Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20130221

Dossier : A‑447‑11

Référence : 2013 CAF 50

 

CORAM :      LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE STRATAS

                        LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

COMPAGNIE D’ASSURANCE VIE RBC

BMO SOCIÉTÉ D’ASSURANCE‑VIE

INDUSTRIELLE ALLIANCE PACIFIQUE, ASSURANCE

ET SERVICES FINANCIERS INC. et

INDUSTRIELLE ALLIANCE, ASSURANCE ET

SERVICES FINANCIERS INC.

intimées

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 12 février 2013

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LA JUGE TRUDEL

                                                                                                                               LE JUGE WEBB

                                                                                                                                                                       

 


Date : 20130221

Dossier : A‑447‑11

Référence : 2013 CAF 50

 

CORAM :      LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE STRATAS

                        LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

COMPAGNIE D’ASSURANCE VIE RBC

BMO SOCIÉTÉ D’ASSURANCE‑VIE

INDUSTRIELLE ALLIANCE PACIFIQUE, ASSURANCE

ET SERVICES FINANCIERS INC. et

INDUSTRIELLE ALLIANCE, ASSURANCE ET

SERVICES FINANCIERS INC.

intimées

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE STRATAS

 

[1]               Le ministre interjette appel d’un jugement de la Cour fédérale (rendu par la juge Tremblay‑Lamer), daté du 1er novembre 2011 (2011 CF 1249).

 

[2]               La Cour fédérale a annulé quatre autorisations que le ministre avait auparavant obtenues en application du paragraphe 231.2(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Ces autorisations lui permettait d’exiger que la Compagnie d’assurance vie RBC, Industrielle Alliance Pacifique, Assurance et Services financiers Inc., Industrielle Alliance, Assurance et Services Financiers Inc. et BMO Société d’assurance‑vie (les intimées) fournissent des renseignements et des documents concernant certains clients. Ces clients avaient acheté un produit d’assurance particulier, appelé la « police 10‑8 ».

 

[3]               Par les motifs exposés ci‑dessous, je rejetterais l’appel avec dépens en faveur des intimées.

 

[4]               Les intimées ont interjeté un appel incident sollicitant un jugement déclaratoire portant que le paragraphe 231.2(3) de la Loi est inopérant parce qu’il porte atteinte de manière injustifiée à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Elles ont interjeté cet appel incident pour pallier la possibilité que leur moyen de défense à l’encontre de l’appel principal ne soit pas accueilli. Puisque leur moyen de défense à l’encontre de l’appel principal a été accueilli, je rejetterais l’appel incident en raison de son caractère théorique, mais avec dépens en faveur des intimées.

 

A.        Le régime législatif

 

[5]               En vue de vérifier le respect de la Loi, le ministre exige parfois que des tiers, tels que des employeurs ou, comme en l’espèce, des assureurs, fournissent des renseignements concernant des contribuables non désignés nommément. La Loi fixe la procédure que doit suivre le ministre afin d’obliger le tiers à fournir les renseignements en question :

 

(1)        Le ministre peut obtenir du juge, sur requête ex parte, une autorisation enjoignant au tiers de fournir des renseignements concernant des contribuables non désignés nommément (le paragraphe 231.2(3) de la Loi). Lors de cette première étape ex parte, le ministre doit convaincre le juge que deux conditions préalables sont réunies : les contribuables non désignés nommément sont identifiables et les autorisations ont pour but de vérifier si les contribuables non désignés nommément ont respecté la Loi.

 

(2)        Une fois au courant de l’autorisation, le tiers peut présenter une demande de révision. Le juge siégeant en révision peut annuler, confirmer ou modifier l’autorisation (paragraphe 231.2(6) de la Loi).

 

Si l’autorisation n’est pas annulée, le ministre peut la faire exécuter au moyen d’une ordonnance (article 231.7 de la Loi).

 

[6]               Voici le texte intégral des dispositions susmentionnées :

 

231.2. (3) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut, aux conditions qu’il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d’un tiers la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d’une personne non désignée nommément – appelée « groupe » au présent article –, s’il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

 

a) cette personne ou ce groupe est identifiable;

 

b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi;

 

[…]

 

(5) Le tiers à qui un avis est signifié ou envoyé conformément au paragraphe (1) peut, dans les 15 jours suivant la date de signification ou d’envoi, demander au juge qui a accordé l’autorisation prévue au paragraphe (3) ou, en cas d’incapacité de ce juge, à un autre juge du même tribunal de réviser l’autorisation.

