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Date : 20121129

Dossiers : A‑437‑11

A‑32‑12

 

Référence : 2012 CAF 313

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

DEREK GREEN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 11 octobre 2012.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2012.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LA JUGE GAUTHIER

                                                                                                                    LE JUGE MAINVILLE

 

 


Date : 20121129

Dossiers : A‑437‑11

A‑32‑12

 

Référence : 2012 CAF 313

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

DEREK GREEN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]               Nous sommes saisis de deux demandes en contrôle judiciaire de deux décisions d’un juge‑arbitre, le juge Marin, datées du 20 juin 2011 et du 31 octobre 2011. Dans la première affaire, le juge‑arbitre (CUB 77281) était appelé à rechercher si le Conseil arbitral (le Conseil) avait commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas fondé, au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, c. 23 (la Loi), à quitter son emploi chez W/Five Seismic Co. Ltd. (Seismic) le 17 décembre 2009, et qu’il n’avait pas accumulé, depuis qu’il avait quitté cet emploi, le nombre d’heures d’emploi assurable requis par les articles 7 et 7.1 de la Loi pour être admissible aux prestations d’emploi. N’ayant pu constater quelque erreur dans la décision du Conseil, le juge‑arbitre a rejeté l’appel du demandeur.

 

[2]               Dans la deuxième affaire (CUB 77281A), le juge‑arbitre était appelé à rechercher, sur requête du demandeur fondée sur l’article 120 de la Loi, si des motifs justifiaient qu’il examine de nouveau sa décision du 20 juin 2011. Le juge‑arbitre a rejeté la requête parce que le demandeur n’avait présenté aucun fait nouveau et concluant que, sa première décision n’avait pas « été rendue avant que soit connu un fait essentiel [ni n’était] fondée sur une erreur relative à un tel fait ».

 

[3]               Le 17 novembre 2011, le demandeur a déposé une demande en contrôle judiciaire visant la deuxième décision du juge‑arbitre. Il a ensuite présenté une demande en modification de sa demande en contrôle judiciaire afin d’y intégrer le contrôle de la première décision du juge‑arbitre et à demander une prorogation de délai. Le 24 janvier 2012, mon collègue le juge Mainville a accueilli la demande en modification et en prorogation du demandeur, et ordonné la réunion des deux demandes en contrôle judiciaire. En conséquence, par les présents motifs, il sera disposé des deux demandes. Par souci de clarté, je signale que la demande en contrôle judiciaire du demandeur visant la première décision du juge‑arbitre porte le n° de dossier A‑32‑12 de la Cour, tandis que la demande en contrôle judiciaire visant la deuxième décision porte le n° de dossier A‑437‑11.

 

Les faits

[4]               Le 19 avril 2010, le demandeur a présenté une demande de prestations (par voie électronique) à la Commission de l’assurance‑emploi (la Commission). Il a déclaré par cette demande que son plus récent employeur était Sourcex Geophysical Corp. (Sourcex), une entreprise dont il avait été au service du 16 au 29 mars 2010. Il a ajouté qu’il avait été au service d’un certain nombre d’autres employeurs, à savoir Veritas Energy Services Inc. (Veritas) du 4 au 11 mars 2010, Geostrata Resources Inc. (Geostrata) du 10 au 25 février 2010 et Seismic du 11 au 17 décembre 2009. Avant d’entrer au service de Seismic, cette fois, le demandeur avait été employé par Geokinetics Exploration (Geokinetics), du 13 au 27 novembre 2008.

 

[5]               Quant à son emploi chez Seismic, le demandeur a dit qu’il avait démissionné le 17 décembre 2009 parce qu’il avait reçu une offre d’emploi ou pensait qu’il en recevrait une. Il a précisé qu’il avait cru, après avoir rencontré un représentant de United Safety, que cette société l’embaucherait et qu’il entrerait à son service le 25 janvier 2010.

 

[6]               Le demandeur a également signalé qu’il prévoyait que son nouvel emploi serait permanent ou qu’il occuperait cet emploi plus longtemps que celui qu’il venait de quitter, et prévoyait aussi d’y travailler un nombre d’heures par semaine égal ou supérieur à celui qu’il y faisait chez Seismic. Le demandeur a également fait savoir à la Commission qu’au cours des deux années précédentes, il n’avait jamais eu à s’absenter de son emploi en raison des problèmes de santé.

 

[7]               Après avoir présenté sa demande de prestations, le demandeur a informé la Commission le 10 mai 2010 qu’au moment où il avait quitté Seismic le 17 décembre 2009, l’entreprise avait cessé ses activités pendant les Fêtes parce qu’elle n’avait pu obtenir un contrat espéré, tout en ajoutant que, quoi qu’il en soit, son emploi chez Seismic était « horrible ».

 

[8]               Lorsque la Commission a enquêté auprès du prétendu nouvel employeur du demandeur, United Safety, un représentant de cette société lui a fait part de ce qui suit (dossier du défendeur, page 30) :

[traduction]

[…] les postulants doivent suivre une formation avant qu’une offre d’emploi ne leur soit faite; ils ne sont pas rémunérés pendant la formation. Il y a des centaines de postulants. Ils doivent réussir les trois éléments du programme pour qu’on leur offre un emploi. Le prestataire (demandeur) a échoué au test de dépistage de drogues et d’alcool. Il disposait de 60 jours pour présenter une nouvelle demande et suivre de nouveau la formation, mais il n’a pas téléphoné pendant cette période.

