 

[. . .]

 

b) une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui

est expressément permis par la présente partie.

18. (1) In computing the income of a taxpayer from a business or property no deduction shall be made in respect of

 

 

(b) an outlay, loss or replacement of capital, a payment on account of capital or an allowance in respect of depreciation, obsolescence or depletion except as expressly permitted by this Part.

 

[20]           Comme la Loi ne définit pas ce qui constitue la perte en capital ou le paiement à titre de capital, il nous faut examiner la jurisprudence dans laquelle la distinction entre les opérations imputables au capital et celles imputables au revenu a été examinée. La jurisprudence nous enseigne que la réponse à cette question dépend dans chaque cas des faits de l'espèce. Ainsi, dans l'arrêt Canada (Minister of National Revenue) v. Algoma Central Railway, [1968] R.C.S. 447, la Cour suprême du Canada observe, aux pages 449 et 450 [non souligné dans l'original] :

[traduction] Le Parlement ne définit pas les expressions « dépense […] de capital » ou « dépense à compte de capital ». Comme il n’y a pas de critère législatif, la décision d’appliquer ou non ces expressions à toutes dépenses particulières doit dépendre des circonstances propres à l’affaire. Nous ne pensons pas qu’un critère unique permet d’élaborer cette définition, et souscrivons à l’opinion exprimée par lord Pearce dans un arrêt récent du Conseil privé, B.P. Australia Ltd. v. Commissioner of Taxation of the Commonwealth of Australia [[1966] A.C. 224]. Sur la question de savoir si une dépense était une dépense en capital ou une dépense déclarée comme revenu, il a affirmé ce qui suit, à la page 264 :

On ne peut pas trouver la solution du problème en appliquant un critère ou une description rigide. Elle doit découler de plusieurs aspects de l'ensemble des circonstances dont certaines peuvent aller dans un sens et d'autres dans un autre. Une considération peut se détacher si nettement qu'elle domine d'autres et de plus vagues indications dans le sens contraire. C'est une appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices qui doit apporter la réponse finale.

 

[21]           Ainsi que notre Cour l’a relevé par l’arrêt Imperial Tobacco Canada Limited c. Sa Majesté la Reine, 2011 CAF 308, 425 N.R. 88, au paragraphe 22, l’un des extraits les plus souvent cités sur la question de la distinction entre une opération imputable au capital ou au revenu se trouve dans l’arrêt British Insulated and Helsby Cables v. Atherton, [1926] A.C. 205 (H.L.), aux pages 213 et 214 :

[traduction] […] lorsqu’une dépense est faite non seulement une fois pour toutes, mais dans le but de créer un bien ou un avantage qui profite à une entreprise de façon durable, je crois que c’est un motif très valable (en l’absence de circonstances spéciales menant à une conclusion dans le sens opposé) pour considérer une telle dépense comme véritablement imputable non pas au revenu, mais au capital.

 

[22]           Dans l’arrêt Johns-Manville, précité, la Cour suprême explique, à la page 59, qu’il y a « presque une infinité de nuances d'expressions qui servent à établir la différence entre des dépenses à porter au compte de revenu et des dépenses de capital ». Elle a par ailleurs retenu le critère consacré par le Conseil privé par l’arrêt B.P. Australia Ltd. v. Commissioner of Taxation of the Commonwealth of Australia, [1966] A.C. 224, à la page 271 :

[traduction] Enfin, les dépenses ont‑elles été engagées à l'égard de l'entreprise qui devait générer les profits ou faisaient‑elles partie du processus générateur de revenus?

 

[23]           La Cour suprême a toutefois bien précisé qu’il n’existait pas de critère unique en la matière (motifs de la Cour suprême, à la page 59).

 

[24]           Par l'arrêt Easton, précité, au regard d'opérations dans le cadre desquelles un actionnaire prêtait de l'argent à une société, notre Cour a décidé qu'il existait une présomption réfutable suivant laquelle le prêt consenti par l'actionnaire est imputable au capital. Au paragraphe 16, la Cour observe [non souligné dans l'original] :

16        En guise d'énoncé général, il est raisonnable de conclure qu'une avance faite par un actionnaire à une société ou une dépense faite par un actionnaire au nom d'une société sera considérée comme un prêt consenti dans l'intention de fournir un fonds de roulement à cette société. Dans le cas où le prêt n'est pas remboursé, la perte est réputée être une perte en capital pour l'une ou l'autre des deux raisons suivantes. Le contribuable a consenti le prêt soit pour en retirer un revenu continu, ce qui est typique d'un investissement, soit pour permettre à la société d'exploiter son entreprise de manière à procurer à l'actionnaire un avantage durable sous forme de dividendes ou grâce à une augmentation de la valeur des actions. Comme la loi présume que l'acquisition a été faite dans le but de faire un placement, il ne semble que trop raisonnable de supposer que la perte découlant d'une avance ou d'une dépense faite par un actionnaire est également une perte en capital.

