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Date : 20130425

Dossier : A‑143‑12

Référence : 2013 CAF 110

 

CORAM : LA JUGE SHARLOW

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

Sa Majesté la Reine

appelante

et

Dr ROBERT G. MACDONALD

intimé

 

 

 

Audience tenue à Fredericton (Nouveau‑Brunswick), le 18 mars 2013

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NEAR.

Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE SHARLOW

LA JUGE TRUDEL

 

 


Date : 20130425

Dossier : A‑143‑12

Référence : 2013 CAF 110

 

CORAM : LA JUGE SHARLOW

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

Sa Majesté la Reine

appelante

et

Dr ROBERT G. MACDONALD

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

  • [1] La Couronne interjette appel de la décision du 17 avril 2012 par laquelle la Cour canadienne de l’impôt (2012 CCI 123) a accueilli l’appel du Dr Robert G. MacDonald d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), relativement à l’année d’imposition 2002. La principale question à trancher en l’espèce est de savoir si le Dr MacDonald est réputé, au titre du paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, avoir reçu un dividende d’environ 500 000 $ par suite d’opérations liées à la liquidation de sa société.

 

  • [2] Par les motifs qui suivent, j’accueillerais l’appel de la Couronne.

 

I. CONTEXTE

 

  • [3] Le Dr MacDonald est un médecin qui a exercé au Nouveau‑Brunswick jusqu’en 2002, date à laquelle il a déménagé aux États‑Unis dans l’intention d’y établir sa résidence. Il a pratiqué sa profession au Nouveau‑Brunswick sous l’enseigne de Robert G. MacDonald Professional Corporation Ltd. (PC), société dont il était le seul actionnaire, administrateur et dirigeant.

 

  • [4] En vue de son déménagement, et sur les conseils de son comptable et de son avocat, le Dr MacDonald a effectué une série de transactions pour dissoudre PC. Comme le signale le juge au paragraphe 23 de ses motifs, « [u]n plan a été élaboré selon lequel les actifs de PC seraient liquidés, les actions étant vendues au beau‑frère [du Dr MacDonald], J.S. ». Ce plan est exposé dans l’exposé conjoint des faits partiel déposé devant la Cour de l’impôt, et reproduit au paragraphe 24 des motifs du juge (renvois omis) :

    1. Le 20 juin 2002, J.S. a constitué 601798 NB Ltd. (« 601 Ltd. ») en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick. Cette société a acquis de J.S. les actions de PC le 25 juin 2002, après que J.S. les eut acquis personnellement le même jour. Les opérations sont bien documentées et chaque opération qui a eu lieu le 25 juin 2002 indique l’heure à laquelle elle a été signée. Les opérations sont donc facilement identifiables, dans un ordre particulier.

 

  1. L’achat par J.S. des actions de PC a été payé au moyen de la remise d’un billet de J.S. en faveur du [Dr MacDonald] (le « billet de J.S. »). Le prix d’achat a été fixé selon une formule qui donnait lieu à une contrepartie totale de 525 068 $.

 

  1. J.S. a transféré les actions de PC à 601 Ltd. en échange de la réception d’actions de 601 Ltd. et d’un billet de 525 068 $ payable par 601 Ltd. en faveur de J.S. (le « billet 601 Ltd. »).

 

  1. Le 25 juin 2002, PC a déclaré deux dividendes, l’un de 500 000 $ et l’autre de 10 000 $. Le même jour, PC a émis deux chèques en faveur de 601 Ltd., en sa qualité d’unique actionnaire de PC au moment où le dividende avait été déclaré, en paiement partiel du dividende de 500 000 $. Un chèque était de 320 000 $ et l’autre de 159 842 $. La société 601 Ltd. a de son côté endossé les chèques en faveur de J.S., en paiement partiel du billet de 601 Ltd., et J.S. a de son côté endossé les chèques en faveur de l’appelant, en paiement partiel du billet de J.S. L’appelant a émis en faveur de PC un chèque dont le montant, de 159 842 $, se rapportait à une dette d’autre source envers PC. Les chèques de 159 842 $ se compensaient et ils ont été comptabilisés en tant que tels, mais ils n’ont jamais été encaissés. Le chèque de 320 000 $ que le [Dr MacDonald] détenait alors n’a jamais été encaissé ni présenté à une banque pour paiement, mais il a été comptabilisé comme [lui]étant payable. Tous ces événements se sont produits le 25 juin 2002.

