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Date : 20130417

 

Dossier : A‑375‑12

Référence : 2013 CAF 104

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LE JUGE STRATAS

                        LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE et
LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA

 

appelants

 

et

 

LE COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 9 avril 2013

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 17 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                                  LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                    LES JUGES EVANS ET NEAR

 


Date : 20130417

Dossier : A‑375‑12

Référence : 2013 CAF 104

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LE JUGE STRATAS

                        LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE et
LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA

 

appelants

et

 

LE COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE STRATAS

 

[1]               Les ministres interjettent appel d’une décision rendue par la Cour fédérale (la juge Gleason) en date du 12 juillet 2012 : 2012 CF 877.

 

[2]               Conformément à la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1, la Cour fédérale a ordonné la communication intégrale d’un certain protocole à une personne qui souhaitait le consulter. Ce protocole énonce les procédures auxquelles le ministère de la Justice et la GRC doivent se soumettre lorsque des documents de la GRC font l’objet d’une demande d’accès dans le cadre de poursuites civiles intentées contre la Couronne fédérale.

 

[3]               Les ministres appelants font valoir devant la Cour qu’aucune partie du protocole ne devrait être divulguée, celui‑ci étant entièrement protégé par le secret professionnel qui lie un avocat à son client prévu par la Loi. Le commissaire à l’information intimé soutient quant à lui que le protocole doit être intégralement divulgué puisqu’il n’est protégé à aucun égard par le secret professionnel des avocats.

 

[4]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, je suis pour l’essentiel d’accord avec le commissaire à l’information.  À l’exception d’une petite partie du protocole qui est protégée par le secret professionnel des avocats, celui-ci doit être divulgué. Par conséquent, j’accueillerais l’appel en partie.

 

[5]               Les coordonnateurs de l’accès à l’information du ministère de la Justice et de la GRC pourraient décider, à leur discrétion, de divulguer cette partie du document qui est protégée par le secret professionnel des avocats. Par conséquent, je serais d’avis de la leur renvoyer pour qu’ils la réexaminent.

 

A.        La demande de divulgation du protocole

 

[6]               La GRC et le ministère de la Justice ont reçu une demande visant à obtenir la divulgation du protocole en vertu de la Loi. Ils ont communiqué le document, mais en ont caviardé tout le contenu à l’exception du titre et du nom des signataires.

 

[7]               Le protocole, intitulé « Principes de mise en œuvre des avis juridiques sur la protection et l’inspection des documents de la GRC relatifs au contentieux des affaires civiles » peut être consulté par le personnel autorisé de la GRC et du ministère de la Justice. Ce document explique les rôles du procureur général et de la GRC ainsi que les procédures à suivre lorsque cette dernière se trouve en possession de documents pouvant se révéler pertinents au regard de poursuites civiles contre la Couronne fédérale. Il est signé par le sous‑commissaire William Lenton, directeur des Services fédéraux de la GRC, et par James D. Bissell, sous‑procureur général adjoint.

 

[8]               La GRC et le ministère de la Justice se sont opposés à la divulgation au titre de la Loi en invoquant deux exceptions : le « secret professionnel qui lie un avocat à son client » (article 23) et les « avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre » (alinéa 21(1)a)).

 

B.        L’instance devant le commissaire à l’information du Canada

 

[9]               Devant le refus de la GRC et du ministère de la Justice de divulguer le contenu du protocole, l’auteure de la demande a adressé une plainte au commissaire à l’information conformément à l’article 30 de la Loi. Elle soutenait que le protocole ne relevait d’aucune des exceptions prévues par la Loi.

 

[10]           Le commissaire à l’information a effectué une enquête, il a examiné le protocole ainsi qu’un certain nombre de documents y afférents, et il a conclu que le protocole ne tombait pas sous le coup des exceptions.

 

[11]           Étant parvenu à cette conclusion, le commissaire à l’information s’est adressé à la Cour fédérale, en vertu de l’article 42 de la Loi, afin d’obtenir la divulgation du protocole.

 

C.        L’instance en Cour fédérale

 

[12]           La Cour fédérale a convenu que le protocole n’était visé par aucune exception et a fait droit à la demande du commissaire à l’information.

