Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20130131

Dossier : A‑39‑13

Référence : 2013 CAF 18

 

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

appelant

et

YVES LEBON

intimé

 

 

 

Requête tranchée par écrit sans comparution des parties

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 31 janvier 2013

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                 LE JUGE STRATAS

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20130131

Dossier : A‑39‑13

Référence : 2013 CAF 18

 

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

appelant

et

YVES LEBON

intimé

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE STRATAS

 

[1]               Le ministre sollicite le sursis d'une partie du jugement de la Cour fédérale qui a été porté en appel devant notre Cour (2012 CF 1500). Pour les motifs qui suivent, le sursis sera accordé et l'appel sera instruit de façon accélérée.

 

A.        Contexte

 

[2]               Monsieur LeBon est incarcéré depuis plus de quatre ans aux États‑Unis. Il purge une peine de dix ans d'emprisonnement pour possession de cocaïne dans l'intention d'en faire la distribution et d'entrée irrégulière aux États‑Unis.

 

[3]               Peu de temps après avoir commencé à purger sa peine, M. LeBon a demandé son transfèrement dans une prison canadienne en vertu de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21.

 

[4]               Le ministre appelant a refusé la demande de transfèrement. Notre Cour a annulé le refus du ministre et lui a renvoyé l'affaire pour qu'il rende une nouvelle décision (LeBon c. Canada, 2012 CAF 132, inf. 2011 CF 1018).

 

[5]               Le 22 juin 2012, le ministre a de nouveau refusé la demande de transfèrement.

 

[6]               Le 20 décembre 2012, la Cour fédérale a annulé ce refus. La Cour fédérale a également donné, aux paragraphes 2 et 3 de son jugement, certaines directives impératives au ministre :

 

                     Le ministre doit accepter la demande de transfèrement;

 

                     Le ministre doit, au plus tard le 3 février 2013, confirmer à M. LeBon que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour le transférer rapidement dans un établissement correctionnel au Canada.

 

[7]               Le ministre a interjeté appel à notre Cour.

 

[8]               Dans la présente requête, le ministre demande qu'il soit sursis aux directives impératives données par la Cour fédérale jusqu'à ce que notre Cour ait tranché le présent appel.

 

B.        Analyse

 

[9]               Pour obtenir qu'il soit sursis aux directives impératives formulées dans le jugement de la Cour fédérale, le ministre doit convaincre la Cour qu'il existe une question sérieuse à trancher, qu'il subira un préjudice irréparable si le sursis demandé lui est refusé et que la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi du sursis (RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, à la page 334).

 

[10]           Les exigences minimales à remplir pour satisfaire au critère de la question sérieuse à trancher « ne sont pas élevées » et la Cour est « peu exigeante » (RJR‑Macdonald, précité, à la page 337; 143471 Canada Incc. Québec (Procureur général), [1994] 2 R.C.S. 339, à la page 358, le juge La Forest (dissident, avec, semble‑t‑il, l'accord des juges majoritaires sur cette question)). Il suffit pour le requérant de démontrer que la requête n'est « ni futile ni vexatoire » (RJR‑Macdonald, précité, à la page 337).

 

[11]           La Cour fédérale a laissé entendre, dans ses motifs, que la nouvelle décision du ministre était tout à fait indéfendable. De plus, la Cour fédérale a tiré certaines conclusions factuelles claires et n'a pas mentionné d'éléments de preuve contraires. Devant notre Cour, le ministre conteste, dans son avis d'appel, la légalité des directives impératives. Pour le moment, on ne peut affirmer que ce moyen est futile ou vexatoire. Le ministre ajoute, dans l'avis d'appel, que les directives impératives ont été formulées en dépit des [TRADUCTION] « questions factuelles en litige » sans préciser davantage. Ce manque de précisions pose problème. Dans l'ensemble, pour le moment, vu le dossier qui m'a été soumis, je ne puis conclure que l'appel du ministre est futile ou vexatoire.

 

[12]           Sur la question du préjudice irréparable, si notre Cour n'accorde pas le sursis demandé, M. LeBon sera transféré dans une prison canadienne. Une fois transféré, il ne peut être retourné aux États‑Unis. Par conséquent, l'appel du ministre sera théorique.

