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Date : 20130306

Dossier : A‑335‑12

Référence : 2013 CAF 69

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

 

ENTRE :

MARC VERONES

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 5 mars 2013

Jugement prononcé à Calgary (Alberta), le 6 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                             LE JUGE NOËL

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20130306

Dossier : A‑335‑12

Référence : 2013 CAF 69

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

MARC VERONES

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE TRUDEL

 

CONTEXTE

 

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté par M. Verones (l’appelant) d’une décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt (la Cour de l’impôt) (2012 CCI 291) a conclu que l’appelant n’avait pas le droit de réclamer des crédits d’impôt non remboursables pour personnes entièrement à charge et pour enfants en vertu des alinéas 118(1)b) et 118(1)b.1) et des paragraphes 118(5) et 118(5.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) pour les années d’imposition 2009 et 2010.

 

[2]               Dans le contexte des faits de l’espèce, le paragraphe 118(5) de la Loi prévoit que l’appelant ne peut rien réclamer à titre de crédit personnel étant donné qu’il est tenu, aux termes d’une ordonnance judiciaire, de verser une pension alimentaire pour ses enfants à son ex‑conjointe de qui il était séparé pendant les années d’imposition en question. Le paragraphe 118(5.1) prévoit quant à lui une exception limitée à ce principe lorsque les deux parents se versent réciproquement une pension alimentaire pour enfant pour une année d’imposition déterminée étant donné qu’autrement, le paragraphe 118(5) les empêcherait tous les deux de réclamer un crédit d’impôt. Dans son mémoire des faits et du droit, l’appelant soutient que son cas relève de cette exception. Lors de l’instruction du présent appel, l’appelant a également soutenu que sa situation relevait du paragraphe 118(5) lorsqu’on l’interprétait correctement. L’interprétation qu’il propose est fondée sur son opinion que le paragraphe 118(5.1) devrait être abrogé, étant donné qu’il contredit le principe général formulé au paragraphe 118(5) et que l’introduction de cette disposition en 2007 constituait une erreur de droit. Pour les motifs qui suivent, je propose de rejeter l’appel avec dépens.

 

LES FAITS PERTINENTS

 

[3]               L’appelant et son ex‑épouse vivent séparés depuis 2008. Ils sont les parents de deux enfants de moins de 18 ans. Les enfants vivent 50 p. 100 du temps avec chacun de leurs parents aux termes d’une entente de garde partagée. Aux termes d’une ordonnance prononcée par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, l’appelant est tenu de payer une pension alimentaire tant à son ex‑conjointe qu’à ses enfants. Seule la pension alimentaire qu’il doit verser à ses enfants est en litige dans le présent appel. L’appelant verse une pension alimentaire de 1 763 $ par mois à ses enfants. Ce montant représente la différence entre la contribution totale de l’appelant au titre des besoins de ses enfants (2 202 $) et la somme que son ex‑épouse doit verser à ce titre (439 $) selon les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, DORS/97‑175 (les Lignes directrices fédérales).

 

[4]               Au départ, l’appelant soutenait que, selon les Lignes directrices fédérales, lui et son ex‑épouse se payent réciproquement une pension alimentaire pour enfants. Pour l’appelant, le mécanisme de compensation que l’on trouve dans les Lignes directrices fédérales est simplement un moyen d’éviter l’échange inutile de chèques entre parents, étant donné qu’il serait illogique qu’il signe un chèque de 2 200 $ à son ex‑épouse et qu’elle lui signe en retour un chèque de 439 $. Par conséquent, l’appelant soutient qu’il a droit à un crédit d’impôt pour l’un des deux enfants en vertu du paragraphe 118(5.1) de la Loi.