 

[25]           Notre Cour a reconnu qu'il existait deux exceptions qui permettent de réfuter la présomption générale suivant laquelle le prêt consenti par l'actionnaire était imputable au capital. L'exception qui nous intéresse dans le présent appel est la première, que la Cour explique comme suit au paragraphe 17 de ses motifs [non souligné dans l'original] :

          Il existe deux exceptions reconnues au principe général que des pertes semblables à celles dont il vient d'être question sont des pertes en capital. Premièrement, il se peut que le contribuable soit en mesure de démontrer que le prêt a été consenti dans le cours normal des activités de son entreprise. L'exemple classique est celui du contribuable/actionnaire qui est dans l'entreprise de prêt d'argent ou d'octroi de garanties. Cette exception s'applique toutefois aussi aux situations dans lesquelles l'avance ou la dépense a été faite dans un but productif de revenu lié à la propre entreprise du contribuable et non à celle de la société dont le contribuable est actionnaire. À titre d'exemple, dans l'affaire Berman, L., & Co. Ltd. v. M.N.R., [1961] CTC 237 (C. de l'É.), la société contribuable avait volontairement effectué des paiements aux fournisseurs de sa filiale afin de protéger sa clientèle. La filiale avait manqué à ses obligations et comme la contribuable avait traité avec les fournisseurs, elle désirait continuer de le faire plus tard. (La Cour suprême a cité et paru approuver la décision Berman dans l'arrêt Stewart & Morrison Ltd. c. M.R.N., [1974] R.C.S. 477, à la page 479.)

 

[26]           Après avoir exposé brièvement les règles de droit applicables, j’examinerai maintenant comment celles‑ci s'appliquent aux faits de l'espèce et aux erreurs reprochées par l'appelante.

 

(ii)        Application du droit aux erreurs reprochées

a)                  Erreurs dont il est fait grief quant aux moyens mélangés de fait et de droit

[27]           Hemlo Gold fait valoir que le juge a conclu que « le prêt Windarra a été consenti en vue d’assurer à Hemlo Gold un flux de revenu (des intérêts) » et, si l’aménagement des biens-fonds de Windarra s’avérait fructueux, les actions de Windarra auraient assuré à Hemlo Gold un avantage durable sous la forme de dividendes ou d’une augmentation de la valeur des actions de Windarra. Hemlo Gold soutient qu'il n'y avait aucun élément de preuve appelant l'une ou l'autre conclusion, de sorte que le juge a commis une erreur manifeste et dominante dans son appréciation de la preuve. En toute déférence, je ne suis pas de cet avis, et ce, pour les raisons qui suivent.

 

[28]           Premièrement, les observations formulées par le juge au sujet de la génération d'un flux de revenu doivent être lues au regard du contexte. Voici le texte intégral des observations qu'a tenus le juge à cet égard [non soulignés dans l'original] :

155      Le prêt Windarra a fourni à Windarra le fonds de roulement nécessaire en vue de lui permettre de financer sa part des frais d’exploration et d’aménagement associés au bien-fonds Magnacon. Le prêt Windarra a été consenti en vue d’assurer à Hemlo Gold un flux de revenu (des intérêts) et de permettre à Windarra d’aménager le bien-fonds Magnacon. L’aménagement fructueux du bien-fonds aurait assuré à Hemlo Gold un avantage durable sous la forme de dividendes ou d’une augmentation de la valeur des actions de Windarra.

 

L'avantage durable que le juge avait à l’esprit n'était pas un revenu en intérêts.

 

[29]           En second lieu, malgré l’existence d’éléments de preuve allant dans le sens de la conclusion opposée, le juge disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour pouvoir conclure que l'entente Windarra avait permis à Hemlo Gold d'acquérir des biens lui assurant un avantage durable. Parmi les éléments de preuve à l'appui, mentionnons ceux que le juge a soulignés aux paragraphes 150 à 153 de ses motifs, en l'occurrence :

 

         Les actions de Windarra et le prêt Windarra figuraient dans le bilan de Hemlo Golf à titre d'investissements et d'avances.

         L'acquisition de droits indirects sur de petites sociétés minières, comme Windarra, avait été effectuée conformément au programme d'investissement à long terme de Hemlo Gold.

