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Date : 20121030

Dossier : A‑445‑11

Référence : 2012 CAF 272

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

GLOBAL EQUITY FUND LTD.

intimée

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 11 octobre 2012.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 octobre 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LE JUGE NADON

                                                                                                                      LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20121030

Dossier : A‑445‑11

Référence : 2012 CAF 272

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

GLOBAL EQUITY FUND LTD.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Sa Majesté la Reine (la Couronne) interjette appel d’un jugement de la juge Woods de la Cour canadienne de l’impôt (la juge de la Cour de l’impôt), répertorié sous la référence 2011 CCI 507, qui faisait droit à l’appel de Global Equity Fund Ltd. (Global) à l’égard des nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 établies par le ministre du Revenu national (le ministre). Le ministre s’était fondé sur la règle générale anti‑évitement (la RGAÉ) énoncée à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) pour refuser la déduction de la perte d’entreprise de 5 600 194 $ réclamée par Global par suite de la disposition des actions qu’elle détenait dans la société 953565 Alberta Ltd. Cette perte découlait de la mise en œuvre d’une technique de planification connue dans le milieu fiscal sous le nom de « transfert de valeur » (value shift).

 

[2]               Par les motifs exposés ci‑dessous, j’accueillerais l’appel et je rétablirais les cotisations du ministre en application de la RGAÉ.

 

Les faits

[3]               Les faits sont exposés de façon détaillée dans la décision de la juge de la Cour de l’impôt et il n’est pas nécessaire de les reprendre ici. Il suffit, aux fins du présent appel, d’en présenter le résumé suivant. Certaines dispositions pertinentes de la Loi sont reproduites à l’annexe des présents motifs.

 

[4]               Global a été constituée en société en 1999, ses activités étant l’investissement dans les facilités de crédit et les placements privés. Son unique actionnaire est une fiducie dont les bénéficiaires comprennent M. Riaz Mamdani, son épouse ainsi que leurs enfants, petits‑enfants, parents, frères et sœurs, neveux et nièces. À l’époque des opérations en cause, M. Mamdani et son épouse avaient deux enfants en bas âge.

 

[5]               Un jour, M. Mamdani a demandé des conseils professionnels pour mettre en œuvre des stratégies qui permettraient à Global de reporter le paiement de ses impôts. Un plan a été dressé à cette fin et mis en œuvre juste avant le 30 septembre 2001, date de clôture de l’exercice financier de Global. Le plan peut être résumé de la façon suivante :

a.       une nouvelle société, 953565 Alberta Ltd. (la nouvelle société), a été constituée;

b.      une nouvelle fiducie a été créée dont les bénéficiaires étaient les enfants et les petits‑enfants de M. Mamdani (la fiducie des enfants);

c.       Global a souscrit des actions ordinaires de cette société pour la somme de 5 600 250 $;

d.      la nouvelle société a déclaré un dividende sur les actions ordinaires détenues par Global sous la forme d’actions privilégiées sans droit de vote rachetables au gré de l’émetteur et du porteur pour la somme 5 600 250 $ et dont le capital versé s’élevait à 56 $;

e.       la nouvelle société a, en contrepartie d’un versement de 200 000 $, émis à Global des actions ordinaires supplémentaires; il a été admis devant la Cour de l’impôt qu’il s’agissait là d’un maquillage dont le but était de conférer une certaine valeur aux actions ordinaires;

f.       Global a vendu toutes les actions ordinaires qu’elle détenait dans la nouvelle société à la fiducie des enfants en contrepartie de la somme de 200 000 $; c’est à la suite de cette vente que Global a déclaré une perte de 5 600 194 $;

g.      la nouvelle société a prêté 5 600 000 $ à Global; ce prêt portait intérêt au taux préférentiel plus 2 p. 100 et comportait une clause de participation de 25 p. 100 dans l’augmentation de la juste valeur marchande des actifs de Global, tant que le prêt demeurerait en partie impayé. Les modalités de ce prêt ont été modifiées quelques mois plus tard, les intérêts étant supprimés et la participation dans l’entreprise étant portée à 50 p. 100;

h.      Global a accordé à la nouvelle société une garantie sur ses biens pour garantir le prêt en question.

 

[6]               À l’époque où le plan a été mis en œuvre, il était envisagé que la perte découlant de la vente des actions ordinaires de la nouvelle société à la fiducie des enfants constituerait une perte d’entreprise aux fins fiscales, étant donné que Global exerçait elle‑même des activités dans le domaine des opérations sur valeurs mobilières. Par conséquent, dans le compte des résultats et le bilan accompagnant la déclaration de revenus de Global pour l’année 2001, ces opérations ont été présentées comme ayant donné lieu à une augmentation de la perte d’exploitation de Global. La somme de 56 $ figurait à titre de revenu provenant du dividende en actions, et le prix de souscription des actions ordinaires de la nouvelle société était déduit en tant que partie du coût des ventes. Ainsi, Global a déclaré une perte d’exploitation nette de 5 600 194 $. La perte déclarée a entraîné un avantage fiscal important par la suppression, presque totale, de l’impôt dû  aux termes de la Loi pour les années d’imposition 2001, 2000 et 1999 de Global.

 

[7]               Dans les avis de nouvelles cotisations datés du 11 avril 2005, le ministre a appliqué la RGAÉ et établi une nouvelle cotisation pour Global en refusant la déduction de cette perte pour son année d’imposition 2001 et le report de la perte de l’année financière 2001 sur les années d’imposition 1999 et 2000. Global a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

La décision de la Cour canadienne de l’impôt

[8]               La juge de la Cour de l’impôt a fait droit à l’appel sur la question de la RGAÉ même si elle a conclu que les opérations étaient « tout à fait artificielle[s] » et que la perte résultait « d’un jeu d’écritures » et qu’« il n’y avait eu en fait aucune perte financière » (motifs de la juge de la Cour de l’impôt au paragraphe 4). Elle a également observé qu’elle aurait fort bien pu confirmer les nouvelles cotisations fondées sur la RGAÉ si la Couronne avait soulevé d’autres arguments (ibid. au paragraphe 9).

 

[9]               Étant donné qu’il était admis que les opérations avaient donné lieu à un avantage fiscal, la juge de la Cour de l’impôt était appelée à rechercher si les opérations étaient des « opérations d’évitement » au sens de la RGAÉ et s’il y avait eu abus dans l’application des dispositions de la Loi invoquées pour obtenir l’avantage fiscal ayant fait jouer l’application de la RGAÉ.

 

[10]           La juge de la Cour de l’impôt a conclu que les opérations étaient des « opérations d’évitement », même si Global soutenait qu’elles avaient pour but de la protéger de ses créanciers (ibid. aux paragraphes 61, 62 et 76). Cette conclusion n’est pas attaquée dans le présent appel. De toute façon, la juge de la Cour de l’impôt disposait de suffisamment d’éléments de preuve probants pour tirer cette conclusion.

 

[11]           La juge de la Cour de l’impôt a également conclu que les opérations n’avaient pas donné lieu, directement ou indirectement, à un abus dans l’application des dispositions de la Loi au sens du paragraphe 245(4). C’est cette conclusion que la Couronne attaque dans le présent appel.

 

[12]           La juge de la Cour de l’impôt a relevé que, dans l’analyse de la RGAÉ effectuée pour rechercher s’il y a eu abus dans l’application d’une disposition de la Loi, la première étape consiste à interpréter la disposition à l’origine de l’avantage fiscal pour en préciser l’objet et l’esprit. La juge relève que le fardeau à cet égard repose sur la Couronne. Elle a conclu que la Couronne ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait à l’égard de cet élément de la RGAÉ (motifs de la juge de la Cour de l’impôt aux paragraphes 85 à 88).