 

 

 

[9]               Sur la foi de ces renseignements, la Commission a établi qu’aucune prestation n’était payable au demandeur parce que celui‑ci, sans y être fondé au sens de la Loi, avait quitté volontairement son emploi chez Seismic le 17 décembre 2009. La Commission a estimé que quitter son emploi chez Seismic n’était pas en l’occurrence la seule solution raisonnable.

 

[10]           Le demandeur a demandé à la Commission d’examiner à nouveau sa décision sur le fondement de nouveaux éléments de preuve, concernant le fait qu’il avait quitté Seismic parce [traduction] « qu’il avait un meilleur emploi en vue chez United Safety » (dossier du défendeur, page 31), tout en ajoutant que, bien qu’il n’ait jamais été au service de United Safety, il y suivait une formation lorsqu’il a échoué au test de dépistage de drogues. Il avait par ailleurs trouvé peu après un nouvel emploi dans l’entreprise Geostrata, où il a travaillé du 10 au 25 février 2010.

 

[11]           Le 21 mai 2010, le demandeur a fourni des renseignements supplémentaires à la Commission, espérant la convaincre de procéder à un nouvel examen. Plus particulièrement, il a informé la Commission que, compte tenu des conditions de travail et de son salaire chez Seismic, les risques qu’il y courait en remplissant ses fonctions étaient trop élevés. Il a ensuite précisé pour quels motifs il estimait que les conditions de travail n’étaient pas acceptables (dossier du défendeur, pages 32 et 33) :

[traduction]

[…] Je devais continuellement me déplacer d’un point de tir à l’autre, distants de 60 mètres. Pour le faire, je devais conduire un VTT, et j’avais des engelures en raison du vent sur mon visage. Je devais installer à l’intérieur d’un trou de la dynamite avec amorce. Je devais enfoncer l’explosif dans le trou avec des poteaux en bois, d’une longueur de 50 pieds. Je devais faire 10 pieds à la fois, et alors que j’enfonçais, le trou donnait souvent des problèmes et je devais pousser plus fort puis retirer le poteau. Les poteaux étaient très lourds et ils devenaient couverts de boue en hiver. Je devais aussi retirer du sol des poteaux de 70 à 80 livres. J’avais l’impression de faire du travail d’esclave à ‑30 °C. Les fonctions de base du poste devaient être accomplies extrêmement vite. Je comparerais cela à courir un marathon chaque jour, parce que le travail à faire dans le délai imparti était pénible. Je le faisais dans la vingtaine, mais j’ai maintenant passé une vie à le faire et j’ai des ligaments déchirés dans tout le corps. C’était de la violence physique imposée à soi‑même. Il n’y avait pas non plus de journées de congé. Je travaillais de 10 à 12 heures par jour, pendant 30 jours d’affilée. Mon corps n’était plus fait pour ce type de travail. Chaque nuit j’allais me coucher en pensant que, le lendemain, je devrais me lever et aller faire ce travail horrible encore et encore. Je n’ai jamais pensé occuper cet emploi à long terme. Je me disais que je pourrais le faire quelques semaines et que ce ne serait pas si mal. L’entreprise a cessé ses activités pendant les vacances de Noël de toute façon.

 

 

 

[12]           Le 22 juin 2010, la Commission a des renseignements additionnels d’United Safety quant à l’emploi que le demandeur y aurait occupé en janvier 2010. Le représentant d’United Safety a déclaré que l’entreprise avait bien recruté le demandeur comme candidat potentiel pour un poste et que celui‑ci avait suivi une séance de formation du 25 au 29 janvier 2010, et il a ajouté qu’on avait dû informer le demandeur une ou deux semaines avant le début de la formation qu’on l’avait recruté. Le représentant a aussi expliqué à la Commission que la séance de formation constituait une activité à plein temps pour les candidats, qui n’étaient pas rémunérés. La séance elle‑même comportait des entrevues, des tests d’aptitude ainsi qu’une évaluation pratique et en salle de classe. On offrait immédiatement à tout candidat retenu un poste à temps plein au sein de l’entreprise, mais rien ne garantissait au candidat commençant une formation qu’il obtiendrait, à son terme, une offre d’emploi.

 

[13]           On a également informé la Commission que le prestataire avait échoué à son test de dépistage de drogues et que, par conséquent, il avait également raté la formation. Bien que l’évaluation et les notes du demandeur aient été favorables, la société ne pouvait confirmer qu’on lui aurait offert un emploi au bout du compte, même s’il avait réussi le test de dépistage, puisqu’il n’avait pas achevé sa formation.

 

[14]           Le 23 juin 2010, la Commission a fait savoir à Seismic que le demandeur l’avait informée que son emploi auprès de cette société avait pris fin vers le 18 décembre 2009, à l’occasion du congé de Noël, et avait repris à la première semaine de janvier. Un représentant de Seismic a répondu que cette information était fausse : la société était très occupée pendant les mois d’hiver et elle ne pouvait se permettre de cesser ses activités pendant les Fêtes, à l’exception du jour de Noël, du lendemain de Noël et du jour de l’An. Toutes les autres journées étaient des journées normales de travail. Le représentant de Seismic a aussi déclaré que, si le demandeur n’avait pas quitté son emploi, [traduction] « il aurait pu travailler continuellement à plein temps du 17 décembre jusqu’à la fermeture du printemps » (dossier du défendeur, page 44). Ensuite, interrogé par la Commission, le représentant de Seismic a déclaré que, si le demandeur avait demandé un congé autorisé d’une semaine en janvier 2010, il est possible qu’on le lui aurait accordé. Cette décision aurait toutefois relevé du pouvoir discrétionnaire du contremaître du demandeur.

