Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20120725

Dossier : A-94-12

Référence : 2012 CAF 212

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :  LA JUGE DAWSON

  LA JUGE GAUTHIER

  LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

JIM BOUCHER

appelant

et

 

CECILIA FITZPATRICK

intimée

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 19 juin 2012

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2012

 

MOTIF DU JUGEMENT DE LA COUR :  LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :  LA JUGE DAWSON

  LE JUGE STRATAS

 


Date : 20120725

Dossier : A-94-12

Référence : 2012 CAF 212

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :  LA JUGE DAWSON

  LA JUGE GAUTHIER

  LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

JIM BOUCHER

appelant

et

 

CECILIA FITZPATRICK

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

  • [1] Jim Boucher interjette appel de la décision de la Cour fédérale (2012 CF 294) qui faisait droit à la demande de contrôle judiciaire de Cecilia Fitzpatrick et annulait la décision de l'arbitre des appels ainsi que l'élection du 5 avril 2011 du chef de la Première nation de Fort McKay.

  • [2] Pour les motifs qui suivent, j'estime que l'arbitre des appels a interprété de façon juste le Code électoral. Par conséquent, la demande aurait dû être rejetée, et le présent appel devrait être accueilli.

Le contexte

  • [3] Avant la tenue de l'élection du 5 avril 2011 et en application de l'article 5.1 du Code électoral de la Première nation de Fort McKay (la bande), le conseil de bande a nommé comme directrice du scrutin une membre du Barreau de l'Alberta spécialisée en droit municipal.

  • [4] Les parties au présent appel étaient toutes deux des candidats pour la charge de chef. Outre cette fonction, douze candidats avaient été retenus pour les quatre postes de conseillers. Les électeurs devaient remplir des bulletins de vote différents pour la charge de chef et la charge de conseiller.

  • [5] Selon son interprétation du Code électoral, la directrice du scrutin s'estimait en droit d'autoriser un ami ou un parent à prêter assistance à un électeur frappé d'incapacité. Elle a donc mis en place une procédure de vote par laquelle ces électeurs pouvaient désigner une autre personne pour les aider à remplir leurs bulletins de vote.

  • [6] D'après le témoignage de la directrice du scrutin devant l'arbitre des appels, elle avait préparé des formulaires à cette fin. Elle devait signer le premier de ces formulaires après avoir demandé à un électeur frappé d'incapacité s'il souhaitait qu'une personne précise l'aide. En cas de réponse affirmative, elle apposait alors son paraphe sur un formulaire (le formulaire 11) qui était fort semblable à celui utilisé conformément à la loi intitulée Local Authorities Election Act (Loi sur les élections municipales), R.S.A. 2000, ch. L‑20, pour la tenue d'élections municipales en Alberta. Elle demandait ensuite à la personne désignée de lire et de signer une déclaration qui confirmait ce qui suit :

1.  elle était un ami ou un parent de l'électeur frappé d'incapacité;

2.  elle suivrait la consigne suivante :

a) lire le bulletin de vote à l'électeur frappé d'incapacité;

b) marquer le bulletin de vote selon les instructions de l'électeur frappé d'incapacité;

c) respecter la confidentialité des renseignements dont elle aurait connaissance en fournissant l'aide nécessaire à l'électeur frappé d'incapacité.

  • [7] En l'espèce, on a lu la déclaration qui précède aux personnes qui ont aidé les électeurs frappés d'incapacité qui sont visés par l'appel.

  • [8] Après un second dépouillement des bulletins de vote, M. Boucher a été élu chef avec 163 votes, contre 162 pour Mme Fitzpatrick.

  • [9] Mme Fitzpatrick a déposé un avis d'appel aux termes de l'article 81.1 du Code électoral de la bande afin d'obtenir une ordonnance annulant l'élection pour le chef et les conseillers. Elle soutenait notamment qu'un électeur avait enfreint la loi en votant deux fois (la deuxième fois en marquant un bulletin de vote pour le compte d'un électeur frappé d'incapacité) et qu'il s'agissait d'une infraction au Code électoral susceptible d'avoir eu une incidence directe sur l'issue de l'élection du chef.

