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Date : 20130204

Dossier : A-201-11

 

Référence : 2013 CAF 20

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER                 

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

RONALD EREISER

appelant

et

 

Sa Majesté la Reine

intimée

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 octobre 2012

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 février 2013

 

Motifs du jugement :                                                                   la juge SHARLOW

y ont souscrit :                                                                             le juge Pelletier

                                                                                                                  LE JUGE MAINVILLE



Date : 20130204

Dossier : A-201-11

 

Référence : 2013 CAF 20

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER                 

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

RONALD EREISER

appelant

et

 

Sa Majesté la Reine

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Notre Cour est saisie d’un appel et d’un pourvoi incident dirigés contre un jugement interlocutoire non publié du juge Hershfield de la Cour canadienne de l’impôt concernant l’appel interjeté par Ronald Ereiser à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Le jugement accueille en partie la requête du ministère public sollicitant la radiation de plusieurs paragraphes de l’avis d’appel modifié de monsieur Ereiser, déposé le 29 octobre 2010. Par les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel et le pourvoi incident.

Résumé des moyens de fait soulevés par l’avis d’appel

[2]               Je résumerai comme suit les moyens de fait soulevés par l’avis d’appel. Aux fins du présent appel, ces faits doivent être tenus pour véridiques, même s’ils n’ont pas été prouvés. Le ministère public n’a pas encore déposé ses moyens de défense.

 

[3]               Les années d’imposition en cause sont les années 1996 à 1998. Tout au long de cette période, M. Ereiser a exploité une entreprise dont la raison sociale était « Kerrobert Satellite and Cellular ». Ses dossiers d’entreprises étaient bien tenus et M. Ereiser a retenu les services de comptables compétents pour préparer ses états financiers et ses déclarations de revenus. Dans ces déclarations de revenus, M. Ereiser a déclaré des revenus d’entreprise bruts et nets d’environ 878 000 $ et 68 000 $ pour 1996, d’environ 509 000 $ et de 20 000 $ pour 1997 et d’environ 258 000 $ et 34 000 $ pour 1998. Les revenus d’entreprise nets déclarés ne reflètent pas les dépenses supplémentaires qu’il a engagées au cours de ces années et dont il aurait pu demander la déduction. Ses déclarations de revenus pour 1996 et 1997 ont été produites en 1998 et sa déclaration de revenus pour 1998 a été produite en 1999.

 

[4]               En octobre 2003, un [traduction] « enquêteur » (c’est-à-dire un fonctionnaire de la Division des enquêtes criminelles de l’Agence du revenu du Canada) a transmis à M. Ereiser une lettre lui proposant d’établir de nouvelles cotisations pour les années 1996, 1997 et 1998 pour ajouter des revenus totalisant 1,7 million de dollars et pour établir des pénalités pour faute lourde. La lettre de proposition déclarait que le dossier de M. Ereiser serait acheminé au ministère de la Justice avec la recommandation d’entamer une poursuite.

 

[5]               Aucune poursuite pénale n’a jamais été instituée. Divers enquêteurs ont néanmoins eu recours à la menace de nouvelles cotisations selon les montants mentionnés ci-dessus pour tenter de contraindre M. Ereiser à plaider coupable à des accusations pénales. Plus précisément, si M. Ereiser plaidait coupable à des accusations pénales, ils offraient d’établir de nouvelles cotisations selon des montants moindres afin que son obligation fiscale totale s’élève à environ 80 000 $. Le montant de cette obligation fiscale totale pour les trois années d’imposition en cause représente des revenus d’environ 28 000 $ par année.

 

[6]               En novembre 2006, l’enquêteur qui avait écrit la lettre de proposition a reconnu par écrit qu’elle contenait des erreurs, plus précisément que les montants devaient être rajustés pour refléter les [traduction] « coûts des ventes de cartes » et des [traduction] « inscriptions ayant fait l’objet d’une cotisation inexacte ». À cette époque, on a dit à M. Ereiser de plaider coupable et d’accepter l’offre, sinon les nouvelles cotisations proposées seraient appliquées. M. Ereiser ne voulait pas plaider coupable et il ne l’a pas fait.

 

[7]               Le 17 janvier 2008, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de M. Ereiser pour les années d’imposition 1996, 1997 et 1998. Les nouvelles cotisations correspondaient à la lettre de proposition et ne corrigeaient pas les erreurs mentionnées en novembre 2006. M. Ereiser nie avoir eu des revenus non déclarés selon les montants indiqués dans les cotisations.

 

[8]               Les enquêteurs étaient les fonctionnaires chargés des nouvelles cotisations. À l’Agence du revenu du Canada, les fonctions d’enquête et de vérification n’ont jamais été scindées. Les nouvelles cotisations sont fondées sur des éléments de preuve que les enquêteurs ont obtenus en violation des droits que tire M. Ereiser de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[9]               M. Ereiser a déposé des avis d’opposition le 14 avril 2008. Pendant qu’un agent des appels examinait ces oppositions, les enquêteurs ont continué d’affirmer, faussement, que M. Ereiser faisait l’objet d’une enquête pénale pour les années d’imposition 1996, 1997 et 1998. Ils en ont également informé l’agent des appels qui instruisait les oppositions, malgré les protestations faites pour le compte de M. Ereiser portant que cela porterait atteinte à l’impartialité de l’agent des appels. Les enquêteurs ont ultérieurement reconnu qu’il n’y avait aucune enquête pénale, mais les oppositions n’ont pas été confiées à un autre agent des appels.