 

[13]           La possibilité que l'appel soit théorique n'entraîne pas nécessairement une conclusion de préjudice irréparable (United States Steel Corporation c. Procureur général du Canada, 2010 CAF 200, au paragraphe 17). Mais nous avons affaire en l'espèce à une loi visant d'importants objectifs en matière de sécurité publique. Si le ministre obtient gain de cause dans son appel — et, comme je l'ai déjà expliqué, on ne peut pour le moment écarter cette possibilité — on risque de compromettre les importants objectifs en matière de sécurité publique en question si l'on n'accorde pas le sursis demandé. Il n'existe pas de réparation pour un tel préjudice. L'existence d'un préjudice irréparable a donc été démontrée.

 

[14]           Quant à la prépondérance des inconvénients, j'estime qu'elle penche de justesse en faveur du ministre en raison des considérations d'intérêt public en jeu. L'intérêt public est « très important » et il « joue un grand rôle » (143471 Canada Inc., précité, à la page 383; Harper c. Canada (Procureur général), [2000] 2 R.C.S. 764, au paragraphe 9).

 

[15]           Je prends acte de l'intérêt que possède M. LeBon à revenir au Canada et j'y accorde de l'importance. Parmi les facteurs dont il y a lieu de tenir compte, mentionnons le rapprochement avec sa famille, l'amélioration de ses relations avec sa conjointe, l'amélioration de son bien‑être émotif et physique et de celui de sa conjointe, l'amélioration de ses chances de réadaptation et de réintégration et la possibilité d'obtenir de meilleurs soins pour traiter ses problèmes de santé. L'octroi du sursis demandé ne fera que perpétuer encore des difficultés qui durent déjà depuis quatre ans et demi.

 

[16]           Je tiens à signaler que, bien que des efforts aient été faits pour accélérer les choses dans l'instance antérieure qui s'est déroulée devant la Cour fédérale, aucun n'a été déployé dans l'instance qui s'est déroulée devant notre Cour. De plus, rien ne permet de penser que, lors du présent appel, M. LeBon ait tenté d'inciter le ministre à agir rapidement à la suite du prononcé du jugement de la Cour fédérale.

 

[17]           Je tiens également à faire observer que s'il n'y a effectivement « aucun fait contesté », que la nouvelle décision du ministre est effectivement tout à fait indéfendable, comme l'affirme la Cour fédérale, et que le ministre a pris sa nouvelle décision au mépris de la première décision de notre Cour, comme le soutient M. LeBon, ce dernier dispose peut‑être d'autres recours pour tenter de réparer le préjudice dont il affirme être victime.

 

[18]           Vu ce qui précède, la Cour accordera le sursis demandé.

 

[19]           Aux termes de l'article 53 des Règles, notre Cour peut assortir ses ordonnances de conditions. Bien que M. LeBon n'ait pas demandé l'instruction accélérée du présent appel, je vais ordonner que le présent appel soit instruit de façon accélérée pour minimiser tout préjudice que le sursis peut lui causer. Dans la directive qu'elle a donnée simultanément aux parties, la Cour a invité ces dernières à lui présenter leurs observations au sujet d'un échéancier devant aboutir à une audience d'appel à la fin de février. Une ordonnance établissant un échéancier sera par la suite prononcée.

 

C.        Dispositif

 

[20]           Par conséquent, il est sursis aux paragraphes 2 et 3 du jugement de la Cour fédérale (les directives impératives) jusqu'au prononcé du jugement définitif de notre Cour. L'appel sera instruit de façon accélérée.

 

[21]           Monsieur LeBon sollicite des dépens majorés. Compte tenu des circonstances de l'espèce, les dépens de la présente requête suivront l'issue de la cause.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑39‑13

 

 

INTITULÉ :                                                  MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c. YVES LEBON

 

 

REQUÊTE TRANCHÉE PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LE JUGE STRATAS

 

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 31 janvier 2013

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Catherine Lawrence

David Cowie

 

POUR L'APPELANT

 

Yavar Hameed

POUR L'INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L'APPELANT

 

Hameed et Farrokhzad

Ottawa (Ontario)

POUR L'INTIMÉ

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.