  • [10] Lors de l'instruction de l'appel par l'arbitre des appels, on a porté une attention particulière à la situation de Maggie Bouchier, une aînée de la bande qui est aveugle et qui a reçu l'aide de sa cousine, Mme Powder, au bureau de vote. Il a cependant été établi qu'il y a eu, lors de cette élection, un total de six électeurs frappés d'incapacité qui ont reçu l'aide d'une personne autre que la directrice du scrutin. Il n'a pas été clairement établi si un autre électeur frappé d'incapacité était aveugle.

  • [11] Compte tenu du nombre de votes qui séparent les quatre candidats élus aux postes de conseillers de leur plus proche concurrent, nul ne conteste, comme l'a conclu l'arbitre des appels, que la question soulevée par Mme Fitzpatrick ne pourrait avoir eu d'incidence sur le résultat des élections des quatre conseillers. Par conséquent, l'appel concernant l'élection des conseillers ne satisfaisait pas aux exigences préalables énoncées aux articles 81.1.1 et 81.1.2 du Code électoral, qui établit que l'infraction ou l'irrégularité dénoncée doit avoir [TRADUCTION] « eu une incidence sur le résultat des élections ».

  • [12] Après une audience, l'arbitre des appels a rejeté l'allégation voulant qu'il y ait eu violation du Code électoral susceptible d'avoir eu une incidence directe sur le résultat de l'élection du chef.

  • [13] Avant de procéder à l'analyse des motifs de l'arbitre des appels et de la Cour fédérale, il est utile de reproduire les dispositions du Code électoral invoquées par les parties.

[TRADUCTION]

Code électoral

7.  Fonctions du directeur du scrutin 

7.1  En plus d'exercer les fonctions énoncées au présent Code, le directeur du scrutin :

[...]

7.1.2  engage et nomme des secrétaires du scrutin et d'autres personnes, au besoin;

[...]

7.1.11  prend toutes les mesures nécessaires au déroulement de l'élection.

38.  Secret du vote

38.1  Lorsque l'électeur se trouve dans l'isoloir pour marquer son bulletin de vote, il est interdit à quiconque, à l'exception d'une personne autorisée à aider un électeur frappé d'incapacité, d'entrer dans l'isoloir ou de se placer de façon à voir le choix de l'électeur sur son bulletin de vote.

39.  Respect du secret du vote 

39.1  Nul n'est tenu de divulguer au cours de toute procédure, y compris une procédure relative à une élection contestée, s'il a voté pour un candidat donné.

40.  Nombre de votes 

40.1  Un électeur dans une élection ne peut voter qu'une seule fois.

[...]

45.  Dépôt du bulletin de vote marqué

[...]

45.3  L'électeur quitte le bureau de scrutin après avoir déposé son bulletin de vote dans l'urne.

48.  Personnes présentes au bureau de scrutin 

48.1  À l'exception du directeur du scrutin, du personnel électoral, des représentants des candidats qui sont autorisés à être présents au bureau de scrutin et des électeurs qui votent, nul ne peut se trouver au bureau de scrutin pendant les heures de scrutin. Il est entendu que les candidats ne peuvent être présents au bureau de scrutin, sauf pour voter, ni les membres des médias.

51.  Interprète

51.1  Si l'électeur ne comprend pas l'anglais, le directeur du scrutin peut autoriser un interprète à traduire les déclarations, les questions ou les documents nécessaires pour qu'il puisse voter, ou il peut nommer un interprète à cette fin.

51.2  L'interprète ne peut être ni électeur ni membre.

54.  Bureaux de vote par anticipation

54.3  Le directeur du scrutin ou son mandataire peut, le jour du scrutin par anticipation, rencontrer les électeurs qui ne peuvent sortir de leur domicile, qui sont hospitalisés ou qui sont incapables de se présenter au bureau de scrutin pour recueillir leurs votes. Les votes ainsi reçus sont déposés dans une urne distincte qui est ensuite scellée pour empêcher le dépôt d'autres bulletins de vote et l'urne est conservée dans un endroit sûr jusqu'à ce qu'elle soit ouverte pour le dépouillement des bulletins de vote après la fermeture des bureaux de scrutin le jour du scrutin.

57.  Électeur frappé d'incapacité présent au bureau de scrutin

57.1  À la demande d'un électeur qui ne sait pas lire ou qui est incapable de marquer le bulletin de vote de la manière ordinaire, du fait qu'il est aveugle ou qu'il souffre d'une incapacité physique, le directeur du scrutin peut marquer le bulletin de vote de l'électeur selon les instructions de celuici et le dépose immédiatement dans l'urne.