 

[13]           Global a invoqué les articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi pour obtenir l’avantage fiscal. Cela n’a pas été contesté par la Couronne (ibid. au paragraphe 87). La Couronne ne soutenait pas qu’il y avait eu une utilisation abusive d’une disposition particulière de la Loi, mais plutôt que les opérations ont donné lieu à un abus eu égard à l’ensemble de la Loi. La thèse de la Couronne est exposée en détail aux paragraphes 89, 90 et 91 des motifs de la juge de la Cour de l’impôt, et le passage suivant des observations écrites de la Couronne (reproduit au paragraphe 89 des motifs de la juge de la Cour de l’impôt) résume cette thèse :

[traduction] Le ministre ne fait pas valoir, en ce qui concerne le montage fiscal en cause, qu’il y a eu un recours abusif à telle ou telle disposition précise de la Loi, mais plutôt que les opérations faisant partie de la série d’opérations ont donné lieu, directement ou indirectement, à un abus dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble – compte tenu du paragraphe 245(4) de la Loi. Le ministre affirme que, vu l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi prise dans son ensemble, seules les pertes véritables peuvent être déduites du revenu ou des gains en capital.

 

 

[14]           La juge de la Cour de l’impôt a conclu que la Couronne n’avait pas établi que l’objet et l’esprit de la Loi visaient à restreindre les pertes d’entreprise aux pertes véritables subies en dehors de l’unité économique, contrairement à ce qu’elle avait fait valoir. La juge de la Cour de l’impôt a tiré cette conclusion au terme de l’analyse que l’on retrouve aux paragraphes 90 à 100 de ses motifs que je reproduis ici pour plus de commodité :

[90]            Il convient de relever que la Couronne n’allègue aucun recours abusif à l’une ou l’autre disposition invoquée pour obtenir un avantage fiscal (les articles 3, 4, 9 et 111). L’article 9 semble être une des principales dispositions invoquées par Global, étant donné qu’il introduit des principes commerciaux dans le calcul du revenu et des pertes. La Couronne reconnaît que cette disposition, prise isolément, autorise la déduction de la perte demandée par Global.

 

[91]            La Couronne fait essentiellement valoir que l’objet et l’esprit des dispositions invoquées par Global sont influencés par d’autres dispositions de la Loi et que toutes ces dispositions restreignent d’une manière ou d’une autre les possibilités de déduire une perte. Selon la Couronne, l’objet et l’esprit des dispositions invoquées en l’espèce ressortent de ces autres dispositions. Ainsi, seules peuvent être déduites les pertes véritables subies en dehors de l’unité économique.

 

[92]            La difficulté que soulève selon moi l’argument avancé par la Couronne provient de la portée restreinte des dispositions qu’elle invoque. À mon avis, aucune des dispositions, prises individuellement ou dans leur ensemble, n’évoque l’objet et l’esprit larges de la Loi selon lesquels seules les pertes véritables subies en dehors de l’unité économique peuvent être considérées comme pertes d’entreprise.

 

[93]            La Couronne se fonde sur les paragraphes 18(13), 18(14), 18(15), 40(3.3) et 40(3.4), l’article 54, l’ancien article 55, ainsi que les paragraphes 111(3), 111(4) et 111(5). Ces dispositions sont reproduites en annexe.

 

[94]            Une seule de ces dispositions concerne les pertes artificielles en général. Il s’agit de l’ancien paragraphe 55(1), abrogé lors de l’entrée en vigueur de la RGAÉ. À l’époque où cette disposition était en vigueur, elle ne s’appliquait qu’aux opérations imputables au capital.

 

[95]            La Couronne reconnaît que d’autres dispositions visent elles aussi les pertes en capital. Il s’agit des paragraphes 40(3.3) et 40(3.4), de l’alinéa 54 et du paragraphe 111(4).

 

[96]            En ce qui concerne les dispositions visant les pertes en capital, je ne pense pas que le législateur voulait qu’on y recoure pour préciser l’objet et l’esprit des dispositions invoquées en l’espèce par Global. Le régime législatif applicable aux opérations commerciales est, de manière générale, différent de celui dont relèvent les opérations imputables au capital.

 

[97]            En ce qui concerne les dispositions applicables aux pertes d’entreprise, la Couronne se fonde sur les paragraphes 18(13), 18(14), 18(15), 111(3) et 111(5). Ces dispositions me posent problème parce qu’elles ont toutes une portée restreinte.

 

[98]            Les paragraphes 18(13), 18(14) et 18(15) ne concernent que les pertes découlant d’une entreprise de prêt d’argent ou d’un projet comportant un risque de caractère commercial. Le paragraphe 111(3) vise de manière très précise la double déduction des pertes, et le paragraphe 111(5) impose une limite à la déduction de pertes subies lors d’un changement de contrôle.

 

[99]            Je ne discerne, dans ces dispositions, qu’on les prenne individuellement ou dans leur ensemble, aucun principe général qui imposerait pour les pertes d’entreprise une restriction comme celle dont fait état la Couronne. Ces dispositions sont rédigées de manière trop précise pour permettre d’affirmer que le législateur entendait imposer une restriction d’ordre général interdisant la déduction des pertes d’entreprise créées de manière artificielle.

 

[100]          Je conclus donc que la Couronne n’a pas fait la démonstration qui lui incombait dans le premier volet de l’analyse de la question d’un éventuel abus. Elle n’est notamment pas parvenue à prouver que, tant par leur objet que par leur esprit, les dispositions invoquées pour obtenir l’avantage fiscal limitent les pertes d’entreprise aux [traduction] « pertes véritables subies en dehors de l’unité économique. »

 

Les thèses des parties dans le présent appel

a) La thèse de la Couronne appelante

[15]           Les arguments qu’avance la Couronne dans le présent appel sont sensiblement différents de ceux qu’elle avait fait valoir devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[16]           Premièrement, la Couronne invoque désormais expressément les articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi aux fins de l’analyse relative à la RGAÉ. Dans son mémoire, la Couronne s’appuie sur au moins deux motifs distincts, mais connexes, pour invoquer ces dispositions : a) le premier nouveau motif est que l’esprit et l’objet des articles 3, 4, 9 et 111 est d’autoriser la déduction des pertes d’entreprise [traduction] « uniquement dans la mesure où celles‑ci reflètent une perte économique sous‑jacente réelle » de manière à ce que [traduction] « la perte subie par le contribuable pendant une année d’imposition [soit] une perte réelle et exacte qui reflète véritablement la nature des opérations commerciales du contribuable sur une période définie » (mémoire de la Couronne aux paragraphes 59 et 61); b) le deuxième motif est que l’objet et l’esprit de ces dispositions est d’autoriser la déduction de pertes véritables qui reflètent une [traduction] « véritable diminution des avoirs » (mémoire de la Couronne au paragraphe 71).

 

[17]           La Couronne s’appuie sur le sens courant que donne le dictionnaire aux termes « revenu », « perte » et « entreprise » que l’on retrouve aux articles 3, 4 et 9 de la Loi, et sur les arrêts de la Cour suprême du Canada Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, [2002] 2 R.C.S. 645 (Stewart) et Canderel Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147 (Canderel).

 

[18]           Deuxièmement, la Couronne invoque également devant nous l’ancien article 245(1) de la Loi, dont voici le texte :

Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l’égard d’un débours fait ou d’une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.

 

 

[19]           Cette disposition fut abrogée à la suite de l’adoption de la RGAÉ et ne visait que les dépenses et les débours, mais la Couronne soutient néanmoins que le but recherché par l’incorporation à la RGAÉ était le maintien d’une présomption légale générale contre les opérations qui donnent lieu à des résultats artificiels dans le calcul des pertes à des fins d’imposition.

 

[20]           Troisièmement, la Couronne soutient également devant nous que Global n’a pas acquis les actions ordinaires de la nouvelle société à titre d’inventaire, ni dans le cadre d’un projet comportant un risque de caractère commercial, c’est‑à‑dire dans le but de les revendre en faisant un bénéfice. La Couronne ajoute que la perte découlant de ces opérations aurait dû, par conséquent, être refusée aux termes de l’article 9 de la Loi.

