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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20130530

Dossier : A‑432‑12

Référence : 2013 CAF 142

 

CORAM :      LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

GARY JACKSON PROFESSIONAL CORPORATION

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 21 mai 2013

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                      LA JUGE GAUTHIER

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20130530

Dossier : A‑432‑12

Référence : 2013 CAF 142

 

CORAM :      LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE GAUTHIER

                        LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

GARY JACKSON PROFESSIONAL CORPORATION

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               La Cour est saisie de l'appel interjeté contre la décision du juge suppléant Weisman (le juge) de la Cour canadienne de l'impôt (dossier 2012‑1506(CPP)). L'intimé a exigé que l'appelante verse des cotisations en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (le RPC), pour l'année 2009, relativement à des sommes que l'appelante dit avoir versées à un régime de participation des employés aux bénéfices et qui ont été attribuées à Gary Jackson. L'appelante soutient qu'aucune cotisation n'est payable en vertu du RPC à l'égard de ces paiements. Le juge a rejeté son appel, estimant qu'elle n'avait pas établi l'existence d'un régime de participation des employés aux bénéfices au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR).

 

[2]               Dans le présent appel, l'appelante conteste principalement les conclusions du juge voulant que les documents portant sur l'arrangement en cause ne prévoyaient pas l'accomplissement par un seul fiduciaire des fonctions assignées aux trois fiduciaires et voulant qu'une partie de la somme a été payée par Gary Jackson et non par l'appelante. L'intimé soutient pour sa part que l'arrangement n'est pas un régime de participation des employés aux bénéfices au sens de la LIR et, plus précisément, qu'il ne satisfait pas à l'exigence que les versements soient calculés en fonction des bénéfices.

 

[3]               Depuis plusieurs années, l'Agence du revenu du Canada exprime le point de vue qu'aucune cotisation au titre du RPC n'est payable à l'égard des sommes versées par un employeur à des fiduciaires en vertu d'un régime valide de participation des employés aux bénéfices (et à l'égard des sommes attribuées à des employés). L'intimé reconnaît que telle est la position de l'Agence et que cette dernière n'a pas changé de position. Il ne sera pas nécessaire que je statue sur la justesse de cette position au regard des articles 8, 9 et 12 du RPC, parce que je suis d'avis que les paiements effectués par l'appelante en 2009 n'étaient pas des versements faits à des fiduciaires en vertu d'un régime de participation des employés aux bénéfices.

 

[4]               Gary Jackson est comptable agréé. L'appelante est la société qu'il a constituée pour fournir des services comptables à Roberts, Marlowe, Jackson, Jackson & Associates. L'appelante a trois employés : Gary Jackson, Gay Jackson (l'épouse de Gary Jackson) et leur fils; Gary Jackson était cependant le seul qui fournissait les services comptables. L'appelante a établi un acte de fiducie afférent à un régime de participation des employés aux bénéfices (l'acte de fiducie) et, au cours de son exercice terminé le 31 octobre 2009 (ou dans les 120 jours suivant cette date), elle a versé les sommes suivantes dans un compte ouvert à la banque pour l'exécution de l'acte de fiducie :

Date

Montant

30 octobre 2009

100 $

30 octobre 2009

60 000 $

14 janvier 2010

50 000 $

14 janvier 2010

10 000 $

 

[5]               Ces fonds (à l'exception du dépôt initial de 100 $) ont été transférés à Gary Jackson le jour même de leur dépôt.

 

[6]               La LIR définit le régime de participation des employés aux bénéfices au paragraphe 144(1). S'agissant du présent appel, les dispositions applicables de cette définition sont les suivantes :

« régime de participation des employés aux bénéfices » À un moment donné, arrangement dans le cadre duquel, à la fois :

 

“employees profit sharing plan” at a particular time means an arrangement

 

a) un employeur est tenu de faire des versements — calculés en fonction soit des bénéfices qu'il tire de son entreprise [...] à un fiduciaire dans le cadre de l'arrangement au profit de ses employés [...];

 

(a) under which payments computed by reference to

 

(i) an employer's profits from the employer's business,

 

. . .

 

are required to be made by the employer to a trustee under the arrangement for the benefit of employees of the employer . . .; and

 

b) le fiduciaire a attribué, conditionnellement ou non, à ces employés [...] les montants suivants :

 

(i) au cours de chaque année terminée au moment donné ou antérieurement, les montants que le fiduciaire a reçus au cours de l'année de l'employeur [...]

 

(b) in respect of which the trustee has . . . allocated, either contingently or absolutely, to those employees

 

(i) in each year that ended at or before the particular time, all amounts received in the year by the trustee from the employer . . .