 

ANALYSE

 

[5]               Je suis d’avis que c’est à bon droit que la Cour de l’impôt a rejeté la thèse de l’appelant. La Cour de l’impôt a fait observer que l’ordonnance de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta obligeait uniquement l’appelant à faire des versements de pension alimentaire aux enfants malgré le fait que l’on avait tenu compte des revenus de son ex‑épouse pour calculer le montant de la pension alimentaire qu’en tant que conjoint ayant les revenus les plus élevés, il était tenu de payer. Il est évident que la pension alimentaire pour enfants versée par l’appelant constitue une « pension alimentaire » au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi. La contribution de la mère aux besoins des enfants ne répond pas aux exigences de ce paragraphe, étant donné qu’il n’existe aucune ordonnance ou entente écrite l’obligeant à verser une pension alimentaire pour enfants à l’appelant. Par conséquent, le paragraphe 118(5) s’applique et l’appelant n’a droit à aucun crédit d’impôt (voir Perrin c. Canada, 2010 CCI 331; Ladell c. Canada, 2011 CCI 314, cités au paragraphe 6 des motifs de la Cour de l’impôt).

 

[6]               Tout le débat autour du concept de la compensation ne fait que détourner notre attention de la véritable question, en l’occurrence celle de savoir si l’appelant est ou non le seul parent payant une « pension alimentaire pour enfants » conformément à une « ordonnance d’un tribunal compétent » ou à un « accord écrit » au sens de la Loi.

 

[7]               Dans l’arrêt Contino c. Leonelli‑Contino, 2005 CSC 63; [2005] 3 R.C.S. 217 [Contino], le juge Bastarache explique dans les termes les plus nets qu’en matière de pension alimentaire pour enfants, la Loi sur le divorce, L.R.C. 1985, ch. 3 (2e suppl.) (par. 26.1(2)) et les Lignes directrices fédérales (art. 1) sont fondées sur le principe que « l’obligation financière de subvenir aux besoins des enfants à charge [est] commune aux époux et qu’elle [est] répartie entre eux selon leurs ressources respectives permettant de remplir cette obligation » (au paragraphe 32).

 

[8]               Une fois que l’obligation de chacun des parents par rapport aux enfants a été précisée, le parent dont les revenus sont les plus élevés peut être obligé de verser une pension alimentaire pour enfants au parent dont les revenus sont moins élevés dans le cadre de l’exécution de son obligation. Cependant, au bout du compte, le concept de la compensation ne transforme pas l’obligation respective des parents de contribuer à l’éducation des enfants en une « pension alimentaire » au sens de la Loi.

 

[9]               L’argument de l’appelant quant aux incidences des Lignes directrices fédérales sur la pension alimentaire pour enfants ne saurait donc être retenu. Qui plus est, le paragraphe 118(5.1) de la Loi ne s’applique pas à la présente situation factuelle. Ainsi que le juge de la Cour de l’impôt l’a fait observer : « [l]e paragraphe 118(5.1) a été adopté en 2007,  vraisemblablement pour offrir un allégement aux deux parents lorsque ceux‑ci paient effectivement tous les deux une pension alimentaire pour enfants » ce qui, comme nous l’avons déjà mentionné, n’est pas le cas en l’espèce. Quant à l’idée de l’appelant suivant laquelle le paragraphe 118(5.1) de la Loi devrait être abrogé, il s’agit là d’une question à laquelle seul le législateur peut répondre.

 

[10]           Enfin, l’intimée a demandé que l’intitulé de la cause soit modifié pour que Sa Majesté la Reine soit désignée comme il se doit comme intimée dans le présent dossier. La Cour fera droit à sa demande dans le jugement.


DISPOSITIF

[11]           Par conséquent, je propose de rejeter l’appel avec dépens.

 

 

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord. »

            Marc Noël, j.c.a.

 

« Je suis d’accord. »

Johanne Gauthier, j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑335‑12

 

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 21 MARS 2012 DANS LE DOSSIER 2011‑2948(IT)I PAR LA JUGE CAMPBELL DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

 

INTITULÉ :                                                  MARC VERONES c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 5 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LE JUGE NOËL  

                                                                        LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 6 mars 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marc Verones

 

L’APPELANT

(pour son propre compte)

 

Robert Neilson

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S/O

 

L’APPELANT

(pour son propre compte)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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