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Date : 20120919

Dossier : A-495-11

Référence : 2012 CAF 239

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

GRAND RIVER ENTERPRISES SIX NATIONS LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 septembre 2012

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LA JUGE SHARLOW

                                                                                                                           LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20120919

Dossier : A-495-11

Référence : 2012 CAF 239

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

GRAND RIVER ENTERPRISES SIX NATIONS LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’un jugement par lequel le juge Bowie, de la Cour canadienne de l’impôt, a rejeté les appels visant 23 cotisations établies en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise, L.C. 2002. ch. 22, relativement aux droits imposés sur des produits du tabac fabriqués par l’appelante entre les mois de septembre 2005 et de juillet 2007 en vue de leur vente dans des réserves indiennes situées en Ontario.  La référence des motifs du jugement du juge Bowie est 2011 CCI 554.

 

[2]               Le ministre compétent était d’avis que l’appelante, en tant que titulaire d’une licence de tabac qui fabrique des produits du tabac au Canada, était tenue d’acquitter des droits sous le régime de la Loi de 2001 sur l’accise et que le fait qu’elle était située dans une réserve ne lui permettait pas d’être exemptée de ces droits.

 

[3]               L’appelante soutient que des « cigarettes non marquées » au sens de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. T‑10 – qui ne peuvent être vendues que dans des réserves indiennes en Ontario – ne sont pas emballées pour être « offert[es] en vente au public », au sens de l’alinéa 2b) du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac, DORS/2003‑288, et qu’elles sont donc exemptées des droits sur le tabac prévus par la Loi de 2001 sur l’accise.

 

[4]               La Loi de 2001 sur l’accise a notamment pour objet d’imposer un droit fédéral sur les produits du tabac fabriqués au Canada. Ce droit est payable par le fabricant au moment où les produits du tabac sont empaquetés dans le plus petit emballage dans lequel ils sont normalement offerts en vente au public. Comme il sera démontré plus loin, une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions législatives et réglementaires applicables mène à la conclusion que les cigarettes et les autres produits du tabac fabriqués au Canada et emballés en vue d’être vendus dans des réserves indiennes sont assujettis au droit sur le tabac prévu par la Loi de 2001 sur l’accise. En conséquence, je rejetterais le présent appel.

 

Le contexte et les faits

[5]               L’appelante est une société qui fabrique et vend des produits du tabac à son principal lieu d’affaires situé dans la réserve des Six nations de la rivière Grand, en Ontario. À cette fin, elle est titulaire de licences de tabac fédérale et provinciale l’autorisant à fabriquer et à vendre des produits du tabac. Ses actionnaires, administrateurs et dirigeants sont tous des « Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5.

 

[6]               L’appelante est titulaire d’une licence de fabricant pour l’application de la Loi de 2001 sur l’accise et elle doit payer un droit en vertu de l’alinéa 42(1)a) de cette loi sur les produits du tabac qu’elle fabrique au Canada. Ce droit est payable au moment où les produits sont empaquetés dans le plus petit emballage dans lequel ils sont normalement offerts en vente au public.

 

[7]               De septembre 2005 à juillet 2007, l’appelante n’a pas payé le droit prévu par la Loi de 2001 sur l’accise sur les produits du tabac qu’elle a fabriqués et qu’elle a vendus à des détaillants situés dans des réserves en Ontario. Il s’agissait de paquets et de sacs de cigarettes ainsi que de sacs de tabac haché fin qui n’étaient pas marqués ou estampillés avec un timbre sous le régime de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario. L’appelante soutient que, malgré le fait qu’elle est titulaire d’une licence de fabricant de tabac, elle n’est pas tenue de payer le droit fédéral sur ses produits du tabac puisque, par l’effet de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario, ces produits ne sont pas emballés en vue d’être vendus au public.

