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Date : 20130110

Dossier : A‑336‑12

Référence : 2013 CAF 3

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE GAUTHIER

 

ENTRE :

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

appelant

et

LEVOLOR HOME FASHIONS CANADA

intimée

et

REGAL IDEAS INC.

 

intimée

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2013.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2013.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LA JUGE DAWSON

LA JUGE GAUTHIER


Date : 20130110

Dossier : A‑336‑12

Référence : 2013 CAF 3

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE GAUTHIER

 

ENTRE :

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

appelant

et

LEVOLOR HOME FASHIONS CANADA

intimée

et

REGAL IDEAS INC.

 

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté, en application de l’article 62 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation L.R.C. 1985, ch. S‑15 (la LMSI), à l’encontre d’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE), AP‑2011‑015, [2012] T.C.C.E. n° 78, par laquelle la majorité de la formation de trois membres a statué qu’une exclusion visant des extrusions d’aluminium s’appliquait à des marchandises importées par l’intimée Levolor Home Fashions Canada. Le membre dissident en serait arrivé à une conclusion contraire.

 

[2]               L’exclusion en cause avait été accordée par le TCCE dans une décision antérieure (Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ‑2008‑003, [2009] T.C.C.E. n° 56, à la p. iii, dans les termes suivants :

 

Les extrusions d’aluminium fabriquées d’un alliage de type 6063 dont la désignation de l’état est T5, d’une longueur de 3,66 m, enduites d’un fini de poudre, ce fini respectant les exigences de la norme AAMA 2603 de la American Architectural Manufacturers Association [AAMA], « Voluntary Specification, Performance Requirements and Test Procedures for Pigmented Organic Coatings on Aluminium Extrusions and Panels » (Spécification volontaire, exigences de rendement et procédures d’essai pour les revêtements organiques pigmentés sur les extrusions d’aluminium et les panneaux [traduction]), destinées à être utilisées en tant que caissons supérieurs et caissons inférieurs pour les stores et les toiles en tissu alvéolaire.

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[3]               La question à trancher dans le présent appel concerne le sens à donner aux mots soulignés de l’exclusion. Les membres de la majorité ont statué que la portée de l’exclusion s’étendait aux marchandises attestées comme respectant la norme AAMA, même si la certification n’émanait pas de l’AAMA elle‑même. Ils ont statué subsidiairement que, si le certificat devait être délivré par l’AAMA, il pouvait comme en l’espèce être valablement obtenu et produit postérieurement à l’importation. Le membre dissident a étayé de motifs détaillés son opinion contraire. 

 

[4]               L’appelant reconnaît que la question soulevée en appel est une question de droit – le paragraphe 62(1) de la LMSI ne permettant d’en appeler que d’une question de droit – et concède que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Owen & Co. c. Globe Spring & Cushion Co., 2010 CAF 288, au paragraphe 4).

 

[5]               Dans son argumentation en appel, l’appelant nous prie essentiellement de souscrire à la décision du membre dissident, laquelle constituerait selon lui la « bonne » opinion (mémoire de l’appelant, au paragraphe 26).

 

[6]               Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour suprême a exposé la manière dont il convenait d’appliquer la norme de la décision raisonnable (au paragraphe 47):

 

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. [La Cour a repris cette démarche dans Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, aux paragraphes 13 et 16 à 18.]

 

 

[7]               Le rôle joué par les cours d’appel dans l’application de cette norme aux questions de droit se démarque nettement du rôle classique qui a été traditionnellement le leur. Nous ne sommes donc pas tenus de choisir laquelle des deux opinions contradictoires exprimées par les membres du TCCE est la bonne, ni même celle qui nous semble être la plus juste – c.‑à‑d. la plus raisonnable. S’il est établi que l’opinion des membres majoritaires appartient aux issues possibles acceptables susmentionnées, il nous faut confirmer la décision.

 

[8]               À cet égard, les membres majoritaires ont clairement indiqué sur quoi ils avaient fondé leur conclusion. Ils ont expliqué que l’exclusion n’emporte pas l’obligation pour les extrusions d’être attestées « par l’AAMA », mais seulement de respecter la norme AAMA (motifs, aux paragraphes 20 à 22) :

 

20. Le sens courant des termes utilisés dans l’Exclusion n’exige pas qu’un importateur présente un certificat délivré par l’AAMA au moment de l’importation; la position de l’ASFC, en l’espèce, exigerait que le Tribunal y inclue par interprétation une telle exigence, ce qu’il ne peut faire en droit.

 

21. D’ailleurs, lorsque l’intention du Tribunal était de faire de la production d’un certificat au moment de l’importation une condition indispensable pour se prévaloir des avantages d’une exclusion, il l’a exprimé de façon explicite et précise, comme il l’a fait dans Sucre raffiné, de la manière suivante :

 

9. Le sucre biologique qui satisfait aux exigences de la norme no CAN/CGSB‑32.310‑99 (Agriculture biologique) de l’Office des normes générales du Canada, de la Federal Organic Foods Production Act of 1990 des États‑Unis ou des règles y afférent, ou du règlement no EN2092/94 (Règlement biologique) de l’Union européenne, dans la mesure où il est assorti d’un certificat de transaction attestant de la conformité à la norme et signé par un organisme de certification accrédité conformément au Guide 65 de l’ISO.

[Nos italiques]

 

22. Contrairement aux exigences dans Sucre raffiné, l’Exclusion exige simplement que les marchandises respectent la Norme, mais ne précise pas les éléments de preuve nécessaires pour démontrer que les marchandises respectent la Norme ni le moment où ces éléments de preuve doivent être présentés.

 

 

[9]               Les membres majoritaires ont ensuite indiqué que les documents produits – c.‑à‑d. la fiche technique des produits et l’attestation du fabricant étranger – pouvaient satisfaire aux exigences de la norme (motifs, au paragraphe 24). La preuve démontrait d’ailleurs la conformité des marchandises en cause à la norme AAMA (motifs, au paragraphe 27). Les membres majoritaires ont enfin souligné que, même si on interprétait l’exclusion comme requérant la délivrance d’un certificat par l’AAMA, rien dans son libellé n’empêchait qu’un tel certificat soit, comme en l’espèce, obtenu et produit postérieurement à l’importation (motifs, aux paragraphes 28 et 29).

 

[10]           S’il est vrai que l’exclusion aurait pu faire l’objet d’une interprétation différente, il n’a pas été démontré qu’au vu des faits de l’espèce, le raisonnement suivi par les membres majoritaires pour lui donner effet était déraisonnable.

 

[11]           Je rejetterais l’appel avec dépens en faveur des deux intimées.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

        Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

        Johanne Gauthier, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑336‑12

 

INTITULÉ :                                                  Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et Levolor Home Fashions Canada et Regal Ideas Inc.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 8 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                    LA JUGE DAWSON

                                                                        LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 10 janvier 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alexandre Kaufman

 

Pour l’appelant

 

Wendy J. Wagner

 

POUR L’INTIMÉE

(Levolor Home Fashions Canada)

 

Gordon LaFortune

 

POUR L’INTIMÉE

(Regal Ideas Inc.)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour l’appelant

 

Gowling Lafleur Henderson, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

(Levolor Home Fashions Canada)

 

Gottlieb et associés

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

(Regal Ideas Inc.)

 

 

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