57.2  Il est interdit à un candidat ou à un représentant de se trouver dans l'isoloir lors du vote en vertu du présent article.

81.  Motifs d'appel autorisés

81.1  Un candidat ou un électeur qui a voté aux élections peut interjeter appel de ces élections au motif que : 

81.1.1  le directeur du scrutin a fait une erreur dans l'interprétation ou l'application du Code, ce qui a eu une incidence sur le résultat des élections;

81.1.2  une personne inhabile à voter a voté aux élections et a fourni des renseignements faux ou n'a pas fourni des renseignements pertinents quant à son droit de vote, et sa participation a eu une incidence sur le résultat des élections;

[...]

La décision de l'arbitre des appels

  • [14] L'arbitre des appels a rendu une décision détaillée dans laquelle il résume la preuve et examine les dispositions pertinentes du Code électoral, pour enfin conclure que la directrice du scrutin n'avait pas commis d'erreur dans son interprétation de l'article 57 du Code électoral. À son avis, même si cette disposition l'autorisait à aider les électeurs frappés d'incapacité à marquer leurs bulletins de vote, elle n'était pas la seule à y être autorisée et elle était en droit de permettre à Mme Powder d'aider Mme Bouchier dans l'isoloir après avoir signé le formulaire qu'elle avait préparé à cette fin.

  • [15] Il convient de noter que rien dans la preuve ne laisse entendre que Mme Powder ne s'est pas acquittée de son devoir conformément à l'engagement qu'elle avait signé. Bien qu'elle n'ait pu voir ce que Mme Powder a fait, Mme Bouchier a assuré qu'elle n'avait aucune raison de croire que le bulletin n'avait pas été marqué conformément à ses directives. Nul n'a tenté de faire valoir que Mme Powder avait tenté d'influencer Mme Bouchier de quelque façon que ce soit.

La décision de la Cour fédérale

  • [16] Le juge de la demande, en appliquant la norme de la décision correcte, a conclu que l'arbitre avait commis une erreur lors de l'interprétation du Code électoral.

  • [17] Selon son raisonnement, les électeurs sont normalement tenus de marquer eux‑mêmes leur bulletin de vote, sans subir l'influence d'une autre personne dans l'isoloir (motifs, paragraphe 63), et toute exception à ce principe devait être explicitement énoncée dans le Code électoral. À cet égard, il a souligné que le Code électoral ne comporte aucune disposition semblable à l'article 57.1 permettant à un ami ou à un parent d'aider un électeur frappé d'incapacité.

  • [18] Le juge de la demande a ajouté que sa conclusion était étayée par l'article 48.1 du Code électoral, qui interdit formellement selon lui la présence d'un ami ou d'un parent de l'électeur au bureau de scrutin, et encore moins dans l'isoloir. À son avis, l'interprétation de l'article 57.1 du Code électoral avancée par M. Boucher et adoptée par l'arbitre des appels irait à l'encontre de l'article 48.1 (motifs, paragraphe 54).

  • [19] Pour ces raisons, le juge de la demande, après avoir souligné que le nombre de votes en cause suffisait pour annuler le résultat de l'élection pour le poste de chef, puisqu'il était impossible de savoir quel candidat avait reçu les votes contestés, est arrivé à la conclusion que l'élection « devait être annulée » (motifs, paragraphes 65 et 66).

Les questions en appel

  • [20] M. Boucher a soulevé deux questions :

1.  Le juge de la demande a‑t‑il commis une erreur dans son interprétation du Code électoral?

2.  Le juge de la demande a‑t‑il commis une erreur en accordant le redressement demandé par Mme Fitzpatrick, semble‑t‑il sans exercer son pouvoir discrétionnaire après avoir pris en considération toutes les circonstances pertinentes?

Analyse

  • [21] Les parties conviennent que la première question en litige que devait trancher le juge de la demande et que nous devons trancher est une pure question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Même s'il est évident que les avis des parties quant à la norme de contrôle applicable ne lient pas la Cour, je ne vois pas l'utilité en l'espèce d'en dire davantage sur la norme applicable, puisqu'à mon avis l'interprétation de l'arbitre des appels était à la fois juste et raisonnable. Il n'y a donc plus lieu de s'attarder sur cette question.