 

 

(6) À l’audition de la requête prévue au paragraphe (5), le juge peut annuler l’autorisation accordée antérieurement s’il n’est pas convaincu de l’existence des conditions prévues aux alinéas (3)a) et b). Il peut la confirmer ou la modifier s’il est convaincu de leur existence.

 

 

 

231.7. (1) Sur demande sommaire du ministre, un juge peut, malgré le paragraphe 238(2), ordonner à une personne de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 s’il est convaincu de ce que suit:

 

a)        la personne n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

 

b)        s’agissant de renseignements ou de documents, le privilège des communications entre client et avocat, au sens du paragraphe 232(1), ne peut être invoqué à leur égard.

 

(2) La demande n’est entendue qu’une fois écoulés cinq jours francs après signification d’un avis de la demande à la personne à l’égard de laquelle l’ordonnance est demandée.

 

(3) Le juge peut imposer, à l’égard de l’ordonnance, les conditions qu’il estime indiquées.

 

 

(4) Quiconque refuse ou fait défaut de se conformer à une ordonnance peut être reconnu coupable d’outrage au tribunal; il est alors sujet aux procédures et sanctions du tribunal l’ayant ainsi reconnu coupable.

 

(5) L’ordonnance visée au paragraphe (1) est susceptible d’appel devant le tribunal ayant compétence pour entendre les appels des décisions du tribunal ayant rendu l’ordonnance. Toutefois, l’appel n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de l’ordonnance, sauf ordonnance contraire d’un juge du tribunal saisi de l’appel.

 

 

231.2. (3) On ex parte application by the Minister, a judge may, subject to such conditions as the judge considers appropriate, authorize the Minister to impose on a third party a requirement under subsection 231.2(1) relating to an unnamed person or more than one unnamed person (in this section referred to as the “group”) where the judge is satisfied by information on oath that

 

 

 

(a) the person or group is ascertainable; and

 

(b) the requirement is made to verify compliance by the person or persons in the group with any duty or obligation under this Act.

 

 

 

 

(5) Where an authorization is granted under subsection 231.2(3), a third party on whom a notice is served under subsection 231.2(1) may, within 15 days after the service of the notice, apply to the judge who granted the authorization or, where the judge is unable to act, to another judge of the same court for a review of the authorization.

 

(6) On hearing an application under subsection 231.2(5), a judge may cancel the authorization previously granted if the judge is not then satisfied that the conditions in paragraphs 231.2(3)(a) and 231.2(3)(b) have been met and the judge may confirm or vary the authorization if the judge is satisfied that those conditions have been met.

 

231.7. (1) On summary application by the Minister, a judge may, notwithstanding subsection 238(2), order a person to provide any access, assistance, information or document sought by the Minister under section 231.1 or 231.2 if the judge is satisfied that

 

(a)      the person was required under section 231.1 or 231.2 to provide the access, assistance, information or document and did not do so; and

 

 

(b)      in the case of information or a document, the information or document is not protected from disclosure by solicitor‑client privilege (within the meaning of subsection 232(1)).

 

(2) An application under subsection (1) must not be heard before the end of five clear days from the day the notice of application is served on the person against whom the order is sought.

 

(3) A judge making an order under subsection (1) may impose any conditions in respect of the order that the judge considers appropriate.

 

(4) If a person fails or refuses to comply with an order, a judge may find the person in contempt of court and the person is subject to the processes and punishments of the court to which the judge is appointed.

 

(5) An order by a judge under subsection (1) may be appealed to a court having appellate jurisdiction over decisions of the court to which the judge is appointed. An appeal does not suspend the execution of the order unless it is so ordered by a judge of the court to which the appeal is made.

 

B.        Les faits essentiels et la décision de la Cour fédérale

 

[7]               La Cour fédérale a accordé les autorisations sur requête ex parte. Les intimées ont présenté une demande de révision desdites autorisations. La Cour fédérale a annulé les autorisations par deux motifs.