 

[15]           L’information qui précède a été transmise au demandeur, qui s’est dit en désaccord avec le représentant de Seismic. Le demandeur a répété qu’on lui avait fait part de la fermeture du lieu de travail pendant la période des Fêtes, et de la possibilité qu’il y ait pour lui du travail en janvier. Le demandeur a ajouté qu’en tout état de cause, puisque les conditions de travail étaient trop difficiles chez Seismic, il n’aurait pas continué de travailler pour cette entreprise. Il a ensuite déclaré qu’il [traduction] « avait pleinement le droit de quitter son emploi » (dossier du demandeur, page 45).

 

[16]           Le 25 juin 2010, la Commission a informé le demandeur par téléphone que Seismic n’avait pu confirmer la fermeture du site pendant le congé de Noël, hors les jours fériés, et que son dossier d’appel serait transmis au Conseil arbitral au motif que, le 17 décembre 2009, il n’était pas fondé à quitter Seismic. Là encore, le demandeur a exprimé son désaccord et dit qu’il avait reçu une assurance raisonnable d’obtenir un emploi chez United Safety lorsqu’il a quitté Seismic, tout en reconnaissant qu’il avait quitté cette dernière entreprise le 17 décembre 2009 parce que le travail y était trop difficile.

 

[17]           Un autre élément pertinent est la réponse écrite de Seismic à différents points soulevés par le demandeur avant l’instruction de sa demande par le Conseil, et que la Commission avait portés à son attention. Le 23 juillet 2010, Jason Slegel, le superviseur chez Seismic, a informé le Conseil par écrit qu’aucun [traduction] « membre du personnel ne serait présent à l’audience », mais que l’entreprise souhaitait formuler certaines observations relativement à la position adoptée par le demandeur. Monsieur Slegel a particulièrement fait valoir les points suivants :

-                      le demandeur n’a travaillé que six jours pour Seismic;

-                      bien que l’emploi ait été effectivement très difficile sur le plan physique, une personne en bonne forme était en mesure de l’accomplir, et ainsi bon nombre des aides effectuant le même travail que le demandeur étaient aussi du même groupe d’âge, c’est‑à‑dire le début de la trentaine;

-                      même si le demandeur touchait le salaire d’entrée puisqu’il était un nouvel employé, ce salaire aurait pu augmenter s’il avait été assez longtemps au service de l’entreprise pour démontrer qu’il pouvait [traduction] « s’acquitter de ses fonctions avec compétence »;

-                      Seismic a seulement appris que le demandeur était allé voir un médecin pour des douleurs au genou lorsqu’elle avait pu consulter le dossier d’appel du Conseil – jamais au cours de son emploi dans l’entreprise le demandeur n’avait fait état de douleurs ni d’une blessure quelconque subie dans l’exercice de ses fonctions, faisant simplement savoir à Seismic lors de son départ qu’il [traduction] « était trop vieux pour ce travail ».

 

[18]           L’audience devant la Commission s’est tenue à Calgary le 3 août 2010.

 

Décision du Conseil arbitral

[19]           Après avoir passé en revue l’ensemble du dossier écrit dont on l’avait saisi, concernant notamment les antécédents professionnels et l’historique de la demande de prestations du demandeur (pages 89 à 94 du dossier du défendeur), le Conseil s’est penché sur la preuve présentée à l’audience, c’est‑à‑dire le témoignage du demandeur. Le Conseil a souligné que, selon son témoignage, le demandeur, alors qu’il conduisait accompagné de son superviseur chez Seismic le 18 décembre 2009, avait informé ce dernier qu’il ne retournerait pas travailler parce qu’il en avait assez des tâches qu’il devait accomplir pour le compte de l’entreprise. Au cours de son témoignage, le demandeur a aussi déclaré qu’en tout état de cause, il n’y aurait plus eu de travail pour lui chez Seismic puisque le foreur avec lequel il travaillait repartait à l’Île‑du‑Prince‑Édouard et que l’équipe ne se remettrait pas à la tâche avant la première ou la deuxième semaine de janvier 2010, soit lorsque le prochain contrat allait débuter.

 

[20]           Le demandeur a ajouté, par son témoignage, que la seule raison pour laquelle il avait accepté l’emploi chez Seismic était qu’il projetait d’obtenir du travail chez United Safety, et qu’aucun emploi n’allait y être disponible avant janvier 2010. Comme, en outre, il avait besoin d’argent pour suivre une formation non rémunérée chez United Safety, il avait pensé que travailler un court temps chez Seismic allégerait ses problèmes financiers.

 

[21]           Enfin, le Conseil a fait remarquer que, selon le témoignage du demandeur, les conditions de travail chez Seismic n’étaient pas très bonnes et étaient même dangereuses, et le salaire accordé était insuffisant compte tenu de la nature du travail qu’il y avait à faire.

 

[22]           Le Conseil a ensuite constaté les faits et y a appliqué le droit. Le Conseil devait plus particulièrement rechercher si le demandeur avait quitté volontairement son emploi sans justification et si, après son départ de chez Seismic, il avait accumulé le nombre d’heures requis par les articles 7 et 7.1 de la Loi pour recevoir des prestations d’assurance‑emploi.