 

[10]           En raison du fait que les enquêteurs auraient accepté d’établir de nouvelles cotisations en fonction de montants de revenus inférieurs si M. Ereiser avait convenu de plaider coupable et en raison du fait qu’un enquêteur avait reconnu que la lettre de proposition contenait des erreurs, les nouvelles cotisations ne peuvent pas avoir été fondées sur l’hypothèse de fait formulée par le ministre portant que M. Ereiser avait des revenus non déclarés selon les montants indiqués dans la lettre de proposition.

 

[11]           Les paragraphes 36 et 37 de l’avis d’appel déclarent que M. Ereiser n’a pas gagné de revenu net ainsi que l’établissent les nouvelles cotisations et qu’il n’a fait aucune présentation erronée des faits dans les déclarations de revenus concernant les années en cause. Aux fins du présent appel, j’ai assimilé ces déclarations à des dénégations de la part de M. Ereiser concernant le fondement factuel apparent des nouvelles cotisations. À mon avis, cela est approprié même si les dénégations figurent sous la rubrique [traduction] « Motifs invoqués ».

 

Les moyens soulevés par l’avis d’appel

[12]           Les paragraphes 26 à 30 de l’avis d’appel énoncent les moyens que soulève M. Ereiser pour attaquer les nouvelles cotisations. Je résume comme suit ces moyens :

 

a.       Les nouvelles cotisations doivent être annulées parce qu’elles ont été établies par suite d’une faute commise par les enquêteurs dans l’exercice d’une charge publique. La faute dans l’exercice d’une charge publique consistait en l’autorisation d’établir de nouvelles cotisations nettement gonflées en vue d’obtenir, par la contrainte, un plaidoyer de culpabilité à une accusation pénale.

 

b.      Subsidiairement, les nouvelles cotisations doivent être annulées parce que chacune d’elles a été établie après la période normale de cotisation à l’égard de l’année pertinente et le ministre ne peut prouver, au moyen d’éléments de preuve admissibles, que la période normale de nouvelle cotisation ne jouait pas.

 

c.       Subsidiairement encore, les nouvelles cotisations doivent être annulées parce que M. Ereiser n’avait pas de revenu non déclaré pour les années d’imposition 1996, 1997 et 1998.

 

La requête en radiation du ministère public

[13]           Le ministère public a déposé, devant la Cour canadienne de l’impôt, un avis de requête en radiation de plusieurs paragraphes de l’avis d’appel. L’accueil de la requête du ministère public aurait éliminé toute contestation de l’inclusion des revenus pour les années d’imposition 1996, 1997 et 1998, telle que plaidée, ne laissant subsister que l’attaque des pénalités imposées.

 

[14]           Aux fins de sa requête, le ministère public s’est appuyé sur l’article 53 et l’alinéa 58(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90‑688a. Voici les éléments pertinents de ces dispositions :

53. La Cour peut radier un acte de procédure ou un autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l’acte ou le document :

a) peut compromettre ou retarder l’instruction équitable de l’appel;

b) est scandaleux, frivole ou vexatoire;

c) constitue un recours abusif à la Cour.

53. The Court may strike out or expunge all or part of a pleading or other document, with or without leave to amend, on the ground that the pleading or other document,

 

(a) may prejudice or delay the fair hearing of the action,

(b) is scandalous, frivolous or vexatious, or

(c) is an abuse of the process of the Court.

[…]

 

58. (1) Une partie peut demander à la Cour, […]

b) soit de radier un acte de procédure au motif qu’il ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel,

et la Cour peut rendre jugement en conséquence.

58. (1) A party may apply to the Court, …

(b) to strike out a pleading because it discloses no reasonable grounds for appeal or for opposing the appeal,

and the Court may grant judgment accordingly.

(2) Aucune preuve n’est admissible à l’égard d’une demande, […]

b) présentée en vertu de l’alinéa (1)b).

(2) No evidence is admissible on an application, …

(b) under paragraph (1)(b).

 

 

[15]           Le juge Hershfield n’a accueilli la requête du ministère public qu’en partie. Son ordonnance énumère les paragraphes de l’avis d’appel qui doivent être radiés, ceux qui ne doivent pas l’être ou ceux dont l’énoncé doit être modifié. Il ressort de la transcription de l’audition de la requête du ministère public que les deux parties ont présenté des observations à l’égard de chacun des paragraphes de l’avis d’appel visé par la requête du ministère public. Il n’existe pas de motifs écrits distincts. Le juge Hershfield a formulé ses motifs verbalement au cours de l’audience et a inclus les considérants suivants dans le jugement :

[traduction] Après avoir formulé de vive voix des motifs au cours de l’audience de la requête [du ministère public] sollicitant la radiation, la non‑radiation ou la modification des passages précis de [l’avis d’appel], les deux parties ayant débattu chacun de ces passages, les motifs comportaient entre autres éléments, les suivants :

Le rejet de la thèse de [M. Ereiser] portant que la Cour a compétence, de façon inhérente ou autrement, pour connaître des questions de procédure menant à l’établissement d’une cotisation, nommément la faute commise dans l’exercice d’une charge publique, étant donné qu’il s’agit d’une cour créée par la loi et qu’en vertu de l’article 171 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la Loi) elle est appelée à établir le bien-fondé d’une cotisation, et étant donné qu’il est évident et manifeste que la Cour ne peut accueillir cet argument, compte tenu des précédents.