 

[21]           Quatrièmement, la Couronne ajoute de plus devant nous que ces actions étaient des immobilisations entre les mains de Global et que les dispositions de la Loi qui visent les pertes en capital dans le cadre du régime de biens en capital introduit en 1972 doivent donc être prises en compte et appliquées en l’espèce. La Couronne renvoie à deux décisions récentes de la Cour canadienne de l’impôt dans lesquelles les déductions de pertes en capital subies à la suite d’opérations semblables à celles examinées dans le présent appel ont été refusées par application de la RGAÉ. Depuis l’instruction du présent appel, ces deux décisions de la Cour de l’impôt ont été confirmées par notre Cour : Triad Gestco Ltd. c. Sa Majesté la Reine, 2012 CAF 258 (Triad Gestco) et 1207192 Ontario Ltd. c. PGC, 2012 CAF 259 (1207192 Ontario).

 

[22]           Cinquièmement, que la perte en question soit réputée être une perte en capital ou non, la Couronne soutient que le raisonnement qu’a tenu la Cour canadienne de l’impôt dans les deux affaires susmentionnées doit tenir également quant à l’interprétation des articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi, étant donné que les opérations effectuées en cause sont pour l’essentiel semblables à celles qui étaient en cause dans les affaires Triad Gestco et 1207192 Ontario.

 

[23]           Enfin, s’appuyant sur l’observation qu’a faite la juge de la Cour de l’impôt (au paragraphe 102 de ses motifs) selon laquelle elle n’aurait pas hésité à conclure que les opérations en cause étaient si manifestement dénuées de sens qu’elles étaient contraires à l’objet et à l’esprit de la Loi, la Couronne soutient que la Cour doit tirer la même conclusion.

 

b) La thèse de l’intimée Global

[24]           Global signale que la Couronne n’a pas fait, devant la juge de la Cour de l’impôt, la démonstration du premier volet de l’analyse de la question d’un éventuel abus. Elle soutient que la conclusion qu’a tirée la juge sur ce point est inattaquable, étant donné que la Couronne ne conteste pas dans le présent appel l’interprétation que la juge a donnée de la Loi ou des autres dispositions pertinentes invoquées par le Couronne.

 

[25]           Étant donné que, dans l’analyse relative à la RGAÉ, il incombe au ministre de cerner l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi dont on dit être contrcarrées, Global demande comment la Couronne peut avancer dans le présent appel qu’il existe un raisonnement [traduction] « clair » qui permet uniquement la déduction des véritables pertes qui représentent [traduction] « une diminution des avoirs », alors qu’elle n’arrête pas de changer d’avis et qu’elle défend des thèses différentes et incompatibles devant notre Cour et devant la Cour canadienne de l’impôt. Global soutient qu’il n’est pas possible de conclure que, dans de telles circonstances, la Couronne s’est acquittée du fardeau qui lui incombait étant donné que le contribuable a droit au bénéfice du doute.

 

[26]           En outre, Global observe que la Couronne fait maintenant valoir des arguments qui vont à l’encontre des aveux qu’elle a faits devant la juge de la Cour de l’impôt et de sa position lorsqu’elle a établi les nouvelles cotisations. Global ajoute que, si la Couronne estimait qu’une perte autre qu’en capital pouvait être refusée aux termes de l’article 9 de la Loi, ou que la perte constituait une perte de capital mais non une perte d’entreprise, le ministre aurait pu établir une nouvelle cotisation sur cette base et la Couronne aurait pu présenter ces arguments dans ses actes de procédure, présenter des éléments de preuve et les plaider devant la juge de la Cour de l’impôt. Or, elle n’a rien fait de cela.

 

[27]           Global soutient également que le nouveau raisonnement avancé par la Couronne fondé sur les articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi se ramène, essentiellement, à la définition économique du revenu selon Haig‑Simons, à savoir l’accumulation nette de richesse entre deux points dans le temps, définition qui n’a pas été retenue dans la législation, ni ici, au Canada, ni ailleurs. Elle renvoie sur ce point aux discussions sur la définition Haig‑Simons que l’on trouve dans P. W. Hogg, J. E. Magee et J. Li, Principles of Canadian Income Tax Law, Toronto, Carswell, 2010, aux pages 82 et 83; et dans V. Krishna, Fundamentals of Income Tax Law,Toronto, Carswell, 2009, aux pages 111 à 113.

 

[28]           Global ajoute que le texte des articles 3, 4, 9 ou 111 de la Loi ne fait aucunement référence aux mots « artificiel » ou « pertes véritables » ou « diminution des avoirs » ni à aucun élément dont il ressort que ces dispositions visent uniquement à autoriser la déduction de [traduction] « pertes véritables représentant une diminution des avoirs », tel que le soutient la Couronne, ou que les « pertes véritables » sont comprises dans un calcul quelconque découlant de ces dispositions. Global soutient également que l’article 111 ne dispose pas, de façon expresse ou implicite, que les règles relatives au report des pertes s’appliquent uniquement à ce que le ministre qualifie de « pertes véritables représentant une diminution des avoirs ». Selon Global, quelle que soit la façon dont les pertes se produisent ou les raisons pour lesquelles le contribuable continue à obtenir un revenu de la source en cause, l’alinéa 111(1)a) dispose que les pertes autres qu’en capital peuvent être reportées prospectivement et rétrospectivement sur un certain nombre d’années.

 

[29]           Global relève également que la Loi contient de nombreuses dispositions qui prévoient des présomptions relatives à un revenu ou à une perte dans certaines circonstances. Selon Global, cela démontre que le contexte de la Loi ne conforte pas la Couronne dans sa thèse selon laquelle seules les pertes véritables constituant une diminution des avoirs peuvent être déduites.

 

[30]           Global relève également que l’ancien paragraphe 245(1) qu’invoque la Couronne visait la déduction de débours ou de dépenses qui réduirait indûment ou de façon factice le revenu, et qu’aucune de ces circonstances n’est présente en l’espèce. L’appel interjeté devant la Cour concerne plutôt la disposition d’un bien à titre de revenu et dont a découlé une perte.

 

[31]           Enfin, Global relève que la Couronne s’appuie sur une observation incidente faite par la juge de la Cour de l’impôt à l’appui de la deuxième partie de l’analyse relative au paragraphe 245(4), c’est‑à‑dire pour rechercher si les opérations en question sont contraires à la philosophie des dispositions pertinentes de la Loi. Global soutient que cette conclusion ne peut découler logiquement d’une observation incidente qui ne précise même pas les dispositions de la Loi qui auraient été contrecarrées.

 

Les questions en litige

[32]           Les principales questions posées dans le présent appel peuvent être formulées comme suit :

                                                                    i.            La Couronne peut‑elle invoquer en appel de nouveaux arguments qui n’ont pas été avancés par le ministre lorsqu’il a établi la cotisation du contribuable ni présentés par la Couronne devant la Cour canadienne de l’impôt?

 

                                                                  ii.            Les opérations en question ont‑elles donné lieu à un abus dans l’application des dispositions invoquées par le contribuable au sens du paragraphe 245(4) de la Loi?

 

La Couronne peut‑elle invoquer en appel de nouveaux arguments qui n’ont pas été avancés par le ministre lorsqu’il a établi la cotisation du contribuable ni présentés par la Couronne devant la Cour canadienne de l’impôt?

 

[33]           La plupart des arguments que fait valoir la Couronne dans le présent appel n’ont pas été avancés par le ministre lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation pour le contribuable et n’ont pas non plus été présentés par la Couronne devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[34]           Le paragraphe 152(9) de la Loi encadre le droit du ministre d’avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation. Cette disposition a été introduite dans la Loi en 1998, à titre de réponse législative à l’arrêt de la Cour suprême du Canada Banque continentale c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 358. Il dispose :

 (9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

 

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

 

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

(9) The Minister may advance an alternative argument in support of an assessment at any time after the normal reassessment period unless, on an appeal under this Act

 

 

(a) there is relevant evidence that the taxpayer is no longer able to adduce without the leave of the court; and

 

 

(b) it is not appropriate in the circumstances for the court to order that the evidence be adduced.

