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Date : 20130430

Dossier : A‑472‑11

Référence : 2013 CAF 118

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE MAINVILLE

                        LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

VIVIAN BOUTZIOUVIS

appelante

et

Centre d’analyse des opérations et

déclarations financières du Canada

(CANAFE)

intimé

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 30 avril 2013.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 30 avril 2013.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                         LE JUGE NOËL

 


Date : 20130430

Dossier : A‑472‑11

Référence : 2013 CAF 118

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE MAINVILLE

                        LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

VIVIAN BOUTZIOUVIS

appelante

et

Centre d’analyse des opérations et

déclarations financières du Canada

(CANAFE)

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 30 avril 2013)

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Vivian Boutziouvis (l’appelante) à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale dans laquelle le juge Mosley (le juge de la Cour fédérale) a annulé la décision d’un arbitre nommé par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’arbitre) qui avait accueilli son grief.

[2]               L’appelante, qui était gestionnaire au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), a été congédiée par son employeur. Elle a contesté avec succès son licenciement en déposant un grief devant l’arbitre, et a été réintégrée dans ses fonctions. Le juge de la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire du CANAFE et a annulé la décision de l’arbitre. Il a estimé que l’affaire dont l’arbitre avait été saisi soulevait une véritable question de compétence ou de constitutionnalité (paragraphe 36 des motifs) et, appliquant la norme de la décision correcte, il a conclu que l’arbitre avait commis une erreur en estimant avoir compétence pour instruire l’affaire (paragraphe 54 des motifs). Il a poursuivi en déclarant que si, contrairement à ce qu’il avait conclu, l’arbitre avait compétence, la décision d’accueillir le grief et d’ordonner la réintégration de l’appelante dans son poste était raisonnable et devrait donc être confirmée (paragraphe 60 des motifs).

 

[3]               L’appelante avait déposé un grief à l’encontre de son licenciement au motif qu’il s’agissait d’une [traduction] « mesure disciplinaire qui serait motivée » (paragraphe 7 des motifs). Après le rejet initial de son grief par le CANAFE, un arbitre a été nommé pour instruire l’affaire. Le CANAFE a soutenu devant l’arbitre que ce dernier ne disposait pas de la compétence nécessaire pour instruire le grief parce que, contrairement à ce que l’appelante croyait, il s’agissait d’un congédiement fait dans un contexte excluant le licenciement motivé comme le prévoit l’article 49 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17 (LRPCFAT). La thèse du CANAFE reposait exclusivement sur cet argument et l’organisme n’a produit aucune preuve.

 

[4]               Dans ses motifs, l’arbitre a exprimé l’avis qu’il avait compétence, que le congédiement ait été motivé ou non (paragraphe 96 des motifs de l’arbitre). Il a toutefois estimé, après un examen exhaustif de la preuve, que le congédiement de l’appelante par le CANAFE ne s’était pas fait dans un contexte excluant le licenciement motivé (paragraphes 116 à 121 des motifs de l’arbitre). Pour tirer cette conclusion, il a souligné que les déclarations du CANAFE selon lesquelles il s’agissait d’un congédiement excluant le licenciement motivé n’ont été faites par son avocat général qu’après le dépôt du grief. L’arbitre n’a pas ajouté foi à ces déclarations, faisant notamment remarquer qu’il n’avait pas été possible d’interroger leur auteur ou tout autre représentant du CANAFE au sujet des motifs exacts du congédiement (paragraphe 118 des motifs de l’arbitre). Il a poursuivi en soutenant que le congédiement avait un caractère disciplinaire et que, même si l’inconduite alléguée était grave, le CANAFE n’avait pas démontré que le congédiement était justifié parce que l’organisme avait choisi de ne présenter aucune preuve (paragraphes 127 à 129 des motifs de l’arbitre).

 

[5]               Le juge de la Cour fédérale a effectué son analyse en s’appuyant sur le fait que le CANAFE « [avait] choisi de procéder à un licenciement – à l’exclusion d’un licenciement motivé » comme l’y autorisait l’article 49 de la LRPCFAT (paragraphe 51 des motifs; l’analyse débute au paragraphe 29). Selon le juge de la Cour fédérale, ce choix a eu pour effet de soustraire l’affaire à la compétence de l’arbitre (paragraphe 51 des motifs).

 

[6]               La conclusion du juge de la Cour fédérale selon laquelle l’appelante a été congédiée sans motif contredit directement la conclusion de l’arbitre sur ce point. Le juge de la Cour fédérale ne justifie pas son rejet de la conclusion de l’arbitre.

[7]               L’établissement du fondement du congédiement de l’appelante est une question de fait; il faut donc faire preuve de retenue à cet égard. Les motifs détaillés fournis par l’arbitre à ce sujet répondent aux exigences fondamentales de la justification et de l’intelligibilité et révèlent qu’il lui était tout à fait loisible de tirer cette conclusion (paragraphes 116 à 121 des motifs de l’arbitre).

 

[8]               En l’absence de preuve contraire, le juge de la Cour fédérale était tenu d’effectuer son analyse en tenant pour acquis que le CANAFE avait effectué un licenciement motivé. S’il avait procédé de cette façon, il n’aurait eu d’autre choix que de rejeter la demande de contrôle judiciaire étant donné la décision du CANAFE de ne fournir aucune preuve pour démontrer l’existence de l’inconduite alléguée. Nous nous reportons à cet égard aux paragraphes 127 à 129 des motifs de l’arbitre.

 

[9]               Il s’ensuit que la question de savoir si un arbitre a compétence pour instruire une affaire lorsqu’un congédiement est fait dans un contexte excluant le licenciement motivé ne se pose pas eu égard aux faits de l’espèce. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’exprimer une opinion sur cette question.

 

[10]           Pour ces motifs, la Cour accueillera l’appel avec dépens, annulera la décision du juge de la Cour fédérale et, rendant le jugement qui aurait dû être rendu, rejettera la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


Cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    A‑472‑11

 

APPEL D’UNE DÉCISION DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY DATÉE DU 10 NOVEMBRE 2011, DOSSIER NO T‑81‑11.

 

INTITULÉ :                                                  VIVIAN BOUTZIOUVIS et CENTRE D’ANALYSE DES OPÉRATIONS ET DÉCLARATIONS FINANCIÈRES DU CANADA (CANAFE).

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 30 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                            LES juges Noël, Mainville et Near

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :    LE JUGE NOËL

 

COMPARUTIONS :

 

Colin Baxter

Anna Turinov

 

AVOCATS DE l’appelante

 

Andrew Raven

Andrew Astritis

 

AVOCATS DE l’appelante

George G. Vuicic

Cheryl Waram

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cavanagh, Williams, Conway, Baxter LLP

Ottawa (Ontario)

 

AVOCATS DE l’appelante

 

Raven, Cameron, Ballantyne et Yazbeck LLP∕ s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

AVOCATS de l’appelante

 

Hicks Morley LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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