Le rejet de la prétention de [M. Ereiser] portant que toute exception à cette description de la compétence de la Cour, telle celle d’accorder réparation en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ou d’admettre des éléments de preuve touchant la partie qui a le fardeau de la preuve, s’applique aux allégations de faute de la part des agents de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC).

Sans empêcher que la question soit soulevée au procès, le rejet de l’argument [du ministère public] portant qu’une entente sur le plaidoyer proposée par [le ministère public] à l’égard d’une poursuite pénale était confidentielle était une communication « sous toutes réserves » relative à un règlement, compte tenu de la poursuite pénale, celle-ci étant une procédure distincte, étant donné qu’il ne s’agissait pas d’une offre de règlement à l’égard du présent appel; compte tenu des considérations d’intérêt public qui constituent le fondement pour accorder le privilège à des discussions relatives à un règlement, privilège qui ne s’applique pas à la preuve d’une entente sur le plaidoyer dans les cas où, comme l’a soutenu [M. Ereiser], une telle entente pourrait être raisonnablement être perçue comme une menace et non une offre, et dans les cas où une telle preuve peut, comme l’a fait valoir [M. Ereiser], être pertinente pour une question relative au fardeau de la preuve. […]

 

 

 

La norme de contrôle

[16]           La décision du juge d’accueillir ou de rejeter une requête en radiation est de nature discrétionnaire. Notre Cour confirme une telle décision en appel en l’absence d’une erreur de droit, d’une mauvaise appréciation des faits, de l’omission d’accorder le poids voulu à tous les facteurs pertinents ou d’une injustice évidente (voir par exemple, Collins c. Canada, 2011 CAF 140, au paragraphe 12; Domtar Inc. c. Canada, 2009 CAF 218, au paragraphe 24, Apotex Inc. c. Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CAF 374, au paragraphe 15; Elders Grain Co. c. M.V. Ralph Misener (Navire), 2005 CAF 139, au paragraphe 13, [2005] 3 R.C.F. 367; Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc., 2005 CAF 50, au paragraphe 9).

 

Analyse

(1) Critère relatif à la radiation d’actes de procédure

[17]           Le critère relatif à la radiation d’actes de procédure n’est pas controversé entre les parties. Se prononçant pour la Cour suprême du Canada par l’arrêt R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, au paragraphe 17, [2011] 3 R.C.S. 45, la juge en chef McLachlin l’a explicité de nouveau :

[…] l’action ne sera rejetée que s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable : Succession Odhavji c. Woodhouse, 2003 CSC 69, [2003] 3 R.C.S. 263, par. 15; Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, p. 980. Autrement dit, la demande doit n’avoir aucune possibilité raisonnable d’être accueillie. Sinon, il faut lui laisser suivre son cours : voir généralement Syl Apps Secure Treatment Centre c. B.D., 2007 CSC 38, [2007] 3 R.C.S. 83; Succession Odhavji; Hunt; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735.

 

 

 

Voir aussi, par exemple, Main Rehabilitation Co c. Canada, 2004 CAF 403, au paragraphe 3; Roitman c. Canada, 2006 CAF 266, au paragraphe 15; Domtar, précité, au paragraphe 21.

 

(2) L’appel interjeté par M. Ereiser

[18]           Selon le principal moyen d’appel de M. Ereiser, les nouvelles cotisations doivent être annulées parce qu’elles ont été établies par suite d’une faute commise par les enquêteurs dans l’exercice d’une charge publique. La faute précise alléguée par M. Ereiser est l’autorisation d’établir une nouvelle cotisation nettement gonflée pour le contraindre à plaider coupable à une accusation pénale. Le ministère public a recherché la radiation des passages de l’avis d’appel concernant ce point. Selon la thèse du ministère public, que le juge Hershfield a retenue, l’autorisation d’établir une nouvelle cotisation nettement gonflée pour contraindre M. Ereiser à plaider coupable à une accusation pénale ne constitue pas motif valable d’annulation d’une cotisation par la Cour canadienne de l’impôt. M. Ereiser soutient que la thèse du ministère public aurait dû être rejetée.

 

[19]           Si je comprends bien la thèse de M. Ereiser, elle est fondée sur trois principes. Selon le premier principe, la Cour canadienne de l’impôt a compétence (c’est-à-dire le pouvoir légal) pour annuler une cotisation d’impôt sur le revenu qui lui est régulièrement présentée dans le cadre d’un appel. Ce principe n’est pas controversé entre les parties. Selon le deuxième principe, constitue une faute dans l’exercice d’une charge publique le fait qu’un fonctionnaire du fisc autorise l’établissement d’une cotisation d’impôt sur le revenu selon un montant gonflé afin d’extorquer un aveu sur le plan pénal. Ce principe n’est pas controversé par le ministère public. Aux fins du présent appel, je tiendrai pour acquis que ce principe est bien fondé, sans me prononcer sur ce point.