 

[8]               Premièrement, la Cour fédérale a conclu que le ministre n’avait pas communiqué de nombreux éléments de preuve pertinents au moment de la présentation des requêtes ex parte. Par conséquent, « la Cour n’était pas en mesure d’apprécier le contexte global dans lequel s’inscrivaient les requêtes ex parte présentées par le ministre » (le paragraphe 14 des motifs). Plus particulièrement, la Cour fédérale a relevé quatre catégories de faits importants n’ayant pas été communiqués à la Cour au moment de la présentation des requêtes ex parte :

 

●          le fait que le ministère des Finances a refusé de modifier la Loi pour remédier au problème des dispositions désuètes;

 

●          des renseignements contenus dans une demande de décision anticipée en matière d’impôt et des renseignements qui étaient pertinents pour permettre de rechercher si la Loi était respectée;

 

●          la décision de l’Agence du revenu du Canada de « porter un message à l’industrie » en refusant de répondre à la demande de décision anticipée en matière d’impôt et de prendre des mesures pour paralyser la souscription de polices 10‑8, en partie par la réalisation d’une opération éclair de vérifications;

 

●          le fait que le Comité de la DGAE avait déterminé que les stratégies 10‑8 respectaient vraisemblablement la lettre de la Loi, si ce n’est son esprit.

 

[9]               Deuxièmement, la Cour fédérale a conclu que le ministre avait omis d’établir l’une des deux conditions préalables, à savoir celle portant que les autorisations visaient à vérifier la conformité avec la Loi (l’alinéa 231.1(3)b) de la Loi). Bien que la Cour fédérale ait reconnu que le ministre avait un objectif valable de vérification, cet objectif était, vu les éléments de preuve, « étranger à l’objectif primaire, qui consistait à paralyser la souscription de polices 10‑8 [des intimées] », une activité que le ministre n’aimait pas pour des motifs de politique. Le « véritable objectif [du ministre] était d’obtenir, au moyen de vérifications, ce que le ministère des Finances avait refusé de faire » en adoptant cette politique « par la voie de modifications législatives ». De plus, compte tenu des preuves, la Cour fédérale n’était pas « convaincue que le ministre [avait] réellement besoin des renseignements demandés pour vérifier si la Loi [était] respectée » (voir les paragraphes 58 à 60 des motifs).

 

[10]           Le ministre interjette appel de cette décision devant notre Cour.

 

C.        La norme de contrôle applicable en appel

 

[11]           Il n’est pas controversé entre les parties que la norme de contrôle à deux volets qui est habituellement pertinente en appel joue en l’espèce :

 

●          Les conclusions de la Cour fédérale quant aux questions de droit doivent être correctes.

 

●          Sauf si une question de droit peut être isolée, ses conclusions quant aux questions mélangées de droit et de fait, y compris l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire fondé sur des faits, peuvent uniquement être annulées pour erreur manifeste et dominante.

 

(Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 r.c.s. 235, aux paragraphes 8 et 36.)

 

[12]           L’erreur manifeste et dominante constitue « une norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue ». L’erreur manifeste est « une erreur évidente ». L’erreur dominante est « une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire » (voir Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46). À titre d’exemple, lorsqu’il y a absence totale de preuves, une conclusion de fait essentielle à l’issue de l’affaire constitue une erreur manifeste et dominante (Hershkovitz c. Tyco Safety Products Canada Ltd., 2010 CAF 190, au paragraphe 39).

 

D.        Analyse

 

[13]           Les observations du ministre soulèvent trois questions :

 

(1)        Quelle est la compétence de la Cour fédérale en matière de requête ex parte présentée en application du paragraphe 231.2(3) et en matière de demande de révision fondée sur le paragraphe 231.2(6)?

 

(2)        Le ministre a‑t‑il communiqué tous les renseignements pertinents au moment de la présentation de la requête ex parte en l’espèce?

 

(3)       L’objectif valable de vérification du ministre, appelle-t-il la confirmation des autorisations?

 

(1)        Quelle est la compétence de la Cour fédérale en matière de requête ex parte présentée en application du paragraphe 231.2(3) et en matière de demande de révision fondée sur le paragraphe 231.2(6)?

 

 

[14]           Lors de l’audience, le ministre a soutenu que le juge peut refuser d’accorder une autorisation en vertu du paragraphe 231.2(3), même si sont réunies les conditions préalables énoncées aux alinéas 231.2(3)a) et b). En bref, le juge saisi de la demande d’autorisation dispose d’un pouvoir discrétionnaire.