 

 

[35]           Il a été établi que les principes suivants s’appliquent lorsque le ministre entend invoquer le paragraphe 152(9) : a) le ministre ne peut inclure des opérations sur lesquelles la nouvelle cotisation du contribuable n’est pas fondée, b) le droit du ministre de présenter un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui visent le préjudice causé au contribuable, et c) le ministre ne peut se fonder sur le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation après l’expiration des délais prévus par la Loi ou pour percevoir un impôt supérieur au montant de la cotisation contestée : La succession de David G. Walsh c. Sa Majesté la Reine, 2007 CAF 222, 367 N.R. 127 au paragraphe 18.

 

[36]           Vu ces principes, je conclus que, en l’espèce, Global a subi un préjudice en raison de certains nouveaux arguments présentés par la Couronne devant notre Cour. Il s’agit, plus précisément, des arguments de la Couronne selon lesquels a) les actions ordinaires de la nouvelle société n’ont pas été acquises par Global à titre d’inventaire ou dans le cadre d’un projet comportant un risque de caractère commercial, c’est‑à‑dire pour la revente à profit, et auraient donc dû être écartées aux termes de l’article 9, et b) ces actions étaient des biens en capital et les dispositions relatives aux gains en capital de la Loi devaient s’appliquer aux pertes découlant de leur vente.

 

[37]           Ces deux nouveaux arguments soulèvent des questions mixtes de fait et de droit au sujet desquelles la Couronne n’a pas produit d’élément de preuve devant la Cour canadienne de l’impôt. Si ces arguments avaient été présentés au départ par le ministre ou par la Couronne, Global aurait pu produire des éléments de preuve pertinents devant la Cour canadienne de l’impôt pour les contrecarrer. Compte tenu du préjudice que subit Global sur le plan de la preuve, la Couronne ne peut soulever ces arguments dans le présent appel et ils seront, par conséquent, écartés.

 

[38]           Les autres arguments soulevés par la Couronne sont tous des arguments juridiques fondés sur les éléments de preuve figurant au dossier et peuvent, par conséquent, être invoqués devant la Cour. Les opérations en question sont identiques, aucune nouvelle cotisation n’est proposée, aucun impôt supplémentaire supérieur aux montants mentionnés dans les nouvelles cotisations n’est réclamé et il n’est pas nécessaire de présenter de nouveaux éléments de preuve pour appuyer ou contrecarrer ces nouveaux arguments. En outre, l’avocat de Global a reconnu à l’instruction du présent appel que ces arguments ne causaient à son client aucun préjudice sur le plan de la preuve.

 

[39]           Si je conclus que certains arguments nouveaux de la Couronne peuvent être légitimement soulevés dans le cadre du présent appel, je ne peux approuver la démarche de la Couronne en l’espèce. Compte tenu de la manière dont la Couronne a mené le procès, il n’est pas surprenant que la juge de la Cour de l’impôt ait émis une réserve (au paragraphe 9 de ses motifs) au sujet de la valeur de sa décision sur le plan jurisprudentiel. Dans la présente affaire, le contribuable s’est vu obligé de répondre à des arguments et de contrecarrer des thèses de la Couronne qui changeaient constamment, alors que certains de ces arguments allaient même carrément à l’encontre des thèses défendues antérieurement par la Couronne. Ce n’est pas une façon appropriée pour conduire une instance relative à la RGAÉ, lorsque l’une des principales questions en litige est de savoir si la Couronne s’est acquittée de son fardeau de cerner l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi qui, d’après elle, ont été contrecarrées.

[40]           Par conséquent, Global a dû assumer dans la présente affaire les frais relatifs à sa défense contre les différentes thèses successives avancées par la Couronne à l’égard de la RGAÉ dans le présent appel et devant la Cour canadienne de l’impôt. Étant donné qu’il s’agit ici d’une affaire mettant en cause la RGAÉ et qu’il y a eu des changements importants et nombreux dans les thèses de la Couronne, j’estime que Global a droit à ses dépens devant notre Cour et la Cour canadienne de l’impôt, quelle que soit l’issue du présent appel. En outre, dans le présent appel, les dépens de Global seront calculés sur la base de deux avocats selon les montants qui figurent dans la partie supérieure de la colonne V du tarif B.

 

 

Les opérations en question ont‑elles donné lieu à un abus dans l’application des dispositions invoquées par le contribuable au sens du paragraphe 245(4) de la Loi?

 

a) L’analyse requise

[41]           Comme je l’ai indiqué précédemment, ils n’est pas controversé entre les parties que la perte résultant des opérations en cause donne lieu à un avantage fiscal au sens du paragraphe 245(1) de la Loi. En outre, Global n’attaque pas la conclusion de la juge de la Cour de l’impôt selon laquelle ces opérations constituaient des opérations d’évitement au sens du paragraphe 245(3).

 

[42]           La principale question dont nous sommes saisis est donc de savoir si ces opérations d’évitement constituent un abus au sens du paragraphe 245(4). Voici les passages pertinents du paragraphe 245(4) :

(4) Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

 

a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions d’un ou de plusieurs des textes suivants :

 

(i) la présente loi,

 

[…]

 

 

 

b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

(4) Subsection (2) applies to a transaction only if it may reasonably be considered that the transaction

 

 

(a) would, if this Act were read without reference to this section, result directly or indirectly in a misuse of the provisions of any one or more of

 

 

(i) this Act,

 

...

 

or

 

(b) would result directly or indirectly in an abuse having regard to those provisions, other than this section, read as a whole.

 

 

 

[43]           L’analyse à effectuer aux termes du paragraphe 245(4) comprend deux parties. Premièrement, il faut rechercher l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, eu égard à l’économie de la Loi, aux dispositions pertinentes et aux éléments extrinsèques admissibles. Deuxièmement, il faut examiner le contexte factuel de l’affaire dans le but de rechercher si les opérations d’évitement sont contraires à l’objet et à l’esprit des dispositions en jeu : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 aux paragraphes 55 à 62 (Trustco Canada); Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, [2011] 3 R.C.S. 721 aux paragraphes 69 à 73 (Copthorne).

 

[44]           La première étape soulève essentiellement une question de droit, mais il incombe à la Couronne de préciser l’objet et l’esprit des dispositions qui, selon elle, ont été contournées : Trustco Canada aux paragraphes 44 et 65. On a recours à l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique à cette fin afin de rechercher le sens des mots employés dans les dispositions en cause ou qui est implicite et qui ne ressort pas toujours de la seule signification des mots eux‑mêmes : Copthorne au paragraphe 70.

 

[45]           Outre les dispositions de la Loi invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, l’examen du contexte peut comporter l’examen d’autres articles de la Loi ainsi que des éléments extrinsèques admissibles. Cependant, comme il est observé dans l’arrêt Copthorne au paragraphe 91, « toutes les dispositions de la Loi ne sont pas pertinentes pour la définition du contexte de la disposition en cause. La pertinence tient en fait au [traduction] “regroupement” des dispositions ou à leur “interaction pour la mise en œuvre d’un plan plausible et cohérent” (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd. 2008) p. 361 et 364) ».

 

[46]           La deuxième étape consiste à rechercher si les opérations sont conformes à cet objet ou si elle le contrecarre, ce qui appelle l’examen poussé des faits : Trustco Canada au paragraphe 44. L’analyse débouchera sur une conclusion d’évitement fiscal abusif lorsque les opérations d’évitement (1) donnent lieu à un résultat que les dispositions légales invoquées visaient à empêcher, (2) sont contraires à la raison d’être de ces dispositions ou (3) contournent certaines dispositions d’une manière contraire à leur objet ou à leur esprit : Lipson c. Canada, 2009 CSC 1, [2009] 1 R.C.S. 3 au paragraphe 40; Trustco Canada au paragraphe 45. Ces considérations ne jouent pas indépendamment les unes des autres et elles peuvent se chevaucher : Copthorne au paragraphe 72.