 

[20]           La controverse vise le troisième principe sur lequel repose la thèse de M. Ereiser. Selon ce troisième principe, la Cour canadienne de l’impôt peut annuler une cotisation, et doit le faire, si la cotisation a été autorisée par un fonctionnaire du fisc dans des circonstances assimilables à une faute commise dans l’exercice d’une charge publique. Le juge Hershfield a conclu que cette thèse était infondée. Je retiens la conclusion du juge Hershfield sur ce point. Je retiens également l’idée qu’il s’ensuit nécessairement que le principal moyen d’appel de M. Ereiser ne peut vraisemblablement pas être accueilli. Je conclus que le juge Hershfield n’a commis aucune erreur appelant l’intervention de notre Cour lorsqu’il a accueilli la requête du ministère public en radiation des passages de l’avis d’appel concernant ce moyen d’appel. Mes motifs concernant cette conclusion sont énoncés ci‑dessous.

 

[21]           M. Ereiser sollicite  de la Cour canadienne de l’impôt l’annulation des nouvelles cotisations faisant l’objet d’un appel. Il s’agit de la mesure appropriée en matière d’appel concernant l’impôt sur le revenu à l’encontre d’une cotisation (y compris une nouvelle cotisation) qui est déclarée non valide ou qui est déclarée infondée. J’emploie le mot « valide » pour désigner la cotisation établie conformément aux dispositions procédurales de la Loi de l’impôt sur le revenu, et les mots « bien fondée » pour désigner une cotisation dans laquelle le montant établi au titre de l’impôt est fondé sur les dispositions applicables de la Loi de l’impôt sur le revenu, interprétées correctement et appliquées aux faits pertinents.

 

[22]           Parmi les dispositions procédurales de la Loi de l’impôt sur le revenu, il y a les dispositions relatives aux périodes de prescription prévues par la loi. En règle générale, ces dispositions retirent du ministre le pouvoir légal d’établir une cotisation au titre de l’impôt après l’expiration d’une certaine période, période que la Loi de l’impôt sur le revenu définit comme étant la « période normale de cotisation », à moins qu’une exception prévue par la loi ne joue.

 

[23]           En ce qui concerne M. Ereiser, un contribuable qui est un particulier, la période normale de cotisation pour une année d’imposition particulière s’étend sur trois ans suivant la date de la première cotisation pour cette année, ou la première notification portant qu’aucun impôt n’est payable pour l’année, selon la première de ces dates (l’alinéa 152(3.1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu). Si les nouvelles cotisations faisant l’objet de l’appel en l’espèce ont été établies après cette période de prescription et qu’aucune exception prévue par la loi ne joue, les nouvelles cotisations ne seront pas valides et elles seront susceptibles d’être annulées en appel pour cette raison.

 

[24]           Parmi les exceptions prévues par la loi concernant la période de prescription de trois ans, signalons le sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu. En vertu de cette disposition, la période de prescription de trois ans à l’égard d’une année particulière sera inapplicable si M. Ereiser a fait une présentation erronée des faits, « par négligence, inattention ou omission volontaire », lors de la production de sa déclaration de revenus pour cette année. Dans ce cas, la nouvelle cotisation concernant cette année ne pourra pas être annulée pour invalidité au motif que le ministre a établi une nouvelle cotisation en dehors du délai applicable.

 

[25]           Si M. Ereiser a fait une présentation erronée des faits rendant inapplicable le délai prescrit pour cette année particulière, la nouvelle cotisation pour cette année peut être valide. Toutefois, la nouvelle cotisation sera infondée si M. Ereiser n’avait aucun revenu non déclaré cette année. Dans ce cas, la nouvelle cotisation sera susceptible d’être annulée au motif qu’elle est infondée.

 

[26]           Dans ce contexte, voici les dispositions législatives qui définissent la compétence et la mission de la Cour canadienne de l’impôt en ce qui a trait aux appels des cotisations en matière d’impôt sur le revenu. Le paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T‑2, consacre cette compétence. Cette disposition se lit comme suit :

12. (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de … la Loi de l’impôt sur le revenu dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

12. (1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under … the Income Tax Act … when references or appeals to the Court are provided for in those Acts.

 

 

 

[27]           Pour comprendre la mission de la Cour canadienne de l’impôt en ce qui a trait aux appels en matière d’impôt sur le revenu, il est utile de commencer par le paragraphe 152(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui consacre l’effet juridique d’une cotisation. Ce paragraphe est libellé comme suit :

152. (8) Sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la présente partie et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi.

152. (8) An assessment shall, subject to being varied or vacated on an objection or appeal under this Part and subject to a reassessment, be deemed to be valid and binding notwithstanding any error, defect or omission in the assessment or in any proceeding under this Act relating thereto.

 

 

 

[28]           Les paragraphes 165(1) et 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu accordent au contribuable le droit de s’opposer à une cotisation (il s’agit essentiellement d’un processus administratif) et d’ensuite interjeter appel par la suite à l’encontre de la cotisation devant la Cour canadienne de l’impôt. Ces dispositions se lisent comme suit :

165. (1) Le contribuable qui s’oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents ….