         Dans ses rapports annuels de 1987, 1988 et 1989, Hemlo Gold avait qualifié les actions et les prêts d'investissements à long terme.

         Aux fins fiscales, Hemlo Gold a traité la disposition des actions qu'elle détenait dans de petites sociétés aurifères comme étant imputables au capital.

         Le prêt Windarra faisait partie d'une offre globale. Ainsi que Me Baylis l'a expliqué par son témoignage, Hemlo Gold avait consenti le prêt Windarra en vue d'aider à éviter la dilution de ses avoirs dans Windarra. Cet objectif n'avait rien à avoir avec les activités générant un bénéfice de Hemlo Gold.

 

[30]           De plus, une note de service adressée au conseil d’administration de Hemlo Gold à l’époque du prêt Windarra et dont le juge fait mention au paragraphe 135 de ses motifs, précisait :

            [traduction] 

Pour protéger notre position générale dans le camp, pour nous établir sur le bien-fonds de l'Est (voir carte) jouxtant le bien-fonds Magnacon et pour faciliter la conclusion d'un marché à l'égard d'un autre bien-fonds contrôlé par le même groupe de Vancouver, le Caribbean, nous avons négocié une entente de financement avec Windarra, sous réserve de l'approbation du conseil d'administration. L'entente est exposée dans le résumé ci‑joint. Essentiellement, nous consentons un prêt‑or de 7,5 millions de dollars en échange de 1,5 million d'actions que Hemlo s'engage à souscrire en échange de 150 000 actions ordinaires de ses propres actions. Nous souscrirons deux millions d'actions pour quatre millions de dollars avec option d'acheter deux millions d'actions additionnelles et possibilité d'obtenir la moitié de l'intérêt de 50 p. 100 détenu par Windarra dans le bien-fonds de l'Est. Nous nous retrouvons avec 24 p. 100 de la compagnie si toutes les options sont levées et pouvons porter le nombre d'actions achetées à 33 p. 100.

 

Cette entente semble généreuse pour Windarra, mais elle est quand même bonne pour Hemlo pour les raisons suivantes : (i) des fonds que nous investissons dans les actions sont affectés par Windarra à des biens-fonds que nous voulons exploiter; (ii) nous pouvons nous servir des actions de Hemlo pour en payer une partie; (iii) nous nous assurons la participation de la société à titre d’associés et nous en ferons finalement l’acquisition si de nouvelles découvertes ou si l’expansion des réserves sur le bien-fonds Magnacon le justifient. Nous estimons également que cette entente renforcera la position de Hemlo comme concurrent et protégera notre « mise » dans la région. Windarra a 12,6 millions d'actions en circulation qui se négocient à un prix d'environ 1,40 $, ce qui correspond à 15 millions d'actions une fois qu’elles auraient été entièrement diluées.

 

[31]           Compte tenu de ces éléments de preuve, on ne saurait affirmer que la conclusion tirée par le juge était manifestement erronée.

 

[32]           Vu l'ensemble des preuves et compte tenu des conclusions de fait tirées par le juge, je retiens l'argument de l'intimée suivant lequel les avances consenties aux termes du prêt Windarra peuvent être qualifiées de « dépenses engagées à l'égard de l'entreprise qui devait générer des profits » pour reprendre l'une des expressions employées par la Cour suprême dans l'arrêt Johns-Manville pour qualifier une opération en capital. Ainsi que le juge l'a conclu, le prêt Windarra avait pour objet de fournir à Windarra le fonds de roulement nécessaire pour s'assurer que les avoirs de Hemlo Gold dans Windarra ne soient pas dilués.

 

[33]           Hemlo Gold affirme également que le juge n'a pas tenu compte des éléments de preuve qui lui avaient été produits en ce qui concerne l'objet du prêt Windarra, soulignant que, pour déterminer l'objet du prêt Windarra, le juge : (i) soit n’a tenu compte que de l'utilisation que l'emprunteur avait faite des fonds qu'il avait empruntés; (ii) soit a examiné le prêt en faisant abstraction de l'ensemble de l'opération et sans tenir compte des éléments de preuve relatifs à l'intention de Hemlo Gold. Les éléments de preuve que le juge aurait ignorés sont les suivants :

 

         la note de service adressée au conseil d’administration de Hemlo Gold le 25 avril 1988;

         le témoignage de Me Baylis au sujet de l'objet du prêt Windarra;

         le témoignage de M. Proctor, ancien vice-président, Finances, de Hemlo Gold aux pages 1680, 1682 et 1683 du dossier d'appel;

         les extraits de l'interrogatoire préalable de M. Barbour qui avaient été versés au dossier au procès.