 

[15]           Le ministre a toutefois soutenu que le juge siégeant en révision en application du paragraphe 231.2(6) ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire. Le juge siégeant en révision peut uniquement vérifier si les conditions préalables énoncées aux alinéas 231.2(3)a) et b) sont réunies. Ainsi, si les conditions préalables sont réunies, c’est‑à‑dire que les contribuables non désignés nommément sont identifiables et que l’autorisation vise à vérifier si les contribuables non désignés nommément ont respecté la Loi, le juge siégeant en révision ne peut aller plus loin. L’autorisation doit être maintenue.

 

[16]           Selon l’interprétation que le ministre donne au paragraphe 231.2(6), le juge siégeant en révision ne peut annuler l’autorisation au motif que le ministre n’a pas communiqué tous les renseignements pertinents au moment de la présentation de la requête ex parte fondée sur le paragraphe 231.2(3). Or, c’est exactement ce qu’a fait la juge de la Cour fédérale. Par conséquent, selon le ministre, la juge de la Cour fédérale a commis une erreur.

 

[17]           Je rejette l’interprétation du paragraphe 231.2(6) avancée par le ministre. Sous le régime de cette disposition, la mission du juge siégeant en révision n’est pas aussi limitée que le prétend le ministre.

 

[18]           Les paragraphes 231.2(3) et 231.2(6) disposent tous deux que le juge « peut » faire quelque chose. Or, curieusement, bien que le mot « peut » soit employé dans les deux dispositions, le ministre reconnaît l’existence d’un pouvoir discrétionnaire dans un cas, mais non dans l’autre.

 

[19]           Il ressort du libellé clair du paragraphe 231.2(6) qu’il est loisible au juge siégeant en révision de ne pas s’en tenir à rechercher si les conditions préalables prévues par la Loi sont réunies et d’exercer son pouvoir discrétionnaire quant au maintien éventuel de l’autorisation. Selon le texte du paragraphe, le juge « peut […] modifier » l’autorisation même s’il « est convaincu de leur existence [les deux conditions préalables] ». Qui plus est, la disposition emploie en anglais le mot « may » – « peut » en français – et non le mot « shall ».

 

[20]           Cela est logique. Si, comme le reconnaît le ministre, le juge peut exercer son pouvoir discrétionnaire au moment de la présentation d’une requête ex parte fondée sur le paragraphe 231.2(3), pourquoi le juge ne disposerait-il pas d’un pouvoir discrétionnaire tout aussi large en matière de demande de révision fondée sur le paragraphe 231.2(6)? Il faudrait un texte explicite – qui n’existe pas en l’espèce – pour restreindre la portée de la procédure de révision prévue au paragraphe 231.2(6).

 

[21]           Il ressort également des objectifs des paragraphes 231.2(3) et 231.2(6) que l’interprétation du ministre est incorrecte. Devant nous, le ministre a fait valoir que ces paragraphes relevaient de la partie de la Loi relative à l’exécution de la loi et aux enquêtes, une partie qui vise à accorder au ministre le pouvoir de vérifier si les contribuables respectent la Loi et de découvrir les manquements. Toutefois, en réponse à une question que lui a posée la Cour, le ministre a reconnu que la partie de la Loi relative à l’exécution de la loi et aux enquêtes visait également à veiller à ce que les personnes assujetties au pouvoir d’enquête du ministre soient traitées de façon équitable et appropriée.

 

[22]           Pris de concert, les paragraphes 231.2(3) et 231.2(6) concrétisent ce double objet. Le paragraphe 231.2(3) accorde au ministre le pouvoir d’obtenir des autorisations dans certains cas. Mais la surveillance judiciaire est présente tout au long du processus, tant à la première étape ex parte et, plus tard, lors de la révision en vertu du paragraphe 231.2(6), le cas échéant. La surveillance judiciaire est nécessaire parce que les autorisations sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée de tiers :

 

Une atteinte à la vie privée des personnes est toujours une question délicate, spécialement lorsque des tiers, qui peuvent eux‑mêmes avoir des raisons valables pour ne pas vouloir communiquer certains renseignements, sont forcés de les communiquer. Il ne fait aucun doute que c’est la raison pour laquelle le Parlement a jugé opportun d’exiger que le ministre obtienne une autorisation judiciaire, et de ne l’autoriser à une telle atteinte à la vie privée qu’une fois qu’il a convaincu le tribunal au sujet des points mentionnés expressément au paragraphe 231.2(3).

