Date : 20130205
Dossier : A‑343‑12
Référence : 2013 CAF 25
CORAM : LE JUGE EVANS
LA JUGE DAWSON
LE JUGE STRATAS
ENTRE :
TWENTIETH CENTURY FOX HOME
ENTERTAINMENT CANADA LIMITED
appelante
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET
LE SOUS‑COMMISSAIRE, DIRECTION GÉNÉRALE DE LA POLITIQUE LÉGISLATIVE ET DES AFFAIRES RÉGLEMENTAIRES
DE L’AGENCE DU REVENU DU CANADA
intimés
Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 5 février 2013
Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 5 février 2013
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EVANS
Date : 20130205
Dossier : A‑319‑12
Référence : 2013 CAF 25
CORAM : LE JUGE EVANS
LA JUGE DAWSON
LE JUGE STRATAS
ENTRE :
TWENTIETH CENTURY FOX HOME
ENTERTAINMENT CANADA LIMITED
appelante
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET
LE SOUS‑COMMISSAIRE, DIRECTION GÉNÉRALE DE LA POLITIQUE LÉGISLATIVE ET DES AFFAIRES RÉGLEMENTAIRES
DE L’AGENCE DU REVENU DU CANADA
intimés
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 5 février 2013)
LE JUGE EVANS
[1] La Cour est saisie d’un appel interjeté par Twentieth Century Fox Home Entertainment Canada Limited (Fox) d’une décision par laquelle le juge Phelan (le juge de première instance) de la Cour fédérale (2012 CF 823) a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par Fox en vue de faire annuler une décision du sous‑commissaire (le sous‑commissaire) de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC).
[2] Dans sa décision du 14 juillet 2011, le sous‑commissaire a informé Fox qu’il refusait de recommander au ministre du Revenu national (le MRN) d’accepter la demande de Fox en vue d’obtenir la remise de la taxe sur les produits et services (la TPS) d’environ un million de dollars qu’elle avait payée en trop pour la période comprise entre juillet 2000 et mars 2003 par suite d’une erreur de son système informatique interne.
[3] Fox avait obtenu le remboursement d’environ 11,5 millions de dollars sur le montant de TPS qu’elle avait payé en trop en raison de cette erreur. Toutefois, étant donné que Fox avait versé le montant d’un million de dollars en question dans le présent appel plus de deux ans avant d’avoir découvert l’erreur, le délai dans lequel elle pouvait demander un remboursement à ce titre était expiré. Les dispositions applicables de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, sont ainsi libellées :
261. (1) Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d’une autre obligation selon la présente partie alors qu’elle n’avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu’il ait été payé par erreur ou autrement.
[…]
(3) Le remboursement n’est versé que si la personne en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement ou le versement du montant.
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261. (1) Where a person has paid an amount
(a) as or on account of, or
(b) that was taken into account as,
tax, net tax, penalty, interest or other obligation under this Part in circumstances where the amount was not payable or remittable by the person, whether the amount was paid by mistake or otherwise, the Minister shall, subject to subsections (2) and (3), pay a rebate of that amount to the person.
…
(3) A rebate in respect of an amount shall not be paid under subsection (1) to a person unless the person files an application for the rebate within two years after the day the amount was paid or remitted by the person.
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[4] Le paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11, confère au gouverneur en conseil le pouvoir discrétionnaire de faire remise de toute taxe s’il estime que sa perception ou son exécution forcée serait « déraisonnable ou injuste » ou que « l’intérêt public justifie la remise ». Ce pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil s’exerce sur recommandation du ministre compétent (en l’occurrence, le MRN).
23.(2) Sur recommandation du ministre compétent, le gouverneur en conseil peut faire remise de toutes taxes ou pénalités, ainsi que des intérêts afférents, s’il estime que leur perception ou leur exécution forcée est déraisonnable ou injuste ou que, d’une façon générale, l’intérêt public justifie la remise.
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23.(2) The Governor in Council may, on the recommendation of the appropriate Minister, remit any tax or penalty, including any interest paid or payable thereon, where the Governor in Council considers that the collection of the tax or the enforcement of the penalty is unreasonable or unjust or that it is otherwise in the public interest to remit the tax or penalty.
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[5] Sauf disposition contraire expresse prévue à la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (dans laquelle se trouve l’article 261) ou à la Loi sur la gestion des finances publiques, aucun contribuable n’a le droit d’être remboursé de l’argent versé à Sa Majesté au titre de la TPS (Loi sur la taxe d’accise, article 312).
[6] Dans la décision à l’examen, le sous‑commissaire a refusé la demande de remise d’un million de dollars présentée par Fox en vertu de l’article 23(2) en se fondant sur deux dispositions du Guide sur les remises adoptées par l’ARC pour encadrer l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu par la disposition en question.