 

[13]           Au chapitre du secret professionnel des avocats, la Cour fédérale a noté d’emblée que certaines considérations de forme plaidaient contre son existence (paragraphe 25) :

[...] [l]e protocole a été négocié; les avis juridiques ne font pas l’objet de négociations entre les avocats et leurs clients. De plus, le protocole est signé et par le supposé avocat (le MJ) et par le supposé client (la GRC); en règle générale, ce n’est pas le cas des communications visant à demander ou à offrir un avis juridique.

 

 

[14]           Cependant, la Cour fédérale a essentiellement conclu que le protocole ne contenait aucun conseil juridique et ne visait pas à fournir un avis juridique. Il s’agissait plutôt (au paragraphe 25) :

[...] d’une entente [dans laquelle] les parties [...] ont dépassé le stade consistant à demander ou à obtenir des avis, et ont signé un document qui illustre leur compréhension des rôles et obligations qui leur incombent respectivement lorsque la GRC est en possession de documents, obtenus grâce à ses pouvoirs d’enquête criminelle, qui peuvent se révéler pertinents dans le cadre de litiges civils intentés contre la Couronne fédérale.

 

 

[15]           La Cour fédérale a estimé que le protocole ne se différenciait pas des autres protocoles d’entente ou accords conclus entre le ministère de la Justice et d’autres ministères.

 

[16]           Quant à l’exception liée aux avis, la Cour fédérale a estimé que le protocole n’était pas en soi un avis, mais qu’il s’agissait plutôt d’un accord sur les rôles et responsabilités respectifs des parties. Elle a ajouté qu’il était impossible, à la lecture du document, de savoir s’il reflétait l’avis juridique antérieur obtenu par le ministère de la Justice. La Cour a donc conclu que la divulgation du protocole « ne nuirait en aucune façon […] aux intérêts que l’exception […] entend protéger » (paragraphe 32).

 

[17]           Les ministres interjettent appel de cette décision à la Cour. Ils soutiennent que le secret professionnel des avocats s’applique et que les coordonnateurs de l’accès à l’information ont correctement exercé leur pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer le protocole.

 

D.        Analyse

 

1)         La norme de contrôle

 

[18]           Les parties s’entendent sur la norme de contrôle applicable. La question de l’application des exceptions est soumise à la norme de la décision correcte. Celle qui intéresse l’exercice convenable du pouvoir discrétionnaire répond à la norme de la décision raisonnable. Voir, par exemple, Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de l’Industrie), 2001 CAF 254, au paragraphe 47.

 

[19]           Les parties ont reconnu devant la Cour que la description du protocole par la Cour fédérale, dans la mesure où elle repose sur des considérations factuelles, ne peut être écartée qu’en cas d’erreur manifeste et dominante : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401.

 

2)         Exemption relative au secret professionnel de l’avocat (article 23)

 

a)         Considération préliminaire

 

[20]           Dans leur mémoire des faits et du droit, les ministres traitent le secret professionnel des avocats comme un problème absolu : soit le protocole est entièrement protégé, soit il ne l’est pas du tout.

 

[21]           C’est oublier que, dans certains cas, seule une partie d’un document est protégée. Par ailleurs, la Loi ne considère pas la divulgation sous l’angle du tout ou rien. L’article 25 de la Loi oblige par exemple le responsable d’une institution fédérale à prélever du document, s’il peut raisonnablement le faire, les parties dépourvues des renseignements visés par une exception. Si seule une partie du protocole est protégée, la question du prélèvement doit être envisagée.

 

b)         Principes généraux

 

[22]           Les parties s’entendent dans les grandes lignes sur les principes généraux à appliquer. Les ministres reconnaissent d’ailleurs que la Cour fédérale les a correctement énoncés aux paragraphes 15 à 22 de ses motifs.

 

[23]           Dans les observations qu’ils ont présentées à la Cour, les ministres ont insisté sur l’importance du secret professionnel des avocats et se sont appuyés sur des déclarations générales tirées de décisions telles que Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821; Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), 2004 CSC 31, [2004] 1 R.C.S. 809, et Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, [2008] 2 R.C.S. 574.

 

[24]           Aussi « fondamental », « général » et « quasi absolu » que ce privilège puisse être, ces décisions confirment que le secret professionnel ne couvre pas forcément le moindre propos adressé par un avocat à son client : voir p. ex. Pritchard, précité, au paragraphe 20, et Blood Tribe, précité, au paragraphe 10. L’avocat des ministres a d’ailleurs justement reconnu devant nous que les commentaires des avocats à leurs clients concernant des sujets tout à fait extérieurs à leur relation professionnelle n’étaient pas protégés.