 

[8]               La Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario impose des taxes à la consommation sur les produits du tabac et met en place un système de ventes contrôlées de cigarettes non marquées dans les réserves situées en Ontario, vraisemblablement parce que les Indiens sont exemptés des taxes à la consommation provinciales sur les ventes réalisées dans une réserve par l’application de l’article 87 de la Loi sur les Indiens. En Ontario, une personne qui veut acheter et vendre des cigarettes qui ne sont pas dans des emballages marqués ou estampillés avec un timbre comme l’exigent la loi provinciale et son règlement d’application (les cigarettes non marquées) peut obtenir un permis provincial énonçant des conditions et des restrictions visant à faire en sorte que les cigarettes non marquées dont elle est autorisée à faire le commerce sont traitées conformément au régime réglementaire provincial.

 

[9]               Le régime particulier applicable aux cigarettes non marquées en Ontario est décrit principalement dans le règlement intitulé Sales of Unmarked Cigarettes on Indian Reserves, O. Reg. 649/93. Ce régime vise à faire en sorte qu’une quantité suffisante de cigarettes non marquées soit offerte en vente dans une réserve aux adultes membres de la bande indienne pour leur consommation personnelle sans que des taxes doivent être payées, tout en empêchant l’achat de trop grandes quantités de cigarettes non marquées qui pourraient être revendues à des non‑Indiens sans que la taxe à la consommation de l’Ontario soit payée. À cette fin, une quantité totale maximale annuelle de cigarettes non marquées est attribuée à chaque réserve indienne de l’Ontario suivant différentes formules; cette quantité maximale est ensuite répartie par le conseil de bande de chaque réserve indienne concernée entre tous les détaillants situés dans la réserve qui vendent des cigarettes à des Indiens.

 

[10]           Ces détaillants peuvent choisir les fournisseurs des cigarettes non marquées qu’ils vendent, mais ces fournisseurs doivent détenir un permis en vertu de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario pour acheter et vendre des cigarettes non marquées. En outre, le ministre compétent de l’Ontario informe chaque fournisseur de la quantité de cigarettes non marquées qu’il peut vendre aux détaillants selon le système d’attribution.

 

[11]           Pendant la période pertinente, l’appelante était titulaire d’un certificat d’inscription de fabricant de l’Ontario, d’un permis de grossiste de l’Ontario et d’un permis d’achat et de vente de cigarettes non marquées de l’Ontario délivrés respectivement en vertu des articles 7, 3 et 9 de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario. Ce certificat et ces permis ont été délivrés sous réserve des conditions énoncées dans une entente conclue entre l’appelante et le gouvernement de l’Ontario. Ces conditions limitaient les ventes de produits du tabac de l’appelante à des détaillants situés dans des réserves et exigeaient que l’appelante se conforme au système d’attribution prévu par le règlement de l’Ontario intitulé Sales of Unmarked Cigarettes on Indian Reserves.

 

[12]           L’appelante fait valoir qu’elle n’est pas liée par l’entente conclue avec l’Ontario parce que celle‑ci a trait au système d’attribution des produits du tabac dans les réserves de l’Ontario. Elle soutient en outre que le règlement de l’Ontario intitulé Sales of Unmarked Cigarettes on Indian Reserves est ultra vires parce qu’il porte atteinte au statut, aux capacités et aux droits des Indiens vivant dans des réserves en Ontario. L’appelante a donc réalisé toutes ses ventes de produits du tabac à des détaillants dans des réserves sans tenir compte du système d’attribution de l’Ontario. Selon elle, ces ventes étaient assujetties uniquement à sa capacité de répondre à la demande des détaillants situés dans des réserves.

 

[13]           L’appelante soutient cependant que, par l’effet de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario, ses cigarettes non marquées vendues en Ontario ne sont pas emballées en vue d’être vendues au public, de sorte qu’elles sont exemptées des droits sur le tabac prévus par la Loi de 2001 sur l’accise. Elle mentionne ce qui suit :

a) par l’effet combiné du paragraphe 8(1) de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario et de l’article 23 du règlement général 1034 de l’Ontario, R.R.O., Reg. 1034, qui a été pris en vertu de cette loi, des cigarettes non marquées ne peuvent être vendues ou possédées légalement en Ontario que par des Indiens inscrits qui les ont achetées dans une réserve;

b) aux termes du paragraphe 9(5) du règlement de l’Ontario intitulé Sales of Unmarked Cigarettes on Indian Reserves, il est interdit aux détaillants de tabac situés dans une réserve d’utiliser ces cigarettes à d’autres fins que leur consommation personnelle ou la revente à des Indiens;

c) aux termes des paragraphes 29(1), (1.0.1), (2.0.1), (2.0.2) et (4) de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario, constitue une infraction le fait d’avoir en sa possession, d’acheter ou de recevoir des cigarettes non marquées ou d’en vendre à une personne en Ontario sans détenir un permis à cette fin.

