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Date : 20121101

 

Dossier : A-63-12

Référence : 2012 CAF 275

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

MICHAEL AARON SPIDEL

appelant

et

CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

intimé

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 31 octobre 2012.

Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 1er novembre 2012.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                              LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                           LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                       LA JUGE SHARLOW


Date : 20121101

Dossier : A-63-12

Référence : 2012 CAF 275

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

MICHAEL AARON SPIDEL

appelant

et

CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Un ancien détenu de l’établissement Ferndale en Colombie‑Britannique (Ferndale), interjette appel du jugement de la Cour fédérale, portant la référence 2012 CF 54 (les motifs), par lequel le juge O’Reilly a rejeté sa demande en contrôle judiciaire de la décision du commissaire du Service correctionnel du Canada (le commissaire).

 

[2]               L’appelant a soulevé un grief devant les autorités correctionnelles par lequel il conteste la modification apportée en 2010 au guide du détenu à Ferndale. Cette modification exige que les tuteurs légaux soient responsables de la supervision des mineurs qui leur sont confiés pendant les visites à Ferndale. Avant cette modification, les détenus à Ferndale avaient le droit de recevoir leurs enfants mineurs seul à seul. Depuis cette modification, ces visites doivent avoir lieu en présence du tuteur légal.

 

[3]               Le commissaire a rejeté le grief au troisième stade de la procédure de règlement des griefs des délinquants énoncée dans le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620. Le commissaire a conclu que la modification au guide du détenu avait été apportée reflétant précisément la politique en vigueur à Ferndale ainsi que les politiques nationales et la loi.

 

[4]               L’appelant a attaqué la conclusion du commissaire selon laquelle le guide du détenu a été modifié afin qu’il soit tenu compte d’une politique existante. Le juge de la Cour fédérale a conclu que les arguments de l’appelant à cet égard étaient très convaincants : par. 25 à 27 des motifs. Toutefois, eu égard au contexte global, le juge de la Cour fédérale a conclu que la situation personnelle de l’appelant pouvait être examinée dans le cadre d’une demande individuelle visant à recevoir des visites familiales privées sans supervision. Il a indiqué que les solutions proposées par l’appelant ne conviendraient pas forcément à tous les détenus à Ferndale. Il a conclu qu’il n’était donc pas déraisonnable que le commissaire traite de la validité de la politique elle‑même et laisse de côté, pour qu’elle soit examinée dans le contexte d’une enquête distincte, la question de savoir si des solutions de rechange appropriées pouvaient être envisagées dans des cas individuels : par. 29 des motifs.

 

[5]               Le juge de la Cour fédérale a également jugé raisonnable la conclusion du commissaire selon laquelle la règle relative à la supervision de la visite d’enfants avait été établie valablement au nom de la sécurité, étant donné qu’il pourrait y avoir des exceptions particulières à cette règle lorsque des mesures de rechange envisageables seraient propres à éliminer les préoccupations en matière de sécurité : par. 31‑32 des motifs. Par conséquent, il a rejeté la demande en contrôle judiciaire.

 

[6]               L’appelant soulève un seul motif d’appel devant notre Cour. Il soutient que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur en appliquant la norme de la raisonnabilité consacrée par la jurisprudence Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (l’arrêt Dunsmuir). L’appelant fait également valoir que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer en l’espèce n’a pas pour source l’arrêt Dunsmuir, mais plutôt la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi).

 

[7]               L’appelant fait surtout référence à l’alinéa 4d) de la Loi dans sa version antérieure aux modifications apportées par la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, 2012, ch.1 art. 54. Cet alinéa, qui ne figure plus dans la Loi, prévoyait que, dans l’exécution du mandat du système correctionnel, le Service correctionnel du Canada doit être guidé par le principe que les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants doivent être le moins restrictives possible. L’appelant renvoie également à l’alinéa 4g) de la Loi (maintenant l’alinéa 4f)) selon lequel les décisions du Service correctionnel doivent être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs.

