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Date : 20121207

Dossier : A‑379‑11

Référence : 2012 CAF 324

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

LUIS ALBERTO HERNANDEZ FEBLES

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 19 novembre 2012

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                               LE JUGE EVANS

Y A SOUSCRIT :                                                                                         LA JUGE SHARLOW

MOTIFS CONCOURANTS :                                                                         LE JUGE STRATAS

 


Date : 20121207

Dossier : A‑379‑11

Référence : 2012 CAF 324

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

LUIS ALBERTO HERNANDEZ FEBLES

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

A.        INTRODUCTION

[1]               Luis Alberto Hernandez Febles, un ressortissant cubain, a été reconnu coupable aux États‑Unis en 1984 et 1993 de voies de fait avec une arme meurtrière. Il est arrivé au Canada en 2008 après avoir purgé ses peines d’emprisonnement et il a demandé l’asile.

 

[2]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu qu’il ne répondait pas à la définition de réfugié par application de l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6 (la Convention) au motif que, vu les déclarations de culpabilité dont il avait fait l’objet aux Etats-Unis, on avait des raisons sérieuses de penser qu’il avait commis un « crime grave de droit commun » à l’extérieur du Canada.

 

[3]               M. Febles soutient que l’alcool est un facteur qui a joué un rôle dans la perpétration des crimes en question; il ajoute qu’il a purgé ses peines et qu’il s’est depuis réadapté. Il signale que l’alinéa 1Fb) a pour objet d’empêcher les criminels de droit commun de se servir du droit d’asile pour échapper à la justice locale et qu’elle vise à protéger la population de l’État d’accueil contre les criminels qui ont été reconnus coupables de leurs crimes et sont considérés comme dangereux. Comme il avait purgé sa peine, il n’était plus un fugitif. Il affirme par conséquent que la SPR avait l’obligation chercher à savoir si, malgré son casier judiciaire, il représente un danger pour le public canadien.

 

[4]               La question à trancher dans le présent appel est de savoir si la SPR a commis une erreur de droit parce que, pour décider si M. Febles était exclu du régime de protection des réfugiés au motif qu’il avait commis un crime « grave » au sens de l’alinéa 1Fb), elle n’a pas recherché s’il s’était réadapté et s’il représentait un danger actuel.

 

[5]               À mon avis, c’est à bon droit que la SPR a conclu que la question de savoir si le demandeur d’asile qui a purgé sa peine constitue un danger actuel pour la population canadienne n’est pas une question pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer la gravité d’un crime aux fins de l’alinéa 1Fb). Par conséquent, je rejetterais l’appel de la décision de la Cour fédérale (2011 CF 1103) par laquelle le juge Scott (le juge de première instance) a rejeté la demande en contrôle judiciaire de M. Febles visant à faire annuler la décision de la SPR.

 

B.        LES FAITS

[6]               M. Febles a quitté Cuba en 1980. Il a été admis aux États‑Unis en qualité de réfugié sur le fondement de sa crainte d’être persécuté en tant que dissident politique. Il a toutefois perdu par la suite son statut de réfugié en raison de ses condamnations pénales et il fait l’objet d’une mesure de renvoi prise contre lui aux États‑Unis.

 

[7]               M. Febles est entré au Canada illégalement le 12 octobre 2008. Le surlendemain, il a présenté une demande d’asile, invoquant une crainte fondée d’être persécuté à Cuba du fait de ses convictions politiques. Au cours d’une entrevue avec un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), afin de décider si sa demande pouvait être déférée à la SPR, M. Febles a révélé les condamnations pénales dont il avait fait l’objet aux États‑Unis.

 

[8]               Sur la foi d’un rapport produit par un agent de l’ASFC, M. Febles a été déféré à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en vue d’une enquête. À l’issue de l’enquête, M. Febles a été déclaré interdit de territoire et une mesure d’expulsion a été prise contre lui le 3 juin 2010. L’interdiction de territoire était fondée sur le fait qu’il avait été reconnu coupable à l’extérieur du Canada d’un crime qui, s’il avait été commis au Canada, aurait été punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

[9]               En dépit du casier judiciaire de M. Febles, un agent de l’ASFC a décidé de ne pas demander au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (MCI) son avis sur la question de savoir si la demande de M. Febles était irrecevable parce que ce dernier constituait un danger pour le public au Canada. Néanmoins, le 10 août 2010, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le MSPPC) a déposé un avis d’intervention à l’audience de la SPR pour faire valoir que M. Febles ne répondait pas à la définition de réfugié par application de l’alinéa 1Fb) parce qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada.

 

C.        DÉCISION DE LA SPR

[10]           Dans ses motifs de décision du 27 octobre 2010, la SPR a relaté les circonstances entourant les crimes desquels M. Febles avait été reconnu coupable en 1984 et 1993, en l’occurrence voies de fait avec une arme meurtrière autre qu’une arme à feu. Il avait été condamné à deux ans d’emprisonnement et à trois ans de probation pour chacune des infractions en question. Il a témoigné qu’il avait purgé à peine plus d’un an en ce qui concerne la première peine et qu’il avait passé plus de temps en prison pour avoir violé les conditions de sa probation. Il a purgé en totalité sa seconde peine et a respecté les conditions de sa probation. Il a expliqué qu’il n’a pas bu et n’a pas récidivé depuis 1993.

 

[11]           S’attardant sur la seconde infraction, la SPR a observé que M. Febles avait été reconnu coupable d’un crime qui, s’il avait été commis au Canada, aurait été punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, ce qui laissait supposer qu’il s’agissait d’un crime « grave ». La SPR a toutefois déclaré que cette présomption pouvait être combattue par d’autres facteurs. La SPR a néanmoins conclu que la gravité du crime de M. Febles l’excluait du régime de protection des réfugiés, et ce, même si son crime le plus récent remontait à 17 ans, qu’il avait exprimé des remords, qu’il avait purgé sa peine et qu’il avait choisi de « marcher dans le droit chemin » depuis 1993 (motifs de la SPR, au paragraphe 24).