L’appelante fait valoir que, compte tenu de ces dispositions et des conditions de ses permis et de son certificat délivrés par l’Ontario, ses produits du tabac ne sont pas (et ne peuvent pas être) emballés en vue de leur vente au public et, en conséquence, ne sont pas assujettis au droit sur les produits du tabac payables en vertu de l’alinéa 42(1)a) de la Loi de 2001 sur l’accise.

 

Le cadre législatif

[14]           Le régime fédéral de taxation des spiritueux, du vin et du tabac repose sur la Loi de 2001 sur l’accise. Cette loi prévoit, pour ce qui est des produits du tabac, un système complexe de licences, d’estampillage, de recouvrement et d’exécution. Il suffit de dire en l’espèce que, sous le régime de cette loi, les fabricants de tabac doivent être titulaires d’une licence et payer un droit sur les produits du tabac qu’ils fabriquent au Canada. Ce droit est payable au moment de l’emballage des produits du tabac en vue d’être vendues au public. Des timbres indiquant que le droit a été payé sur le produit du tabac sont remis aux fabricants agréés. Ces timbres doivent être apposés par ces derniers dans un endroit bien en vue sur l’emballage, de manière à cacheter l’emballage et de manière à ce qu’il reste fixé à l’emballage après son ouverture.

 

[15]           Les dispositions suivantes de la Loi de 2001 sur l’accise sont pertinentes en l’espèce :

 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« emballé »

 

*                                         a) Se dit du tabac en feuilles ou des produits du tabac qui sont présentés dans un emballage réglementaire;

 

 

 Version anglaise seulement.

 

 

 

 

 

 

 

 

« estampillé » Se dit d’un produit du tabac, ou de son contenant, sur lequel un timbre d’accise ainsi que les mentions prévues par règlement et de présentation réglementaire sont apposés, empreints, imprimés, marqués ou poinçonnés selon les modalités réglementaires pour indiquer que les droits afférents autres que le droit spécial ont été acquittés.

 

*         (1) Nul ne peut avoir en sa possession un timbre d’accise qui n’a pas été apposé sur un produit du tabac ou sur son contenant selon les modalités réglementaires visées à la définition de « estampillé » à l’article 2 pour indiquer que les droits afférents autres que le droit spécial ont été acquittés.

 (1) Un droit sur les produits du tabac fabriqués au Canada ou importés et sur le tabac en feuilles importé est imposé aux taux figurant à l’annexe 1 et est exigible :

 

a) dans le cas de produits du tabac fabriqués au Canada, du titulaire de licence de tabac qui les a fabriqués, au moment de leur emballage;

 

 

 (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

[…]

 

*            o) prendre toute mesure d’ordre réglementaire prévue par la présente loi;

*             

*            p) prendre toute autre mesure d’application de la présente loi.

 

 The definitions in this section        apply in this Act.

 

      “packaged” means

 

*                                          (a) in respect of raw leaf tobacco or a tobacco product, packaged in a prescribed package;

 

 

“prescribed” means

(a) in the case of a form or the manner of filing a form, authorized by the Minister;

(b) in the case of the information to be given on or with a form, specified by the Minister; and

(c) in any other case, prescribed by regulation or determined in accordance with rules prescribed by regulation.

 

“stamped”, in respect of a tobacco product, means that an excise stamp, and all prescribed information in a prescribed format, are stamped, impressed, printed or marked on, indented into or affixed to the product or its container in the prescribed manner to indicate that duty, other than special duty, has been paid on the product.