 

 

[7]               Pour qu'un arrangement constitue un régime de participation des employés aux bénéfices :

a)         sous réserve des commentaires relatifs au paragraphe 144(10) de la LIR formulés ci‑dessous, l'employeur doit être tenu de faire des versements aux fiduciaires dans le cadre de l'arrangement, et ces versements doivent se calculer en fonction des bénéfices;

 

b)         les fiduciaires doivent attribuer chaque année tous les montants reçus.

 

[8]               Aux termes de la LIR, les sommes que l'employeur verse aux fiduciaires en vertu de l'arrangement sont déductibles (paragraphe 144(5) et alinéa 20(1)w) de la LIR) et les sommes attribuées aux employés sont incluses dans le revenu de ces derniers provenant d'une charge ou d'un emploi (paragraphe 144(3) et alinéa 6(1)d) de la LIR) à l'égard de l'année de leur attribution. L'inclusion dans le revenu des employés se faisant à la date de l'attribution, le versement subséquent des montants attribués ne donne pas lieu à une inclusion dans le revenu (paragraphe 144(6) de la LIR).

 

[9]               Le paragraphe 144(10) de la LIR est ainsi rédigé :

(10) Pour l'application du paragraphe (1), lorsque les modalités d'un arrangement en vertu duquel un employeur fait des versements à un fiduciaire prévoient expressément que les versements sont à faire « sur les bénéfices », l'arrangement est réputé, si l'employeur fait un choix en ce sens selon les modalités réglementaires, constituer un arrangement dans le cadre duquel des versements calculés en fonction des bénéfices de l'employeur sont à faire.

 

(10) Where the terms of an arrangement under which an employer makes payments to a trustee specifically provide that the payments shall be made “out of profits”, the arrangement shall, if the employer so elects in prescribed manner, be deemed, for the purpose of subsection (1), to be an arrangement under which payments computed by reference to the employer's profits are required.

 

 

[10]           Si le choix mentionné à cette disposition est fait et que l'arrangement prévoit expressément que les versements sont à faire sur les bénéfices, il sera satisfait à la condition voulant que l'arrangement prévoie que les versements soient calculés en fonction des bénéfices. En l'espèce, l'appelant n'ayant pas effectué le choix prévu au paragraphe 144(10) de la LIR, il faut donc que l'arrangement satisfasse à la condition voulant que les versements soient calculés en fonction des bénéfices.

 

[11]           Le paragraphe 4.02 de l'acte de fiducie énonce ce qui suit :

[TRADUCTION]

 

Dans les 120 jours suivant la fin de l'exercice, la société verse aux fiduciaires, à sa seule discrétion, les sommes suivantes sur ses bénéfices accumulés non répartis :

 

(i)         soit une somme minimale de cent dollars canadiens par bénéficiaire participant par année de régime;

 

(ii)        soit une somme calculée selon la formule établie par le conseil d'administration.

 

En tout état de cause, la contribution totale de la société pour une année de régime ne doit pas être inférieure à 1 p. 100 des bénéfices réalisés par la société au cours de l'exercice se terminant pendant l'année du régime. Les bénéficiaires participants ne peuvent faire de versement à la fiducie.

 

[12]           Le conseil d'administration de l'appelante n'a jamais, au cours de la période en cause, établi la formule visée à l'alinéa 4.02(ii) de l'acte de fiducie.

 

[13]           Dans Lade v. Minister of National Revenue, [1965] 1 R.C. de l'É. 214, aux pages 224 et 225, [1964] C.T.C. 305, le juge Noël a examiné les conditions que devait remplir un régime de participation des employés aux bénéfices et, plus particulièrement, l'exigence que les paiements soient calculés en fonction des bénéfices. Voici l'analyse qu'il en a faite :

[TRADUCTION]

 

La définition énoncée au paragraphe 79(1), « un arrangement en vertu duquel un employeur fait des paiements, calculés par rapport à ses bénéfices [...] à un fiduciaire », limite la notion susmentionnée en l'appliquant aux seuls plans où les paiements faits par l'employeur sont calculés par rapport aux bénéfices et versés à la fiducie. La nature de cette limitation semble avoir nécessité d'indiquer, au paragraphe 79(7), qu'un plan qui énonce simplement que les contributions de l'employeur seront faites « sur les bénéfices » est réputé être un plan de participation des employés aux bénéfices si l'employeur fait un choix de la manière prescrite, car, même si un tel plan satisfait à l'intertitre au début de l'article, il n'aurait pas, sans le paragraphe 79(7), satisfait à la définition. Effectivement, si le législateur n'avait pas ajouté ce paragraphe, un tel plan n'aurait pas été considéré comme un plan de participation des employés aux bénéfices selon la Loi, bien qu'il en aurait été un selon la conception ordinaire d'un plan de participation des employés aux bénéfices. Le fait que la définition au paragraphe 79(1) exclue un plan qui ne fait que préciser que les contributions de l'employeur se font « sur les bénéfices » indique qu'il faut davantage que des contributions sur les bénéfices pour qu'un plan soit conforme à la disposition.