 

D.        DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[12]           Le juge de première instance a cité l’arrêt Jayasekara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’ Immigration), 2008 CAF 404, [2009] 4 R.C.F. 164, au paragraphe 44, (Jayasekara) qui enseigne que, pour décider si la demande d’asile est irrecevable par application de l’alinéa 1Fb) de la Convention, le juge ne doit pas mettre en balance la gravité du crime appréciée au regard de la peine maximale dont il est passible au Canada, avec « des facteurs étrangers aux faits et aux circonstances sous‑jacents à la déclaration de culpabilité comme, par exemple, le risque de persécution dans le pays d’origine ».

 

[13]           Le juge de première instance a par conséquent conclu (au paragraphe 50) que le fait que M. Febles avait purgé sa peine n’était pertinent que pour apprécier la gravité du crime et non pour se prononcer sur « la réhabilitation, l’expiation, la récidive et la persistance du danger ». La SPR ne pouvait pas tenir compte de la réadaptation pour apprécier la gravité des crimes commis par M. Febles. La SPR n’avait donc pas restreint illégalement son pouvoir discrétionnaire en ne recherchant pas si M. Febles constituait un danger actuel pour le public canadien.

 

[14]           Le juge de première instance a certifié la question suivante en vue d’un appel devant notre Cour conformément à l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001 L.C., ch. 27 (la LIPR) :

Lorsque la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié applique la section Fb) de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies la réhabilitation de l’intéressé depuis la perpétration des crimes en cause est‑elle un facteur pertinent à prendre en considération?

 

[15]           Par les motifs qui suivent, je répondrais par la négative à la question certifiée et je rejetterais l’appel.

 

E.        CADRE LÉGISLATIF

[16]           La compréhension de la question soulevée dans le présent appel dépend en partie de la place qu’on lui assigne au sein du régime législatif complexe créé par la LIPR en matière de criminalité dans divers contextes.

 

[17]           L’alinéa 36(1)b) de la LIPR vise tous les étrangers et expose les cas dans lesquels ils sont interdits de territoire au Canada en raison des crimes dont ils ont été reconnus coupables à l’extérieur du Canada. L’alinéa 36(3)c) prévoit toutefois que les personnes visées par l’alinéa 36(1)b) ne sont pas interdites de territoire si, après l’expiration du délai réglementaire, elles convainquent le ministre de leur réadaptation.

 

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

[…]

 

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

[…]

 

36. (3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :

[…]

 

c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

36. (3) The following provisions govern subsections (1) and (2):

 

 

(c) the matters referred to in paragraphs (1)(b) and (c) and (2)(b) and (c) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or foreign national who, after the prescribed period, satisfies the Minister that they have been rehabilitated or who is a member of a prescribed class that is deemed to have been rehabilitated;

 

 

[18]           L’article 101 de la LIPR vise les demandes qui sont irrecevables, notamment parce que le demandeur d’asile est interdit de territoire au Canada pour grande criminalité au titre du paragraphe 36(1) et constitue, de l’avis du MCI, un danger pour le public au Canada.

 

101. (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

 

[…]

 

f) prononcé d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux — exception faite des personnes interdites de territoire au seul titre de l’alinéa 35(1)c) — , grande criminalité ou criminalité organisée.

 

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité visée à l’alinéa (1)f) n’emporte irrecevabilité de la demande que si elle a pour objet :

[…]

 

b) une déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada, pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, le ministre estimant que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada.

101. (1) A claim is ineligible to be referred to the Refugee Protection Division if

 

(f) the claimant has been determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality, except for persons who are inadmissible solely on the grounds of paragraph 35(1)(c).

 

(2) A claim is not ineligible by reason of serious criminality under paragraph (1)(f) unless

 

 

 

(b) in the case of inadmissibility by reason of a conviction outside Canada, the Minister is of the opinion that the person is a danger to the public in Canada and the conviction is for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament that is punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

 

 

[19]           Même lorsque la demande n’est pas irrecevable aux termes de l’article 101, la SPR doit, dans certains cas, la rejeter. L’alinéa 1Fb) de la Convention, que l’article 98 de la LIPR incorpore dans la LIPR par renvoi, vise le cas qui nous intéresse dans le présent appel :

 

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

[20]           L’alinéa 1Fb) de la Convention relative aux réfugiés dispose :

 

1F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

[…]

 

b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

[…]

 

1F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

 

(b) He has committed a serious non‑political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

[21]           Même s’il est exclu du régime de protection des réfugiés en raison des dispositions susmentionnées et qu’il fait l’objet d’une mesure de renvoi pour cause d’interdiction de territoire, le demandeur d’asile peut s’adresser au MCI pour demander l’examen des risques avant le renvoi (ERAR). Toutefois, l’alinéa 112(3)c) dispose que l’asile ne peut être conféré au demandeur qui a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention. Le sous‑alinéa 113d)(i) prévoit que l’agent d’immigration procède à l’ERAR du demandeur d’asile en fonction des éléments relatifs au risque mentionnés à l’article 97 (mort, torture ou traitement ou peine cruelle et inusitée) et en fonction de la question de savoir s’il constitue un danger pour le public au Canada. Le demandeur d’asile qui a été débouté en vertu du paragraphe 112(13), mais qui a obtenu gain de cause dans sa demande d’ERAR peut obtenir le sursis à l’exécution de son renvoi en vertu du paragraphe 114(1).

 

112.

[…]

 

(3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

 

[…]

 

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d’au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

[…]

 

 

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

[…]

 

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

[…]

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

[…]

 

112.

 

(3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

 

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

 

 

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention;

 

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s’agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.

114. (1) A decision to allow the application for protection has

 

(a) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), the effect of conferring refugee protection; and

 

(b) in the case of an applicant described in subsection 112(3), the effect of staying the removal order with respect to a country or place in respect of which the applicant was determined to be in need of protection.