 

[34]           Là encore, à mon humble avis, le juge n'a commis aucune erreur manifeste et dominante en ignorant des éléments de preuve. Le juge résume la note de service du 25 avril 1988 au paragraphe 135 de ses motifs et examine le témoignage de Me Baylis au paragraphe 134 de ses motifs. Bien que le juge n'ait pas mentionné explicitement le témoignage de M. Proctor ni les extraits de l'interrogatoire préalable de M. Proctor qui avaient été versés en preuve, l'appelante n'a signalé aucun élément de preuve parmi ceux‑ci qui serait à ce point déterminant pour nous forcer à en arriver à une conclusion contraire à celle qu'a tirée le juge.

 

[35]           J'ai examiné le témoignage de M. Proctor cité par l'appelante ainsi que les extraits de l'interrogatoire préalable de M. Barbour qui ont été produits en preuve (onglet A‑27(b) et R‑5, volume 5, dossier d'appel) et je ne puis conclure que le juge a commis une erreur manifeste et dominante en omettant de mentionner expressément ces éléments de preuve. Dans son témoignage, M. Proctor s’est exprimé sur la réduction de valeur en 1990 de certains investissements, y compris l'investissement Windarra, dans les frais d'exploration. Le juge fait ses observations sur cette réduction de valeur aux paragraphes 137 à 141 des motifs. Le témoignage de M. Barbour était conforme à celui de Me Baylis et n'y ajoutait rien de significatif.

 

[36]           Enfin, l'appelante n'a pas démontré que le juge avait déterminé l'objet du prêt Windarra de façon isolée ou en ne tenant compte que de l'utilisation que Windarra avait faite des fonds. L'analyse de l'ensemble de la preuve à laquelle le juge s'est livré se trouve aux paragraphes 147 à 156 de ses motifs. Comme nous l'avons déjà expliqué, une grande partie des preuves concerne l'intention de Hemlo Gold. La conclusion que le juge a tirée au paragraphe 157 de ses motifs et sur laquelle Hemlo Gold se fonde pour affirmer que le juge a commis une erreur se rapportant à la jurisprudence citée par l'appelante, et elle doit en toute justice être interprétée dans ce contexte.

 

[37]           Avant de passer à une autre question, je tiens à signaler un argument avancé par Hemlo Gold qui n'avait pas été invoqué devant le juge de la Cour de l'impôt. En résumé, Hemlo Gold soutient que son principal objectif était d'acquérir la mine Magnacon. Or, à l'époque de la conclusion de l'entente Windarra, la mine Magnacon n'était pas une immobilisation au sens de l'alinéa 54b) de la Loi. Hemlo Gold pose alors la question suivante : comment une opération visant à acquérir un bien imputable au revenu peut-elle être qualifiée d'opération imputable au capital?

[38]           À mon avis, il y a deux réponses à cette question.

 

[39]           Premièrement, ainsi que l'intimée le soutient, même si certaines dépenses minières sont considérées comme étant imputables au revenu suivant la Loi, une mine n’en demeure pas moins une immobilisation.

 

[40]           Deuxièmement, Hemlo Gold a tenté sans succès d'acquérir une participation dans la mine Magnacon. À la suite de cet échec, elle a conclu l'entente Windarra. Les motifs exposés par le juge n'appuient pas la prémisse de Hemlo Gold suivant laquelle le principal objectif qu'elle poursuivait lorsqu'elle a accepté de conclure le prêt Windarra était d'acquérir la mine Magnacon.

 

[41]           En résumé, le but dans lequel une dépense est engagée est une question de fait qui appelle la prise en compte de l'ensemble des circonstances. Comme il ressort de ses motifs, le juge a tenu compte des preuves, en particulier des éléments de preuve relatifs à l'intention que nourrissait Hemlo Gold lorsqu'elle a signé l'entente Windarra ainsi que le prêt Windarra. L'analyse que le juge a faite de l'objet du prêt Windarra commande la déférence et rien n’appelle le rejet de la conclusion qu’il a tirée à cet égard.