 

  1. Comme il en a été fait mention, PC a changé de nom pour adopter celui de 050509 N.B. Ltd. le 26 juin 2002. La chose était compatible avec le fait que PC cessait d’être une société professionnelle étant donné que le [Dr MacDonald] n’était plus un actionnaire de la société et qu’il avait cessé de pratiquer la médecine au Nouveau‑Brunswick. Je continuerai en général à désigner cette société sous le nom de « PC ».

 

  1. Le 1er septembre 2002, la société PC a déclaré un dividende final en faveur de 601 Ltd., lequel correspondait au montant encore dû sur le billet de 601 Ltd., à savoir 25 068 $. Ce montant, plus la partie impayée du dividende déclaré le 25 juin 2002, a été, à titre de dette reconnue envers J.S., comptabilisé par PC, conformément aux instructions de J.S., à titre de dette envers le [Dr MacDonald]. Ces instructions visaient à satisfaire à l’obligation que J.S. avait encore en vertu du billet de J.S.

 

  1. Le 15 juillet 2002, PC a versé à 601 Ltd., par chèque, le montant de 10 000 $. Le chèque a été déposé le 27 août 2002.

 

  1. La société PC a préparé des statuts de dissolution le 31 juillet 2002 et elle a officiellement été dissoute le 4 février 2005.

 

 

  • [5] Le juge a conclu que la vente des actions était effectuée « au moyen d’une série d’opérations entre des parties ayant entre elles un lien de dépendance visant à donner au [Dr MacDonald] l’accès à presque tous les actifs de PC » (motifs au paragraphe 8), et que cette série de transactions s’inscrivait dans le cadre de la liquidation de l’entreprise de PC (motifs, aux paragraphes 84 et 85). Au cours des mois qui ont précédé le 25 juin 2002, le Dr MacDonald « a fait en sorte que PC liquide ses placements » (motifs, au par. 24, note 10), et 601 Ltd a été en tout temps une société de portefeuille inactive (motifs, paragraphe 24, note 12).

 

  • [6] Dans sa déclaration d’impôt de l’année 2002, le Dr MacDonald a assimilé le montant de 525 068 $ au produit de disposition de ses actions de PC, ce qui donnait lieu à un gain en capital, lequel était compensé par les pertes en capital réalisées en 2002 et au cours des années précédentes. Le ministre a établi une nouvelle cotisation au motif que le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu jouait. La somme de 525 068 $, moins le capital versé de 101 $ des actions vendues, a donc été imposée comme un dividende. Le Dr MacDonald a fait appel de la nouvelle cotisation devant la Cour de l’impôt, et a eu gain de cause.

 

II. LE JUGEMENT DE LA COUR DE L’IMPÔT

 

  • [7] La Cour de l’impôt a examiné deux questions principales : (i) les opérations en cause entraient-elles dans les prévisions du paragraphe 84(2)? (ii) subsidiairement, l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu – la disposition générale anti‑évitement (DGAE) –jouait-il dans le même sens?

Paragraphe 84(2)

 

  • [8] Le paragraphe 84(2) prévoit :

84. (2) Lorsque des fonds ou des biens d’une société résidant au Canada ont, à un moment donné après le 31 mars 1977, été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires de tout catégorie d’actions de son capital‑actions, lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à l’excédent éventuel du montant ou de la valeur visés à l’alinéa a) sur le montant visé à l’alinéa b) :

 

a) le montant ou la valeur des fonds ou des biens distribués ou attribués, selon le cas;

 

 

 

 

b) le montant éventuel de la réduction, lors de la distribution ou de l’attribution, selon le cas, du capital versé relatif aux actions de cette catégorie;

 

chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs des actions émises est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l’excédent représentée par le rapport existant entre le nombre d’actions de cette catégorie qu’elle détenait immédiatement avant ce moment et le nombre d’actions émises de cette catégorie qui étaient en circulation immédiatement avant ce moment.