 

F.         ANALYSE

(i) Norme de contrôle

[22]           M. Febles soutient que c’est la norme de la décision correcte qui s’applique quant à l’interprétation que la SPR a faite de l’alinéa 1Fb) de la Convention, laquelle est incorporée par l’article 98 à la LIPR, la loi habilitante de la SPR. Bien que la norme de la décision raisonnable soit désormais présumée être la norme de contrôle qui s’applique normalement quant à l’interprétation qu’un tribunal administratif fait de sa loi habilitante (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, au paragraphe 39), M. Febles soutient que la présomption de l’application de la norme de la décision raisonnable est réfutée en l’espèce.

 

[23]           Le ministre n’a pas pris position sur cette question, se contentant de soutenir que l’appel doit être rejeté peu importe la norme de contrôle qui s’applique et qu’il est donc inutile que la Cour statue sur cette question. La jurisprudence de la Cour fédérale n’est pas fixée en ce qui concerne la norme de contrôle applicable à l’interprétation de l’alinéa 1Fb) par la SPR. Par exemple, en l’espèce, le juge de première instance a appliqué la norme de la décision raisonnable, tandis que, dans l’affaire Feimi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 262, l’affaire connexe qui nous a été déférée, un juge de première instance différent a appliqué la norme de la décision correcte. L’existence de ce genre d’incertitude constitue une raison suffisante pour que notre Cour se prononce sur la norme de contrôle applicable à l’interprétation de l’alinéa 1Fb) de la Convention par la SPR.

 

[24]           Je retiens la thèse de M. Febles portant que la présomption habituelle suivant laquelle la norme de contrôle applicable à l’interprétation de leur loi habilitante par les tribunaux administratifs – la norme de la décision raisonnable – ne s’appliques pas en l’espèce. L’alinéa 1Fb) est une disposition d’une convention internationale qui doit être interprétée de façon aussi uniforme que possible (voir, par exemple, l’arrêt Jayasekara, au paragraphe 4). Il est plus probable que cet objectif soit atteint par le recours à la norme de la décision correcte qu’à la norme de la décision raisonnable, et c’est donc la norme qui doit être appliquée pour décider si la SPR a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que l’alinéa 1Fb) excluait la prise en compte de la réadaptation M. Febles depuis sa déclaration de culpabilité et de l’existence d’un danger actuel. De plus, le texte de l’alinéa 1Fb) ne comporte aucune ambiguïté.

 

[25]           Par conséquent, on peut dire que l’arrêt antérieure par laquelle notre Cour a appliqué la norme de contrôle de la décision correcte en ce qui concerne l’interprétation faite par la SPR de l’alinéa 1Fb) a répondu de manière satisfaisante à la question (Dunsmuir, au paragraphe 62).

 

(ii) La réadaptation et la dangerosité actuelle sont‑ils des facteurs pertinents lorsqu’il s’agit de décider si un crime de droit commun est « grave »?

 

[26]           M. Febles admet que le crime punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans s’il était commis au Canada est présumé par les tribunaux canadiens être un crime « grave » au sens de l’alinéa 1Fb) et que les crimes dont il a été reconnu coupable aux États‑Unis relèvent de cette catégorie.

 

[27]           Il soutient toutefois que la gravité du crime doit être appréciée au moment où la question de l’exclusion se pose. M. Febles soutient que l’objet de l’alinéa 1Fb) qui nous intéresse en l’espèce est celui qui vise à empêcher l’État d’accueil d’être obligé d’accorder l’asile à des criminels dangereux. Par conséquent, un crime ne doit pas normalement être considéré comme « grave » si le demandeur d’asile a purgé la peine qui lui a été infligée et n’est plus dangereux. Par conséquent, la SPR a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de sa réadaptation depuis 1993 et en ignorant le fait qu’il ne représente plus un danger pour le public canadien.

 

[28]           Le juge de première instance a conclu que, vu l’arrêt Jayasekara, la SPR ne pouvait examiner la question de savoir si M. Febles s’était réadapté et représentait un danger actuel. M. Febles soutient que la l’arrêt Jayasekara ne donne pas de réponse parce qu’elle se distingue de la présente espèce ou est mal fondée, et qu’elle ne doit pas être suivie.

 

a) L’enseignement de l’arrêt Jayasekara

[29]           La question certifiée qui avait été soumise à la Cour dans l’affaire Jayasekara était celle de savoir si le fait que le demandeur d’asile avait purgé sa peine avant d’arriver au Canada pour le crime grave qu’il avait commis lui permettait d’échapper à l’application de l’alinéa 1Fb) de la Convention. Après avoir examiné la jurisprudence canadienne et internationale sur le sujet, la Cour a répondu par la négative à cette question.

 

[30]           À mon avis, l’essentiel du raisonnement suivi par la Cour dans l’arrêt Jayasekara se trouve au paragraphe 44, où le juge Létourneau a observé au nom de la Cour :

Je crois que les tribunaux s’entendent pour dire que l’interprétation de la clause d’exclusion de la section Fb) de l’article premier de la Convention exige, en ce qui concerne la gravité du crime, que l’on évalue les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous‑jacentes à la déclaration de culpabilité […] En d’autres termes, peu importe la présomption de gravité qui peut s’appliquer à un crime en droit international ou selon la loi de l’État d’accueil, cette présomption peut être réfutée par le jeu des facteurs précités. On ne met toutefois pas en balance des facteurs étrangers aux faits et aux circonstances sous‑jacents à la déclaration de culpabilité comme, par exemple, le risque de persécution dans le pays d’origine [...]

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[31]           La thèse portant que le crime peut être considéré comme étant moins grave des années après avoir été commis parce que le demandeur d’asile s’est réadapté et qu’il ne représente plus un danger pour le public semble démentie par ces observations. La réadaptation est incontestablement un facteur « étranger aux faits et aux circonstances sous‑jacents à la déclaration de culpabilité ». Il ne doit donc pas être mis en balance avec la présumée gravité du crime découlant du fait que, s’il avait été commis au Canada, il constituerait un crime punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

[32]           M. Febles soutient toutefois que, bien que l’arrêt Jayasekara décide que le fait d’avoir purgé sa peine ne permet pas au demandeur d’asile de se soustraire à l’application de l’alinéa 1Fb), il s’agit quand même d’un facteur dont la SPR peut tenir compte. Si la SPR peut tenir compte du fait que le demandeur d’asile a purgé sa peine, elle peut, à son avis, également tenir compte de faits survenus depuis sa déclaration de culpabilité, y compris sa réadaptation.