165. (1) A taxpayer who objects to an assessment under this Part may serve on the Minister a notice of objection, in writing, setting out the reasons for the objection and all relevant facts ….

169. (1) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation ….

169. (1) Where a taxpayer has served notice of objection to an assessment under section 165, the taxpayer may appeal to the Tax Court of Canada to have the assessment vacated or varied …

 

 

[29]           Le paragraphe 171(1) énonce les manières dont la Cour canadienne de l’impôt peut disposer de l’appel. Il est libellé comme suit :

171. (1) La Cour canadienne de l’impôt peut statuer sur un appel :

a) en le rejetant;

b) en l’admettant et en :

(i) annulant la cotisation,

(ii) modifiant la cotisation,

(iii) déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

171. (1) The Tax Court of Canada may dispose of an appeal by

(a) dismissing it; or

(b) allowing it and

(i) vacating the assessment,

(ii) varying the assessment, or

(iii) referring the assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment.

 

 

 

[30]           L’article 166 de la Loi de l’impôt sur le revenu limite les motifs en vertu desquels une cotisation d’annulation ou de modification en appel. Il est libellé comme suit :

166. Une cotisation ne peut être annulée ni modifiée lors d’un appel uniquement par suite d’irrégularité, de vice de forme, d’omission ou d’erreur de la part de qui que ce soit dans l’observation d’une disposition simplement directrice de la présente loi.

166. An assessment shall not be vacated or varied on appeal by reason only of any irregularity, informality, omission or error on the part of any person in the observation of any directory provision of this Act.

 

 

 

[31]           Vu ces dispositions, notre Cour a statué que la mission de la Cour canadienne de l’impôt lors d’un appel dirigé contre une cotisation d’impôt sur le revenu consistait à déterminer la validité et le bien‑fondé de la cotisation en fonction des dispositions applicables de la Loi de l’impôt sur le revenu et des faits donnant lieu à l’obligation du contribuable prévue par la loi. En toute logique, la conduite du fonctionnaire du fisc qui autorise l’établissement d’une cotisation n’est pas pertinente pour déterminer cette obligation prévue par la loi. Il est évident que la conduite fautive d’un fonctionnaire du fisc n’est pas pertinente quant à la détermination de la validité ou du bien‑fondé de la cotisation. Cela est expliqué dans l’arrêt Roitman, précité, au paragraphe 21 :

[21] Il est également établi en droit que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour annuler une cotisation parce qu’elle constitue un abus de procédure ou un abus de pouvoir (voir Main Rehabilitation Co. Ltd. c. La Reine, [2004] A.C.F. no 2030, 2004 CAF 403, paragraphe 6; Obonsawin c. La Reine, 2004 G.T.C. 131 (C.C.I.); Burrow  c. Canada, 2005 CCI 761; Hardtke c. Canada, 2005 CCI 263).

 

 

 

[32]           Des observations dans le même sens se trouvent dans l’arrêt Main Rehabilitation, aux paragraphes 6 à 8 :

[6] Quoi qu’il en soit, il est également évident et manifeste que la Cour de l’impôt n’a pas compétence pour statuer qu’un avis de cotisation est nul parce qu’il constitue un abus de procédure reconnu en common law ou en violation de l’article 7 de la Charte.

[7] Comme le signale à juste titre le juge la Cour de l’impôt, même si cette cour a compétence pour suspendre une procédure constituant un abus de ses procédures (voir à titre d’exemple Yacyshyn c. Canada, 1999 D.T.C. 5133 (C.A.F.)), il est de jurisprudence constante qu’on ne peut tenir compte des actions de l’ADRC dans le cadre d’appels interjetés à l’encontre d’un avis de cotisation.

[8] Il en est ainsi parce que l’appel interjeté sur le fondement de l’article 169 met en cause la validité de la cotisation et non du processus ayant conduit à l’établir (voir à titre d’exemple Canada c. The Consumers' Gas Company Ltd., 87 D.T.C. 5008 (C.A.F.), à la page 5012). Autrement dit, il ne s’agit pas de déterminer si les fonctionnaires de l’ADRC ont correctement exercé leurs pouvoirs, mais plutôt de déterminer si les montants pouvaient valablement être cotisés sous le régime de la Loi (Ludco Enterprises Ltd. c. R., [1996] 3 C.T.C. 74 (C.A.F.), à la page 84).

 

[33]           Compte tenu de cette jurisprudence, il est évident et manifeste que la Cour canadienne de l’impôt n’annule pas les nouvelles cotisations visées par l’appel en l’espèce en se fondant uniquement sur la conduite fautive du fonctionnaire du fisc qui les a autorisées. Il s’ensuit que les allégations et les arguments dans les actes de procédure concernant la faute commise dans l’exercice d’une charge publique ont été radiés à bon droit.

 

[34]           M. Ereiser soutient qu’il doit être autorisé à solliciter une sanction de la Cour canadienne de l’impôt pour la conduite fautive des fonctionnaires du fisc en l’espèce parce qu’aucun autre tribunal ne peut accorder de sanction pour leur conduite fautive. Je rejette cet argument.