 

[47]           Pour appliquer ce critère, il n’est pas nécessaire d’opérer une distinction entre les termes « abuse » et « misuse » employés dans la version anglaise, étant donné que le paragraphe 245(4) exige que l’on applique une seule méthode unifiée : Trustco Canada au paragraphe 43; Copthorne au paragraphe 73.

 

[48]           Quoi qu’il en soit, la RGAÉ ne permet de supprimer l’avantage fiscal que dans les cas où l’opération en cause est manifestement abusive, et, s’il n’est pas certain qu’il y a eu évitement fiscal abusif, il faut laisser le bénéfice du doute au contribuable : Trustco Canada aux paragraphes 50 et 66; Copthorne aux paragraphes 68 et 72.

 

b) L’objet et l’esprit des dispositions de la Loi invoquées pour obtenir l’avantage fiscal

 

[49]           Il n’est pas controversé entre les parties que les dispositions invoquées par Global pour obtenir l’avantage fiscal découlant des opérations en cause sont les articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi. Ce sont là les dispositions essentielles aux fins de l’analyse prévue par le paragraphe 245(4), et la Couronne admet maintenant – dans le présent appel – qu’il y a lieu de rechercher l’objet et l’esprit de ces dispositions aux fins de l’application de la RGAÉ.

 

[50]           La Couronne ajoute toutefois que, pour rechercher l’objet et l’esprit des dispositions, il convient de tenir compte a) de l’ancien paragraphe 245(1) de la Loi et b) des dispositions de la Loi concernant les pertes en capital. Je ne peux retenir cet argument. Il est vrai qu’en plus des dispositions de la Loi invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, l’examen du contexte peut comporter l’examen d’autres dispositions de la Loi, comme nous l’avons vu, mais toutes les dispositions de la Loi ne sont pas pertinentes quant à la recherche du contexte de la disposition en cause. En fait, d’autres dispositions sont pertinentes en raison du regroupement de ces dispositions avec les dispositions qui sont directement pertinentes ou en raison de leur interaction pour la mise en œuvre d’un plan plausible et cohérent : Copthorne, au paragraphe 91.

 

[51]           L’ancien paragraphe 245(1) a peu de pertinence, voire aucune, dans les circonstances du présent appel. Ce paragraphe dispose que, dans le calcul du revenu aux fins de la Loi, aucune déduction ne peut être faite à l’égard d’un débours fait ou d’une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu. Les opérations en cause dans la présente affaire ne correspondent tout simplement pas à la situation visée par l’ancien paragraphe. Les opérations dont est saisie notre Cour ne portent pas sur des débours ou des dépenses factices, mais plutôt sur une perte au titre du revenu découlant de la disposition d’actions. Par conséquent, même si cette disposition n’avait pas été abrogée, la situation visée par l’ancien paragraphe 245(1) aurait été trop différente des opérations en cause pour qu’il puisse être pris en considération aux fins de l’analyse à effectuer.

 

[52]           La Couronne ne peut pas non plus invoquer les dispositions de la Loi concernant les pertes en capital afin de préciser l’objet et l’esprit des articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi, étant donné qu’ils portent sur l’utilisation des pertes d’entreprise aux fins d’imposition. Les dispositions de la Loi concernant les pertes en capital sont différentes de celles qui portent sur les pertes d’entreprise et ces dispositions jouent habituellement de façon indépendante l’une de l’autre. La Couronne n’a présenté aucun argument à l’appui de sa thèse portant que la raison d’être des pertes en capital et celle des pertes d’entreprise sont parallèles et se complètent mutuellement. Retenir la thèse de la Couronne voudrait dire reconnaître une politique prépondérante de la Loi qui ne serait pas fondée sur l’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique unifiée des dispositions en cause. En avançant sa thèse, la Couronne invite la Cour à dégager une politique prépondérante écartant le texte des dispositions de la Loi; elle cherche ainsi à confier indûment à la Cour la formulation de politiques fiscales. Cela est exactement ce que la Cour suprême du Canada nous a ordonné de ne pas faire : Trustco Canada aux paragraphes 41 et 42.

 

[53]           Notre Cour est donc appelée à préciser l’objet et l’esprit des articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi. Il n’est toutefois pas nécessaire d’analyser tous les aspects de ces dispositions fondamentales de la Loi, mais uniquement leur objet et leur esprit en ce qui concerne l’utilisation d’une perte d’entreprise aux fins d’imposition.

 

[54]           L’article 3 présente la méthode de base pour déterminer le revenu du contribuable pour une année d’imposition. Il fait état des différentes sources de revenu (charge, emploi, entreprise ou bien) et des gains en capital totaux, qui sont tous regroupés par l’effet des alinéas 3a), b) et c), mais calculé séparément par l’application de règles différentes. L’alinéa 3d) autorise ensuite la déduction de ce montant total les pertes subies par le contribuable pour l’année qui résultent d’un emploi, d’une entreprise ou d’un bien.

 

[55]           L’article 4 dispose que le revenu ou la perte d’un contribuable pour l’année d’imposition provenant d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise, de biens ou d’une autre source s’entend du revenu ou de la perte calculés conformément à la Loi.

 

[56]           L’article 9 dispose que a)  le revenu que le contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année et b) la perte subie par le contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la Loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

 

[57]           L’article 111 autorise le contribuable à reporter prospectivement et rétrospectivement certaines pertes, y compris des pertes d’entreprise, sur un certain nombre d’années définies par la Loi.

 

[58]           Pour ce qui est des revenus et des pertes tirés d’une entreprise, il ressort clairement de la lecture de ces dispositions que la logique qui les sous-tend vise à rendre le contribuable redevable de l’impôt à l’égard des revenus d’entreprise réalisés au cours de l’année, et soulagé de l’impôt dans la mesure où une perte d’entreprise à été encourues dans l’année. Les pertes d’entreprise encourues dans une année donnée peuvent également être reportées à une année antérieure ou postérieure pendant une période précisée par la Loi, de manière à ce qu’elles servent, aux fins de l’impôt, à réduire par compensation certaines autres sources de revenu.

 

[59]           La Loi ne définit pas les expressions clés figurant dans ces dispositions, notamment les termes « revenu », « bénéfice » et « perte ». Le fait que ces termes clés n’aient pas été définis reflète de toute évidence un choix législatif délibéré. La RGAÉ ne peut et ne doit pas être utilisée pour attribuer un sens global spécial à ces expressions. Utiliser la RGAÉ à une telle fin reviendrait à confier indûment au juge l’établissement de politiques fiscales : Trustco Canada au paragraphe 41. Selon un principe général, le juge doit éviter les innovations judiciaires et l’établissement de règles en droit fiscal : Stewart au paragraphe 4. Comme l’a justement noté le juge Iacobucci dans Canderel (au paragraphe 41) : « En matière d’impôt sur le revenu, le droit est suffisamment compliqué sans que les tribunaux fassent inutilement des incursions dans le domaine de la création des lois. En tant que ligne de conduite et par respect pour le rôle même du législateur, c’est un lieu commun que de dire que la promulgation de nouvelles règles de droit fiscal doit être laissée au législateur. »

 

[60]           La Couronne soutient dans le présent appel que seule la déduction des pertes d’entreprise qui reflètent une « véritable diminution des avoirs » ou « une véritable perte économique » doit être reconnue aux fins de l’impôt sur le revenu aux termes des articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi. Les deux expressions que propose la Couronne ont peut‑être un sens sur le plan de la théorie économique, voire dans certains domaines des politiques fiscales, mais il n’est pas sûr qu’elles visent correctement toutes les pertes d’entreprise qui sont, ou doivent être, reconnues à ce titre aux fins de l’impôt sur le revenu. Je rejette l’idée, avancée par la Couronne, qu’il est nécessaire, en la présente instance, d’attribuer un sens aussi général à la notion de perte d’entreprise, une démarche que le législateur lui‑même a jugé inappropriée.