 

[33]           À cet égard, M. Febles attire notre attention sur le paragraphe 41 des motifs du juge Létourneau dans lequel ce dernier observe que, si l’on doit tenir compte de la durée de la peine pour l’application de l’alinéa 1Fb) ou encore du fait que la peine a été purgée, « il ne faut pas considérer ces facteurs isolément ». Je ne puis toutefois accorder la même importance que M. Febles à cette observation isolée du fait que la peine a été purgée.

 

[34]           Tout d’abord, dans l’analyse qui suit le paragraphe 41, le juge Létourneau explique pourquoi la durée de la peine n’est pas un indice fiable de la gravité du crime, ajoutant que ce facteur a une valeur limitée pour apprécier la gravité du crime. Le juge ne mentionne même pas l’importance que revêt le fait que le détenu a purgé ou non sa peine. En deuxième lieu, la durée de la peine ou le fait que l’intéressé l’a purgée ne font pas partie des facteurs énumérés au paragraphe 44 et qui sont susceptibles de réfuter la présomption de gravité découlant de la peine maximale qui pourrait être infligée si le crime avait été commis au Canada. Troisièmement, interpréter la jurisprudence Jayasekara de manière à conférer au commissaire de la SPR le pouvoir discrétionnaire de tenir compte du fait que l’intéressé a purgé sa peine favoriserait probablement un manque d’uniformité dans la jurisprudence de la SPR, voire une tendance à l’arbitraire.

 

[35]           En résumé, j’abonde dans le sens du juge Mosley lorsqu’il affirme, dans la décision Camacho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 789, au paragraphe 16, qu’il découle du raisonnement suivi dans l’arrêt Jayasekara que les questions de savoir si le demandeur d’asile s’est réadapté ou s’il constitue un danger pour le public au Canada ne sont pas des circonstances atténuantes dont la SPR doit tenir compte pour décider si le crime est « grave » au sens de l’alinéa 1Fb). Ces facteurs sont « étrangers aux faits et aux circonstances sous‑jacents à la déclaration de culpabilité ».

 

b) La l’arrêt Jayasekara doit-elle être suivie?

[36]           À titre subsidiaire, M. Febles soutient que le raisonnement suivi dans l’arrêt Jayasekara est erroné et qu’on ne devrait pas le suivre. Il relève ce qu’il affirme être deux erreurs dans le raisonnement suivi par la Cour. En premier lieu, la Cour aurait commis une erreur en opinant une distinction entre les faits de la présente espèce et ceux de l’affaire Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.) (Chan) au motif que des modifications importantes avaient été apportées à la loi depuis le prononcé de l’arrêt Chan. En second lieu, les jurisprudences citées à l’appui des observations du paragraphe 44 ne vont pas, en fait, dans le sens de celles‑ci.

 

[37]           Pour pouvoir discuter le premier point, il est nécessaire de relater brièvement l’historique de l’interprétation que notre Cour a faite de l’alinéa section 1Fb).

 

[38]           L’arrêt Chan a décidé que l’alinéa 1Fb) visait le demandeur d’asile qui tentait de se soustraire à son extradition du Canada et non celui qui avait été reconnu coupable d’un crime à l’extérieur du Canada et qui n’avait pas purgé sa peine avant d’être admis au Canada. La Cour a déclaré qu’interpréter la clause d’exclusion comme visant cette dernière catégorie de demandeurs d’asile serait contraire à l’économie de la loi et

 

aurait pour effet d’empêcher une telle personne, automatiquement et à tout jamais, de revendiquer le statut de réfugié, et ce même si sa revendication était valable ou si elle pouvait justifier auprès du ministre de sa réadaptation.

 

En particulier, la Cour a observé que le fait d’avoir commis un crime ne rend pas automatiquement son auteur interdit de territoire si le MCI conclu qu’il s’est réadapté. Dans le passage précité, la Cour laisse peut-être entendre que les criminels condamnés qui ont purgé leur peine peuvent être exclus par application de l’alinéa 1Fb) s’ils représentent un danger pour le public au Canada.

 

[39]           Notre Cour a, par la suite, retenu une conception plus large de l’alinéa 1Fb) que celle proposée par l’arrêt Chan. Ainsi, dans l’affaire Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, [2003] 3 C.F. 761, le demandeur d’asile se fondait sur la l’arrêt Chan pour soutenir que l’alinéa 1Fb) ne s’appliquait pas dans son cas parce qu’il ne pouvait être extradé pour les crimes à l’égard desquels il existait des raisons sérieuses de penser qu’il les avait commis, en l’occurrence, complicité par association relativement à des crimes graves de droit commun commis par une organisation au sein de laquelle il jouait un rôle de dirigeant.

 

[40]          La Cour ne retient pas cette thèse. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Nadon a observé (aux paragraphes 66 et 79 en particulier) que le demandeur d’asile pouvait être exclu par application de l’alinéa 1Fb) lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il a commis un crime grave de droit commun. Le juge a expliqué qu’à cette fin, il importe peu que le demandeur ne puisse pas être extradé parce que, par exemple, le Canada n’avait pas conclu de traité d’extradition avec l’État où le demandeur d’asile aurait commis son crime ou encore parce qu’un crime précis ne pouvait être attribué au demandeur d’asile.

 

[41]           Dans ses motifs concourants, le juge Décary (aux paragraphes 118 à 129) a passé en revue les divers objectifs que l’alinéa 1Fb) était censé viser, y compris (au paragraphe 118) :

[…] s’assurer que le pays d’accueil puisse protéger sa propre population en fermant ses frontières à des criminels qu’il juge indésirables en raison de la gravité des crimes ordinaires qu’il les soupçonne d’avoir commis.