 

[35]           Il existe de nombreux affaires dans lesquelles les contribuables ont demandé à la Cour fédérale ou à la cour supérieure d’une province l’annulation d’une cotisation d’impôt sur le revenu (ou la décision d’établir un avis de cotisation qui, en règle générale, équivaut à la même chose) en raison de la conduite illégale, délictuelle ou déraisonnable alléguée de la part de fonctionnaires du fisc. Ces cours peuvent refuser d’entendre la demande ou d’instruire l’action, et elles le font souvent, si elles concluent que la demande ou l’action constitue une attaque incidente de la validité et du bien-fondé de la cotisation parce qu’il s’agit d’une question qui relève de la compétence originale exclusive de la Cour canadienne de l’impôt (voir par exemple, Roitman, au paragraphe 20 et Smith c. Canada (Attorney General), 2006 BCCA 237).

 

[36]           Il n’est cependant pas nécessairement vrai que le contribuable n’a aucun recours à l’égard de la conduite fautive d’un fonctionnaire du fisc. À titre d’exemple, dans l’affaire Leroux c. Canada (Agence du revenu), 2012 BCCA 63, la cour a autorisé qu’une action en responsabilité délictuelle pour dommages‑intérêts procède parce que la conduite reprochée soulevait des questions justiciables outre celles qui visaient le bien-fondé de la cotisation (qui n’était pas contesté).

 

[37]           Il existe aussi une possibilité de sanction en droit administratif dans les cas où la conduite reprochée constitue un abus de pouvoir discrétionnaire de la part du fonctionnaire du fisc, plus particulièrement s’il n’est pas possible d’instituer un recours devant la Cour canadienne de l’impôt ou que ce recours n’aboutira pas à une réparation satisfaisante. C’est ce qu’enseigne l’arrêt Canada c. Addison & Leyen Ltd., 2007 CSC 33, aux paragraphes 8 à 10, [2007] 2 R.C.S. 793 :

[8] Nul besoin de s’engager dans une longue discussion théorique sur la question de la possibilité de se prévaloir de l’art. 18.5 pour faire contrôler l’exercice de pouvoirs ministériels discrétionnaires. Personne ne conteste que le ministre fasse partie de la catégorie de personnes et d’entités visée par l’exercice de la compétence de la Cour fédérale prévue à l’art. 18.5. Le recours au contrôle judiciaire demeure possible dans la mesure où la question n’est pas autrement susceptible d’appel. Il reste également possible en cas d’abus de pouvoir, notamment de délais abusifs. On peut élaborer des réparations adaptées aux faits pour corriger les injustices ou problèmes soulevés dans une affaire donnée.

[9] Toutefois, nous estimons qu’il n’était pas possible de recourir au contrôle judiciaire compte tenu des faits en cause. Comme l’a souligné le juge Rothstein, l’interprétation que la majorité de la Cour d’appel fédérale donne à l’art. 160 équivaut à ajouter dans cette disposition un délai de prescription qui n’y figure tout simplement pas. Le ministre peut en tout temps établir une cotisation à l’égard d’un contribuable. Selon le juge Rothstein :

Même si dans le sens retenu par les juges majoritaires, le paragraphe 160(1) peut être considéré comme un moyen de recouvrement draconien, il vise aussi une cible précise. Il ne vise que les transferts de biens à des personnes se trouvant dans des relations ou des situations particulières, et seulement lorsque le transfert est en contrepartie d’une valeur inférieure à la juste valeur marchande des biens transférés. Comme le paragraphe 160(1) s’applique dans des circonstances précises et limitées, l’intention du législateur n’est pas obscure. Le législateur voulait que le ministre puisse recouvrer les montants transférés dans ces circonstances limitées afin de régler l’obligation fiscale du premier contribuable, auteur du transfert. Compte tenu des circonstances entourant de telles transactions, il est clair que le législateur souhaitait qu’il n’y ait pas de délai de prescription ni aucune autre condition applicable au moment de l’établissement de la cotisation par le ministre. [par. 92]

[10] Le ministre dispose du pouvoir discrétionnaire d’établir une cotisation à l’égard d’un contribuable en tout temps. Cela ne veut pas dire que l’exercice de ce pouvoir ne peut jamais faire l’objet d’un contrôle. Toutefois, en raison du terme « en tout temps » à l’art. 160 LIR, la longueur du délai écoulé avant qu’il soit décidé d’établir une cotisation à l’égard d’un contribuable ne suffit pas à fonder un contrôle judiciaire, sauf, peut‑être, s’il s’agit d’autoriser un recours comme le mandamus pour inciter le ministre à faire preuve de diligence raisonnable une fois l’avis d’opposition déposé. De plus, en l’espèce, les allégations de fait dans la déclaration n’expliquent pas pourquoi il aurait été impossible d’examiner les questions relatives à l’obligation fiscale, tant en ce qui a trait à la cotisation fiscale sous‑jacente établie à l’encontre de York qu’aux cotisations établies à l’égard des intimés au cours d’une procédure d’appel normale.