 

[61]           L’analyse qu’appelle, en l’occurrence, la RGAÉ et concernant le traitement d’une perte découlant d’une source commerciale aux termes des articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi doit donc avoir une portée beaucoup plus modeste.

 

[62]           Le principe ou le but de ces dispositions ressort du libellé même de celles-ci. Cependant, dans le cadre de l’analyse requise, nous devons également aller « au‑delà du simple texte des dispositions et adopte[r] une méthode d’interprétation contextuelle et téléologique en vue de dégager un sens qui s’harmonise avec le libellé, l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu » : Trustco Canada au paragraphe 47. Le principe fondamental qui se dégage de ces dispositions est que, pour que la perte d’entreprise puisse être utilisée aux fins fiscales, elle doit être fondée sur une certaine réalité économique ou commerciale. Comme cela est relevé dans l’arrêt Canderel, au paragraphe 53, « [d]ans la détermination du bénéfice, l’objectif est d’obtenir une image fidèle du bénéfice du contribuable pour l’année visée ». Ce même principe tiré du bon sens tient aussi pour la perte d’entreprise, pour ainsi harmoniser aux termes de la Loi la notion de perte d’entreprise avec la notion connexe de revenu d’entreprise.

 

[63]           La notion de perte d’entreprise est relativement souple. Néanmoins, l’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi, conduit à la conclusion que, si l’on veut utiliser aux fins d’imposition une perte d’entreprise aux termes de ces dispositions, il doit y avoir, à tout le moins, un semblant de réalité économique ou commerciale associé à cette perte.

 

 

c) Les opérations en litige sont-elles contraires à cet objet ou à cet esprit?

 

[64]           La question de savoir si les opérations en causes sont contraires à cette politique ou cet objet donne lieu à une question mixte de fait et de droit. En l’espèce, la juge de la Cour de l’impôt n’a pas examiné cette question, si ce n’est en faisant l’observation (au paragraphe 102 de ses motifs) que, si elle avait retenu les arguments avancés par la Couronne pour la première étape de l’analyse aux termes du paragraphe 245(4), elle aurait conclu que le deuxième volet du critère était également établi. C’est à bon droit que Global a observé que cette observation incidente ne peut militer en faveur d’une conclusion sur la deuxième étape de l’analyse.

 

[65]           Il est donc nécessaire d’examiner si cette analyse doit être renvoyée à la juge de la Cour de l’impôt pour un nouvel examen mené conformément aux présents motifs. Il serait certes possible de renvoyer le dossier à la juge de la Cour de l’impôt. Le droit est toutefois très clair : les cours d’appel ont le pouvoir de procéder à une nouvelle appréciation des éléments de preuve figurant au dossier lorsqu’elles estiment qu’une telle appréciation est dans l’intérêt de la justice et qu’elle ne soulève pas de problème pratique : Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387 au paragraphe 103; Hollis c. Dow Corning Corp., [1995] 4 R.C.S. 634 au paragraphe 33. En l’espèce, notre Cour dispose d’un dossier complet qui lui permet de tirer une conclusion sur la deuxième étape de l’analyse fondée sur le paragraphe 245(4). En statuant sur cette question maintenant, notre Cour évitera de prolonger indûment les procédures. En outre, j’estime qu’il est dans l’intérêt de la justice que la Cour statue sur cette question de façon définitive.

 

[66]           La perte générée par Global à la suite des opérations découlait d’un transfert de valeur d’une catégorie d’actions détenues par Global à une autre catégorie d’actions détenues par elle. Il s’agit simplement d’une perte sur papier. Les éléments fondamentaux des opérations sont simples : la valeur inhérente des actions ordinaires de la nouvelle société que détenait Global a été transférée aux actions privilégiées émises en faveur de Global; les actions ordinaires ont donc perdu la plus grande partie de leur valeur tout en conservant un coût élevé, alors que les actions privilégiées émises à titre de dividende ont acquis une valeur élevée, mais un coût associé faible. Rien ne fut gagné ou perdu, mais en vendant les actions ordinaires à la fiducie des enfants, Global a encourue, du point de vue technique, une perte importante sur papier.

 

[67]           La vacuité et la facticité des opérations peuvent confirmer leur caractère abusif : Mathew c. Canada, 2005 CSC 55, [2005] 2 R.C.S. 643 (sub nom. Kaulius c. La Reine) au paragraphe 62. La juge de la Cour de l’impôt a conclu que les opérations en question en l’espèce étaient « dénuées de sens » et « tout à fait artificielle[s] ». Je retiens cette conclusion. Comme le fameux lapin sorti du chapeau du magicien, la perte survenue à la suite de ces opérations ne vient de nulle part. Ces opérations ne constituent rien de plus qu’un jeu d’écritures ayant pour seul but la création d’une perte d’entreprise artificielle dans le but d’éviter le paiement de l’impôt autrement dû sur les bénéfices découlant des transactions commerciales bien réelles de Global.

 

[68]           Étant donné que la perte en question n’a aucun semblant de réalité économique ou commerciale, je conclus que les opérations qui ont donné lieu à cette perte artificielle sont contraires à la logique des articles 3, 4, 9 et 111 de la Loi, dans la mesure où ces dispositions autorisent la déduction des pertes d’entreprise aux fins de l’impôt sur le revenu.

 

Conclusions

 

[69]           Je rejetterais par conséquent l’appel pour ce qui est de la question relative à la RGAÉ. Néanmoins, par les motifs exposés ci-dessus, Global a droit à ses dépens devant notre Cour et devant la Cour canadienne de l’impôt. Devant notre Cour, les dépens de Global doivent être calculés sur la base de deux avocats et selon les montants qui figurent dans la partie supérieure de la colonne V du tarif B.

 

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            M. Nadon »

 

« Je suis d’accord.

            Johanne Gauthier »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B.

 

 


ANNEXE

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.) (la « Loi »)

 

 

‑ Article 3 de la Loi :

 

3. Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

 

a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien) dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

 

 

b) le calcul de l’excédent éventuel du montant visé au sous‑alinéa (i) sur le montant visé au sous‑alinéa (ii) :

 

(i) le total des montants suivants :

 

(A) ses gains en capital imposables pour l’année tirés de la disposition de biens, autres que des biens meubles déterminés,

 

 

(B) son gain net imposable pour l’année tiré de la disposition de biens meubles déterminés,

 

 

 

(ii) l’excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l’année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise pour l’année, subies par le contribuable;

 

c) le calcul de l’excédent éventuel du total établi selon l’alinéa a) plus le montant établi selon l’alinéa b) sur le total des déductions permises par la sous‑section et dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année (sauf dans la mesure où il a été tenu compte de ces déductions dans le calcul du total visé à l’alinéa a));

 

 

 

d) le calcul de l’excédent éventuel de l’excédent calculé selon l’alinéa c) sur le total des pertes subies par le contribuable pour l’année qui résultent d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise ou d’un bien et des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise subies par le contribuable pour l’année;

 

Pour l’application de la présente partie, les règles suivantes s’appliquent :

 

e) si un montant est calculé selon l’alinéa d) à l’égard du contribuable pour l’année, le revenu du contribuable pour l’année correspond à ce montant;

 

f) sinon, le revenu du contribuable pour l’année est réputé égal à zéro.