84. (2) Where funds or property of a corporation resident in Canada have at any time after March 31, 1977 been distributed or otherwise appropriated in any manner whatever to or for the benefit of the shareholders of any class of shares in its capital stock, on the winding‑up, discontinuance or reorganization of its business, the corporation shall be deemed to have paid at that time a dividend on the shares of that class equal to the amount, if any, by which

 

 

 

 

 

(a) the amount or value of the funds or property distributed or appropriated, as the case may be,

 

exceeds

 

(b) the amount, if any, by which the paid‑up capital in respect of the shares of that class is reduced on the distribution or appropriation, as the case may be,

 

and a dividend shall be deemed to have been received at that time by each person who held any of the issued shares at that time equal to that proportion of the amount of the excess that the number of the shares of that class held by the person immediately before that time is of the number of the issued shares of that class outstanding immediately before that time.

 

  • [9] Le juge a conclu que le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne visait pas les opérations conclues par le Dr MacDonald, car il avait reçu les fonds en question en sa qualité de créancier et non d’actionnaire. Il a opté pour une interprétation stricte de la disposition, et conclu que sa portée « n’était pas destinée à s’appliquer à des paiements effectués à titre de contrepartie versée pour une vente d’actions » (paragraphe 49). D’après lui, aux termes du paragraphe 84(2) « seule la personne qui est actionnaire au moment de la distribution ou de l’attribution peut être réputée recevoir un dividende » (paragraphe 50) et « [l] e libellé exprès, “de quelque façon que ce soit”, n’a pas pour effet de réacheminer le versement du dividende vers quelqu’un d’autre » (paragraphe 48).

 

  • [10] Après avoir examiné les décisions McNichol c. Canada, [1997] A.C.I. no 5, et RMM Canadian Enterprises Inc. et Equilease Corporation c. Sa Majesté la Reine, 97 D.T.C. 302, le juge a retenu ce qu’il a appelé l’« approche adoptée dans la décision McNichol », qui consiste à se fonder sur l’article 245 lorsque le paragraphe 84(2) ne s’applique pas, selon une interprétation stricte de son libellé (motifs, au paragraphe 59).

 

DGAE

 

  • [11] Le juge a conclu que, malgré l’opération d’évitement ayant généré un avantage fiscal, il n’y avait pas eu d’abus dans l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

III. questions en litige

 

  • [12] Le présent appel soulève deux questions :

    1. Le juge a‑t‑il commis une erreur de droit en concluant que le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne visait pas les faits de l’espèce?

    2. Subsidiairement, le juge a‑t‑il commis une erreur de droit en concluant que la DGAE ne vise pas les faits de l’espèce?

 

  • [13] Par les motifs qui suivent, je conclus que le juge a commis une erreur en concluant que le paragraphe 84(2) ne jouait pas. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur l’autre question, et je m’abstiens de le faire.

 

IV. Norme de contrôle

 

  • [14] Comme l’a déclaré la Cour suprême au paragraphe 44 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, « [l]’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de dispositions particulières de la Loi de l’impôt sur le revenu est essentiellement une question de droit, mais l’application de ces dispositions aux faits d’une affaire dépend nécessairement des faits ». La question de savoir si le juge a correctement interprété le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu est donc une question de droit, qui appelle la norme de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, au paragraphe 8). Si son interprétation est correcte, la manière dont il a appliqué la disposition aux faits appelle une certaine déférence; dans le cas contraire, l’application aux faits de l’espèce peut constituer une erreur de droit, qui ne justifie alors aucune déférence (Housen, aux paragraphes 26 à 37).

 

V. Analyse

 

Paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu

 

  • [15] « De nos jours, il ne fait aucun doute que toutes les lois, y compris la Loi de l’impôt sur le revenu, doivent être interprétées de manière textuelle, contextuelle et téléologique. Cependant, le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre l’accent sur l’interprétation textuelle » (Hypothèques Trustco, au paragraphe 11). L’issue de la présente affaire dépend de l’interprétation de la disposition liminaire du paragraphe 84(2). Il est cité intégralement plus haut, mais nous reproduisons ci‑après, par souci de commodité, sa disposition liminaire (c’est moi qui souligne) :

84. (2) Lorsque des fonds ou des biens d’une société résidant au Canada ont […] été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires de tout catégorie d’actions de son capital‑actions, lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à […]