 

Il a ainsi explicité cet objectif (au paragraphe 119) :

[…] [Cet objectif] indique que les signataires, s’ils sont prêts à sacrifier leur souveraineté, voire leur sécurité, quand il s’agit d’auteurs de crimes politiques, entendent au contraire les préserver, pour des raisons de sécurité et de paix sociale, quand il s’agit d’auteurs de crimes ordinaires graves. [Il] indique aussi que les signataires ont voulu s’assurer que la Convention soit acceptée par la population d’accueil qui ne risque pas d’être forcée, sous le couvert du droit d’asile, à côtoyer des individus particulièrement dangereux.

 

[42]          Je tiens à préciser qu’à la différence de M. Febles, M. Zrig n’avait été reconnu coupable d’aucun crime et, à plus forte raison, n’avait pas purgé de peine. Ainsi, pour expliquer sa conception des objectifs de l’alinéa 1Fb), le juge Décary n’était pas appelé se prononcer sur la question précise en litige dans le présent appel, à savoir, celle de savoir si l’alinéa 1Fb) vise le demandeur d’asile qui a purgé sa peine pour un crime qui, s’il avait été commis au Canada, serait punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, mais ne représente plus de danger pour le public.

 

[43]           Il ressort donc à l’évidence de l’arrêt Zrig que, même avant que l’arrêt Jayasekara soit rendu, la Cour avait écarté l’enseignement de l’arrêt Chan portant que l’alinéa 1Fb) sert uniquement à empêcher le demandeur d’asile d’éviter l’extradition. L’arrêt Jayasekara a donné le coup de grâce à l’arrêt Chan en décidant que l’alinéa 1Fb) ne cesse pas de s’appliquer parce que le demandeur d’asile a été reconnu coupable d’un crime grave et a purgé sa peine. Cet enseignement était en germe dans les observations du juge Décary dans l’arrêt Zrig; il a déclaré (au paragraphe 129) que l’alinéa 1Fb) permettait à un État d’exclure les auteurs de crimes graves, qu’ils aient été ou non reconnus coupables et qu’ils aient ou non purgé les peines qui leur avaient été infligées.

 

[44]           De plus, en excluant les faits « étrangers aux faits et aux circonstances sous‑jacents à la déclaration de culpabilité » des facteurs dont les tribunaux peuvent tenir compte pour apprécier la gravité d’un crime, la Cour a, par l’arrêt Jayasekara, effectivement rejeté l’enseignement de l’arrêt Chan suivant lequel l’alinéa 1Fb) n’exclut pas le demandeur d’asile qui a purgé sa peine à moins, peut‑être, qu’il constitue un danger pour le public au Canada.

 

[45]           Je suis disposé à présumer, aux fins du présent appel, que, par l’arrêt Jayasekara, la Cour a commis une erreur en déclarant que les modifications apportées à la loi ont affaibli l’enseignement de l’arrêt Chan suivant lequel une interprétation plus large de l’alinéa 1Fb) est incompatible avec l’économie de la loi. Quoi qu’il en soit, cette erreur ne constitue pas une raison suffisante pour conclure que l’arrêt Jayasekara est mal fondée et ne doit pas être suivie. Après avoir approuvé les objectifs multiples visés par l’alinéa 1Fb) que le juge Décary a énumérés dans l’arrêt Zrig et après avoir passé en revue la jurisprudence internationale, la Cour entendait de toute évidence reformuler les règles de droit applicables. Dans ces conditions, cette présumée erreur est sans conséquence. À la lumière des arrêts Zrig et Jayasekara, il est évident que l’arrêt Chan n’est plus d’actualité.

 

[46]           Je ne retiens pas non plus le second moyen soulevé par M. Febles pour soutenir que l’arrêt Jayasekara est mal fondée en ce sens que la jurisprudence citée par la Cour dans cette décision ne va pas dans le sens des thèses formulées au paragraphe 44 des motifs. À mon avis, on pourrait soutenir qu’une seule de ces décisions (Miguel‑Miguel c. Gonzales, 500 F.3d 941) n’était pas directement pertinente, ce qui n’est pas une raison pour conclure que l’arrêt Jayasekara est mal fondée.

            c) Interprétation de l’alinéa 1Fb)

[47]           Voilà qui suffit pour trancher l’appel. Néanmoins, comme les parties ont longuement débattu le sens de l’alinéa 1Fb) dans le contexte de la LIPR et comme cette question est importante, je discuterai la thèse plus générale de M. Febles portant que l’arrêt Jayasekara ne doit pas être suivie parce qu’elle repose sur une compréhension fondamentalement erronée des objectifs de l’alinéa 1Fb) et qu’il rend incohérent l’économie de la LIPR en matière de criminalité.

 

[48]           La thèse de M. Febles est que l’alinéa 1Fb) vise d’abord et avant tout les demandes d’asile présentées par les personnes qui fuient la justice dans un pays où elles sont soupçonnées avoir commis un crime grave de droit commun. Cette disposition est censée ne viser qu’exceptionnellement les personnes qui ont purgé leur peine et qui continuent à représenter un danger pour l’État d’accueil.

 

[49]           Cette thèse est confirmée par les Principes directeurs sur la protection internationale : Application des clauses d’exclusion : article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) (HCR/GIP/03/05, 4 septembre 2003) (les principes directeurs). Suivant le paragraphe 23 de ces principes directeurs, on peut tenir compte de toute manifestation de regret exprimée par la personne concernée pour determiner si son exclusion est justifiée ou non. Le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés de l’UNHCR (HCR/1P/4/FRE/REV.1, Genève, réédition janvier 1992, UNHCR 1979) précise également que l’alinéa 1Fb) a pour objet d’accorder aux États d’accueil la possibilité de refuser l’asile aux criminels dangereux (paragraphes 148 et 157).

 

[50]           Ces documents ne peuvent commander l’interprétation de la Convention. À mon avis, compte tenu du libellé de l’alinéa 1Fb), de ses objectifs connus, de l’économie de la LIPR et de la jurisprudence internationale, on doit interpréter ce texte de manière à ne pas tenir compte de la réadaptation et de la dangerosité actuelle du demandeur d’asile lorsqu’on apprécie la gravité du crime qu’il a commis avant son arrivée au Canada.