 

 

(M.N.R. c. Sand Exploration Limited (1995), 95 D.T.C. 5358 (C.F. 1re inst.), à la page 5362, le juge Rothstein (alors juge à la Cour fédérale).)

 

[23]           La Cour a conclu que les autorisations visées au paragraphe 231.2(3) ne peuvent être accordées que si les deux conditions préalables prévues par la Loi sont remplies et si la Cour, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, conclut que les circonstances en justifient l’octroi. L’aspect discrétionnaire est crucial. Voici les explications du juge Noël :

 

[L]’existence d’une discrétion judiciaire est essentielle à la validité constitutionnelle de ce type de disposition qui est assimilable à une saisie, même lorsqu’utilisée dans un contexte réglementaire (voir (sic) non‑criminel) […]. C’est cette discrétion, confiée à un juge indépendant, qui protège les individus à l’encontre de l’utilisation abusive de ce genre de pouvoir, et le rend conforme aux exigences de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés […].

 

 

(M.R.N. c. Derakhshani, 2009 CAF 190, au paragraphe 19.)

 

[24]           Selon le ministre, la jurisprudence Derakhshani n’est pas pertinente quant à la question de savoir si le paragraphe 231.2(6) confère au juge siégeant en révision un pouvoir discrétionnaire. Il fait valoir qu’elle concerne les requêtes ex parte présentées en vertu du paragraphe 231.2(3), et non les révisions demandées en vertu du paragraphe 231.2(6).

 

[25]           Je rejette cette thèse. Par l’arrêt Derakhshani, notre Cour a examiné le paragraphe 231.2(3) au regard du paragraphe 231.2(6) et, comme il ressort du passage qui précède, elle s’exprime en termes larges. Les observations de notre Cour dans l’arrêt Derakhshani ont une portée doctrinale et ne constituaient pas de simples observations incidentes. De plus, le processus de révision prévu au paragraphe 231.2(6) ne peut être dissocié de son objet, soit l’autorisation accordée en vertu du paragraphe 231.2(3). Dans la mesure où la jurisprudence Derakhshani portait uniquement sur le paragraphe 231.2(3), une thèse que je ne retiens pas, elle est manifestement pertinente en ce qui concerne le paragraphe 231.2(6).

 

[26]           Lorsque le ministre sollicite l’autorisation visée au paragraphe 231.2(3), il ne peut laisser « [u]n juge […] dans le noir » concernant des faits pertinents quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire, même si ces faits sont défavorables à sa cause (Derakhshani, précité, au paragraphe 29; M.R.N. c. Weldon Parent Inc., 2006 CF 67, aux paragraphes 153 à 155 et 172). Le ministre doit satisfaire à « une norme élevée de bonne foi » et « communiquer tous les renseignements pertinents » afin de « justifier pleinement » une ordonnance ex parte en application du paragraphe 231.1(3) : M.R.N. c. National Foundation for Christian Leadership, 2004 CF 1753, confirmée par 2005 CAF 246, aux paragraphes 15 et 16; voir également Agence du revenu du Canada, Obtention de renseignements de la part de contribuables, d’inscrits et de tiers (publié en juin 2010).

 

[27]           Dans la mesure du possible, le juge saisi d’une demande de révision en vertu du paragraphe 231.2(6) est le même que le juge qui a accordé l’autorisation prévue au paragraphe 231.2(3) (voir le paragraphe 231.2(5)). Si la révision ne visait qu’à veiller à ce que les deux conditions préalables prévues par la Loi soient réunies, n’importe quel juge pourrait le faire. Mais, en vertu de ce régime législatif, le juge qui a dans un premier temps accordé l’autorisation procède à la révision, étant donné qu’il connaît les renseignements initiaux qui ont été présentés en vue de l’amener à accorder l’autorisation dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Il en ressort également que la révision prévue au paragraphe 231.2(6) comporte un élément discrétionnaire et qu’elle ne se limite pas à la simple vérification de la réunion des deux conditions préalables prévues par la Loi.