84. (2) Where funds or property of a corporation resident in Canada have … been distributed or otherwise appropriated in any manner whatever to or for the benefit of the shareholders of any class of shares in its capital stock, on the winding‑up, discontinuance or reorganization of its business, the corporation shall be deemed to have paid at that time a dividend on the shares of that class equal to …,

 

  • [16] La Couronne soutient que le juge a commis une erreur en concluant que le paragraphe 84(2) ne jouait pas, et soutient au paragraphe 30 de son mémoire que cette conclusion [traduction] « contredit le libellé du paragraphe 84(2) qui porte sur les circonstances et les raisons pour lesquelles les fonds de la société se retrouvent, “de quelque façon que ce soit”, entre les mains de l’intimé lors de la dissolution ou de la liquidation de sa société, et qu’elle est incompatible avec la jurisprudence concernant cette disposition ».

 

  • [17] Une simple lecture du texte de la disposition fait ressortir les différents éléments qui sont nécessaires à son application : 1) une société résidant au Canada, qui fait l’objet d’une 2) liquidation, cessation d’exploitation ou réorganisation, 3) dont les fonds ou les biens sont distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, 4) aux actionnaires ou à leur profit.

 

  • [18] Les faits potentiellement pertinents au regard de l’application du paragraphe 84(2) ne sont pas contestés. Premièrement, PC était une société résidant au Canada. Deuxièmement, la série d’opérations exposées plus haut visait à mettre fin à ses activités, et tel fut le cas. Troisièmement, lorsque cette série d’opérations a commencé, le Dr MacDonald était le seul actionnaire de PC, laquelle possédait des espèces ou quasi‑espèces d’une valeur approximative de 500 000 $. Quatrièmement, à la fin de la série de transactions, les fonds étaient devenus la propriété du Dr MacDonald, à l’exception des 10 000 $ conservés par J.S. La question est de savoir si, eu égard à la manière dont les fonds sont passés de PC au Dr MacDonald, cette recette entre dans les prévisions du paragraphe 84(2).

 

  • [19] Le juge a axé son analyse sur la qualification juridique des sommes que le Dr MacDonald a reçues dans le cadre des opérations exposées plus haut. Je paraphrase ici son résumé de la nature et des conséquences juridiques de ces opérations : lorsqu’il a acquis les actions PC du Dr MacDonald, J.S. est devenu le seul actionnaire de PC, mais il devait au Dr MacDonald 525 068 $ à titre de prix d’achat. En achetant ensuite les actions PC de J.S., 601 Ltd. est devenue la seule actionnaire de PC, mais elle devait à J.S. 525 068 $ à titre de prix d’achat. Lorsque PC a distribué les biens de sa société sous la forme d’un dividende, seule 601 Ltd. avait le droit d’en bénéficier. Il ressort de l’examen des différents mouvements de chèques que le Dr MacDonald a reçu, au final, d’un point de vue juridique, non pas un dividende (et encore moins un dividende provenant de PC), mais une somme d’argent destinée à acquitter une dette dont il était le créancier. Le juge a conclu que le paragraphe 84(2) ne jouait pas parce que le Dr MacDonald n’avait reçu aucuns fonds distribués ou attribués de PC.

 

  • [20] La Couronne soutient que, pour rechercher si le paragraphe 84(2) joue, il faut s’attarder sur les mots « de quelque façon que ce soit ». Les fonds qui appartenaient initialement à PC se sont en fait retrouvés entre les mains du Dr MacDonald par suite de la série d’opérations exposées plus haut, qui visait précisément cette fin.

 

  • [21] À mon avis, l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 84(2) amène la Cour à rechercher : (i) qui est à l’origine de la liquidation, la cessation d’exploitation ou la réorganisation de l’entreprise; (ii) qui, à l’issue de cette liquidation, cessation d’exploitation ou réorganisation, a reçu les fonds ou les biens de la société; (iii) dans quelles circonstances les prétendues distributions ont eu lieu. Cette approche est conforme à la jurisprudence portant sur l’interprétation de cette disposition et assure la cohérence de l’analyse du paragraphe 84(2), sur lequel se sont exprimées les deux parties au présent appel.