 

            (i) Libellé

[51]           L’alinéa  1Fb) vise les « crimes graves de droit commun ». Il est libellé en termes très généraux. À la différence d’autres dispositions de la LIPR, le législateur n’a pas expressément limité l’application de l’article premier de la Convention aux demandeurs d’asile qui représentent un danger actuel pour la population canadienne. Le juge doit, en principe, écarter toute interprétation qui l’amènerait à ajouter des termes à la loi : R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, au paragraphe 26; voir également S. c. Status Appeals Authority, [1998] 2 NZLR 291 (CA), dans lequel ce principe d’interprétation a été appliqué à l’alinéa 1Fb).

 

[52]           À mon avis, le sens ordinaire du libellé de l’alinéa 1Fb) est le suivant : pour décider si le crime est grave, lorsqu’il s’agit d’exclure, ou non, le demandeur d’asile, il faut tenir compte des faits énumérés par notre Cour par l’arrêt Jayasekara. La gravité du crime doit être appréciée en fonction du moment où il a été commis. La gravité du crime ne change pas avec le temps et le fait que le demandeur d’asile s’est par la suite réadapté et qu’il a cessé de représenter un danger pour la société n’y change rien non plus.

 

            (ii) Objectifs

[53]           L’interprétation d’une disposition législative doit toujours se faire en fonction des objectifs de la disposition en question. Toutefois, lorsque le sens du texte de la loi semble clair et non équivoque, l’objectif visé par la loi perd un peu de son importance dans ce processus interprétatif bien que « les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux » (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54 (CanLII), [2005] 2 RCS 601, au paragraphe 10).

 

[54]           L’argument central de M. Febles est que, comme il a purgé sa peine, et qu’il ne fuit donc plus la justice américaine, le seul objectif de l’alinéa 1Fb) qui est pertinent, en ce qui concerne les faits de l’espèce, est celui de la protection du public canadien contre les individus qui sont actuellement des criminels dangereux.

 

[55]           Il soutient, par conséquent, que la SPR ne pouvait l’exclure du régime de protection des réfugiés qu’après avoir recherché s’il s’était réadapté et s’il représentait un danger actuel pour le public au Canada. Il soutient que toute interprétation de l’alinéa 1Fb) qui engloberait les personnes qui ne sont pas des fugitifs et qui se sont réadaptées et ne représentent pas un danger pour le pays d’accueil serait inéquitable.

 

[56]           Je rejette cette thèse. Selon moi, l’argument de M. Febles simplifie à l’excès les objectifs qui sous‑tendent l’alilnéa 1Fb). Dans l’arrêt Jayasekara, le juge Létourneau a cité et approuvé (au paragraphe 28) la définition des divers objectifs de l’alinéa 1Fb) proposée par le juge Décary dans l’arrêt Zrig, que j’ai déjà reproduite au paragraphe 41 des présents motifs.

 

[57]           Le juge Décary n’était évidemment pas saisi de la question soulevée dans le présent appel. On ne sait pas avec certitude s’il était d’avis que les objectifs de l’alinéa 1Fb) commandaient l’examen distinct de la dangerosité actuelle du demandeur d’asile ou s’il estimait que la dangerosité du demandeur d’asile était un aspect inhérent du crime commis.

 

[58]           Toutefois, la question dont nous sommes présentement saisis a récemment été examinée par la Cour européenne de justice et par la Cour administrative fédérale allemande dans une affaire mettant en cause un demandeur d’asile qui n’avait pas fini de purger sa peine en Turquie lorsqu’il est arrivé en Allemagne, où il a demandé l’asile. Les tribunaux ont déclaré que l’alinéa  1Fb), qui est incorporé aux lois de l’Union européenne par la Directive 2004/83/EC, n’exige pas que le demandeur d’asile qui a été condamné pour un crime grave représente par ailleurs un danger actuel pour l’État d’accueil. Comme le droit international doit être interprété de façon aussi uniforme que possible, notre Cour doit accorder une grande importance au jugement prononcé par les juridictions supérieures d’autres pays sur la question précise qui nous est déférée en l’espèce.

 

[59]           Ainsi, dans l’arrêt B (Liberté, Sécurité et Justice), [2010] CEJUE C‑57/09 (B), la Cour européenne dit, au paragraphe 104 :

[…] les causes d’exclusion dont il est question ont été instituées dans le but d’exclure du statut de réfugié les personnes jugées indignes de la protection qui s’y attache et d’éviter que l’octroi de ce statut permette à des auteurs de certains crimes graves d’échapper à une responsabilité pénale. Dès lors, il ne serait pas conforme à ce double objectif de subordonner l’exclusion dudit statut à l’existence d’un danger actuel pour l’État membre d’accueil. [Non souligné dans l’original]

 

 

[60]           La Cour fédérale administrative allemande (BVerwG 10 C 48.07 OVG 8 A 2632/06.A, 14 octobre 2008), qui avait déféré B à la Cour européenne, a examiné en profondeur les objectifs de l’alinéa 1Fb) en examinant les travaux préparatoires. Voici ses observations (aux paragraphes 29 et 30) : 

            [traduction]

[Les clauses d’exclusion] visent à empêcher le recours abusif au droit d’asile en empêchant qu’il soit accordé à des demandeurs qui ne le méritent pas.