 

b)         Erreurs de droit reprochées

[42]           Hemlo soutient que le juge a commis les erreurs de droit suivantes :

 

a.                   Le juge a retenu une conception trop étroite et trop formaliste de la première exception consacrée par la jurisprudence Easton. L'appelante soutient que le juge a décidé que le prêt Windarra ne pouvait pas avoir été consenti à des fins productives de revenus se rattachant à l'entreprise de Hemlo Gold parce que Windarra a utilisé le produit du prêt pour aménager le bien-fonds Magnacon. L'appelante soutient que l'objet du prêt doit être déterminé en se plaçant du point de vue du prêteur, et non de celui de l'emprunteur.

b.                   Le juge n’a pas suivi une jurisprudence constante enseignant que le facteur le plus important pour décider si l’opération est imputable au revenu ou au capital est l'intention du contribuable au moment où elle est effectuée;

c.                   Le juge n’a pas suivi une jurisprudence constante enseignant que, pour rechercher si l’opération est imputable au capital ou au revenu, il convient de rechercher ce qu’elle visait du point de vue pratique et commercial.

 

[43]           Par les motifs qui suivent, je rejette l'argument de Hemlo Gold suivant lequel le juge a commis les erreurs de droit susmentionnées.

 

[44]           En ce qui concerne l’erreur qu’aurait commise le juge relativement à l'application de la première exception consacrée par la jurisprudence Easton, lors des débats relatifs au présent appel, l'avocat de l'appelante a admis que le juge n'avait pas commis d'erreur dans sa formulation de l’enseignement de la jurisprudence Easton. Le juge a cité les passages pertinents de l'arrêt Easton, aux paragraphes 112 et 113 de ses motifs. Au paragraphe 114 le juge observe [non souligné dans l'original] :

En résumé, lorsqu’un actionnaire consent un prêt à une société dans laquelle il détient des actions, le prêt est considéré comme étant imputable au capital, sous réserve de deux exceptions. La première exception s’applique lorsque l’actionnaire réussit à établir que le prêt a été consenti dans le cours normal des activités de son entreprise. Cette exception s’étend aux cas dans lesquels le prêt a été consenti à des fins productives de revenus se rattachant à l’entreprise de l’actionnaire et non à celle de la société dans laquelle l’actionnaire possède des actions. La seconde exception, qui n’est pas pertinente ici, se rapporte au cas dans lequel l’actionnaire détient des actions dans une société à titre d’actif commercial.

 

[45]           Le juge a donc formulé le bon critère. Il a ensuite conclu que l'acquisition par Hemlo Gold des actions de Windarra et les avances consenties relativement au prêt Windarra avaient pour objet et pour résultat de permettre à Hemlo Gold d'acquérir des biens lui assurant un avantage durable. Comme nous l'avons déjà précisé, il était loisible au juge de tirer cette conclusion vu l'ensemble des preuves dont il disposait. Il s'ensuit que, comme Hemlo Gold n'a pas acquis le prêt Windarra à des fins productives de revenus se rattachant à sa propre entreprise, le juge n'a pas commis d'erreur de droit dans son application de la première exception de la jurisprudence Easton.

 

[46]           Deuxièmement, en ce qui concerne les deuxième et troisième erreurs de droit dont il est fait grief au juge, compte tenu des conclusions de fait du juge suivant lesquelles le prêt Windarra ne constituait pas une dépense d'exploration et suivant lesquelles l'entente Windarra stipulait que Hemlo Gold acquerrait des biens lui procurant un avantage durable, Hemlo Gold n'a pu établir, d'après les faits, les erreurs de droit dont il fait grief au juge en ce qui concerne son application de l’enseignement de la jurisprudence. Le juge a rejeté les éléments de preuve présentés par Hemlo Gold au sujet de l'intention et a conclu que l'entente Windarra faisait partie d'un programme d'investissement à long terme.

 

[47]           L’appelante se fonde sur les motifs exposés par les juges majoritaires de notre Cour dans l’arrêt Canada Safeway Ltd. c. Canada, 2008 CAF 24, 371 N.R. 337, au paragraphe 43, pour soutenir que « le facteur le plus déterminant est l’intention qu’avait le contribuable au moment de l’acquisition du bien », ajoutant que le juge n’a pas accordé suffisamment d’importance à l’intention qui animait l’appelante lorsqu’elle a signé l’entente Windarra.

 

[48]           À mon avis, Hemlo Gold ne peut utilement invoquer cette thèse pour les motifs qui suivent.

 

[49]           Le juge n'a jamais rejeté la thèse de Hemlo Gold portant que la Cour devait se concentrer sur l'intention qu'avait Hemlo Gold au moment où le prêt Windarra avait été consenti (motifs, paragraphe 145).

 

[50]           Comme il ressort, à l'évidence, de ses motifs, le juge a bien tenu compte de l'intention qu'avait Hemlo Gold lorsqu'elle avait contracté le prêt Windarra (voir, par exemple, les motifs du juge aux paragraphes 134 et 135, et 150 à 153).

