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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal


Date : 20121116

Dossier : A-432-11

Référence : 2012 CAF 294

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

PIERRE GOUGEON

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2012.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE PELLETIER

LE JUGE MAINVILLE

 



Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20121116

Dossier : A-432-11

Référence : 2012 CAF 294

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

PIERRE GOUGEON

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel dirigé à l’encontre d’une décision rendue par le juge Angers de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la CCI) selon la procédure informelle confirmant une cotisation émise à l’encontre de M. Pierre Gougeon (l’appelant) en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi). La cotisation en question prélève la somme de 10 015,92 $ pour valoir contre la taxe sur les produits et services (TPS) impayée (plus intérêts et pénalités) de Quadrisart Canada Ltée (Quadrisart), société dont l’appelant était l’unique administrateur.

 

[2]               Au soutien de son appel devant le juge de la CCI, l’appelant, qui assure sa propre représentation, a fait valoir deux prétentions. D’une part, il a tenté de démontrer qu’il avait agi avec diligence, de sorte qu’il n’encourrait pas la responsabilité prévue au paragraphe 323(1) de la Loi. D’autre part, il a prétendu que les montants qu’on lui réclame en tant qu’administrateur ont été payés, mais qu’ils n’ont pas été affectés à la dette de Quadrisart comme ils devaient l’être.

 

[3]               L’appelant s’en est remis à cette deuxième prétention lors de l’audition devant nous. Selon lui, le juge de la CCI en rejetant son appel n’a pas tenu compte des paiements qui furent effectués et que le fardeau de démontrer que la dette de Quadrisart demeurait impayée incombait à l’intimée.

 

[4]               La TPS qui est réclamée couvre la période allant du 28 février 2006 au 29 février 2008. Le montant cotisé est fonction des déclarations soumises par Quadrisart pour ces périodes et donc n’est pas contesté. L’avis d’appel déposé par l’appelant allègue que les montants en question ont bel et bien été remis au Ministère du revenu du Québec (le MRQ), à titre d’agent du Ministère du revenu national, mais que pour une raison inexpliquée, ils n’ont pas été affectés à la TPS impayée, comme ils devaient l’être (avis d’appel, para. 6 a), d) et e)).

 

[5]               Cette prétention fut niée dans la réponse à l’avis d’appel signée par un avocat du contentieux du MRQ au nom de l’intimée. Cependant, la réponse n’a pas été déposée dans les délais impartis (i.e. 60 jours de la date de la signification de l’avis d’appel) et la requête pour être relevé de ce défaut fut rejetée, faute d’avoir joint les affidavits requis. Plutôt que de déposer une nouvelle requête, comme le juge officiant l’avait invité à le faire, l’avocat a choisi de procéder à procès sans être relevé de son défaut.

[6]               Les conséquences qui découlent de ce choix sont significatives. Selon l’article 18.3003 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt (L.R.C. 1985, ch. T-2), non seulement l’intimée cesse-t-elle de bénéficier de la présomption de validité qui entoure sa cotisation, mais les faits allégués par l’appelant dans son avis d’appel sont « réputés vrais ».

 

[7]               Le juge de la CCI dans ses motifs n’a traité que de la question à savoir si l’appelant avait fait montre de diligence. Aucune mention n’est faite de l’argument selon lequel les montants réclamés avaient été dûment payés et mal affectés. Tant l’avis d’appel, la réponse ainsi que la transcription de l’audition (transcription de l’audition du 31 août 2011, dossier d’appel, onglet 21, pp. 80 à 83) démontrent que cet argument était exposé, on ne peut plus clairement, devant le juge de la CCI.

 

[8]               L’affaire pourrait lui être retournée afin qu’il en traite. Cependant, nous avons devant nous toute la preuve nécessaire pour disposer de cette question et l’économie judiciaire sera mieux servie si nous en traitons nous-mêmes.