 

 

25.3 (1) No person shall possess an excise stamp that has not been affixed to a tobacco product or its container in the manner prescribed for the purposes of the definition “stamped” in section 2 to indicate that duty, other than special duty, has been paid on the product.

 (1) Duty is imposed on tobacco products manufactured in Canada or imported and on imported raw leaf tobacco at the rates set out in Schedule 1 and is payable

 

(a) in the case of tobacco products manufactured in Canada, by the tobacco licensee who manufactured the tobacco products, at the time they are packaged;

 

 (1) The Governor in Council may make regulations

*      

*        

(o) prescribing any matter or thing that by this Act is to be or may be prescribed; and

 

(p) generally to carry out the purposes and provisions of this Act.

 

 

 

 

[16]           Les dispositions pertinentes du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac sont libellées comme suit :

 Pour l’application de l’alinéa a) de la définition de « emballé » à l’article 2 de la Loi, est un emballage réglementaire :

 

[…]

 

*                              b) dans le cas d’un produit du tabac, le plus petit emballage dans lequel il est normalement offert en vente au public, y compris l’enveloppe extérieure habituellement présentée au consommateur.

 

 

 

 Pour l’application de la définition de « estampillé » à l’article 2 de la Loi et du paragraphe 25.3(1) de la Loi, est apposé selon les modalités réglementaires le timbre d’accise qui est apposé :

 

*                              a) dans un endroit bien en vue sur l’emballage;

*                               

*                              b) de manière à cacheter l’emballage;

*                    

*                              c) de manière à ce qu’il reste fixé à l’emballage après son ouverture;

 

 

*                              d) de manière à ne pas nuire à ses propres caractéristiques de sécurité;

*                               

*                              e) de façon à ne pas obstruer les renseignements devant figurer sur l’emballage en application d’une loi fédérale.

 For the purpose of paragraph (a) of the definition “packaged” in section 2 of the Act,

 

 

*                               

*                              (b) a tobacco product is packaged in a prescribed package when it is packaged in the smallest package — including any outer wrapping that is customarily displayed to the consumer — in which it is normally offered for sale to the general public.

 For the purposes of the definition “stamped” in section 2 of the Act and subsection 25.3(1) of the Act, the prescribed manner of affixing an excise stamp to a package is by affixing the stamp

 

*                              (a) in a conspicuous place on the package;

*                               

*                              (b) in a manner that seals the package;

*                   

*                              (c) in a manner that the stamp remains affixed to the package after the package is opened;

*                    

*                              (d) in a manner that does not interfere with the stamp’s security features; and

*                               

*                              (e) in a manner that does not obstruct any information that is required by or under an Act of Parliament to appear on the package.

 

Les motifs du juge de la Cour de l’impôt

[17]           Le juge de la Cour de l’impôt a déterminé que l’objet de la Loi de 2001 sur l’accise est de prélever un revenu au moyen de l’imposition de droits sur le vin, sur les spiritueux et sur les produits du tabac. Il a indiqué que l’article 42 de cette loi impose expressément un droit sur le tabac et que ce droit est exigible au moment où les produits sont emballés, ce moment étant fixé par le gouverneur en conseil. Il a mentionné en outre que l’objet de la définition du mot « emballé », à l’article 2 du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac, est simplement de définir le moment où le droit devient payable par le fabricant de tabac, et non d’accorder une exemption à l’égard du droit, ce qui irait au‑delà du pouvoir de réglementation conféré au gouverneur au conseil par la Loi de 2001 sur l’accise.

 

[18]           Procédant à une analyse contextuelle et téléologique de la Loi de 2001 sur l’accise et du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que « [l]orsque la Loi et le Règlement sont considérés dans leur ensemble, et que l’alinéa 2b) du Règlement est considéré à la lumière de son objet, il est évident que l’expression « offert en vente au public » veut simplement dire « offert en vente aux membres du public à qui il peut être légalement offert », ou autrement dit, « offert en vente au niveau du détail » ou encore, comme les parties l’ont dit au paragraphe 15 de leur exposé conjoint des faits [traduction] « [...] offert en vente aux consommateurs [...] » » (motifs, au paragraphe 19).