[8]               Par l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 (l’arrêt Khosa), la Cour suprême du Canada a conclu que le législateur peut édicter des lois imposant une norme de contrôle pour les tribunaux examinant des décisions administratives fédérales, mais il doit le faire en utilisant des termes clairs. En l’absence d’un texte de loi exprimant l’intention claire du législateur, la doctrine de l’arrêt Dunsmuir doit être suivie. Comme l’a indiqué la Cour au par. 51 de l’arrêt Khosa :

[51] Comme je l’ai mentionné dès le départ, le législateur a le pouvoir de préciser une norme de contrôle en manifestant clairement son intention, comme l’a établi l’arrêt Owen [R. c. Owen, 2003 CSC 33, [2003] 1 R.C.S. 779].  Toutefois, si le texte de la loi le permet, les cours de justice a) n’interpréteront pas les motifs de contrôle comme des normes de contrôle; b) appliqueront les principes établis dans Dunsmuir pour déterminer comment procéder au contrôle judiciaire dans une situation donnée et c) présumeront l’existence d’un pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de refuser d’accorder réparation compte tenu de la retenue judiciaire préconisée par l’arrêt Dunsmuir en matière administrative (et d’autres facteurs, tels le fait que le demandeur a tardé à présenter sa demande ou n’a pas épuisé les autres recours possibles, la mauvaise foi, ou le caractère théorique ou prématuré de la demande).

 

[9]               Interprété au regard de l’ensemble de la Loi, l’article 4 énonce les principes qui guident le Service correctionnel du Canada dans l’exécution du mandat général du système correctionnel fédéral prévu à l’article 3 de la Loi. Rien dans l’article 4 ne fait référence à un tribunal ou à ses pouvoirs d’examen des décisions administratives rendues aux termes de la Loi, dont les décisions concernant des griefs soulevés par des délinquants. Le pouvoir et la compétence de la Cour fédérale en matière de contrôle judiciaire se trouveront plutôt dans la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Comme l’a décidé l’arrêt Khosa, les normes de contrôle applicables dans de telles circonstances sont celles consacrées par la jurisprudence Dunsmuir.

 

[10]           Il s’agit là de l’approche qu’ont suivie notre Cour et la Cour fédérale, tant avant qu’après l’arrêt Dunsmuir, à l’égard des demandes en contrôle judiciaire attaquant les décisions rendues dans le cadre de la procédure de règlement des griefs des délinquants prévue par la Loi : voir particulièrement les décisions Sweet c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 51, 332 N.R. 87, par. 14 à 16; Johnson c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1357, 337 F.T.R. 306, par. 36 et 39; Yu c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 42, 414 N.R. 283, par. 19 à 21.

 

[11]           Les questions principales soumises devant le juge de la Cour fédérale dans la demande en contrôle judiciaire étaient les suivantes : a) Le commissaire a‑t‑il commis une erreur en concluant que la modification contestée au guide du détenu tenait compte d’une politique nationale concernant la sécurité des pénitenciers fédéraux? b) Le refus du commissaire d’examiner les solutions proposées était‑il justifié considérant que celles‑ci pouvaient être examinées dans le cadre d’une demande individuelle de l’appelant visant à recevoir son enfant mineur sans supervision? Ces questions concernent toutes deux l’examen par le commissaire de la méthode qu’il convient d’appliquer pour assurer la sécurité dans les institutions fédérales, une question à l’égard de laquelle la Cour fédérale doit faire preuve de retenue.

 

[12]           Dans ces circonstances, le juge de la Cour fédérale a appliqué la norme de contrôle appropriée.

 

 

[13]           Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens dont le montant global est fixé à 800 $, y compris les débours et les taxes.

 

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, juge en chef »

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow, j.c.a.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


Cour d’appel fédérale

 

 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          A-63-12

 

 

INTITULÉ :                                                        Spidel c.

                                                                              Canada (Procureur général)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               Le 31 octobre 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                                  Le juge Mainville

 

Y ONT SOUSCRIT :                                         Le juge en chef Blais

                                                                              La juge Sharlow

 

DATE DES MOTIFS :                                       Le 1er novembre 2012

 

 

Comparutions :

 

Michael Aaron Spidel

POUR L’APPELANT

 

Jennifer Dagsvik

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s.o.

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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