 

 

 

[38]           Il se peut qu’en l’espèce les nouvelles cotisations visées par l’appel seront déclarées valides et bien fondées. Dans ce cas, elles constitueront un constat bien fondé des obligations de M. Ereiser aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu et elles ne seront pas annulées dans le cadre du processus d’appel prévu par la loi pour les appels en matière d’impôt sur le revenu. Elles seront toutefois annulées si elles sont déclarées invalides ou entièrement infondées. Si elles sont déclarées en partie infondées, elles seront annulées et renvoyées au ministre pour nouvelle cotisation. Mais peu importe l’issue de l’appel de M. Ereiser en matière d’impôt sur le revenu, il lui sera loisible de solliciter une sanction devant la Cour fédérale ou la cour supérieure d’une province, selon les circonstances, s’il peut faire valoir une action en responsabilité délictuelle ou une action en droit administratif découlant de la conduite fautive du fonctionnaire du fisc ou de plusieurs d’entre eux.

 

[39]           Je n’ai pas fait abstraction du principe avancé par M. Ereiser portant que la conduite de fonctionnaires du fisc est pertinente quant aux questions d’admissibilité des éléments de preuve du ministère public. Ce point n’est pas pleinement discuté dans les actes de procédure relativement aux allégations de faute commise dans l’exercice d’une charge publique. Toutefois, il semble ressortir du raisonnement exposé que la conduite fautive de la part de fonctionnaires du fisc qui ont autorisé l’établissement des nouvelles cotisations visées par l’appel appelle l’irrecevabilité de tous les éléments de preuve du ministère public. Ce point est potentiellement important parce que les nouvelles cotisations en cause ont été établies après l’expiration des périodes normales de cotisation et il incombe au ministère public de prouver les faits requis pour justifier une nouvelle cotisation tardive.

 

[40]           Le juge Hershfield a conclu que cet argument ne pouvait être retenu. J’abonde dans son sens. Le fait qu’une saisie de documents est illégale peut avoir une incidence sur l’admissibilité d’éléments de preuve obtenus en raison de la saisie, mais la conduite fautive sans rapport avec une question de preuve n’est pas, en règle générale, pertinente quant à l’admissibilité d’éléments de preuve. Je constate que l’allégation suivante relative à la contrainte exercée par des fonctionnaires du fisc demeurera dans l’avis d’appel après l’exécution de l’ordonnance du juge Hershfield :

 

 

[traduction]

9.

La direction générale de l’ARC chargée de l’exécution en matière criminelle a présenté plusieurs offres à l’appelant et toutes ces offres comportaient les mêmes modalités de base : plaider coupable et payer un montant de 80 000 $ « tout compris ». Ces offres ont été faites avec l’intention de contraindre l’appelant à plaider coupable.

 

Même si cette allégation est vraie, elle ne peut justifier le rejet d’éléments de preuve du ministère public qui sont, par ailleurs, admissibles.

 

[41]           J’examinerai maintenant le pourvoi incident du ministère public.

 

(3) Le pourvoi incident du ministère public

[42]           Selon le principal motif du pourvoi incident du ministère public, le juge Hershfield a commis une erreur en ne donnant pas effet au [traduction] « privilège relatif au règlement » par la radiation de toutes les allégations de fait dans l’avis d’appel qui divulguent des [traduction] « communications confidentielles » destinées à régler le différend entre les parties. Le ministère public soutient également que le juge Hershfield aurait dû également radier certains paragraphes au motif qu’ils présentent des éléments de preuve plutôt que des faits, et au motif qu’ils allèguent des faits qui ne sont pas pertinents quant aux mesures qui peuvent être sollicitées auprès de la Cour canadienne de l’impôt (plus précisément, les allégations concernant la conduite des fonctionnaires du fisc et les allégations relatives au retard dont ont fait preuve les fonctionnaires du fisc).

 

(A) Le privilège relatif à un règlement

[43]           Le ministère public soutient que son offre d’établir de nouvelles cotisations qui limiteraient l’obligation fiscale de M. Ereiser à 80 000 $ (estimation relative à l’inclusion de revenus d’environ 28 000 $ pour chacune des trois années en cause plutôt que des montants totalisant environ 1,7 million de dollars à inclure dans le revenu selon ce qui était indiqué à l’origine) si M. Ereiser reconnaissait sa responsabilité pénale est une [traduction] « offre de règlement » dont la communication était présumée ou devrait être présumée confidentielle.

 

[44]           Le juge Hershfield a rejeté l’argument du ministère public parce qu’il a interprété la proposition de celui-ci comme étant principalement une offre présentée pour régler la possibilité d’une procédure pénale, non pour régler la contestation potentielle de la responsabilité civile de M. Ereiser. La question de savoir si cette interprétation est bien fondée est une question qui sera vraisemblablement examinée dans le cadre de l’interrogatoire préalable, ou au procès, et je n’en dirai pas plus à ce stade. À mon avis, ce qui est plus important est la décision du juge Hershfield, telle qu’il l’a déclarée dans les considérants du jugement, portant que la proposition du ministère public pouvait être perçue comme une menace à l’endroit de M. Ereiser et qui pouvait [traduction] « être pertinente pour une question relative au fardeau de la preuve ».