 

[19]           Le juge de la Cour de l’impôt a donc conclu que le droit était devenu exigible sur les produits du tabac de l’appelante en vertu de l’alinéa 42(1)a) de la Loi de 2001 sur l’accise au moment où ces produits avaient été emballés en vue d’être vendus à des Indiens, et il a rejeté les appels visant les cotisations établies par le ministre.

 

La question en litige

[20]           La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que le droit payable en vertu de l’alinéa 42(1)a) de la Loi de 2001 sur l’accise s’appliquait aux cigarettes et aux autres produits du tabac non marqués vendus par l’appelante à des détaillants dans des réserves en Ontario, compte tenu de la notion d’« emballage réglementaire » contenue à l’alinéa 2b) du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac. Il s’agit d’une question d’interprétation législative qui est assujettie en appel à la norme de la décision correcte : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, aux paragraphes 8 et 9.

 

Analyse

[21]           Selon la méthode moderne d’interprétation des lois, il faut lire les termes d’une loi (ou d’un règlement) dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 au paragraphe 21, tiré de Construction of Statutes (2e éd. 1983), d’Elmer Driedger, à la page 87. La juge en chef McLachlin et le juge Major ont indiqué dans Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, au paragraphe 10 :

Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

 

 

[22]           Il faut tenir compte non seulement du sens ordinaire et naturel des mots, mais aussi du contexte dans lequel ceux-ci sont employés et de l’objet de la disposition considérée comme un tout dans le régime législatif dont elle fait partie : Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, au paragraphe 27. L’élément le plus important de cette analyse est la détermination de l’intention du législateur : R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, au paragraphe 26.

 

[23]           On ne peut mettre en doute que l’objet et l’esprit de l’alinéa 42(1)a) de la Loi de 2001 sur l’accise, compte tenu de l’alinéa 2b) du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac, consistent à imposer un droit sur les produits du tabac; ce droit est payable par le fabricant de tabac au moment où les produits sont empaquetés dans le plus petit emballage dans lequel ils sont normalement offerts en vente au public. C’est habituellement à ce moment‑là que le fabricant doit apposer sur l’emballage un timbre indiquant que le droit a été payé.

 

[24]           L’appelante ne conteste pas ces faits, mais elle soutient que l’expression « offert en vente au public » employée dans le règlement fédéral ne peut s’appliquer aux ventes de cigarettes et d’autres produits du tabac non marqués à des détaillants des Premières nations dans les réserves de l’Ontario. Selon elle, les Indiens constituent un groupe restreint qui les différencie du public en général et, comme le régime créé par la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario interdit la vente de ses produits du tabac sauf dans des réserves à des Indiens, le droit sur le tabac prévu par la Loi de 2001 sur l’accise ne s’applique pas à ces produits.

 

[25]           Je ne partage pas l’opinion de l’appelante.

 

La Loi de 2001 sur l’accise ne prévoit pas que les produits du tabac destinés à être vendus dans des réserves indiennes sont exemptés des droits applicables

 

[26]           La Loi de 2001 sur l’accise a été adoptée dans le cadre d’une vaste réforme du régime législatif régissant la taxation du tabac qui avait pour but d’augmenter la taxe sur le tabac en fixant un taux uniforme de la taxe d’accise fédérale applicable aux cigarettes dans l’ensemble des provinces et des territoires : Loi de 2001 sur l’accise – Notes explicatives et avant‑projets de règlement, ministère des Finances, décembre 2001, à la page 178.

 

[27]           Il convient en particulier de noter que les dispositions antérieures de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, permettaient la vente de cigarettes non marquées (appelées cigarettes « non ciblées » dans cette loi) dans des réserves à des Indiens à un taux de droit fédéral différent. Plus particulièrement, le sous‑alinéa 1a)(ii) de la Loi sur la taxe d’accise, telle qu’elle existait avant l’entrée en vigueur de la Loi de 2001 sur l’accise, imposait un droit d’accise fédéral plus bas aux cigarettes non ciblées livrées après le 25 mars 1994 par un fabricant à un fournisseur qui détenait un permis en vertu de l’article 9 de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario l’autorisant à vendre des cigarettes non marquées et qui certifiait que les cigarettes étaient destinées à la revente à des détaillants situés dans des réserves en vertu de la Loi de la taxe sur le tabac de l’Ontario. Ces dispositions de la Loi sur la taxe d’accise ont toutefois été abrogées par les articles 413, 417, 418 et 419 de la Loi de 2001 sur l’accise. Les « notes explicatives » sur la Loi de 2001 sur l’accise, qui ont été publiées par les ministres compétents, indiquaient notamment ce qui suit à ce sujet :