  • [22] Il est de droit constant que le redressement accordé lors du contrôle judiciaire relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Notre Cour se gardera donc de s'ingérer dans une décision de cette nature, sauf si elle conclut que le juge de la demande a commis une erreur grave dans l'application des faits, n'a pas accordé assez de poids à un facteur pertinent ou s'est fondé sur un principe juridique erroné (Elders Grain Co. c. Ralph Misener (Le), 2005 CAF 139, [2005] 3 R.C.F. 367, au paragraphe 13, Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc., 2005 CAF 50, au paragraphe 9).

  • [23] L'intimée fait valoir que le juge de la demande a suivi la bonne approche et tiré la conclusion qui s'imposait, compte tenu du libellé sans équivoque de l'article 48.1, qui établit que seules les personnes précisées dans cette disposition ont le droit d'être présentes au bureau de scrutin. Selon elle, il ne fait aucun doute, si on lit le Code électoral dans son ensemble comme il se doit, notamment l'article 51.2 traitant des interprètes, que l'intention était d'éviter qu'un électeur ou un membre de la bande soit présent au bureau de scrutin en quelque qualité que ce soit, sauf pour voter. Si je comprends bien, l'intimée affirme que, même si une personne autre que le directeur du scrutin avait le droit d'aider un électeur frappé d'incapacité à l'isoloir, cette personne ne pourrait être un électeur ou un membre de la bande, selon la définition de ces termes dans le Code.

  • [24] Je ne suis pas de cet avis.

  • [25] Le Code électoral doit être interprété en ayant recours aux principes généraux de l'interprétation des lois et à l'approche moderne à cet égard énoncée à la page 87 de l'ouvrage d'E.A. Driedger intitulé Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto, Butterworths, 1983), et adoptée par la Cour suprême du Canada dans de nombreux jugements depuis Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27.

  • [26] C'est pour cette raison que j'estime que le juge de la demande a commis une erreur en accordant une trop grande importance à l'article 48.1 en l'espèce.

  • [27] Il est généralement admis que l'on doit prêter aux textes légaux régissant les élections, notamment le Code électoral, une interprétation conforme à leurs objets, qui consistent à offrir à tous les électeurs en droit de voter l'occasion d'exercer leur droit démocratique fondamental, soit celui de voter.

  • [28] L'interprétation avancée par l'intimée signifierait que les électeurs frappés d'incapacité qui ne souhaitent pas l'aide d'une personne qu'ils ne connaissent pas, comme le directeur du scrutin (ce qui peut être le cas de certains électeurs, comme l'a mentionné la directrice du scrutin dans son témoignage devant l'arbitre des appels), perdraient leur droit de vote.

  • [29] Je constate également que le fait d'autoriser les électeurs frappés d'incapacité à recevoir l'aide d'un ami ou d'un parent pour marquer leur bulletin de vote dans l'isoloir semble être bien accepté : les lois fédérale et albertaine (qui sont les deux lois les plus pertinentes dans l'affaire qui nous occupe) le prévoient. Cela ne signifie pas pour autant qu'un tel droit, pour qu'il existe, doive être formulé de la même façon que dans la Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9, ou la loi albertaine.

  • [30] L'intimée invoque le droit de tout électeur de voter en secret et à l'abri de l'influence des autres.

  • [31] Cependant, l'article 38.1 du Code électoral, intitulé [TRADUCTION] « Secret du vote », autorise expressément les électeurs frappés d'incapacité à se trouver dans l'isoloir avec une personne autorisée à les aider.

  • [32] L'arbitre des appels estimait que l'emploi du terme [TRADUCTION] « personne » à l'article 38.1 plutôt que du terme bien précis [TRADUCTION] « directeur du scrutin » étayait son avis voulant que le directeur du scrutin ne soit pas l'unique personne autorisée à aider un électeur frappé d'incapacité dans l'isoloir. Je partage cet avis.