 

[51]           Les éléments de preuve présentés par Hemlo Gold au sujet de son intention n'ont pas convaincu le juge, qui a plutôt conclu que le prêt Windarra visait à obtenir des biens lui assurant un avantage durable et que Hemlo Gold avait consenti le prêt Windarra dans le but d'aider à empêcher la dilution des avoirs que Hemlo Gold possédait dans Windarra. Il n'a pas été démontré que ces conclusions constituaient des erreurs manifestes et dominantes.

[52]           Pour conclure sur la première question et pour les motifs que je viens d'exposer, je ne saurais conclure que le juge a commis une erreur de droit en décidant que le prêt Windarra était imputable au capital. Par conséquent, je rejetterais la partie de l'appel se rapportant à cet aspect.

 

Deuxième question : Intérêts afférents au prêt Windarra

 

[53]           Cette question concerne la thèse de Hemlo Gold portant que le ministre a sous-estimé de 156 888 $ le montant de la déduction à laquelle elle avait droit en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(i) de la Loi. Le raisonnement qu'a suivi le juge à cet égard se trouve aux paragraphes 11 à 13 du présent jugement.

 

[54]           Le sous-alinéa 20(1)p)(i) de la Loi dispose [non souligné dans l'original] :

 (1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

ple total des montants suivants :

(i) les créances du contribuable qu’il a établies comme étant devenues irrécouvrables au cours de l’année et qui sont incluses dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure,

 (1) Notwithstanding paragraphs 18(1)(a), 18(1)(b) and 18(1)(h), in computing a taxpayer’s income for a taxation year from a business or property, there may be deducted such of the following amounts as are wholly applicable to that source or such part of the following amounts as may reasonably be regarded as applicable thereto

(pthe total of

(i) all debts owing to the taxpayer that are established by the taxpayer to have become bad debts in the year and that have been included in computing the taxpayer’s income for the year or a preceding taxation year,

 

[55]           Le sous-alinéa 20(1)p)(i) oblige le contribuable à démontrer que sa créance est devenue irrécouvrable et qu'il l'a incluse dans ses revenus pour l'année d'imposition en question ou pour une année d'imposition antérieure.

 

[56]           En l’espèce, il n’est pas controversé entre les parties que le prêt Windarra est devenu irrécouvrable. Les parties ont toutes les deux produit la transaction conclue entre Windarra et Hemlo Gold qui avait pour effet de libérer Windarra de son obligation de rembourser le prêt Windarra en contrepartie de l'engagement de Windarra de verser un million de dollars à Hemlo Gold (l’entente de règlement), (dossier d'appel, volume 4, aux pages 1122 à 1126). Dans le présent appel, la controverse porte sur la conclusion du juge suivant laquelle Hemlo Gold n'a pas présenté suffisamment d'éléments de preuve pour démontrer qu'elle avait inclus la somme de 156 888 $ d'intérêts cumulés sur ses revenus pour la période antérieure au 1er août 1989. La raison pour laquelle il est difficile de démontrer que ce montant avait effectivement été inclus dans les revenus est qu’on a égaré les livres et registres pour 1988 et la première partie de 1989 lors d'un déménagement.

 

[57]           Monsieur Proctor a expliqué dans le cadre de son témoignage que, malgré l'absence de ces documents, les états financiers vérifiés de 1989 démontraient que les avances consenties à Windarra totalisaient 8 513 000 $ le 31 décembre 1989. Le montant en capital qui avait été avancé s'élevait à 8 250 000 $. La différence entre ces deux montants, à savoir 263 000 $, correspond aux intérêts cumulés jusqu'à la fin de 1989. Le ministre avait autorisé Hemlo Gold à déduire 106 112 $ à titre d'intérêts cumulés. La différence entre 263 000 $ et 106 112 $ (c.‑à‑d. 156 888 $), représentait, suivant M. Proctor, les intérêts cumulés supplémentaires (dossier d'appel, volume 7, page 1694 et suivantes).

 

[58]           Monsieur Proctor a poursuivi son témoignage en expliquant que la somme totale de 263 000 $ aurait été incluse dans les bénéfices non répartis de Hemlo Gold dans son état des résultats en date du 31 décembre 1989. Monsieur Proctor a ensuite examiné les déclarations de revenus de 1988 et 1989 de Hemlo Gold et a expliqué qu'elles ne faisaient état d'aucune déduction en ce qui concerne les revenus en intérêts visés. Il s'ensuit que Hemlo Gold avait le droit de déduire la somme additionnelle de 156 888 $ en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(i) de la Loi.