 

[25]           Les communications doivent plutôt être examinées à la lumière du contexte entourant la relation qui lie un avocat à son client et de la relation elle-même : Pritchard, précité, au paragraphe 20; Miranda c. Richer, 2003 CSC 67, [2003] 3 R.C.S. 193, au paragraphe 32. Il faut tenir compte en particulier de la nature de la relation, de l’objet visé par ce qui est tenu pour un avis, et des circonstances qui sont à l’origine du document en question : R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565, au paragraphe 50.

 

[26]           Toutes les communications entre un avocat et son client qui sont directement liées à la demande, à la formulation ou à la fourniture de conseils juridiques sont protégées, de même que celles considérées comme faisant partie d’une communication continue au cours de laquelle l’avocat dispense des conseils. Voir Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762, au paragraphe 8.

 

[27]           Le continuum des communications protégées par le secret professionnel touche notamment [traduction] « les questions de tous ordres, à des stades divers […] y compris les conseils sur les mesures raisonnables et prudentes à prendre dans le contexte juridique en cause », et d’autres sujets [traduction] « directement liés à l’exécution par l’avocat de ses obligations professionnelles à titre de conseiller juridique du client ». Voir Balabel v. Air India, [1988] 2 W.L.R. 1036, à la page 1046, le lord juge Taylor; Three Rivers District Council v. Governor and Company of the Bank of England, [2004] UKHL 48, au paragraphe 111.

 

[28]           Pour déterminer où s’arrête le continuum des communications protégées, il s’agit de se demander si une communication donnée fait [traduction] « partie de cet échange nécessaire de renseignements dont l’objet est la prestation de conseils juridiques » : Balabel, précité, à la page 1048. Si la réponse à cette question est affirmative, les renseignements appartiennent au continuum des communications protégées. En d’autres termes, la divulgation de la communication risque‑t‑elle de nuire à l’objectif qui sous‑tend le secret professionnel – soit de permettre aux avocats et à leurs clients d’échanger librement et ouvertement des renseignements et des conseils de manière à ce que les clients puissent connaître leurs droits et obligations véritables et agir en conséquence?

 

[29]           Par exemple, lorsque le directeur d’un ministère reçoit un avis juridique sur le déroulement de certaines procédures et qu’il donne des instructions à cet effet à ceux qui dirigent ces procédures, ces instructions, qui sont tirées pour l’essentiel de l’avis juridique, font partie du continuum des communications et sont protégées : Minister of Community and Social Services c. Cropley (2004), 70 O.R. (3d) 680 (C. Div.). La divulgation d’une telle communication nuirait à la capacité du directeur de demander librement et ouvertement des conseils juridiques.

 

[30]           Dans certaines circonstances, cependant, le résultat final de l’avis juridique ne fait pas partie du continuum et n’est pas protégé. Par exemple, plusieurs organisations élaborent des politiques de gestion et de conservation des documents qu’elles transmettent à leur personnel. Ces politiques sont souvent fondées sur les conseils d’un avocat, mais elles sont généralement divulguées, sans que cela soulève d’objection, parce qu’elles ne font pas partie d’un échange de renseignements dont l’objet est de fournir un avis juridique. Elles sont plutôt de nature opérationnelle et s’attachent à la conduite des opérations générales de l’organisation.

 

[31]           De même, une organisation peut recevoir de nombreux conseils juridiques liés à l’élaboration d’une politique contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Cependant, la mise en œuvre opérationnelle de ces conseils – la politique et sa diffusion auprès du personnel de l’organisation en vue d’en assurer le fonctionnement correct et professionnel – n’est pas protégée, sauf dans la mesure où la politique reprend strictement l’avis juridique fourni par l’avocat.

 

[32]           Durant sa plaidoirie, l’avocat des ministres a justement reconnu que les politiques de ce type ne sont pas protégées par le secret professionnel.

 

[33]           C’est pourquoi je souscris à la suggestion de la Cour fédérale (au paragraphe 25) voulant que les documents et les mesures s’inspirant d’avis juridiques n’en soient pas nécessairement eux‑mêmes et ne font pas forcément partie du continuum des communications protégées. Il arrive parfois que les parties dépassent « le stade consistant à demander ou à obtenir des avis », c’est‑à‑dire le continuum des communications protégées, et que, dans le cours de leurs activités normales, elles commencent à suivre les conseils qu’elles ont reçus.