 

[…]

 

Suivant les Travaux Préparatoires [de la Convention], la différence fondamentale entre les motifs d’exclusion – rattachés à une inconduite personnelle antérieure – et les exceptions au principe du non‑refoulement – censées protéger le pays d’accueil –ressortait à l’évidence des délibérations. Dans le cas des clauses d’exclusion, le facteur décisif aux yeux des représentants des États n’était pas la question de savoir si le réfugié représentait un danger actuel pour l’État d’accueil, mais bien la distinction à faire entre les réfugiés « authentiques » et les criminels [...] Les personnes visées par les clauses d’exclusion en raison de leur inconduite ne devaient pas être mises sur le même pied que les « réfugiés authentiques ». L’objectif visé était d’éviter de discréditer le statut de réfugié en englobant des criminels dans le groupe des réfugiés reconnus (des réfugiés dont les actes seraient susceptibles de discréditer le statut de réfugié [...] On ne trouve dans les documents de base de la Convention de Genève sur le statut de réfugié ou dans la coutume internationale rien qui confirme l’avis de l’UNHCR suivant lequel la raison pour laquelle on considère que la commission d’un crime grave de droit commun justifie l’exclusion s’explique par l’objectif de protéger la population du pays d’accueil contre le danger que représente l’admission d’un réfugié qui a commis un crime grave de droit commun. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[61]           La Cour a formulé sa conclusion de façon succincte (au paragraphe 28) :

[traduction]

Le simple fait de considérer que quelqu’un est « indigne de protection » en raison d’actes commis dans le passé suffit pour faire jouer les clauses d’exclusion; il n’est pas nécessaire que l’étranger représente le même danger que celui qu’il représentait antérieurement par ses agissements.

 

 

[62]           En effet, il ressort à l’évidence des Travaux préparatoires que les rédacteurs n’avaient pas l’intention de limiter la clause d’exclusion aux seuls fugitifs recherchés par la justice. Je suis toutefois moins certain que ne l’étaient les tribunaux dans l’arrêt B que les Travaux préparatoires démontrent de façon concluante que les rédacteurs avaient l’intention d’exclure les autres demandeurs d’asile ayant de lourds antécédents judiciaires, même s’ils se sont réadaptés et qu’ils ne représentent plus un danger. Une grande partie du débat portait sur la définition des crimes qui auraient pour effet d’exclure le demandeur du régime de protection des réfugiés, et de la préoccupation du représentant du Royaume‑Uni suivant laquelle les auteurs de délits mineurs ne devaient pas être exclus. En revanche, je ne relève dans les Travaux préparatoires aucune indication d’une intention des délégués de n’exclure du régime de protection des réfugiés que les criminels reconnus coupables de crimes graves qui ont purgé leur peine et qui représentent toujours un danger.

 

[63]           Je conclus donc que les objectifs de l’alinéa 1Fb) ne restreignent pas de façon aussi claire la portée prévue de cette disposition à la protection de l’État d’accueil contre les criminels qui représentent un danger actuel pour l’État d’accueil de manière à justifier une interprétation nettement plus étroite que celle que commande le sens ordinaire du texte.

 

            (iii) Contexte législatif

[64]           M. Febles soutient qu’un des thèmes qui revient le plus fréquemment dans la LIPR est que les conséquences néfastes auxquelles donne lieu la grande criminalité peuvent être atténuées si le demandeur d’asile convainc le MCI qu’il s’est réadapté. Il serait donc à son avis incompatible avec le régime législatif de la LIPR d’interpréter l’alinéa 1Fb) de manière à exclure du régime de protection des réfugiés les personnes qui ont commis des crimes graves à l’extérieur du Canada peu importe le temps écoulé depuis que ces crimes ont été commis ou indépendamment de la question de savoir s’ils se sont réadaptés ou s’ils ne représentent plus un danger pour le public.

 

[65]           Le problème que pose cet argument réside, à mon avis, dans le fait qu’il n’accorde pas suffisamment d’importance aux divers objectifs visés par les dispositions en question. La demande est irrecevable si le demandeur d’asile est interdit de territoire pour grande criminalité parce qu’il a été reconnu coupable d’un crime à l’extérieur du Canada et que le ministre estime qu’il constitue un danger pour le public au Canada (LIPR, alinéa 101(1)f) et 101(2)b)). Ces dispositions visent notamment à faciliter le renvoi rapide des personnes dangereuses du Canada Harris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 235, [2001] 4 C.F. 495, au paragraphe 28).

 

[66]           Il n’y a aucune contradiction entre la décision de l’agent de l’ASFC de ne pas demander au MCI son avis au sujet de la recevabilité de la demande d’asile de M. Febles en raison de la dangerosité de celui‑ci et la décision du MSPPC d’intervenir devant la SPR pour plaider que l’alinéa 1Fb) exclut M. Febles de la définition de réfugié en raison des déclarations de culpabilité dont il a fait l’objet. Les critères régissant la recevabilité et l’exclusion ne sont tout simplement pas les mêmes.

 

[67]           Le fait de représenter un danger pour le public canadien est également un facteur pertinent suivant les dispositions de la LIPR lorsqu’il s’agit de procéder à l’examen des risques avant le renvoi. Ainsi, selon les dispositions législatives applicables en l’espèce, pour examiner la demande de protection présentée par M. Febles, qui est interdit de territoire pour grande criminalité, le MCI tiendrait compte des risques énumérés à l’article 97 de la LIPR et de la question de savoir s’il représente un danger pour le public (alinéa 112(3)b) et sous‑alinéa 113d)(i)). Ainsi, la protection du public contre les criminels reconnus coupables qui représentent un danger actuel pour le Canada est susceptible de l’emporter sur la demande de protection.

 

[68]           Si la demande de protection de M. Febles était accueillie dans le cadre de l’ERAR, au motif que les risques auxquels il serait personnellement exposé s’il devait retourner dans son pays l’emportent sur ceux auxquels le public canadien ferait face s’il demeurait au Canada, il y aurait sursis de la mesure de renvoi le visant (paragraphe 114(1)b)). En outre, l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) empêchera normalement le MCI de renvoyer une personne dans un pays où les droits qu’elle tire de la Charte risquent d’être mis en péril (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 58).

 

[69]           Il se peut que le fait pour M. Febles de demander au MCI, en vertu des dispositions de la LIPR relatives aux ERAR, de lui accorder un sursis à l’exécution de son renvoi, et de l’obtenir, ne soit pas aussi satisfaisant pour lui sur le plan tant de la forme que du fond qu’une demande présentée à la SPR en vue d’obtenir le droit d’asile avec tous les droits afférents à ce statut. Néanmoins, cette protection serait conforme au principe du non‑refoulement qui s’applique dans le cas des personnes qui sont exclues du régime de protection des réfugiés pour grande criminalité, mais qui risquent, si elles sont expulsées, la mort, la torture, ou des traitements ou peines cruels et inusités, ou encore d’être privées d’autres droits garantis par l’article 7 de la Charte.