 

[28]           S’il n’en était pas ainsi, il en découlerait des conséquences étonnantes. Selon l’interprétation du ministre, il aurait le droit de ne pas révéler des renseignements importants au juge qui entend la demande d’autorisation suivant le paragraphe 231.2(3) – des renseignements qui auraient amené le juge à exercer son pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande d’autorisation –, mais au moment de la révision prévue au paragraphe 231.2(6), ce même juge devrait maintenir l’autorisation s’il conclut que les deux conditions préalables prévues par la Loi sont réunies. Malgré le fait qu’il soit au courant de la non‑communication de renseignements importants qui auraient donné lieu au refus d’accorder l’autorisation, le juge n’est qu’un pion sur l’échiquier, qui ne peut intervenir, celui‑ci se trouvant forcé de laisser en place l’autorisation obtenue de manière irrégulière.

 

[29]           Certes, il est possible d’imaginer des circonstances – qui ne sont pas présentes en l’espèce – encore plus délicates. Selon l’interprétation du ministre, le juge entendant la demande d’autorisation pourrait être incité à accorder une autorisation sur la foi de mensonges flagrants et, dans le cadre d’une procédure en révision, si les conditions préalables prévues par la Loi sont réunies, ce même juge, après avoir découvert qu’il a été trompé, ne pourrait remédier à la situation.

 

[30]           Le ministre soutient qu’il est toujours loisible au juge siégeant en révision de se pencher sur les cas de non‑communication et les cas où des renseignements erronés ont été fournis lors de la présentation d’une requête ex parte suivant le paragraphe 231.2(3) parce que les cas de non‑communication ou de renseignements erronés auront nécessairement un lien avec l’une ou l’autre des conditions préalables à l’octroi d’une autorisation en vertu du paragraphe 231.2(3). Je rejette cette thèse. Des renseignements peuvent être pertinents quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 231.2(3) et non uniquement en ce qui concerne les deux conditions préalables prévues par la Loi. À titre d’exemple, les éléments de preuve présentés par le ministre pourraient indiquer que les deux conditions préalables sont réunies, mais, en raison d’une non‑communication ou d’un renseignement erroné, le ministre pourrait donner une image plus défavorable qu’ils ne le méritent des contribuables concernés. Ou encore, le ministre pourrait donner des renseignements erronés à propos des inconvénients et du tort que pourraient causer les autorisations aux personnes visées. Dans les deux cas, la non‑communication ou les renseignements erronés pourraient nuire injustement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge.

 

[31]           La thèse du ministre soulève également des questions plus fondamentales. Un manquement à l’obligation de communiquer tous les renseignements pertinents quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour au moment de la présentation d’une requête ex parte, telle que celle visée par le paragraphe 231.2(3), peut entraver la capacité de la Cour d’agir de manière appropriée et judiciaire et peut donner lieu au prononcé d’ordonnances qui n’auraient pas dû l’être. Il s’agit d’un abus de procédure.

 

[32]           De fait, le ministre soutient que les paragraphes 231.2(3) et 231.2(6) forment un code complet, écartant la possibilité pour la Cour de remédier à un tel abus de procédure. Je rejette cette thèse.

 

[33]           Les Cours fédérales ont le pouvoir, indépendant de tout texte législatif, de remédier aux abus de procédure, tels l’omission de communiquer tous les renseignements pertinents au moment de la présentation d’une requête ex parte (Indian Manufacturing Ltd. et al. c. Lo et al. (1997), 75 C.P.R. (3d) 338, à la page 342 (C.A.F.); May & Baker (Canada) Ltd. c. Motor Tanker « Oak », [1979] 1 C.F. 401, à la page 405 (C.A.)).

 

[34]           Selon cette jurisprudence, le pouvoir des Cours fédérales est un pouvoir « inhérent ». Il fut un temps où cette jurisprudence aurait pu être attaquée au motif que les Cours fédérales, en tant que cours d’origine législative, ne disposent pas de pouvoirs inhérents. Ce n’est cependant plus le cas.

 

[35]           La Cour suprême a confirmé que les Cours fédérales peuvent être considérées comme ayant « plénitude de compétence », de sorte que leurs pouvoirs s’apparentent aux pouvoirs inhérents des cours supérieures provinciales (Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, aux paragraphes 35 à 38), (qui énonce, bien que dans un contexte différent, un principe d’application universelle). Ces pouvoirs sont particulièrement pertinents dans les cas où la Cour est appelée à exercer « son pouvoir de surveillance sur les agissements du ministre dans le cadre de l’administration et la mise en œuvre de la Loi » (Derakhshani, précité, aux paragraphes 10 et 11).