Article 413 – Définitions

Le paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d’accise contient, entre autres dispositions, la définition des termes applicables à la taxe d’accise imposée en vertu de la partie III de la Loi sur les produits du tabac. Les modifications apportées à ce paragraphe consistent à supprimer les définitions de « cigarettes non ciblées », « Indien » et « produit non ciblé ». Ces termes ne se retrouvaient que dans les articles portant sur les différents taux de taxe d’accise applicables aux cigarettes destinées à la vente en Ontario, au Québec et ailleurs au Canada. Les définitions ne sont plus nécessaires en raison du rétablissement d’un taux uniforme de taxe d’accise sur les cigarettes dans l’ensemble des provinces et territoires.

 

Loi de 2001 sur l’accise – Notes explicatives et avant‑projets de règlement, ministère des Finances, décembre 2001, à la page  179.

 

 

 

[28]           La notion de cigarettes « non ciblées » figure encore dans la Loi de 2001 sur l’accise, mais elle s’entend maintenant uniquement des cigarettes livrées à des boutiques hors taxes ou à des entrepôts de stockage ou pour utilisation à titre de provisions de bord : Loi de 2001 sur l’accise, article 2, définition de « non ciblé », article 180.1, article 236 et annexe 1, alinéas 1a), 2a) et 3a).

 

[29]           Ainsi, la Loi de 2001 sur l’accise n’impose pas de droits spéciaux sur les produits du tabac d’un fabricant qui sont destinés à être livrés à une réserve indienne ou à des Indiens, et ne prévoit pas une exemption des droits dans ce cas.

 

La notion de « public » employée dans le Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac comprend les Indiens

 

[30]           Lorsqu’elles sont employées dans une loi, les notions de « public » ou de « grand public » dépendent habituellement du contexte. Il ressort de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada que ces notions peuvent avoir différents sens selon le contexte législatif dans lequel elles sont employées.

 

[31]           Ainsi, dans Université de la Colombie‑Britannique c. Berg, [1993] 2 R.C.S. 353, le juge en chef Lamer a adopté la méthode « relationnelle » pour définir le terme « public » employé dans l’expression [traduction] « services habituellement offerts au public » figurant à l’article 3 de la Human Rights Act, S.B.C. 1984, c. 22, de la Colombie‑Britannique. Dans CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut‑Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339, la Cour suprême du Canada a statué qu’une transmission par télécopieur à une seule personne ne constituait pas une communication « au public » au sens de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42. Elle a toutefois conclu récemment, dans Rogers Communication Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35, 347 D.L.R. (4th) 235, que l’expression incluait la transmission point à point d’une œuvre musicale en ligne à de nombreux destinataires. Ces conclusions découlaient d’une analyse de la notion de « public » qui tenait compte du contexte législatif général.

 

[32]           Les propos formulés par le lord Wright il y a plus de 75 ans dans Jennings c. Stephens, [1936] 1 Ch. 469 (C.A.), à la page 476, sont toujours pertinents aujourd’hui :

[traduction] Ces précédents ne semblent pas définir de façon très précise l’expression « dans le public »; certes, il est difficile et peut‑être même impossible d’établir la portée précise de cette expression. « Le public » a un sens flou. Ce sens doit être limité dans tous les cas par le contexte dans lequel l’expression est employée. Celle‑ci ne désigne généralement pas les habitants du monde ni même de ce pays. Dans un contexte particulier, elle peut désigner en pratique seulement les habitants d’un village ou les membres de la collectivité qui seraient ciblés par une publicité donnée ou qui seraient intéressés par un sujet particulier, qu’il soit professionnel, politique, social, artistique ou local.