 

[23]           Quant à la première question, le Conseil a conclu que le départ de chez Seismic ne constituait pas la seule solution raisonnable dans le cas du demandeur. Le Conseil a estimé que le demandeur aurait pu conserver son emploi chez Seismic jusqu’à ce qu’il ait obtenu une offre d’emploi ferme d’un autre employeur. Il a aussi conclu que le demandeur n’avait jamais discuté avec Seismic de ses conditions de travail, de son salaire ni de ses problèmes de santé. Le Conseil a en outre conclu que le demandeur avait quitté son emploi chez Seismic un mois avant que United Safety ne lui ait confirmé sa participation au programme de formation de l’entreprise, tout en signalant que son acceptation au programme ne constituait pas une garantie d’embauche.

 

[24]           Le Conseil a également conclu que si le demandeur avait travaillé un mois chez Seismic, il aurait pu demander un congé à cette entreprise afin de suivre la formation chez United Safety.

 

[25]           Quant à la thèse du demandeur selon laquelle il ne pouvait plus travailler chez Seismic en raison de son état de santé, le Conseil a conclu que le demandeur souffrait véritablement d’un « problème permanent aux genoux, que ses conditions de travail sur le terrain [n’étaient] pas idéales et plutôt rudimentaires » et qu’il ne bénéficiait d’aucune pause régulière. Le Conseil s’est toutefois dit d’avis que « les conditions de travail, en soi, ne pos[ai]ent aucun risque pour sa sécurité » (dossier du défendeur, page 99). Le Conseil a ensuite tiré une conclusion particulière au sujet d’un avis médical daté du 30 juin 2010 et signé par un certain Dr A. Wladichuk, que le demandeur avait produit en preuve à l’audience : cet avis ne tendait pas à confirmer la thèse de l’appelant selon laquelle son état de santé l’empêchait d’effectuer son travail chez Seismic. Le Conseil a estimé que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il devait quitter son emploi pour raisons de santé, ni que son médecin lui avait recommandé de le faire (dossier du défendeur, page 100).

 

[26]           Le Conseil a ainsi estimé que le demandeur n’avait « pas prouvé que son départ de […] Seismic représentait la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui » (dossier du défendeur, page 100). Selon le Conseil, le demandeur avait simplement pris la décision personnelle de quitter son emploi, sans toutefois être fondé à le faire.

 

[27]           Le Conseil a ensuite examiné la deuxième question. Il a conclu que, puisque le demandeur n’était pas une personne devenant ou redevenant membre de la population active, il devait avoir accumulé au moins 665 heures d’emploi assurable après le 17 décembre 2009 pour être admissible aux prestations d’assurance‑emploi. Comme le demandeur n’avait accumulé que 437 heures entre le 18 décembre 2009 et la date de sa demande de prestations d’assurance‑emploi, c’est‑à‑dire le 19 avril 2010, il n’avait pas droit à ces prestations.

 

[28]           L’appel du demandeur de la décision de la Commission a, par conséquent, été rejeté quant aux deux questions soulevées. Le demandeur a donné suite à cette décision en interjetant appel devant le juge‑arbitre. Quant à la question de savoir si le demandeur était fondé à quitter son emploi chez Seismic, le juge‑arbitre a simplement retenu les conclusions du Conseil, qu’il a reproduites aux pages 2 à 6 de sa décision. Quant à la deuxième question, le juge‑arbitre a fait observer que le demandeur n’avait pas accumulé le nombre d’heures requis par la Loi. Il a, par conséquent, rejeté l’appel du demandeur.

 

[29]           Comme nous l’avons déjà signalé, le demandeur a demandé au juge‑arbitre de réexaminer sa propre décision. Le juge‑arbitre a conclu qu’il ne pouvait pas le faire.

 

[30]           Je me pencherai maintenant sur la demande en contrôle judiciaire du demandeur qui vise cette deuxième décision du juge‑arbitre.

 

Analyse

1.         Le juge‑arbitre a‑t‑il commis une erreur de droit en refusant d’annuler ou de modifier sa première décision?

[31]           En vertu de l’article 120 de la Loi, le juge‑arbitre peut annuler ou modifier toute décision si le demandeur est en mesure de présenter des faits nouveaux ou s’il conclut que sa décision antérieure a été rendue « avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait ».

 

[32]           Après avoir exposé les faits pertinents et la chronologie des événements ayant conduit à la demande qui lui était soumise, et signalé que, lorsqu’il avait instruit l’appel du demandeur de la décision de la Commission il ne disposait d’aucune transcription du témoignage rendu à l’audience devant celle‑ci, le juge‑arbitre s’est penché sur la demande de nouvel examen du demandeur.

 

[33]           Le juge‑arbitre a commencé par faire état de la lettre de 12 pages du 14 septembre 2011 par laquelle le demandeur exposait les nouveaux éléments de preuve qui, à son avis, justifiaient sa demande. Au sujet de la lettre du demandeur, le juge‑arbitre a exprimé l’avis suivant : « Il répète essentiellement ce qu’il a déjà dit. Il ne présente aucun "fait nouveau" pouvant m’inciter à réexaminer la décision que j’ai rendue initialement. » Se fondant sur une jurisprudence de notre Cour, R. c. Chan (A‑185‑94), le juge‑arbitre a conclu que rien ne justifiait le réexamen de sa décision antérieure. Le juge‑arbitre a estimé que les renseignements figurant dans la lettre du demandeur ne constituaient pas des « faits nouveaux », et il a conclu qu’aucune erreur n’avait été commise relativement à « un fait essentiel ». Il a, par conséquent, rejeté la demande de réexamen du demandeur et confirmé sa décision antérieure.