 

[36]           À mon avis, le pouvoir des Cours fédérales de repérer et d’examiner les cas d’abus de leur propre procédure et, si nécessaire, d’y remédier, est un pouvoir absolu, indépendant des pouvoirs conférés par un texte législatif, un « attribut immanent » qui fait partie de son « caractère essentiel », comme c’est le cas pour les cours supérieures provinciales dotées d’une compétence inhérente (voir MacMillan Bloedel Ltd. c. Simpson, [1995] 4 R.C.S. 725, au paragraphe 30). Le pouvoir des Cours fédérales de contrôler l’intégrité de leur propre procédure fait partie de leur fonction fondamentale, essentielle à la bonne administration de la justice, à la préservation de la primauté du droit et au maintien d’un juste équilibre entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Sans ce pouvoir, un tribunal, même un tribunal visé par l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, est affaibli et n’est pas véritablement un tribunal (voir MacMillan Bloedel, précité, aux paragraphes 30 à 38, citant avec approbation K. Mason, « The Inherent Jurisdiction of the Court » (1983), 57 A.L.J. 449, à la page 449, et I.H. Jacobs, « The Inherent Jurisdiction of the Court » (1970), 23 C.L.P. 23; voir aussi Crevier c. P.G. (Québec), [1981] 2 R.C.S. 220).

 

[37]           Compte tenu de ce qui précède, je ne peux retenir la thèse du ministre voulant que les paragraphes 231.2(3) et 231.2(6) forment un code complet ayant pour effet d’écarter le pouvoir de la Cour de repérer et d’examiner les cas d’abus de sa propre procédure et, si nécessaire, d’y remédier.

 

[38]           Je conclus que, lorsque la Cour fédérale s’est livrée à la révision prévue au paragraphe 231.2(6) en l’espèce, elle avait le pouvoir d’annuler les autorisations qu’elle avait accordées au motif qu’à son avis le ministre ne lui avait pas communiqué tous les renseignements pertinents au moment de la présentation de la requête ex parte fondée sur le paragraphe 231.2(3).

 

(2)        Le ministre a‑t‑il communiqué tous les renseignements pertinents au moment de la présentation de la requête ex parte en l’espèce?

 

[39]           Le ministre répond à cette question par l’affirmative. Plus particulièrement, le ministre attaque la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle les renseignements non communiqués, résumés au paragraphe 8 ci‑dessus, étaient pertinents quant à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’accorder les autorisations en vertu du paragraphe 231.2(3).

 

[40]           A mon sens, la Cour fédérale avait des raisons de conclure que les questions de fait mentionnées au paragraphe 8 ci‑dessus étaient pertinentes quant à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la question de savoir si les autorisations devaient être accordées en vertu du paragraphe 231.2(3) dans les circonstances de l’affaire. La conclusion relative à la pertinence, tirée par la Cour fédérale en l’espèce, était une conclusion mélangée de fait et de droit tributaire de l’appréciation des faits et aucun principe juridique ne peut être dégagé de cette conclusion. Par conséquent, compte tenu de la jurisprudence Housen, précitée, il incombe au ministre d’établir l’existence d’une erreur manifeste et dominante. Le ministre ne l’a pas fait.

 

[41]           De plus, des éléments de preuve au dossier et, même dans certains cas, des éléments de preuve abondants, allaient chacun dans le sens des faits visés au paragraphe 8 ci‑dessus (voir le mémoire des intimées, notes de bas de page 38 à 101, 165, 167 et 169, et dont la Cour a vérifié l’exactitude).

 

(3)        L’objectif valable de vérification du ministre appelle-t-il la confirmation des autorisations?

 

[42]           Le ministre fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en ignorant l’existence d’éléments de preuve sur la foi desquels les autorisations auraient pu être accordées. Il insiste sur le fait que la demande d’autorisation servait un objectif valable en matière de vérification. Du point de vue de l’interprétation des lois, le ministre est d’avis que, dans la mesure où l’objectif de vérification constituaient le fondement des autorisations, celles‑ci auraient dû être maintenues.