 

[45]           Si je comprends bien les motifs du juge Hershfield, il a exercé son pouvoir discrétionnaire comme il l’a fait à l’égard de ces passages de l’avis d’appel pour qu’il soit loisible à M. Ereiser de faire valoir que les nouvelles cotisations ne sont pas fondées sur une décision du ministre prise de bonne foi quant au montant de revenus non déclarés de M. Ereiser. Le juge Hershfield estimait sans aucun doute que les actes de procédure du ministère public, lorsqu’ils seront déposés, énonceront que les nouvelles cotisations sont fondées sur une hypothèse de fait du ministre selon laquelle M. Ereiser avait des revenus non déclarés selon les montants indiqués dans la lettre de proposition, totalisant 1,7 million de dollars pour les trois années en cause. Il ressort clairement de l’avis d’appel que M. Ereiser a l’intention de soutenir que le ministre n’a formulé aucune hypothèse de fait de la sorte. Si cet argument est bien fondé, le ministère public aura le fardeau de prouver que M. Ereiser avait des revenus non déclarés selon les montants indiqués dans les cotisations. Dans les circonstances inhabituelles de l’espèce, je conclus que le juge Hershfield a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée lorsqu’il a refusé la radiation des allégations relatives à la proposition de règlement.

 

(B) Autres lacunes alléguées des actes de procédure

[46]           Le ministère public soutient que certains passages de l’avis d’appel dont le juge a autorisé le maintien sont contestables parce qu’ils présentent des éléments de preuve plutôt que des faits ou parce qu’ils allèguent des faits qui ne sont pas pertinents quant aux mesures qui peuvent être sollicitées de la Cour canadienne de l’impôt (plus précisément, les allégations concernant la conduite des fonctionnaires du fisc et les allégations relatives au retard dont ont fait preuve les fonctionnaires du fisc). Dans de nombreux cas, plus d’un moyen d’appel est soulevé à l’égard d’une seule disposition.

 

[47]           La requête du ministère public sollicitait la radiation de tous les passages concernant la conduite des fonctionnaires du fisc. Le juge Hershfield a rejeté la requête en ce qui concernait les passages relatifs à la conduite qui étaient pertinents pour l’allégation de proposition de règlement inappropriée. En ce qui concerne ces passages, aucun des moyens d’appel subsidiaires n’est suffisamment valable pour infirmer la décision de rejet de la requête en radiation du ministère public par le juge Hershfield.

 

[48]           D’autres passages relatifs à la conduite des fonctionnaires du fisc que le juge Hershfield a permis de conserver concernent l’allégation de M. Ereiser selon laquelle le ministre a saisi et retenu certains de ses documents en violation des droits qu’il tire de la Charte, ainsi que l’argument connexe portant que le ministère public ne devrait être autorisé à présenter aucun de ces documents comme élément de preuve. À mon avis, le juge Hershfield a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée lorsqu’il a rejeté la requête en radiation du ministère public visant ces passages.

 

[49]           Le ministère public s’oppose également à plusieurs passages à l’appui de la thèse de M. Ereiser portant que les nouvelles cotisations ont été établies en dehors de la période normale de nouvelle cotisation pour les années en cause et qu’elles sont donc invalides. Il semble que le fait que M. Ereiser n’a pas plaidé les dates des nouvelles cotisations ou les dates des cotisations initiales pour les années en cause constitue un problème pour le ministère public. Il peut très bien s’agir d’un oubli de la part de M. Ereiser. Habituellement, ces dates sont expressément plaidées. Le ministère public ne peut toutefois pas subir de préjudice découlant de l’omission de plaider ces dates, puisque le ministre connaissait ce renseignement, ou aurait dû le connaître. À mon avis, le juge Hershfield a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée lorsqu’il a rejeté la requête du ministère public visant la radiation des passages de l’avis d’appel concernant le moment de l’établissement des nouvelles cotisations.

 

Conclusion

[50]           Parr ces motifs, je rejetterais l’appel et le pourvoi incident. Comme chacune des parties a partiellement obtenu gain de cause, je n’accorderais aucuns dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord

         J.D. Denis Pelletier, j.c.a »

 

« Je suis d’accord

        Robert M. Mainville, j.c.a. »

 

 

 

 

 

 

 


 

Cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-201-11

 

(APPEL ET POURVOI INCIDENT À L’ENCONTRE D’UN JUGEMENT OU D’UNE ORDONNANCE DU JUGE HERSHFIELD DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, DATÉ DU 16 MAI 2011, DOSSIER NO 2010-1417(IT)G)

 

Intitulé :                                                                          RONALD EREISER c. SMLR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 29 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                               LA JUGE SHARLOW

 

Y ont SOUSCRIT :                                                           LE JUGE PELLETIER

                                                                                                LE JUGE MAINVILLE       

 

DATE des motifs :                                                         Le 4 février 2013

 

 

Comparutions :

 

Gavin Laird 

Melanie Magnusson

 

Pour l’appelant

 

Ron D.F. Wilhelm   

Matthew Turnell

Pour l’intimée

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Laird & Company

Pitt Meadows (Colombie‑Britannique)

 

Pour l’appelant

 

Myles J. Kirvan 

Sous‑procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

 

 

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