3. The income of a taxpayer for a taxation year for the purposes of this Part is the taxpayer’s income for the year determined by the following rules:

 

(a) determine the total of all amounts each of which is the taxpayer’s income for the year (other than a taxable capital gain from the disposition of a property) from a source inside or outside Canada, including, without restricting the generality of the foregoing, the taxpayer’s income for the year from each office, employment, business and property,

 

(b) determine the amount, if any, by which

 

 

 

(i) the total of

 

 

(A) all of the taxpayer’s taxable capital gains for the year from dispositions of property other than listed personal property, and

 

(B) the taxpayer’s taxable net gain for the year from dispositions of listed personal property,

 

exceeds

 

(ii) the amount, if any, by which the taxpayer’s allowable capital losses for the year from dispositions of property other than listed personal property exceed the taxpayer’s allowable business investment losses for the year,

 

 

(c) determine the amount, if any, by which the total determined under paragraph (a) plus the amount determined under paragraph (b) exceeds the total of the deductions permitted by subdivision e in computing the taxpayer’s income for the year (except to the extent that those deductions, if any, have been taken into account in determining the total referred to in paragraph (a), and

 

(d) determine the amount, if any, by which the amount determined under paragraph (c) exceeds the total of all amounts each of which is the taxpayer’s loss for the year from an office, employment, business or property or the taxpayer’s allowable business investment loss for the year,

 

 

and for the purposes of this Part,

 

 

 

(e) where an amount is determined under paragraph (d) for the year in respect of the taxpayer, the taxpayer’s income for the year is the amount so determined, and

 

(f) in any other case, the taxpayer shall be deemed to have income for the year in an amount equal to zero.

 

 

 

‑ Alinéa 4(1)a) de la Loi :

 

4. (1) Les règles suivantes s’appliquent à la présente loi :

 

a) le revenu ou la perte d’un contribuable pour une année d’imposition provenant d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise, de biens ou d’une autre source, ou de sources situées dans un endroit déterminé, s’entend du revenu ou de la perte, selon le cas, du contribuable, calculés conformément à la présente loi, à supposer que ce contribuable n’ait eu, durant l’année d’imposition, aucun revenu ni perte, sauf ce qui provenait de cette source, ni aucun revenu ou perte, sauf ce qui provenait de ces sources, selon le cas, et qu’il n’ait eu droit à aucune déduction dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition à l’exception des déductions qu’il est raisonnable de considérer comme entièrement applicables à cette source ou à ces sources, selon le cas, et à l’exception de la partie de toutes autres déductions qu’il est raisonnable de considérer comme applicable à cette source ou à ces sources;

 

[…]

 

4. (1) For the purposes of this Act,

 

 

(a) a taxpayer’s income or loss for a taxation year from an office, employment, business, property or other source, or from sources in a particular place, is the taxpayer’s income or loss, as the case may be, computed in accordance with this Act on the assumption that the taxpayer had during the taxation year no income or loss except from that source or no income or loss except from those sources, as the case may be, and was allowed no deductions in computing the taxpayer’s income for the taxation year except such deductions as may reasonably be regarded as wholly applicable to that source or to those sources, as the case may be, and except such part of any other deductions as may reasonably be regarded as applicable thereto; and

 

...

 

 

 

‑ Article 9 de la Loi :

9. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

 

(2) Sous réserve de l’article 31, la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

 

(3) Dans la présente loi, le revenu tiré d’un bien exclut le gain en capital réalisé à la disposition de ce bien, et la perte résultant d’un bien exclut la perte en capital résultant de la disposition de ce bien.

9. (1) Subject to this Part, a taxpayer’s income for a taxation year from a business or property is the taxpayer’s profit from that business or property for the year.

 

 

(2) Subject to section 31, a taxpayer’s loss for a taxation year from a business or property is the amount of the taxpayer’s loss, if any, for the taxation year from that source computed by applying the provisions of this Act respecting computation of income from that source with such modifications as the circumstances require.

 

 

 

(3) In this Act, “income from a property” does not include any capital gain from the disposition of that property and “loss from a property” does not include any capital loss from the disposition of that property.

 

 

 

‑ Paragraphes 111(1), (3) et (8) de la Loi (extraits) :

 

111. (1) Pour le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

 

a) ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 20 années d’imposition précédentes et des 3 années d’imposition suivantes;

 

[…]

 

(3) Pour l’application du paragraphe (1) :

 

a) une somme au titre d’une perte autre qu’une perte en capital, d’une perte agricole restreinte, d’une perte agricole ou d’une perte comme commanditaire pour une année d’imposition n’est déductible, et la déduction d’une somme au titre d’une perte en capital nette pour une année d’imposition ne peut être demandée, dans le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition donnée que dans la mesure où la somme dépasse le total des montants suivants :

 

(i) les sommes déduites selon le présent article, au titre de cette perte autre qu’une perte en capital, perte agricole restreinte, perte agricole ou perte comme commanditaire, dans le calcul du revenu imposable pour les années d’imposition antérieures à l’année donnée,

 

(i.1) le montant demandé en déduction selon l’alinéa (1)b) au titre de cette perte en capital nette pour les années d’imposition antérieures à l’année donnée,

 

(ii) les sommes réclamées au titre de cette perte en vertu de l’alinéa 186(1)c) pour l’année au cours de laquelle la perte a été subie ou en vertu de l’alinéa 186(1)d) pour l’année d’imposition donnée et les années d’imposition antérieures à l’année d’imposition donnée;

 

b) aucune somme n’est déductible au titre d’une perte autre qu’une perte en capital, d’une perte en capital nette, d’une perte agricole restreinte, d’une perte agricole ou d’une perte comme commanditaire pour une année d’imposition avant que :

 

(i) dans le cas d’une perte autre qu’une perte en capital, les pertes autres que les pertes en capital déductibles,

 

(ii) dans le cas d’une perte en capital nette, les pertes en capital nettes déductibles,

 

(iii) dans le cas d’une perte agricole restreinte, les pertes agricoles restreintes déductibles,

 

(iv) dans le cas d’une perte agricole, les pertes agricoles déductibles,

 

(v) dans le cas d’une perte comme commanditaire, les pertes comme commanditaire déductibles,

 

pour les années d’imposition antérieures n’aient été déduites.

 

[…]

 

(8) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

[…]

 

« perte autre qu’une perte en capital »

« non‑capital loss »

 

« perte autre qu’une perte en capital » La perte autre qu’une perte en capital d’un contribuable pour une année d’imposition correspond, à un moment donné, au montant obtenu par la formule suivante :

 

(A + B) ‑ (D + D.1 + D.2)

 

où :

 

A 

représente le montant obtenu par la formule suivante :

 

E – F

 

où :

 

E 

représente le total des sommes représentant chacune :

 

a) la perte que le contribuable a subie pour l’année relativement à une charge, à un emploi, à une entreprise ou à un bien,

 

a.1)  une somme déductible en application de l’alinéa 104(6)a.4) dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année,

 

b) une somme déduite en application de l’alinéa (1)b) ou de l’article 110.6 dans le calcul de son revenu imposable pour l’année ou une somme déductible en application de l’un des alinéas 110(1)d) à d.3), f), g), j) et k), de l’article 112 et des paragraphes 113(1) et 138(6) dans le calcul de son revenu imposable pour l’année,

 

c) si le moment donné est antérieur à la onzième année d’imposition postérieure du contribuable, sa perte déductible au titre d’un placement d’entreprise pour l’année,

 

F 

la fraction calculée selon l’alinéa 3c) à l’égard du contribuable pour l’année;

 

 

B 

le montant déterminé à l’égard du contribuable pour l’année selon l’article 110.5 ou le sous‑alinéa 115(1)a)(vii);

 

C 

[Abrogé, 2000, ch. 19, art. 19(4)]

 

D 

le montant qui constituerait sa perte agricole pour l’année, si le montant représenté par l’élément B dans la formule figurant à la définition de « perte agricole » au présent paragraphe était zéro;

 

D.1 

le total des montants déduits en application du paragraphe (10) relativement au contribuable pour l’année;

 

D.2 

le total des montants à appliquer en réduction de la perte autre qu’une perte en capital du contribuable pour l’année par l’effet de l’article 80.