 

[9]               La preuve révèle que lors du procès, l’appelant a étayé l’argument selon lequel la TPS exigible avait été payée en déposant un tableau qui fait état de paiements effectués au nom du MRQ pendant la période qui précède l’émission de la cotisation, avec pièces à l’appui (exhibit A-10, dossier d’appel, onglet 15). Les montants en question dépassent de beaucoup la dette de Quadrisart, laquelle selon la thèse de l’intimée demeure toujours impayée. L’appelant ne fut pas contre-interrogé quant aux paiements effectués selon le tableau, si ce n’est que pour lui faire dire qu’il avait préparé ce tableau lui-même, selon ses livres comptables (transcription de l’audition du 31 août 2011, dossier d’appel, onglet 21, p. 80, lignes 24 et 25; p. 81, ligne 1).

[10]           La seule preuve offerte par l’intimée pour contrer l’argument de l’appelant est le témoignage de l’agente du MRQ qui fut appelée à émettre la cotisation à l’encontre de l’appelant. Selon son témoignage, son travail s’est limité à constater qu’un avis de faillite avait été émis à l’égard de Quadrisart et que l’appelant était inscrit comme seul administrateur. Elle a par ailleurs confirmé que le montant de la cotisation fut établi à partir des déclarations que l’appelant avait lui-même complétées au nom de Quadrisart (transcription du 28 juin 2011, dossier d’appel, onglet 23, pp. 20 à 26).

 

[11]           Cette preuve n’est évidemment pas suffisante pour contrer l’affirmation de l’appelant dans son avis d’appel selon laquelle les montants qui sous-tendent la cotisation ont été payés et qu’ils ont été mal affectés, affirmation qui je le rappelle, doit être tenue pour avérée.

 

[12]           Compte tenu du renversement du fardeau et de la preuve complémentaire déposée par l’appelant à l’égard de laquelle il ne fut pas contre-interrogé, il incombait à l’intimée de démontrer soit que les montants en question n’ont pas été remis au MRQ ou que bien que remis, ces montants n’avaient pas à être affectés à la dette de Quadrisart, comme le prétend l’appelant.

 

[13]           Aucune preuve ne fut déposée quant au premier élément. Quant au deuxième, l’agente du MRQ fut longuement contre-interrogée par l’appelant quant à l’affectation qui devait être faite des montants versés au MRQ. Cette série de questions a donné lieu à une discussion d’ordre générale à laquelle le juge de la CCI a éventuellement mis fin en disant (transcription du 31 août 2011, p. 16, lignes 11 à 14) :

 

[…] Je ne peux pas commencer à modifier les paiements qui auraient dû être faits; soit au fédéral ou au provincial; cela ne relève pas du domaine de la Cour.

 

 

[14]           Avec égards, là n’était pas la question. La seule question que le juge de la CCI avait à trancher est celle à savoir si l’intimée avait rencontré son fardeau de démontrer que les montants versés au MRQ ont été affectés comme ils devraient l’être et que la dette de Quadrisart pour laquelle l’appelant fut tenu responsable en tant qu’administrateur demeurait impayée au moment où la cotisation fut émise. S’il s’était posé cette question, il n’aurait pu faire autrement que de conclure en faveur de l’appelant puisque l’intimée n’a effectué aucune conciliation des montants versés ou même tenté de faire cette démonstration.

 

[15]           Je suis donc d’avis d’accueillir l’appel, et rendant le jugement que le juge de la CCI aurait dû rendre, j’accueillerais l’appel, j’annulerais la cotisation émise en date du 6 janvier 2009 pour la période du 28 février 2006 au 29 février 2008. L’appelant a droit aux déboursés qu’il a encourus pour parfaire son appel.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

          J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

          Robert M. Mainville j.c.a. »

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-432-11

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE ANGERS DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DU 11 OCTOBRE 2011, N° DU DOSSIER 2010-2628(GST)I.

 

 

INTITULÉ :                                                                          PIERRE GOUGEON et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 7 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           Le juge Pelletier

                                                                                                Le juge Mainville

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 16 novembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pierre Gougeon

POUR L’APPELANT

(pour lui-même)

 

Eric Bernatchez

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s.o.

POUR L’APPELANT

(pour lui-même)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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