 

  • [22] La jurisprudence interprétant le paragraphe 84(2) est instructive. Dans l’affaire Merritt c. Canada (Ministre du Revenu national), [1941] R.C. de l’É 175, décision infirmée pour d’autres motifs par [1942] 2 D.L.R. 465, par exemple, l’appelante était actionnaire de la Securities Loan & Savings Company (la « Security Company »). Celle‑ci a vendu, dans le cadre de sa liquidation, ses actifs et son entreprise en activité à Premier Trust Company, en échange de quoi ses actionnaires devaient recevoir des actions de la Premier Trust Company ou de l’argent liquide. L’appelante a opté pour une combinaison de fonds liquides et d’actions de la Trust Company, et la Cour de l’Échiquier a confirmé la cotisation du ministre en vertu de laquelle la partie du surplus non distribué de la Security Company que l’appelante avait reçue entrait dans les prévisions le coup de la disposition ayant précédé le paragraphe 84(2), dont le libellé était similaire (paragraphe 19(1) de la Loi de l’Impôt de Guerre sur le Revenu, L.R.C. 1927, ch. 97, modifiée par 1 Edw. VIII, ch. 38, article 11), et était donc imposable à titre de dividende. Il convient de souligner que, pour tirer sa conclusion, la Cour de l’Échiquier a examiné les circonstances entourant les opérations ayant mené à la liquidation de la Security Company, et elle a conclu que [traduction] « [l]e fait que la contrepartie reçue par l’appelante pour ses actions lui a été remise directement par la Premier Company [la tierce partie agissant comme facilitatrice] et non par l’intermédiaire de la Security Company est […] dépourvu de pertinence » (paragraphe 7).

 

  • [23] Les faits de l’affaire Smythe c. Canada (Ministre du Revenu national), [1970] R.C.S. 64 ressemblaient à ceux de l’affaire Merritt en ce que l’« ancienne société » avait vendu ses actifs à une nouvelle, en échange de quoi ses actionnaires avaient reçu des actions de la nouvelle société et des obligations. Deux sociétés intermédiaires de « dépouillement de dividendes », qui avaient acheté au comptant les actions de l’ancienne société et facilité les transactions moyennant des honoraires, avaient pris part à la série d’opérations complexes qui s’étaient déroulées dans cette affaire. La controverse portait sur l’application d’une autre disposition ayant précédé le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dont le libellé était similaire (paragraphe 81(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1952, ch. 148).

 

  • [24] Au yeux de la Cour suprême du Canada, la question principale concernant les opérations en cause était que « lorsque l’ancienne société [avait] transmis ses avoirs à la nouvelle, le paiement aurait dû être remis en entier à l’ancienne » plutôt qu’à ses actionnaires (page 72). Pour conclure que la disposition ayant précédé le paragraphe 84(2) « s’appliqu[ait] clairement » aux faits de cette affaire, la Cour a une de fois plus examiné les circonstances entourant les opérations ayant mené à la liquidation, et a estimé qu’elles étaient artificielles et ne visaient qu’à « répartir ou autrement affecter à l’avantage des actionnaires le “revenu en main non distribué” de l’ancienne société » (à la page 69).

 

  • [25] Contrairement à ce qu’a affirmé le juge, les faits de l’affaire McNichol se démarquent aisément du cas d’espèce. Dans McNichol, les actionnaires de Bec avaient vendu leurs actions pour moins que leur valeur comptable à Beformac, une société de portefeuille. Pour financer l’achat, Beformac avait obtenu un prêt bancaire, garanti par l’encaisse de Bec (et qui, incidemment, constituait son seul actif). Bec et Beformac ont fusionné cinq jours après la vente des actions et le prêt a été remboursé deux semaines plus tard. La Cour de l’impôt a conclu que le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne jouait pas parce qu’il était impossible d’affirmer que les fonds de Bec s’étaient retrouvés entre les mains des actionnaires. Plus précisément, c’est la banque qui avait financé l’achat des actions, et les actifs de Bec étaient restés en dépôt dans son compte bancaire pendant un certain temps après la fusion. Il est clair qu’on ne peut en dire autant en ce qui concerne le Dr MacDonald. Les biens de PC se sont d’ailleurs retrouvés entre ses mains et toute la série d’opérations a été conçue et exécutée à cette fin.