 

[…]

 

111. (1) For the purpose of computing the taxable income of a taxpayer for a taxation year, there may be deducted such portion as the taxpayer may claim of the taxpayer’s

 

(a) non‑capital losses for the 20 taxation years immediately preceding and the 3 taxation years immediately following the year;

 
 
 

(3) For the purposes of subsection 111(1),

 

(a) an amount in respect of a non‑capital loss, restricted farm loss, farm loss or limited partnership loss, as the case may be, for a taxation year is deductible, and an amount in respect of a net capital loss for a taxation year may be claimed, in computing the taxable income of a taxpayer for a particular taxation year only to the extent that it exceeds the total of

 

 

 

 

 

(i) amounts deducted under this section in respect of that non‑capital loss, restricted farm loss, farm loss or limited partnership loss in computing taxable income for taxation years preceding the particular taxation year,

 

 

 

(i.1) the amount that was claimed under paragraph 111(1)(b) in respect of that net capital loss for taxation years preceding the particular taxation year, and

 

(ii) amounts claimed in respect of that loss under paragraph 186(1)(c) for the year in which the loss was incurred or under paragraph 186(1)(d) for the particular taxation year and taxation years preceding the particular taxation year, and

 

 

 

(b) no amount is deductible in respect of a non‑capital loss, net capital loss, restricted farm loss, farm loss or limited partnership loss, as the case may be, for a taxation year until

 

 

 

(i) in the case of a non‑capital loss, the deductible non‑capital losses,

 

 

(ii) in the case of a net capital loss, the deductible net capital losses,

 

(iii) in the case of a restricted farm loss, the deductible restricted farm losses,

 

 

(iv) in the case of a farm loss, the deductible farm losses, and

 

 

(v) in the case of a limited partnership loss, the deductible limited partnership losses,

 

 

for preceding taxation years have been deducted.

 
 

(8) In this section,

 

 

 

“non‑capital loss”

« perte autre qu’une perte en capital »

 

“non‑capital loss” of a taxpayer for a taxation year means, at any time, the amount determined by the formula

 

 

 

 

(A + B) ‑ (D + D.1 + D.2)

 

where

 

A 

is the amount determined by the formula

 

E – F

 

where

 

E 

is the total of all amounts each of which is

 

 

(a) the taxpayer’s loss for the year from an office, employment, business or property,

 

 

(a.1) an amount deductible under paragraph 104(6)(a.4) in computing the taxpayer’s income for the year,

 

(b) an amount deducted under paragraph (1)(b) or section 110.6, or deductible under any of paragraphs 110(1)(d) to (d.3), (f), (g), (j) and (k), section 112 and subsections 113(1) and 138(6), in computing the taxpayer’s taxable income for the year, or

 

 

 

 

(c) if that time is before the taxpayer’s eleventh following taxation year, the taxpayer’s allowable business investment loss for the year, and

 

 

 

F 

is the amount determined under paragraph 3(c) in respect of the taxpayer for the year,

 

B 

is the amount, if any, determined in respect of the taxpayer for the year under section 110.5 or subparagraph 115(1)(a)(vii),

 

C 

[Repealed, 2000, c. 19, s. 19(4)]

 

D 

is the amount that would be the taxpayer’s farm loss for the year if the amount determined for B in the definition “farm loss” in this subsection were zero,

 

 

 

D.1 

is the total of all amounts deducted under subsection 111(10) in respect of the taxpayer for the year, and

 

D.2 

 is the total of all amounts by which the non‑capital loss of the taxpayer for the year is required to be reduced because of section 80;

 

 

 

 

‑ Paragraphes 245(1) à (5) de la Loi :

 

245. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

« attribut fiscal »

« tax consequences »

 

« attribut fiscal » S’agissant des attributs fiscaux d’une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l’impôt ou l’autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable.

 

« avantage fiscal »

« tax benefit »

 

« avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l’évitement ou le report d’impôt ou d’un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l’absence d’un traité fiscal ainsi que l’augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi qui découle d’un traité fiscal.

 

« opération »

« transaction »

 

« opération » Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement.

 

(2) En cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie.

 

(3) L’opération d’évitement s’entend :

 

a) soit de l’opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable;

 

b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.

 

(4) Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

 

a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions d’un ou de plusieurs des textes suivants :

 

(i) la présente loi,

 

(ii) le Règlement de l’impôt sur le revenu,

 

(iii) les Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu,

 

(iv) un traité fiscal,

 

(v) tout autre texte législatif qui est utile soit pour le calcul d’un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul;

 

b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

 

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2) et malgré tout autre texte législatif, dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d’une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l’avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d’une opération d’évitement :

 

a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l’impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

 

b) tout ou partie de cette déduction, exemption ou exclusion ainsi que tout ou partie d’un revenu, d’une perte ou d’un autre montant peuvent être attribués à une personne;

 

c) la nature d’un paiement ou d’un autre montant peut être qualifiée autrement;

 

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l’application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

 

 

245. (1) In this section,

 

 

“tax benefit”

« avantage fiscal »

 

“tax benefit” means a reduction, avoidance or deferral of tax or other amount payable under this Act or an increase in a refund of tax or other amount under this Act, and includes a reduction, avoidance or deferral of tax or other amount that would be payable under this Act but for a tax treaty or an increase in a refund of tax or other amount under this Act as a result of a tax treaty;

 

 

 

 

 

 

“tax consequences”

« attribut fiscal »

 

“tax consequences” to a person means the amount of income, taxable income, or taxable income earned in Canada of, tax or other amount payable by or refundable to the person under this Act, or any other amount that is relevant for the purposes of computing that amount;

 

 

 

 

 

 

 

 

“transaction”

« opération »

 

“transaction” includes an arrangement or event.

 

 

(2) Where a transaction is an avoidance transaction, the tax consequences to a person shall be determined as is reasonable in the circumstances in order to deny a tax benefit that, but for this section, would result, directly or indirectly, from that transaction or from a series of transactions that includes that transaction.

 

 

(3) An avoidance transaction means any transaction

 

(a) that, but for this section, would result, directly or indirectly, in a tax benefit, unless the transaction may reasonably be considered to have been undertaken or arranged primarily for bona fide purposes other than to obtain the tax benefit; or

 

 

 

 

(b) that is part of a series of transactions, which series, but for this section, would result, directly or indirectly, in a tax benefit, unless the transaction may reasonably be considered to have been undertaken or arranged primarily for bona fide purposes other than to obtain the tax benefit.

 

 

 

 

(4) Subsection (2) applies to a transaction only if it may reasonably be considered that the transaction

 

(a) would, if this Act were read without reference to this section, result directly or indirectly in a misuse of the provisions of any one or more of

 

 

(i) this Act,

 

(ii) the Income Tax Regulations,

 

(iii) the Income Tax Application Rules,

 

(iv) a tax treaty, or

 

(v) any other enactment that is relevant in computing tax or any other amount payable by or refundable to a person under this Act or in determining any amount that is relevant for the purposes of that computation; or

 

 

(b) would result directly or indirectly in an abuse having regard to those provisions, other than this section, read as a whole.

 

 

(5) Without restricting the generality of subsection (2), and notwithstanding any other enactment,

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) any deduction, exemption or exclusion in computing income, taxable income, taxable income earned in Canada or tax payable or any part thereof may be allowed or disallowed in whole or in part,

 

 

(b) any such deduction, exemption or exclusion, any income, loss or other amount or part thereof may be allocated to any person,

 

 

 

(c) the nature of any payment or other amount may be recharacterized, and

 

(d) the tax effects that would otherwise result from the application of other provisions of this Act may be ignored,

 

in determining the tax consequences to a person as is reasonable in the circumstances in order to deny a tax benefit that would, but for this section, result, directly or indirectly, from an avoidance transaction.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑445‑11

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE MADAME LA JUGE J.M. WOODS DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATÉ DU 28 OCTOBRE 2011.

 

 

INTITULÉ :                                                  LA REINE c. GLOBAL EQUITY FUND LTD.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 11 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE MAINVILLE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LE JUGE NADON

                                                                        LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 30 octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

William Softley

Margaret McCabe

 

POUR L’APPELANTE

 

Jehad Haymour

Sophie Virji

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Fraser Milner Casgrain LLP

Calgary (Alberta)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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