 

[34]           Le demandeur affirme devant nous que le juge‑arbitre a commis une erreur car, contrairement à ce que celui‑ci a conclu, deux notes de son médecin, l’un du 30 juin 2010 et l’autre du 11 août 2010, étaient bien de nouveaux éléments de preuve, et qu’il aurait ainsi dû réexaminer sa décision antérieure. À mon avis, toutefois, le juge‑arbitre n’a pas commis d’erreur en concluant comme il l’a fait.

 

[35]           La première note de médecin, daté du 30 juin 2010, avait déjà été produite en preuve devant le Conseil et, comme je l’ai dit, celui‑ci s’était exprimé à ce sujet dans sa décision. On ne saurait donc y voir un « fait nouveau ». Quoi qu’il en soit, cette note ne tend assurément pas à confirmer la thèse du demandeur selon laquelle il a quitté son emploi le 17 décembre 2009 en raison de douleurs au genou. Il ne fait aucun doute que le médecin a dit en fait dans sa note que, selon le demandeur, c’était là le motif de son départ. On peut aussi présumer qu’après avoir examiné le demandeur le médecin a exprimé l’avis que la douleur ressentie au genou par son patient était vraisemblablement une manifestation du « syndrome fémoropatellaire ».

 

[36]           Le Dr Wladichuk a de nouveau confirmé ce diagnostic par sa deuxième note, datée du 11 août 2010, et précisé que le demandeur était [traduction] « incapable (depuis le 30 juin) d’effectuer des tâches lourdes en raison d’une douleur au genou, une manifestation vraisemblablement du syndrome fémoropatellaire ».

 

[37]           À l’évidence, ces notes médicales ne portent pas spécifiquement sur l’aptitude du demandeur à effectuer le travail pour lequel Seismic l’avait embauché en décembre 2009. J’estime donc que le juge‑arbitre n’a pas conclu de manière erronée que ces notes ne constituaient pas des « faits nouveaux » et ne justifiaient donc pas qu’on procède à un nouvel examen de sa première décision.

 

[38]           Le demandeur fait également valoir que le juge‑arbitre a fait abstraction du fait que la Commission lui avait accordé, sur la foi de la note médicale du 11 août 2010, des prestations de maladie de l’assurance‑emploi pour la période de prestations s’étendant du 4 avril 2010 au 2 avril 2011. Là encore, je ne puis conclure que le juge‑arbitre a commis une erreur en ne considérant pas cet élément comme un « fait nouveau », puisqu’il n’était pas question dans la note de l’objet même de la présente instance, soit le ou les motifs pour lesquels le demandeur a quitté son emploi le 17 décembre 2009.

 

[39]           Le demandeur ajoute que le juge‑arbitre aurait dû considérer être un « fait nouveau » le fait qu’avant de commencer à travailler chez Seismic, d’autres sociétés lui avaient fait des offres d’emploi. Bien que cela puisse être vrai, je ne vois pas en quoi ces offres d’emploi pourraient aider à rechercher si le demandeur était, ou non, fondé à quitter son emploi chez Seismic. Quoi qu’il en soit, aucune preuve n’établit que les offres d’emploi en cause étaient toujours valables une fois que le demandeur a commencé son emploi chez Seismic, ou lorsqu’il a quitté cet emploi le 17 décembre 2009.

 

[40]           J’estime, par conséquent, que le juge‑arbitre n’a pas commis d’erreur en concluant que le demandeur n’avait pas présenté de « faits nouveaux », et que sa propre décision du 20 juin 2011 n’avait pas « été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait », les deux éléments qui lui auraient permis de réexaminer cette décision.

 

[41]           Je me pencherai maintenant sur la demande en contrôle judiciaire du demandeur visant la première décision du juge‑arbitre, dans laquelle il n’attaque que la conclusion de la Commission sur la question savoir si le demandeur était ou non « fondé à » quitter son emploi chez Seismic.

 

2.         Le juge‑arbitre a‑t‑il commis une erreur en statuant que le demandeur n’était « pas fondé » à quitter son emploi chez Seismic?

[42]           L’article 30 de la Loi dispose qu’est exclue des prestations la personne qui quitte volontairement un emploi sans justification. Sur la question de savoir en quoi consiste une « justification », l’alinéa 29c) dispose que le prestataire est fondé à quitter son emploi si, « compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles énumérées ci‑après, son départ ou son congé constitue la seule option raisonnable dans son cas […] ». On dresse ensuite à cet alinéa une liste des circonstances qui constituent une « justification »; particulièrement pertinents aux fins de la présente instance, les sous‑alinéas 29c)(vi) et (xiv) sont reproduits ci‑après par souci de commodité :

29.  c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci‑après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

 

[…]

 

iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,

 

[…]

 

vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,

 

29.  (c) just cause for voluntarily leaving an employment or taking leave from an employment exists if the claimant had no reasonable alternative to leaving or taking leave, having regard to all the circumstances, including any of the following:

 

 

 

(iv) working conditions that constitute a danger to health and safety;

 

 

(vi) reasonable assurance of another employment in the near future;

 

 

 

[43]           Bien que je sois très sensible à la situation du demandeur et que je reconnaisse que le travail qu’il effectuait chez Seismic était extrêmement difficile, on ne m’a pas convaincu que le juge‑arbitre a commis une erreur en confirmant la décision du Conseil qui, à mon sens, n’était, elle non plus, entachée d’une erreur qui aurait justifié son intervention.

