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Date : 20121109

 

Dossier : A-353-11

Référence : 2012 CAF 287

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER                 

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

GARY SAUVE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2012.

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                             LE JUGE NOËL

                                                                                                                      LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20121109

Dossier : A-353-11

Référence : 2012 CAF 287

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER                 

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

GARY SAUVE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

intimée

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               La Cour est saisie d’un appel d’une ordonnance, portant la référence 2011 CF 1081, par laquelle le juge Martineau (le juge), de la Cour fédérale, a rejeté un appel d’une décision de la protonotaire Tabib (protonotaire) obligeant l’appelant à déposer une somme de 10 000 $ à titre de cautionnement pour les dépens conformément à l’alinéa 416(1)f) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Règles).

 

[2]               L’appelant, qui est un ex-agent de la GRC, a engagé six actions distinctes devant la Cour fédérale afin d’obtenir un dédommagement par suite du préjudice que lui aurait causé la GRC. Plusieurs ordonnances d’adjudication des dépens ont été prononcées contre l’appelant dans ces actions et la plupart des montants en question restent en souffrance.

 

[3]               Les Règles disposent que lorsque le demandeur n’a pas payé les dépens adjugés contre lui, la Cour fédérale peut lui ordonner de fournir un cautionnement pour les dépens. Cependant, les Règles permettent également à la Cour de refuser d’ordonner la fourniture de ce cautionnement si le demandeur rapporte la preuve de son indigence. Voici les dispositions pertinentes des Règles :

*        (1) Lorsque, par suite d’une requête du défendeur, il paraît évident à la Cour que l’une des situations visées aux alinéas a) à h) existe, elle peut ordonner au demandeur de fournir le cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur :

*        

*       ]

 

f) le défendeur a obtenu une ordonnance contre le demandeur pour les dépens afférents à la même instance ou à une autre instance et ces dépens demeurent impayés en totalité ou en partie;

 

 

 La Cour peut refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour les dépens dans les situations visées aux alinéas 416(1)a) à g) si le demandeur fait la preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien-fondé de la cause.

 (1) Where, on the motion of a defendant, it appears to the Court that

 

...

 

(f) the defendant has an order against the plaintiff for costs in the same or another proceeding that remain unpaid in whole or in part,

 

the Court may order the plaintiff to give security for the defendant’s costs.

 

 

 

 

 

 

 The Court may refuse to order that security for costs be given under any of paragraphs 416(1)(a) to (g) if a plaintiff demonstrates impecuniosity and the Court is of the opinion that the case has merit.

 

 

[4]               La protonotaire a conclu que l’appelant n’avait pas établi qu’il était indigent et que, par conséquent, l’article 417 des Règles ne jouait pas. Elle a fixé de façon prudente le montant du cautionnement à la somme de 10 000 $, en tenant compte des observations du demandeur lui‑même selon lesquelles environ 50 témoins seraient appelés et du fait que, d’après ses prévisions, l’instruction durerait de deux à trois semaines. Elle a également fixé une période d’un an pour le dépôt du cautionnement, eu égard au fait que le demandeur était également tenu de se conformer à d’autres ordonnances d’adjudication des dépens (y compris des ordonnances de cautionnement pour les dépens) rendues contre lui.

 

[5]               Après avoir examiné attentivement la jurisprudence concernant l’alinéa 416(1)f) et l’article 417 des Règles, le juge a rejeté l’appel interjeté de l’ordonnance de la protonotaire. L’appelant, qui se représente lui-même, interjette maintenant appel de cette décision devant la Cour d’appel fédérale.

 

[6]               Il n’est pas nécessaire que je m’attarde aux principes de droit applicables en matière de cautionnement pour les dépens aux termes des Règles, étant donné que ces principes sont exposés de façon fort habile dans les motifs de la décision du juge.

 

[7]               Il suffit de signaler que, même si le cautionnement pour les dépens est un mécanisme destiné à favoriser une saine administration de la justice, pour rechercher si un cautionnement est nécessaire, le juge doit s’assurer que le système judiciaire fonctionne de manière non seulement efficace, mais également de façon équitable pour toutes les parties concernées. Lorsque le défendeur a obtenu une ordonnance de dépens contre le demandeur et que celui-ci ne se conforme pas à cette ordonnance, l’équité exige que le défendeur en question ne soit pas indûment exposé à d’autres risques en ce qui a trait aux dépens. Cependant, lorsqu’il apparaît que l’ordonnance de cautionnement pour les dépens aurait pour effet d’empêcher un demandeur indigent de défendre une cause par ailleurs bien fondée, la demande de cautionnement pour les dépens du défendeur doit normalement être rejetée, par souci d’équité.