 

[...]

 

Il faut donc considérer que la définition d'un plan de participation des employés aux bénéfices énoncée à la Loi a le sens qui y est exprimé, sauf dans la mesure où ce que je viens de signaler ci‑dessus influe ou peut influer sur celle‑ci, c'est‑à‑dire qu'on établit une formule qui permet de calculer la partie des bénéfices de l'employeur qui sera distribuée aux employés ou partagée avec eux par l'employeur et qui doit être versée à un fiduciaire.

 

Il peut être utile ici de reproduire la définition d'un tel plan au paragraphe 79(1) :

 

79(1) Dans la présente loi, l'expression « plan de participation des employés aux bénéfices » signifie un arrangement en vertu duquel un employeur fait des paiements, calculés par rapport à ses bénéfices provenant de son entreprise [...] à un fiduciaire en trust dans l'intérêt de fonctionnaires ou employés [...] (Je souligne).

 

Ce qui semble effectivement être exigé est l'existence d'une obligation que l'employeur fasse des paiements en application d'une formule faisant intervenir les bénéfices, lorsque bénéfices il y a. Ce n'est qu'alors, à mon avis, que les paiements sont « calculés par rapport à ses bénéfices » et sont faits, comme l'exige l'article.

 

[14]           La Cour suprême du Canada a rejeté l'appel ([1966] R.C.S. 89, [1965] C.T.C. 525). Le législateur a modifié la définition du terme « régime de participation des employés aux bénéfices » pour qu'elle indique clairement que l'employeur est tenu de faire des versements calculés en fonction des bénéfices. Par conséquent, si l'employeur n'effectue pas le choix visé au paragraphe 144(10) de la LIR, il doit exister une formule établie dont l'application donne un montant calculé en fonction des bénéfices, et l'employeur doit être tenu de payer ce montant aux fiduciaires en vertu de l'arrangement.

 

[15]           Le paragraphe 4.02 de l'acte de fiducie (la seule disposition soumise à la Cour qui énonce une obligation de payer) prévoit que la société verse, à sa seule discrétion, les sommes visées aux alinéas (i) ou (ii). Puisque le conseil d'administration de l'appelante n'a établi aucune formule, le seul élément de la clause qui demeure pertinent est l'alinéa 4.02(i). Le paiement visé à cet alinéa dépend du nombre de bénéficiaires participants. Il n'est pas calculé en fonction des bénéfices et, puisqu'il est effectué à la seule discrétion de l'appelante, il semble que l'appelante ne soit même pas tenue de faire ce paiement.

 

[16]           Le paragraphe 4.02 de l'acte de fiducie prévoit aussi que la contribution totale de la société pour une année de régime ne doit pas être inférieure à 1 p. 100 des bénéfices réalisés par la société au cours de son exercice. Il pourrait y avoir là obligation de verser ce montant minimal. Selon l'état des résultats soumis par l'appelante, toutefois, ses bénéfices bruts, avant déduction des dépenses (donnant un montant supérieur à celui des bénéfices calculé après déduction des dépenses), s'établissent à 157 800 $. Un pour cent de cette somme (qui serait également supérieure à 1 p. 100 des bénéfices) équivaut à 1 578 $ seulement.

 

[17]           Les versements faits par l'appelante (qui sont énumérés au paragraphe 4 des présents motifs) étaient des versements arbitraires que Gary Jackson a décrits comme des versements tirés des bénéfices. Toutefois, comme aucun choix n'a été fait en application du paragraphe 144(10) de la LIR, ces versements devaient être des versements calculés en fonction des bénéfices que l'appelante était tenue de faire. Les versements effectués ne ressemblaient en rien au versement minimal requis de 1 p. 100 des bénéfices. Il ne s'agissait donc pas de versements effectués conformément à un arrangement répondant aux exigences de la LIR en matière de régime de participation des employés aux bénéfices. Il s'agissait de « traitement et salaire cotisables » de Gary Jackson au sens du RPC. Puisque, suivant le RPC, le « maximum des gains annuels ouvrant droit à pension » pour l'année 2009 s'élevait à 46 300 $, le versement de 60 000 $ effectué le 30 octobre 2009 a mené à la cotisation maximale payable en vertu du RPC pour 2009.

 

[18]           Je rejetterais donc l'appel avec dépens.

 

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d'accord.

            J. D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

« Je suis d'accord.

            Johanne Gauthier, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑432‑12

 

INTITULÉ :                                                  Gary Jackson Professional Corporation c. Ministre du Revenu national

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                         Le 21 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       Le juge Webb

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   Les juges Pelletier et Gauthier

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 30 mai 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leigh Somerville Taylor

 

 

POUR L'APPELANTE

 

Marie‑Thérèse Boris

Alisa Apostle

 

POUR L'INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Leigh Somerville Taylor Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR L'APPELANTE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L'INTIMÉ

 

 

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