 

c)         L’application de ces principes par la Cour fédérale

 

[34]           Comme nous l’avons déjà mentionné, la Cour fédérale a estimé que le protocole ne constituait pas un avis juridique et qu’il ne s’inscrivait pas dans le continuum des conseils juridiques, mais qu’il énonçait plutôt les rôles respectifs de la GRC et du ministère de la Justice ainsi que les procédures à suivre lorsque des documents de la GRC s’avèrent pertinents dans des litiges civils.

 

[35]           Pour les besoins du présent appel, je diviserais les dix‑sept paragraphes du protocole en deux parties : les trois premiers puis les quatorze derniers paragraphes. À mon avis, il n’y a aucune raison de revenir sur la manière dont la Cour fédérale a qualifié les quatorze derniers paragraphes du document. Cette description repose sur plusieurs de ses conclusions factuelles (aux paragraphes 25 et 26), qui restent valables en l’absence d’une erreur dominante et manifeste avérée. Les ministres n’ont pas démontré qu’une telle erreur a été commise. Cependant, les trois premiers paragraphes renferment des conseils juridiques et sont protégés par le secret professionnel des avocats.

 

Les quatorze derniers paragraphes du protocole

 

[36]           Les quatorze derniers paragraphes du protocole représentent une politique opérationnelle négociée et convenue, et dont l’énoncé est postérieur aux conseils juridiques qui ont été fournis et au continuum des communications qu’il y a lieu de protéger compte tenu des objectifs qui sous‑tendent le secret professionnel. Ils ressemblent aux clauses de politique de gestion de documents dont se dotent de nombreuses organisations. Comme l’a conclu la Cour fédérale, les quatorze paragraphes définissent les rôles respectifs de la GRC et du ministère de la Justice et énoncent les procédures auxquelles ils doivent se soumettre en ce qui a trait aux documents détenus par la GRC. Ils servent à guider les employés de la GRC et du ministère de la Justice chargés du mandat opérationnel courant de retrouver des documents de la GRC aux fins de divulgation dans le cadre de litiges. Il n’est question nulle part d’obligations juridiques.

 

[37]           Le protocole en lui‑même est une entente. Ce n’est pas un détail de forme insignifiant, mais au contraire un élément déterminant pour qualifier la substance de la communication : les rôles et les procédures définis dans le protocole sont le produit de négociations et de compromis. Ils ne représentent ou ne reflètent pas nécessairement des avis antérieurs.

 

[38]           À cet égard, la Cour fédérale a noté qu’il est impossible de dire si les énoncés sont conformes aux avis juridiques antérieurs ou s’ils les contredisent. Je suis d’accord. Il est d’ailleurs impossible de savoir s’ils reposent ou non sur des avis juridiques préalables. La divulgation de cette politique ne révèle donc rien du contenu de tels avis ou de communications afférentes, et ne nuit d’aucune façon aux objectifs du secret professionnel de l’avocat.

 

[39]           À cet égard, le cas d’espèce se distingue de la décision Cropley, précitée, dans laquelle les instructions que le directeur avait fait circuler englobaient les avis juridiques et ne découlaient pas de négociations et de compromis. Je souscris à la conclusion de la Cour fédérale sur ce point et la fais mienne (paragraphe 27) :

[Cropley] concernai[t] [...] des demandes de communication d’instructions et d’avis permanents destinés aux avocats sur la manière de mener la poursuite; ces documents avaient été rédigés par des avocats internes du ministère et devaient être transmis aux avocats engagés pour représenter le ministère. En l’espèce cependant, le protocole ne fournit ni avis ni instruction, mais constate plutôt, comme nous l’avons mentionné, une entente entre le MJ et la GRC quant à leurs rôles et responsabilités respectifs.

 

 

[40]           Les ministres ont fait valoir que la Cour fédérale ne s’est employée qu’à déterminer si le protocole fournissait un avis juridique et non s’il s’inscrivait dans le continuum des communications liées à la prestation et à l’obtention de conseils juridiques. Je ne suis pas d’accord. La Cour fédérale n’a pas perdu de vue qu’il existe un continuum des communications protégées, comme l’illustre clairement sa prise en compte de la décision Cropley.