 

[44]           Le demandeur avance deux arguments pour expliquer que la conclusion selon laquelle il avait quitté son emploi sans justification était erronée. Premièrement, il a quitté son emploi en raison d’une douleur aiguë au genou dont le Dr Wladichuk a confirmé l’existence dans les notes du 30 juin et du 11 août 2010. Deuxièmement, il bénéficiait, lors de son départ, de l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat, chez United Safety, et de toute manière il était certain de trouver un emploi dans une autre entreprise si cette première occasion d’emploi ne se concrétisait pas. Il était par conséquent fondé à quitter son emploi chez Seismic.

 

[45]           Quant à son état de santé au moment où il a quitté Seismic le 17 décembre 2010, le demandeur fait les observations suivantes dans son mémoire des faits et du droit (dossier du demandeur pages 121 et 122) :

[traduction]

Si j’étais retourné travailler chez W5 après Noël, j’étais censé y travailler 30 jours ou plus d’affilée (à moins d’un arrêt de travail quelconque). Or, je ressentais une douleur aiguë après avoir travaillé huit jours pour cette entreprise. Je n’avais pas besoin qu’un médecin m’en dise le motif.

 

Le Conseil ne mentionne que mes douleurs au genou, bien que j’aie expliqué ressentir des douleurs musculaires et articulaires dans tout le corps. J’ai aussi expliqué cela à mon médecin, mais celui‑ci n’a relevé que mon problème au genou. Je suppose que c’est probablement parce qu’il est plus facile d’établir un diagnostic de syndrome fémoropatellaire en procédant à un examen médical (mes rotules sont moins stables qu’elles ne devraient l’être, semble‑t‑il), mais ça lui a suffi pour tirer sa conclusion. J’ai quitté le travail en raison de douleurs occasionnées par des problèmes de santé. Le Conseil ne révèle pas quelle expertise médicale lui permet de laisser croire qu’il en sait plus qu’un médecin sur les questions de santé, et je soutiens qu’il a tort.

 

 

[46]           Quant à son affirmation selon laquelle il bénéficiait d’une « assurance raisonnable d’un autre emploi », le demandeur fait, cette fois, les observations suivantes dans son mémoire (dossier du demandeur, pages 122 et 123) :

[traduction]

Le Conseil a exposé de façon inexacte mes perspectives d’emploi, principalement en faisant abstraction d’éléments clés. Il a insisté sur le fait que l’emploi que j’avais tenté d’obtenir ne s’était pas concrétisé parce que j’avais échoué à un test de dépistage de drogues. Or le critère était de savoir si j’avais une attente raisonnable d’obtention d’emploi. Par conséquent, avais‑je comme attente raisonnable de réussir ce test? Bien qu’échouer à un test de dépistage de drogues ne soit guère défendable, je soutiens que mon attente de réussite au test était raisonnable. [Je souligne.]

 

J’ai échoué au test en raison de traces de marijuana trouvées dans mon organisme. Comme je ne suis pas un gros fumeur de marijuana, la plupart des tests de dépistage sont négatifs si je n’ai pas fumé la semaine qui précède. Comme cela faisait de trois à quatre semaines que je n’avais rien consommé, j’étais pleinement confiant. Le problème a été que le test de dépistage n’était pas habituel. Mon urine a fait l’objet d’une analyse poussée dans un laboratoire. Le médecin qui a administré le test m’a annoncé par téléphone que je l’avais échoué. Je lui ai demandé quelle quantité il y avait et il a répondu, plutôt fier : « 43,1 nanogrammes ». Je lui ai demandé le type de quantités trouvées dans d’autres échantillons, et alors il dit que ce pouvait être dans les milliers.

 

Ce dont le Conseil n’a aucunement tenu compte dans sa décision, était le fait que j’avais obtenu d’autres offres d’emploi avant même de travailler chez W5. Le secteur des champs pétroliers est de nature très saisonnière; les mois d’hiver sont très occupés, particulièrement après Noël. Plusieurs entreprises de forage exercent certaines activités avant Noël, mais elles se dotent habituellement du personnel complet dont elles ont besoin avant le congé de Noël.

 

J’ai téléphoné à quelques entreprises de forage de bonne réputation pour obtenir du travail, mais toutes m’ont dit la même chose : elles n’avaient besoin de personne à ce moment‑là, mais seraient très heureuses de me compter parmi leurs employés.

 

 

[47]           Après avoir brièvement résumé les faits pertinents, le juge‑arbitre a statué qu’il ne pouvait trouver une justification au départ du demandeur de chez Seismic, et déclaré qu’il retenait entièrement les conclusions tirées par le Conseil, qu’il a reproduites dans sa décision. La question qu’il nous faut trancher est donc de savoir si le juge‑arbitre a eu raison de refuser d’intervenir.

 

[48]           Avant de passer à la décision du juge‑arbitre et de procéder à son évaluation, il me faut obligatoirement souligner que, comme lui, nous ne disposons pas de la transcription du témoignage présenté au Conseil, et devons donc nous fier nous aussi à son égard sur la décision même du Conseil. Je dois également souligner que les observations du demandeur figurant aux pages 121 à 123 de son dossier, et que j’ai reproduites aux paragraphes 45 et 46 ci‑dessus, ne sont pas une preuve qui nous ait été présentée ou qui ait été présentée au Conseil. Le demandeur affirme que ces observations correspondent à son témoignage devant le Conseil, mais, malheureusement pour lui, aucune preuve ne nous démontre que tel était bien le cas.