 

[8]               L’appelant soutient dans le présent appel que la protonotaire et le juge lui ont refusé l’accès au système judiciaire et ont porté atteinte aux droits qu’il tire de la Constitution, parce qu’il était pauvre et qu’il se représentait lui-même. Cet argument dénature les procédures et les questions examinées tant par la protonotaire que par le juge. La seule question pertinente dont ils étaient saisis était de savoir si l’appelant avait établi un état d’indigence qui l’empêcherait de poursuivre son action s’il était condamné à fournir un cautionnement pour les dépens.

 

[9]               La seule preuve que l’appelant a présentée au soutien de son allégation d’indigence se limite à de simples affirmations. Une simple affirmation d’une partie au litige selon laquelle elle n’a pas les moyens de fournir un cautionnement pour les dépens est manifestement insuffisante pour faire jouer l’article 417 des Règles : B-Filer Inc. c. Bank of Nova Scotia, 2007 CAF 409; 371 N.R. 292, aux paragraphes 9 à 11; Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 237, 393 N.R. 67, au paragraphe 10.

[10]           Des éléments de preuve concrets doivent être présentés à l’appui d’une allégation d’indigence, y compris des renseignements financiers clairs et complets sous une forme compréhensible. Des déclarations de revenus, des relevés bancaires, des listes d’éléments d’actif et des états financiers (si possible) doivent t être produits. Une preuve de l’impossibilité de contracter un emprunt d’une tierce partie pour respecter l’ordonnance de cautionnement doit  également être présentée. L’accès aux ressources familiales et communautaires doit aussi être envisagé. Aucune question importante ne doit être laissée sans réponse.

 

[11]           L’appelant n’a produit aucun élément de preuve de cette nature à la protonotaire.

 

[12]           Au cours de l’audition du présent appel, l’appelant a reconnu qu’il avait récemment versé un montant de 5 000 $ pour respecter une ordonnance de cautionnement pour les dépens dans une autre instance connexe portée devant la Cour fédérale, et qu’il était disposé à verser un montant réduit de 5 000 $ à titre de cautionnement pour les dépens en l’espèce. L’appelant a également fait savoir à la Cour qu’il avait retenu les services d’un avocat pour le représenter à l’instruction. Tous ces renseignements semblent aller à l’encontre des déclarations antérieures que l’appelant a faites devant la protonotaire et devant le juge et selon lesquelles il ne pourrait poursuivre la présente instance si l’ordonnance de cautionnement pour les dépens demeurait en vigueur.

 

[13]           À l’audition de l'appel, l’appelant a demandé que le montant du cautionnement soit réduit à 5 000 $, au motif que l’intimée est partiellement responsable du nombre élevé de témoins et de la durée estimative de l’instruction. Je rejetterais cette demande. Nous ne sommes saisis d’aucun élément de preuve dont il ressort que l’intimée s’est comporté de façon fautive dans le cadre de sa contestation de la présente action. Lorsqu’elle a établi à 10 000 $ le montant du cautionnement, la protonotaire a tenu compte des facteurs pertinents, y compris la liste de 50 témoins que l’appelant a l’intention d’appeler à la barre ainsi que la durée estimative de l’instruction. Elle a également conclu que le montant de 10 000 $ serait nettement inférieur à la somme à laquelle la défenderesse aurait droit si sa défense à l’action était couronnée de succès.

 

[14]           En conséquence, la protonotaire n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire en fixant le cautionnement pour les dépens au montant qu’elle a déterminé, et le juge a refusé à juste titre de modifier cette ordonnance. Par conséquent, je rejetterais le présent appel avec dépens.

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

« Je suis d’accord

     Marc Noël, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

     J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-353-11

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE RENDUE PAR LE JUGE MARTINEAU LE 20 SEPTEMBRE 2011 DANS LE DOSSIER NO T-996-09

 

INTITULÉ :                                                                          SAUVE c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 6 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               LE JUGE MAINVILLE

 

AUXQUELS ONT SOUSCRIT :                                        LE JUGE NOËL

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

                                                                                               

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 9 novembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gary Sauve

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Agnieszka Zagorska

Abigail Martinez

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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