 

[41]           Si l’on devait accepter les observations des ministres touchant l’étendue du continuum protégé, toutes les mesures et les communications postérieures à la prestation d’un avis juridique et se rapportant à son objet seraient confidentielles. Les politiques opérationnelles de nombreux ministères ainsi que les protocoles d’entente entre ministères – actuellement publics – deviendraient soudainement confidentiels même s’ils ne divulguent aucun avis ni aucune autre communication essentielle au regard des objectifs du secret professionnel.

 

[42]           À mon avis, ce serait aller trop loin. L’étendue de la confidentialité irait au‑delà des objectifs inhérents au secret professionnel des avocats – le secret n’aurait pas d’autre raison que lui‑même.

 

[43]           Par conséquent, à l’instar de la Cour fédérale, et reprenant à mon compte un grand nombre de ses motifs, j’estime que les quatorze derniers paragraphes du protocole ne sont pas protégés.

 

Les trois premiers paragraphes du protocole

 

[44]           Il n’en va pas de même des trois premiers paragraphes du protocole, qui rappellent, à titre de mise en contexte, le contenu de certaines obligations juridiques de la Couronne fédérale à l’intention de la GRC, du ministère de la Justice et de leurs employés chargés de la gestion de documents.

 

[45]           Il s’agit de conseils juridiques au sens de l’exception prévue à l’article 23 de la Loi. Par conséquent, les trois premiers paragraphes du protocole sont protégés et peuvent rester confidentiels.

 

3)         Le pouvoir discrétionnaire des coordonnateurs de l’accès à l’information de ne pas divulguer le protocole

 

[46]           J’ai conclu que les quatorze derniers paragraphes du protocole n’étaient pas visés par une exception et qu’ils devaient être communiqués à l’auteure de la demande. En revanche, les trois premiers paragraphes sont protégés. L’affaire ne s’arrête pas là – dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, les coordonnateurs de l’accès à l’information peuvent néanmoins décider de communiquer ces trois paragraphes.

 

[47]           Comme nous l’avons déjà mentionné, les coordonnateurs ont exercé ce pouvoir et refusé de divulguer l’intégralité du protocole, qu’ils considéraient comme entièrement protégé. Compte tenu des présents motifs, la grande majorité du document n’est plus à l’abri de la divulgation et doit être communiquée.

 

[48]           Les coordonnateurs de l’accès à l’information doivent maintenant se pencher sur de nouvelles questions. Compte tenu des présents motifs, peuvent‑ils à présent communiquer les trois premiers paragraphes? La divulgation de ces trois premiers paragraphes peut‑elle renforcer aux yeux du public la crédibilité et le bien‑fondé des procédures suivies par la GRC et le ministère de la Justice en matière de documents? Pourrait‑elle à présent obéir à un intérêt public supérieur? D’autres considérations importantes justifient‑elles le maintien de la confidentialité des trois premiers paragraphes?

 

[49]           Les coordonnateurs de l’accès à l’information doivent de nouveau statuer sur ces questions. Ils doivent exercer leur pouvoir discrétionnaire en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes en l’espèce, de l’objet de la Loi et des principes énoncés dans l’arrêt Ontario (Sûreté et sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, [2010] 1 R.C.S. 815, au paragraphe 66.

 

E.        Décision proposée

 

[50]           Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais l’appel en partie. J’ajouterais, au paragraphe 2 du jugement de la Cour fédérale, après « [l]es défendeurs communiqueront », la phrase « les quatorze derniers paragraphes du » en remplacement du mot « le ».

 

[51]           Je renverrais aux coordonnateurs de l’accès à l’information de la GRC et du ministère de la Justice la question suivante, qu’ils devront trancher à leur discrétion : les trois premiers paragraphes du protocole devraient‑ils être divulgués bien qu’ils soient protégés en vertu de l’article 23 de la Loi par le secret professionnel qui lie un avocat à son client?

 

[52]           Le commissaire à l’information intimé n’a pas réclamé ses dépens et aucuns ne seront adjugés.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            John M. Evans, j.c.a.

 

Je suis d’accord.

            D.G. Near, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑375‑12

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE MADAME LA JUGE GLEASON DATÉ DU 12 JUILLET 2012, NOS T‑146‑11 ET T‑147‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA c.
LE COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 9 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LES JUGES EVANS ET NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 17 avril 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian Harvey

 

POUR LES APPELANTS

 

Jill Copeland

Allison Knight

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES APPELANTS

 

Sack Goldblatt Mitchell, LLP.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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