 

  • [26] Dans l’affaire RMM, la Cour a conclu que le paragraphe 84(2) jouait. Dans cette affaire, la compagnie éponyme était une société de portefeuille créée dans le but explicite d’acheter les actions d’Equilease Limited et de sa filiale en propriété exclusive (appelées conjointement « EL »), une société qui fusionnait avec sa société mère américaine, Equilease Corporation (« EC »). RMM avait obtenu un prêt bancaire, garanti par les actifs d’EL, pour financer l’achat des actions, dont le prix correspondait à la valeur totale des actifs détenus par EL (principalement constitués de liquide et d’un remboursement d’impôt). Trois jours après que la vente des actions eut été conclue, RMM a remboursé le prêt à même les fonds d’EL. Elle a plus tard endossé les chèques de remboursement d’impôt et des intérêts afférents en faveur d’EC. RMM s’est vue remettre 10 000 $ pour couvrir ses frais juridiques.

 

  • [27] Le juge Bowman, tel était alors son titre, a conclu que RMM était une [traduction] « intermédiaire » qui avait servi à effectuer la distribution des biens à l’actionnaire, EC. Il a formulé ses réflexions touchant le paragraphe 84(2) de manière très claire à la page 308 (non souligné dans l’original) :

Les mots « distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise » ont une portée fort large et visent un bon nombre de façons de remettre aux actionnaires les fonds de l’entreprise. Voir Merritt (précité); Smythe et al. c. M.N.R., 69 D.T.C. 5361 (C.S.C.). Les fonds ont incontestablement été reçus lors de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’EL et il est impossible de dire que les fonds qui se sont en fin de compte retrouvés entre les mains d’EC n’étaient pas vraiment les fonds d’EL, malgré la brève intervention de la banque et de RMM.

 

  • [28] La liquidation des activités d’une société est un processus. En l’espèce, le juge a reconnu dans sa décision que « [l]es termes “lors de la liquidation” employés au paragraphe 84(2) se rapportent à une série d’événements qui font partie du processus de liquidation » (motifs, paragraphe 84). Il a d’ailleurs conclu expressément que « la vente des actions dans ce cas‑ci n’existe pas dans le vide : chaque opération, du début à la fin, a été effectuée et complétée en prévision de chaque autre opération » (motifs, paragraphe 109). Il a pourtant conclu que le paragraphe 84(2) ne jouait pas. J’estime respectueusement que le juge a commis une erreur en se souciant exclusivement de la qualification juridique des diverses opérations de la série, et en négligeant ainsi les mots « de quelque façon que ce soit » employés dans la Loi. Son interprétation est incompatible avec la doctrine des décisions Merritt, Smythe ou RMM.

 

  • [29] En l’espèce, à l’issue de la liquidation, tous les fonds de PC (moins les 10 000 $ versés en compensation au beau‑frère conciliant) se sont retrouvés par des moyens tortueux entre les mains du Dr MacDonald, le premier et seul actionnaire de PC, et à la fois l’instigateur et le bénéficiaire des opérations. À mon avis, la seule conclusion raisonnable qui s’impose est que le paragraphe 84(2) joue, comme le soutient la Couronne.

 

  • [30] Par conséquent, j’accueillerais l’appel, j’infirmerais la décision de la Cour de l’impôt et, rendant la décision qui aurait dû être rendue, je rejetterais l’appel interjeté par le Dr MacDonald de la nouvelle cotisation de 2002. La Couronne a droit à ses dépens devant notre Cour et devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

 

« D.G. Near »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord
K. Sharlow, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord
Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, Réviseur.

 


Cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier : A‑143‑12

 

 

APPEL DU JUGEMENT RENDU PAR MONSIEUR LE JUGE J.E. HERSHFIELD EN DATE DU 17 AVRIL 2013, NO 2009‑1(IT)G

 

 

INTITULÉ : SA MAJESTÉ LA REINE c.
DR ROBERT G. MACDONALD

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE : Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE : Le 18 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NEAR

 

Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE SHARLOW

LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS : Le 25 avril 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Deen Olsen

Serena Sial

 

Pour l’appelantE

 

J. Paul M. Harquail

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour l’appelante

 

Stewart McKelvey Stirling Scales

Saint‑John (Nouveau‑Brunswick)

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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