 

[49]           Disons premièrement que le Conseil a recouru au critère approprié quant à la « justification » en déclarant qu’il incombait à la Commission de prouver que le demandeur avait quitté son emploi chez Seismic volontairement, et au demandeur de prouver qu’il était « fondé », compte tenu de toutes les circonstances, à quitter cet emploi. Le Conseil a ensuite passé les preuves en revue et tiré les conclusions qui ont abouti à sa décision finale. Ces conclusions sont exposées ci‑dessus, aux paragraphes 23 à 26 des présents motifs.

 

[50]           À la page 13 de sa décision (dossier du défendeur, page 100), le Conseil a discuté la thèse du demandeur voulant qu’il ait été « fondé » à quitter son emploi chez Seismic le 17 décembre 2009 en raison de son état de santé. Le Conseil a jugé l’affirmation du demandeur non crédible, en ces termes :

>    l’avis médical produit par le médecin du prestataire et daté du 30 juin 2010, qui laisse entendre que le prestataire était incapable de travailler en décembre 2009 en raison d’une blessure au genou droit, n’est ni crédible ni acceptable aux yeux du conseil étant donné que le prestataire n’a pas prouvé qu’il devait quitter son emploi pour des raisons de santé ni que son médecin lui avait recommandé de le faire.

 

 

[51]           Il faut lire le passage précité à la lumière des conclusions tirées par le Conseil à la page 12 de sa décision, selon lesquelles celui‑ci tenait pour avéré que le demandeur souffrait d’un problème au genou, que ses conditions de travail chez Seismic étaient loin d’être idéales et qu’il ne bénéficiait d’aucune pause régulière, mais que les conditions de travail, en soi, ne posaient aucun risque pour sa sécurité. Le Conseil a ainsi conclu, si je comprends bien sa décision, que le demandeur souffrait de problèmes au genou et que son travail chez Seismic était très exigeant physiquement. Compte tenu des preuves qui lui avait été présentées, toutefois, le Conseil n’a pu conclure que l’état physique du demandeur était tel qu’il ait eu pour seule solution de quitter son emploi chez Seismic.

 

[52]           Je ne puis dire par ailleurs que la conclusion du Conseil concernant la note du 30 juin 2010 du Dr Wladichuk était déraisonnable. Il est nécessaire d’apprécier cette conclusion en fonction des preuves qu’on avait présentées au Conseil, soit que le demandeur n’avait pas informé son employeur qu’il souffrait de douleurs au genou lorsqu’il a quitté son emploi chez Seismic le 17 décembre 2009, ni n’avait communiqué ce renseignement à la Commission lorsqu’il a présenté sa demande de prestations en avril 2010. En outre, selon certains éléments de preuve produits devant le Conseil, le demandeur n’avait accepté un emploi chez Seismic que de manière temporaire et pour pouvoir s’offrir la formation non rémunérée qu’il allait suivre chez United Safety en janvier, ce qui donnait à penser qu’il avait prévu dès le départ quitter Seismic à la première occasion. Il était donc parfaitement loisible au Conseil, à mon avis, de conclure comme il l’a fait que le demandeur n’avait pas quitté Seismic pour des raisons médicales.

 

[53]           J’examinerai maintenant la deuxième observation que le demandeur a formulée relativement à la « justification », soit plus précisément qu’il avait une assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat lorsqu’il a quitté Seismic.

 

[54]           Le Conseil a discuté cette question aux pages 12 et 13 de sa décision (dossier du défendeur, pages 99 et 100). Aux paragraphes 23 et suivants des présents motifs, j’ai résumé les conclusions dans lesquelles le Conseil expliquait pourquoi le demandeur disposait d’une solution raisonnable autre que le départ de chez Seismic. Le Conseil a estimé plus particulièrement que le demandeur aurait pu demeurer en poste « jusqu’à ce qu’il obtienne une nouvelle offre d’emploi claire », tout en ajoutant qu’il n’avait jamais discuté avec Seismic de ses conditions de travail, de son salaire non plus que de quelque problème de santé que ce soit. Le Conseil a en outre conclu que le demandeur avait quitté Seismic un mois avant que United Safety ne confirme son acceptation au programme de formation de l’entreprise, et que United Safety n’avait non plus offert aucune garantie d’emploi. Le Conseil a, par conséquent, conclu que le demandeur n’avait pas quitté Seismic parce qu’il avait une « assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ».

 

[55]           Il ne fait aucun doute qu’il était parfaitement loisible au Conseil, compte tenu de la preuve qui lui avait été soumise, de tirer ces dernières conclusions. Celles‑ci, et l’autre conclusion du Conseil selon laquelle les preuves ne permettaient pas au demandeur d’affirmer qu’il avait quitté Seismic pour des raisons médicales, étaient, selon moi, parfaitement raisonnables, et ainsi l’attaque du demandeur ne saurait être acceptée.