 

[59]           Monsieur Proctor a reconnu ce qui suit lors de son contre-interrogatoire :

 

                    i.          il n'a pas participé à la préparation des déclarations de revenus de Hemlo Gold;

                  ii.          il ne tenait pas les comptes, et il ne connaissait pas bien le compte du grand livre dans lequel étaient inscrites les avances consenties par Hemlo Gold à Windarra;

                iii.          il était peu probable que les sommes avancées à Windarra comprenaient des éléments qui ne pouvaient être imputés au capital ou aux intérêts.

 

[60]           Le vérificateur de l'Agence du revenu du Canada, M. MacGibbon, a mentionné les documents de vérification dans lesquels étaient résumés les montants de revenu en intérêts (183 336 $) qu'il avait accordés à Hemlo Gold en ce qui concerne le prêt Windarra (pièce A‑12). La période visée par les comptes et registres de Hemlo Gold qu'il avait pu consulter au cours de la vérification commençait le 1er août 1989. Monsieur MacGibbon a convenu qu'il était probable qu'une partie des intérêts cumulés en faveur de Hemlo Gold en 1988 ainsi qu'au cours de la première partie de 1989 était imputable au prêt Windarra.

 

[61]           Le vérificateur a également expliqué dans le cadre de son témoignage qu'au cours de son processus de vérification, Hemlo Gold ne lui avait jamais laissé entendre que les calculs qu'il avait faits des intérêts étaient inexacts. Monsieur MacGibbon ignorait si des sommes autres que des sommes imputables au principal ou aux intérêts avaient été débitées du compte de Windarra.

 

[62]           Ces éléments de preuve doivent être examinés en fonction des hypothèses formulées par le ministre. Le ministre a en effet tenu pour acquis que Hemlo Gold avait accepté de renoncer à la totalité des sommes avancées à Windarra à l'exception d'un million de dollars et qu'elle avait radié la différence de 7 590 684 $ à titre de créance irrécouvrable en 1992 (réponse modifiée, alinéa 17z), dossier d'appel, volume 1, page 69). L’hypothèse qui concerne les intérêts de Windarra porte sur l'affectation de la différence de 7 590 684 $ radiée à titre de mauvaise créance. Le ministre a tenu pour acquis que [traduction] « le montant de 7 590 684 $ réclamé par [Hemlo Gold] à titre de créance irrécouvrable en 1992 relativement au prêt Windarra était constitué d'un montant de 7 407 348 $ à titre de capital et de 183 336 $ en intérêts » (réponse modifiée, alinéa 17gg)). Le ministre a donc tenu pour acquis que Hemlo Gold n'avait le droit de déduire à titre de créance irrécouvrable que 183 336 $ de revenu en intérêts. Vu cette hypothèse, était exclue, en outre, la déduction du montant 156 888 $ à titre de revenus en intérêts cumulés.

 

[63]           En matière fiscale, le contribuable a le fardeau initial de démolir les hypothèses du ministre. Le contribuable s'acquitte de ce fardeau lorsqu'il présente une preuve prima facie démontrant que les hypothèses du ministre sont erronées. Lorsque le contribuable a établi une preuve prima facie, le fardeau de la preuve passe alors au ministre, qui doit démontrer l'exactitude de ses hypothèses selon la prépondérance des probabilités. Si le ministre ne présente aucune preuve satisfaisante, le contribuable a gain de cause (Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, aux paragraphes 92 à 95; House c. Canada, 2011 CAF 234, 422 N.R. 144, aux paragraphes 30 et 31).

 

[64]           Au procès, Hemlo Gold a présenté des éléments de preuve en vue de démolir l’hypothèse suivant laquelle elle ne pouvait déduire à titre de créance irrécouvrable que 183 336 $ de revenu en intérêts. Elle a notamment soumis les éléments de preuve suivants :

 

(i)          elle avait inclus la somme additionnelle de 156 888 $ à titre de revenu en intérêts dans ses déclarations de revenus;

(ii)         les revenus en intérêts étaient devenus une créance irrécouvrable.

 

[65]           Malgré l'admission du vérificateur suivant laquelle il était probable que des intérêts se soient accumulés sur le prêt Windarra en 1988 et au cours de la première partie de 1989, le juge a rejeté le témoignage de M. Proctor suivant lequel les intérêts additionnels avaient été inclus dans les revenus de Hemlo Gold, au motif que celle‑ci [traduction] « aurait pu inscrire le montant compensatoire à titre de revenu en intérêts, ou encore, inscrire le montant compensatoire dans un compte du bilan tel que le compte de revenus reportés ou un compte de réserve ». Toutefois, pour les motifs qui suivent, la Cour ne disposait d'aucun élément de preuve lui permettant de tirer une telle conclusion.