 

 

 

[33]           Les peuples autochtones se trouvent dans une situation juridique particulière au Canada en raison notamment de la Proclamation royale de 1763, du paragraphe 91(24) et de l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867, des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, de la common law fédérale relative aux droits ancestraux et de la Loi sur les Indiens. Cette situation ne fait pas nécessairement en sorte cependant que les Indiens et les autres peuples autochtones ne doivent pas être inclus dans le « public » ou le « grand public » lorsque ces expressions sont employées dans une loi. En fait, il faut analyser l’objet de la loi et le contexte législatif dans chaque cas.

 

[34]           L’appelante s’appuie à tort sur R. c. Bigeagle, [1978] 6 W.W.R. 65, 9 C.N.L.C. 446, pour affirmer que les Indiens ne font jamais partie du public. Dans cette affaire, la Cour d’appel de la Saskatchewan a conclu qu’un chemin se trouvant dans une réserve indienne que seuls les résidents de la réserve pouvaient utiliser – le public ne pouvait pas l’emprunter – ne constituait pas une [traduction] « voie publique » selon la définition de cette expression prévue dans la Vehicles Act, R.S.S. 1965, c. 377, c.‑à‑d. [traduction] « un chemin […] conçu pour le public ou utilisé par le public pour le passage de véhicules ». Cette approche a été suivie par la Cour d’appel de l’Alberta dans R. c. Fox, 11 Alta. L.R. (2d) 221, [1981] C.N.L.R. 128, ainsi que par d’autres tribunaux, notamment dans R. c. Canute, [1983] 5 W.W.R. 566, [1984] 1 C.N.L.R. 123; Gallinos et al. c. Louis et al. (1984), 15 D.L.R. (4th) 458; R. c. Youngpine (2001), 283 A.R. 143.

 

[35]           Par contre, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a statué dans R. c. Sandfly, [1984] 1 C.N.L.R. 182, que l’infraction visant la conduite d’un véhicule à moteur de manière négligente dans une réserve, qui est prévue à l’article 5 du Règlement de la circulation à l’intérieur des réserves indiennes, C.R.C., ch. 959, peut être commise ailleurs que sur un chemin accessible au public, malgré la définition du terme « chemin » contenue à l’article 2 de ce règlement, c.‑à‑d. « toute route […] où la circulation des véhicules est permise au public ». La même cour a aussi conclu, dans R. c. Gordon, 35 Sask. R. 269. [1985] 2 C.N.L.R. 138, que l’infraction qui était alors prévue au paragraphe 233(4) du Code criminel (qui a été considérablement modifiée et qui se trouve maintenant à l’alinéa 249(1)a) et au paragraphe 249(2) du Code) visant la conduite d’un véhicule à moteur « dans une rue, sur un chemin, une grande route ou dans un autre endroit public, d’une façon dangereuse pour le public » pouvait être commise sur un chemin situé dans une réserve même en l’absence d’une preuve de l’utilisation de ce chemin par le public.

 

[36]           Ces décisions mettent simplement en évidence les méthodes contextuelle et téléologique qui ont été utilisées pour déterminer si les Indiens sont inclus dans des expressions comme le « public » ou le « grand public » employées dans des lois. Dans tous les cas, il faut procéder à une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de l’expression et tenir compte du régime législatif dans son ensemble.

 

[37]           En l’espèce, il n’y a pas d’incompatibilité entre le terme « public » employé à l’alinéa 2b) du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac et la commercialisation et la vente de produits du tabac à des Indiens dans des réserves. La Loi de 2001 sur l’accise n’exempte pas les fabricants du paiement du droit sur les produits du tabac lorsque ceux‑ci sont vendus dans une réserve à des Indiens. En outre, comme il a été mentionné précédemment, cette loi a abrogé les dispositions antérieures de la Loi sur la taxe d’accise concernant les cigarettes « non ciblées » destinées aux Indiens en Ontario. Si l’on adopte une méthode contextuelle et téléologique pour interpréter la Loi de 2001 sur l’accise et ses règlements d’application, il n’y a aucune raison de conclure que les ventes de produits du tabac dans des réserves à des Indiens ne sont pas des ventes faites au public. Dans la situation particulière de l’appelante, les Indiens sont le « public » pour lequel elle est autorisée à fabriquer des cigarettes.