 

[56]           Je devrais peut‑être dire que je retiens entièrement à la conclusion du Conseil portant que le demandeur n’ait pas eu une assurance raisonnable d’un autre emploi lorsqu’il a quitté Seismic le 17 décembre 2009. Le demandeur peut dire, au mieux, qu’il était très confiant de réussir le programme de formation offert par United Safety, y compris le test de dépistage de drogues, et de finalement obtenir un poste au sein de cette entreprise. Cela ne nous permet toutefois pas de conclure que, lorsqu’il a quitté Seismic, le demandeur avait une assurance raisonnable d’obtenir un emploi chez United Safety. Les perspectives étaient bonnes, mais il n’y avait aucune assurance raisonnable que le demandeur obtiendrait l’emploi. Tant par la jurisprudence dans Canada (Procureur général du Canada) c. Lessard (2002), 300 N.R. 354, que par la jurisprudence Canada (Procureur général du Canada) c. Shaw, 2002 CAF 325, notre Cour enseigne qu’une offre conditionnelle d’emploi ne constitue pas une « assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ». Avec égards, je ne peux concevoir comment il pourrait en être autrement, particulièrement dans une affaire comme la nôtre où n’était même pas présente une offre conditionnelle d’emploi.

 

[57]           Comme je l’ai dit au paragraphe 44 des présents motifs, le demandeur a aussi soutenu qu’en tout état de cause, il était certain de pouvoir trouver un emploi dans d’autres entreprises si ses démarches auprès de United Safety n’étaient pas couronnées de succès. Il était de ce fait fondé, selon lui, à quitter son emploi chez Seismic.

 

[58]           L’examen attentif de sa décision permet clairement de constater que le Conseil n’a pas discuté cette question. Au vu, toutefois, du dossier dont nous sommes saisis (en soulignant encore une fois que nous ne disposons pas de la transcription du témoignage présenté au Conseil), il m’est impossible de rechercher si cet argument a été soulevé devant le Conseil. Il ressort du dossier que le demandeur a travaillé pour Geostrata du 10 au 25 février 2010, pour Veritas du 4 au 11 mars 2010 et pour Sourcex du 16 au 29 mars 2010. Il ressort des relevés d’emploi concernant Sourcex et Geostrata révèlent que le demandeur a perdu son emploi auprès de l’une et de l’autre entreprises en raison du manque de travail. Quant à Veritas, il ressort du relevé d’emploi que le demandeur a quitté l’emploi qu’il occupait dans cette entreprise. Il semble, même si cela n’est pas tout à fait clair, que la preuve tend à confirmer que l’emploi est saisonnier dans le secteur des champs de pétrole et que toute activité y cesse au début d’avril de chaque année.

 

[59]           Quoi qu’il en soit, je ne vois pas comment l’on pourrait dire en l’espèce que le Conseil a commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas une « assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ». Il ne faut pas oublier que, selon des éléments de preuve soumis au Conseil, si le demandeur était demeuré en poste chez Seismic, il y aurait eu pour lui du travail jusqu’à la fin de la saison, c’est‑à‑dire jusqu’à la fin de mars ou au début d’avril 2010. Comme il ressort des relevés d’emploi toutefois, le demandeur n’a travaillé que cinq semaines de janvier à avril 2010. Je ne vois donc pas ce qui permettrait de conclure que le Conseil a commis une erreur en concluant que, lorsque le demandeur a quitté Seismic il n’avait pas une « assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ».

 

[60]           Au final, le demandeur a présenté sa demande de contrôle judiciaire parce qu’il désapprouvait les conclusions de fait tirées par le Conseil. Malheureusement pour lui, il n’était pas loisible au juge‑arbitre, pas plus qu’il ne l’est pour nous, d’apprécier à nouveau les preuves qu’on avait présentées devant le Conseil, à moins d’être convaincus que celui‑ci, dans sa décision, a commis une erreur de droit ou a tiré des conclusions de fait ne pouvant être étayées par les éléments dont il disposait. Il ressort de l’examen attentif de la décision que le Conseil n’a pas jugé le témoignage du demandeur parfaitement crédible, comme celui‑ci a mentionné différentes raisons à différents moments, quant à son départ de chez Seismic. Le demandeur a d’abord dit qu’il avait quitté son emploi parce qu’un autre, meilleur, l’attendait chez United Safety, et a ensuite ajouté qu’il considérait l’emploi chez Seismic être temporaire et destiné uniquement à accumuler l’argent nécessaire pour suivre le programme de formation non rémunéré de United Safety. Le demandeur a finalement affirmé qu’il avait quitté son emploi chez Seismic en raison de douleurs au genou et parce que les conditions de travail y étaient horribles.

 

[61]           Il relevait de la compétence du Conseil d’évaluer les preuves du demandeur et de constater les faits selon les circonstances. Là encore, bien que je sois sensible à la situation difficile du demandeur, je ne saurais conclure qu’un motif quelconque peut justifier notre intervention.

 


Dispositif

[62]           Par conséquent, je rejetterais les demandes de contrôle judiciaire du demandeur. Toutefois, dans les circonstances particulières de l’espèce, je ne rendrais aucune ordonnance concernant les dépens.

 

 

« M. Nadon »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

                    Johanne Gauthier j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

                    Robert M. Mainville, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  A ‑437‑11 et A‑32‑12

 

INTITULÉ :                                                  DEREK GREEN c. P.G.C.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 11 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE NADON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LA JUGE GAUTHIER

                                                                        LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 29 novembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Derek Green

 

LE DEMANDEUR POUR SON PROPRE COMPTE

 

Donna Tomljanovic

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour le DÉFENDEUR

 

 

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