 

[70]           La possibilité pour des criminels jugés non dangereux de bénéficier d’une protection en vertu des dispositions relatives à l’ERAR permet, dans une large mesure, de répondre à l’argument de M. Febles suivant lequel il est inéquitable de refuser le droit d’asile à des personnes en raison de leurs antécédents judiciaires et du contexte factuel sans se demander si elles représentent toujours un danger.

 

[71]           M. Febles soutient également qu’une interprétation large de l’alinéa 1Fb) est incompatible avec l’alinéa 36(3)c), lequel dispose que l’intéressé n’est pas interdit de territoire s’il convainc le MCI de sa réadaptation et s’il satisfait aux critères énumérés à l’alinéa 36(3)c). Qu’il suffise de dire que les objectifs visés par les dispositions relatives à l’interdiction de territoire sont différents de ceux que l’on trouve à l’alinéa 1Fb).

 

[72]           Par exemple, une des raisons invoquées pour exclure les demandeurs d’asile qui ont commis des crimes graves semble être la protection de l’intégrité du processus d’asile. Or, il n’est pas nécessaire de savoir si l’intéressé représente un danger actuel pour la société pour atteindre cet objectif. De plus, comme nous l’avons déjà signalé, les personnes exclues du régime de protection des réfugiés pour grande criminalité peuvent quand même être autorisées à demeurer au Canada si elles sont exposées à des risques précis dans le pays où elles pourraient par ailleurs être renvoyées.

 

[73]           En résumé, il n’existe à mon avis aucune contradiction entre une interprétation large de l’alinéa 1Fb) et d’autres dispositions de la LIPR portant sur la criminalité qui appellerait une lecture restrictive de l’alinéa 1Fb) dont la portée est large, de la manière avancée par M. Febles. Vu l’économie de la LIPR, il me semble que, si le législateur entendait faire de la réadaptation un facteur pertinent, il l’aurait dit expressément.

 

G.        DÉCISION

[74]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel et je répondrais comme suit à la question certifiée.

 

Question :       Lorsque la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié applique la section Fb) de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies la réhabilitation de l’intéressé depuis la perpétration des crimes en cause est‑elle un facteur pertinent à prendre en considération?

 

Réponse :       Non.

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

« Je souscris à ces motifs. »

La juge K. Sharlow

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B.


LE JUGE STRATAS (motifs concourants)

 

[75]           Je tiens à formuler quelques observations au sujet de l’analyse de mon collège sur la norme de contrôle applicable (aux paragraphes 22 à 25 de ses motifs). Je tiens notamment à commenter son idée que la nécessité d’uniformité, s’agissant de l’interprétation de l’alinéa 1Fb), constitue un facteur qui milite en faveur du contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte.

 

[76]           Une interprétation universelle uniforme des dispositions des conventions internationales est peut‑être souhaitable. Toutefois, tout dépend de la nature des dispositions à interpréter ainsi que de la qualité et de l’acceptabilité des interprétations retenues par les juridictions étrangères. Ainsi, il est possible que les interprétations faites par des tribunaux étrangers ne correspondent pas toujours aux valeurs et aux principes auxquels nous adhérons. À mon avis, le paragraphe 4 de l’arrêt Jayasekara, précité, ne dit rien de différent à ce sujet.

 

[77]           Dans des situations particulières, nos cours de justice sont bien placées pour décider si leurs décisions devraient être conformes à celles des juridictions étrangères. Mais certains de nos tribunaux administratifs sont tout aussi bien placés pour procéder à cette évaluation – et sont parfois mieux placés que les cours de justice –, forts de leurs connaissances spécialisées, de leur familiarité avec les politiques et de leur expertise. Dans certains cas, il se peut qu’ils soient justifiés de procéder au contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable plutôt que suivant la norme de la décision correcte.

 

[78]           Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême a défini certaines catégories de questions qui commandent l’application de la norme de contrôle judiciaire de la décision correcte. L’interprétation des dispositions des conventions internationales n’en fait pas partie et ne devrait pas en faire partie. Les conventions internationales portent sur de nombreux sujets, dont certains sont fort techniques et pointus. Certains de ces sujets peuvent bénéficier des interprétations et des lumières des tribunaux administratifs, compte tenu de leurs connaissances spécialisées, de leur familiarité avec les politiques et de leur expertise. Là encore, on est parfois justifié de procéder au contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable plutôt que suivant la norme de la décision correcte.

 

[79]           En dernière analyse, le choix de la norme de contrôle ne change rien, en pratique, dans le cas qui nous occupe :

 

●          Contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Les motifs convaincants avancés par mon collège démontrent amplement que l’interprétation que la SPR a faite de l’alinéa 1Fb) fait largement partie des issues acceptables et défendables; elle résiste donc au contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable.

 

●          Contrôle selon la norme de la décision correcte. La question de la norme de contrôle n’a pas été expressément abordée dans l’arrêt Jayasekara, précité, mais je suis d’accord pour dire que le raisonnement suivi dans cet arrêt évoque un contrôle selon la norme de la décision correcte. Si, comme mon collègue le laisse entendre, on doit adopter en l’espèce la norme de la décision correcte conformément au paragraphe 62 de l’arrêt Dunsmuir, précité, son raisonnement démontre amplement que la décision de la SPR est correcte.

 

[80]           Pour ce motif, je souscris à l’argument du ministre suivant lequel nous n’avons pas à nous prononcer sur la norme de contrôle applicable en l’espèce.

 

[81]           Sous réserve de ces observations, je souscris aux motifs exposés par mon collègue.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑379‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  FEBLES c
MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 19 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE EVANS

 

Y A SOUSCRIT :                                         LA JUGE SHARLOW

MOTIFS CONCORDANTS :                     LE JUGE STRATAS

 

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 7 décembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jared Will

Peter Shams

 

POUR L’APPELANT

 

Normand Lemyre

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jared Will

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANT

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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