L’Ontario ne peut accorder d’exemptions relativement à des droits fédéraux

[38]           La thèse de l’appelante comporte en outre un défaut fondamental. En termes simples, l’appelante soutient que le régime réglementaire concernant les cigarettes non marquées qui a été adopté par l’Ontario afin de tenir compte de l’exemption de taxation prévue à l’article 87 de la Loi sur les Indiens fait en sorte que les fabricants de cigarettes non marquées sont exemptés des droits fédéraux imposés par la Loi de 2001 sur l’accise.

 

[39]           En l’absence de termes clairs et non ambigus dans la Loi de 2001 sur l’accise, je ne pense pas qu’une autorité provinciale puisse exempter des fabricants du paiement de droits fédéraux simplement en limitant certains fabricants ou certains produits du tabac à des segments de marché particuliers. En conséquence, bien que l’Ontario ait pu faire en sorte que l’appelante vende des produits du tabac seulement à des détaillants dans des réserves, cette restriction ne peut pas avoir pour effet d’exempter l’appelante des droits sur le tabac qui sont payables en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise.

 

[40]           Si l’Ontario (ou une autre province) a limité le marché sur lequel un fabricant de tabac peut distribuer ses produits à une ville, à une collectivité ou à un groupe donné (p. ex. un club privé), cela ne signifie pas que le droit sur le tabac prévu par la Loi de 2001 sur l’accise n’est plus payable par ce fabricant sur ces produits. Le marché du fabricant serait le groupe auquel il est autorisé à distribuer ses produits et ce groupe deviendrait son « public » lorsqu’il faut déterminer si les produits sont « emballés », c.‑à‑d. si le droit est payable et si les timbres indiquant qu’il a été payé doivent être apposés.

L’exemption ne peut être prévue dans la réglementation

[41]           Comme le juge de la Cour de l’impôt l’a conclu, le gouverneur en conseil n’est pas autorisé en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise à accorder des exemptions des droits sur le tabac relativement à des cigarettes non marquées destinées à la vente dans des réserves indiennes.

 

[42]           L’alinéa 2b) du Règlement sur l’estampillage et le marquage des produits du tabac a été pris en vertu des alinéas 304(1)o) et p) de la Loi de 2001 sur l’accise afin de prescrire l’emballage dont il est question dans la définition d’« emballé » figurant à l’article 2 de cette loi. Rien dans cette loi ne permet de croire que le législateur voulait exempter un fabricant de « cigarettes non marquées » du paiement du droit visé à l’alinéa 42(1)a). En fait, comme il a été mentionné précédemment, c’est la conclusion contraire que l’on peut tirer du régime général de la loi. En conséquence, je ne crois pas que le législateur aurait, pour une raison ou pour une autre, délégué au gouverneur en conseil le pouvoir d’accorder une exemption de ce genre simplement en l’habilitant à prescrire un emballage.

 

[43]           Enfin, je souligne que l’appelante ne s’appuie pas sur l’article 87 de la Loi sur les Indiens ou sur un droit ancestral ou issu de traité visé à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour revendiquer une exemption du droit sur le tabac qu’elle doit payer en vertu de l’alinéa 42(1)a) de la Loi de 2001 sur l’accise.

 

[44]           En conséquence, je rejetterais l’appel, les dépens étant adjugés à l’intimée.

 

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

     K. Sharlow, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

     Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


Cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        A-495

 

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT LE 8 DÉCEMBRE 2011

 

INTITULÉ :                                                     GRAND RIVER ENTERPRISES

                                                                            SIX NATIONS LTD. c.

                                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            Le 11 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE MAINVILLE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                       LA JUGE SHARLOW

                                                                            LA JUGE TRUDEL

                                                                           

DATE DES MOTIFS :                                    Le 19 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ryder Gilliland

Adam Lazier

 

POUR L’APPELANTE

 

André Leblanc

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blake, Cassels & Graydon LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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