  • [33] À l'instar de l'arbitre des appels, je conclus aussi que l'article 57.2, qui interdit expressément à un candidat ou à son représentant de se trouver dans l'isoloir avec un électeur frappé d'incapacité ayant besoin d'aide pour marquer son choix sur son bulletin de vote, de même que la présence à l'article 57.1 du verbe permissif [TRADUCTION] « peut » et de l'expression [TRADUCTION] « à la demande de », étayent la conclusion voulant que le directeur du scrutin n'est pas la seule personne qui peut aider un électeur frappé d'incapacité, en l'occurrence Mme Bouchier.

  • [34] Il va sans dire que la personne autorisée à accompagner un électeur frappé d'incapacité dans l'isoloir doit se trouver au bureau de scrutin alors que l'électeur frappé d'une incapacité [TRADUCTION] « vote » au sens de l'article 48.1, qui porte sur les [TRADUCTION] « Personnes présentes au bureau de scrutin ».

  • [35] En outre, malgré le libellé de l'article 48.1 qui paraît par ailleurs interdire sa présence, un interprète autorisé à aider un électeur qui ne comprend pas l'anglais aux termes de l'article 51.1 doit être lui aussi présent au bureau de scrutin.

  • [36] Dans les deux cas, le principe général énoncé à l'article 48.1, selon lequel seules les personnes qui votent peuvent être présentes au bureau de scrutin, est à mon avis respecté.

  • [37] La Cour peut‑elle interpréter l'article 57.2 de façon à y ajouter une autre exception à l'égard des membres ou des électeurs en général, en se fondant sur l'intention générale invoquée par l'intimée, notamment en raison du libellé de l'article 51.2? Je ne le pense pas. Les deux exclusions (articles 51.2 et 57.2) sont claires, et le fait que les électeurs et membres ne sont exclus qu'à l'article 51.2 indique, selon moi, que cette exclusion n'est pas implicite à l'article 57.2 et ne devait pas s'appliquer aux personnes visées à l'article 38.1.

  • [38] Les deux parties conviennent que le Code électoral aurait pu être rédigé en des termes plus clairs. Cela est vrai, et le bande pourrait vouloir le modifier en temps utile en tirant des leçons de la première élection. Cela ne justifie cependant pas de modifier la décision rendue par l'arbitre des appels.

  • [39] Enfin, il convient de souligner qu'il pourrait être souhaitable que le directeur du scrutin explique aux électeurs frappés d'incapacité les choix qui s'offrent à eux.

  • [40] Relativement à la deuxième question en litige, je remarque que notre Cour s'est récemment penchée, aux paragraphes 28 à 31 de l'arrêt Dennis c. Bande indienne d'Adams Lake, 2011 CAF 37, [2011] 1 R.C.F. F‑19, sur les répercussions de la décision qui avait été rendue peu de temps auparavant par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Mines Alertes Canada c. Canada (Pêches et Océans), 2010 CSC 2, [2010] 1 R.C.S. 6. S'exprimant au nom de notre Cour, le juge Stratas a déclaré dans Dennis qu'une cour de révision, pour déterminer si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire d'annuler ou non la décision d'un organisme administratif, même lorsqu'il existe des motifs de le faire, doit prendre en considération toute une série de facteurs pratiques et qu'« on ne devrait pas accorder une importance indue à une erreur juridique ou à la nonconformité d'une disposition : les aspects pratiques peuvent l'emporter sur les aspects juridiques ».

  • [41] Même si, selon moi, la Cour avait pu, en l'espèce, substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du juge de la demande pour l'exercer de façon différente, j'estime, à la lumière de ma conclusion relative à la première question en litige, qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit à ce sujet.

  • [42] Par conséquent, j'accueillerais l'appel avec dépens devant notre Cour et devant la Cour fédérale, et j'annulerais la décision de la Cour fédérale. Rendant le jugement que la Cour fédérale aurait dû rendre, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

 

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

 

 

« Je suis d'accord.

  Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

 

 

« Je suis d'accord.

  David Stratas, j.c.a. »

 

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  A-94-12

 

INTITULÉ :  JIM BOUCHER c. CECILIA FITZPATRICK

 

LIEU DE L'AUDIENCE :  Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :  Le 19 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :  LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :  LA JUGE DAWSON

  LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :  Le 25 juillet 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Graham S. Ragan

POUR L'APPELANT

 

Priscilla Kennedy

POUR L'INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'APPELANT

 

Davis LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L'INTIMÉE

 

 

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