[7] En premier lieu, il a jugé qu’un montant de TPS payé en trop par suite d’une erreur informatique de Fox ne constituait pas une « circonstance indépendante de la volonté d’une personne ». En second lieu, compte tenu de l’ampleur de l’actif dont disposait Fox (194,6 millions de dollars) à ce moment précis et de ses produits bruts (163,8 millions de dollars à la fin de l’exercice clos le 30 juin 2010), il a estimé que Fox ne subirait pas un préjudice financier si la somme d’un million de dollars qu’elle avait payée en trop ne lui était pas remise. Fox ne subirait pas de « difficultés financières considérables » qui viendraient exercer des pressions excessives sur ses « ressources limitées ».
[8] Le juge de première instance a expliqué que, pour déterminer si la décision discrétionnaire prise par le sous-commissaire était raisonnable, il fallait tenir compte du fait que le pouvoir que le paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques confère au gouverneur en conseil en lui permettant d’accorder la réparation extraordinaire que constitue une remise d’un trop‑perçu après l’expiration du délai de prescription est un pouvoir général axé sur l’intérêt public.
[9] Le juge de première instance a déclaré que le sous‑commissaire avait examiné de façon générale les conséquences de la remise proposée et avait estimé qu’il était raisonnable de tenir compte « de la taille de l’entreprise, de son actif, de ses produits d’exploitation et de ses structures intersociétés » (au paragraphe 41). Le fait que le sous‑commissaire avait insisté davantage sur les produits d’exploitation nets que sur les produits d’exploitation bruts de Fox ne rendait par ailleurs pas sa décision déraisonnable, pas plus que le fait qu’il aurait pu qualifier l’erreur informatique de circonstance indépendante de la volonté de Fox. Enfin, au paragraphe 47, le juge de première instance a repris à son compte le raisonnement suivi par le juge de Montigny dans le jugement Première nation Waycobah c. Canada (Procureur général), 2010 CF 1188, au paragraphe 31, suivant lequel la notion d’« intérêt public » que l’on trouve au paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques doit être interprétée dans le contexte général du régime d’application des lois fiscales et en tenant compte des principes exprimés dans la Loi sur la taxe d’accise dans son ensemble.
[10] Le législateur a prévu que le seul droit de récupérer un trop‑payé de TPS est celui que l’on trouve à l’article 261. Le contribuable n’a aucun droit reconnu par la loi à une remise lorsqu’il présente sa demande après l’expiration des délais prescrits, pas plus qu’il n’a droit à une remise pour un montant payé en trop par erreur; il peut toutefois demander, en vertu du paragraphe 23(2), qu’une décision soit prise en sa faveur en vertu du pouvoir discrétionnaire prévu dans cette disposition.
[11] À l’instar du juge de première instance, nous sommes convaincus que la décision du sous‑commissaire de ne pas recommander la remise du montant payé en trop par Fox était raisonnable, compte tenu de l’ampleur du pouvoir discrétionnaire que la loi confère au gouverneur en conseil, du caractère extraordinaire d’une réparation dont les contribuables ne disposent normalement pas et des lignes directrices sur lesquelles le sous-commissaire s’est fondé pour exercer son pouvoir discrétionnaire.
[12] À notre avis, il est sans importance pour les besoins de la présente affaire que Fox ne devait pas la somme d’un million de dollars qu’elle a payée en trop par erreur, mais dont elle n’a pas demandé la remise dans le délai prescrit par le législateur. L’avocat de Fox soutient essentiellement que, dans ces conditions, le sous-commissaire ne dispose pratiquement d’aucun pouvoir discrétionnaire pour refuser de recommander la remise du montant. Cet argument est, à notre avis, incompatible avec le régime législatif.
[13] Pour ces motifs, et malgré les arguments solides formulés par l’avocat de l’appelante, l’appel sera rejeté avec dépens.
« John M. Evans »
j.c.a.
Traduction certifiée conforme
Mario Lagacé, jurilinguiste
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 28 JUIN 2012 DANS LE DOSSIER T‑1374‑11 PAR LE JUGE PHELAN
DOSSIER : A‑343‑12
INTITULÉ : TWENTIETH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT CANADA LIMITED c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET
LE SOUS‑COMMISSAIRE, DIRECTION GÉNÉRALE DE LA POLITIQUE LÉGISLATIVE ET DES AFFAIRES RÉGLEMENTAIRES DE L’AGENCE DU REVENU DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 février 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR : LES JUGES EVANS, DAWSON ET STRATAS
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : LE JUGE EVANS
DATE DES MOTIFS : Le 5 février 2013
COMPARUTIONS :
Joel A. Nitikman et Jessica Fabbro
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POUR L’APPELANTE
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Michael Taylor
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POUR LES INTIMÉS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fraser Milner Casgrain s.r.l.
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POUR L’APPELANTE
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William F. Pentney
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POUR LES INTIMÉS
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