 

[43]           La Cour fédérale a en effet conclu à l’existence d’un objectif valable de vérification, mais elle a conclu que cet objectif était un objectif secondaire ou un objectif subordonné à son objectif principal de paralyser les affaires des intimées relativement à la souscription de polices 10‑8. Compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait, la Cour fédérale a conclu que « l’objectif primaire » du ministre consistait à paralyser cette activité – un objectif qui n’était pas « suffisamment lié à l’objectif valable de vérification » – et la Cour fédérale « n’était pas convaincue que le ministre [avait] réellement besoin des renseignements demandés pour vérifier si la Loi [était] respectée » (aux paragraphes 58 à 60 des motifs).

 

[44]           Ces conclusions étaient des conclusions mélangées de fait et de droit tributaires des faits, celles‑ci ne pouvant être annulées que pour cause d’erreur manifeste et dominante. En l’absence d’erreur manifeste et dominante, il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve et de conclure qu’un objectif valable de vérification était l’objectif véritable.

 

[45]           Je conviens avec le ministre qu’il existait certains éléments de preuve suivant lesquels la Cour fédérale aurait pu conclure que les deux conditions préalables prévues par la Loi étaient réunies. Certains éléments de preuve auraient pu justifier que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour confirme les autorisations au stade de la révision. La Cour fédérale a toutefois apprécié les faits différemment et tiré des conclusions fondées sur les éléments de preuve. En l’absence d’erreur manifeste et dominante, ses conclusions et la décision prise par la Cour fédérale dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire doivent être maintenues.

 

[46]           Même si le ministre avait un objectif valable de vérification, il était quand même loisible à la Cour fédérale d’annuler les autorisations au stade de la révision, parce que le ministre n’a pas communiqué les renseignements pertinents. Compte tenu de l’interprétation législative ci‑dessus, la Cour fédérale pouvait le faire, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. C’est ce qu’elle a fait, concluant que la non‑communication de renseignements pertinents de la part du ministre portait à conséquence. À son avis, le manquement du ministre était grave : la non‑communication était « assurément important[e] » et « aurai[t] certainement influé sur l’issue des requêtes ex parte » (aux paragraphes 39 et 40 et 44 et 45 des motifs).

 

[47]           La Cour fédérale a reconnu que l’annulation des autorisations en vertu du paragraphe 231.2(6) était parfois nécessaire pour retirer au ministre un « avantage obtenu de façon irrégulière ». Elle a reconnu que la Cour doit parfois exercer son pouvoir discrétionnaire à des fins dissuasives et pour faire comprendre au ministre l’« obligation de divulgation [… et] les conséquences auxquelles [le ministre] s’expose s[’il] ne respecte pas cette obligation » (aux paragraphes 29 et 30 des motifs).

 

[48]           En tirant ses conclusions et en faisant ses observations, la Cour fédérale n’a commis aucune erreur de principe ni commis d’erreur manifeste et dominante. Compte tenu des éléments de preuve, il était loisible à la Cour fédérale de tirer chacune des conclusions de fait figurant dans son jugement et elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon régulière sans excéder la portée du paragraphe 231.2(6).

 

E.        L’appel connexe

 

[49]           Le présent appel a été entendu le même jour que l’appel interjeté dans Ministre du Revenu national c. Lordco Parts Ltd., dossier no A‑106‑12. J’ordonnerais au greffe de transmettre aux parties dans le présent appel une copie de nos motifs dans l’arrêt Lordco, au moment de la publication des présents motifs.

 

F.         Dispositif du présent pourvoi

 

[50]           Par ces motifs, je rejetterais l’appel et l’appel incident. Les intimées ont formé l’appel incident uniquement au cas où leur moyen de défense dans l’appel ne serait pas accueilli. Leur moyen de défense a été retenu. En conséquence, j’estime que les intimées ont eu entièrement gain de cause et je leur accorderais les dépens relativement à l’appel et à l’appel incident.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord.

     Johanne Trudel, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

     Wyman W. Webb, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 


Cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑447‑11

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE LA JUGE TREMBLAY‑LAMER DATÉ DU 1er novembre 2011

 

INTITULÉ :                                                  Ministre du revenu national c.
Compagnie d’assurance vie RBC et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 12 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       Le juge Stratas

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   Les juges Trudel et Webb

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 21 février 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Henry Gluch

Samantha Hurst

Christopher Bartlett

 

Pour l’appelant

 

Mahmud Jamal

Hemant Tilak

Pooja Samtani

David Mollica

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour l’appelant

 

Osler Hoskin & Harcourt, S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉES

 

 

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