 

[66]           Le juge a estimé que M. Proctor était un témoin crédible. Monsieur Proctor a déclaré dans son témoignage que Hemlo Gold aurait inclus la somme de 263 000 $ dans ses bénéfices non répartis. Il a examiné le formulaire de rapprochement de bénéfice net au revenu imposable (c.‑à‑d. le formulaire T2S(1)) que Hemlo Gold avait annexé à ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1988 et 1989 (dossier d'appel, volume 2, aux pages 81 et 109) et n'avait repéré aucun rajustement [traduction] « à la suite du passage des revenus déclarés dans les états financiers à des revenus nets calculés aux fins de l'impôt dans le cas de Windarra » (dossier d'appel, volume 7, page 1699).

 

[67]           En ce qui concerne les revenus reportés et le compte de réserve mentionnés par le juge, bien que le bilan de 1988 et 1989 de Hemlo Gold fasse effectivement état de revenus reportés (dossier d'appel, volume 5, pages 1176 et 1181), il est précisé dans les notes jointes aux états financiers de Hemlo Gold que l'obligation relative aux revenus reportés ne concernait que le prêt‑or contracté par Hemlo Gold auprès d'un consortium de banques canadiennes (dossier d'appel, volume 5, aux pages 1178 et 1188). Le bilan de 1988 et 1989 ne faisait état d'aucun compte de réserve.

 

[68]           Dans ces conditions, il n'existait, à mon avis, aucun élément de preuve permettant de remettre en question le témoignage de M. Proctor. J'en conclus que le juge a commis une erreur justifiant l'infirmation de sa décision en rejetant le témoignage de M. Proctor pour les raisons qu'il a invoquées. Le témoignage de M. Proctor, ajouté à l'admission du vérificateur, confirmait que Hemlo Gold avait effectivement inclus la somme additionnelle de 156 888 $ à titre de revenus en intérêts dans ses déclarations de revenus.

 

[69]           Il restait à Hemlo Gold à démontrer que les revenus en intérêts constituaient ou étaient devenus une créance irrécouvrable. Pour ce faire, il fallait rechercher si les sommes qui lui avaient été versées aux termes de l'accord de règlement avaient été affectées à des sommes dues à titre d'intérêts. Dans l'affirmative, cette partie des revenus en intérêts ne constituera pas une créance irrécouvrable.

 

[70]           Le paragraphe 1(3) de l'accord de règlement témoignait de l'entente des parties suivant laquelle le produit du règlement devait être [traduction] « appliqué au montant en capital du prêt [de Windarra] », d’où il ressortait, à première vue, que la totalité des intérêts dus à Hemlo Gold aux termes des prêts de Windarra était une créance irrécouvrable.

 

[71]           Pour conclure sur ce point, je suis d’avis que l'accord de règlement en question, ajouté au témoignage de M. Proctor et de l'admission du vérificateur, suffisait pour démolir l’hypothèse du ministre. De plus, l'avocat du ministre n'a fait état d’aucun élément de preuve pour réfuter la preuve prima facie présentée par Hemlo Gold.

 

[72]           Il s'ensuit que Hemlo Gold a démontré qu'elle avait le droit de déduire 156 888 $ en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(i) de la Loi en 1992.

 

Décision et dépens

[73]           Par ces motifs, j'accueillerais l'appel en partie. J'annulerais le jugement de la Cour de l'impôt. Rendant le jugement qui aurait dû être rendu, je ferais droit à l'appel interjeté en matière fiscale et je renverrais les nouvelles cotisations frappées d’appel au ministre afin qu'il établisse une nouvelle cotisation en partant du principe que l'appelante a le droit de déduire 156 888 $ en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(i) de la Loi pour son année d'imposition 1992. Par ailleurs, je rejetterais l'appel.

 

[74]           Comme chacune des parties obtient en partie gain de cause, je n'accorderai pas de dépens dans le présent appel.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Johanne Trudel j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            David Stratas j.c.a.  »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-155-11

 

INTITULÉ :                                                                          Newmont Canada Corporation c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                                 Le 28 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               La juge Dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           La juge Trudel

                                                                                                Le juge Stratas

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 27 juillet 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Campbell

Tarsem Basraon

 

POUR L'APPELANTE

Deborah Horowitz

Justine Malone

POUR L'INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Miller Thomson SRL

Toronto (Ontario)

 

POUR L'APPELANTE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L'INTIMÉE

 

 

 

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