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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20130530

Dossier : A-150-13

Référence : 2013 CAF 143

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRATAS

ENTRE :

ANTHONY COOTE

appelant

et

LAWYERS' PROFESSIONAL INDEMNITY COMPANY

intimée

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 30 mai 2013.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                 LE JUGE STRATAS

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20130530

Dossier : A-150-13

Référence : 2013 CAF 143

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRATAS

ENTRE :

ANTHONY COOTE

appelant

et

LAWYERS' PROFESSIONAL INDEMNITY COMPANY

intimée

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE STRATAS

[1]               La Cour fédérale est actuellement saisie d'une demande (dossier T‑312‑13) visant à faire déclarer, en vertu de l'article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, que l'appelant a agi de façon vexatoire. La demande doit être entendue le 10 juin 2013.

 

[2]               Notre Cour est saisie de deux appels interjetés contre des ordonnances interlocutoires rendues par la Cour fédérale à l'égard de la demande visant à faire déclarer que l'appelant a agi de façon vexatoire :

 

a.         un appel (A‑104‑13) d'une ordonnance interlocutoire rendue le 18 mars 2013 par la Cour fédérale (le juge Manson);

 

b.         un appel (A‑150‑13) d'une ordonnance interlocutoire rendue le 11 avril 2013 par la Cour fédérale (le juge Boivin).

 

[3]               Récemment, le greffe, en vertu de l'article 72 des Règles, m'a soumis l'avis d'appel dans le dossier A‑150‑13 afin de savoir s'il devait être déposé. J'ai ordonné qu'il le soit. Le greffe m'a également avisé de l'existence de l'appel dans le dossier A‑104‑13.

 

[4]               En préparant mes directives, j'ai examiné les deux dossiers d'appel, A‑150‑13 et A‑104‑13. J'ai ensuite invité les parties à déposer des observations sur deux questions, à savoir si les deux appels devraient être réunis et si les appels devraient être suspendus jusqu'à ce que la Cour fédérale ait statué sur la demande visant à faire déclarer que l'appelant a agi de façon vexatoire.

 

[5]               J'ai reçu les observations et je les ai examinées. À mon avis, les deux appels devraient être réunis et suspendus jusqu'à ce que la Cour fédérale ait statué sur la demande.

 

A.        La réunion des appels

[6]               Lorsque j'ai invité les parties à présenter des observations, je leur ai fait part de quelques commentaires. J'ai souligné que la Cour peut, de sa propre initiative, réunir des appels distincts : Bande indienne de Montana c. Canada, [1999] A.C.F. no 1631 (QL) (C.A.F.). J'ai aussi fait remarquer, sous réserve des observations formulées par les parties, que les deux appels sont fort liés, qu'ils soulèvent des questions fort semblables et qu'ils se rapportent à des procédures ayant donné lieu à la demande devant la Cour fédérale.

 

[7]               Dans leurs observations, les parties n'ont pas contesté ces remarques. Compte tenu des similarités factuelles et juridiques des deux appels, de l'absence de préjudice à l'égard de l'une ou l'autre des parties et des avantages évidents comme l'efficacité et la minimisation des coûts, la réunion des appels est appropriée. Par conséquent, en vertu de l'article 105 des Règles, j'ordonne la réunion des deux appels.

 

B.        La suspension des appels réunis

[8]               La Cour peut suspendre les appels réunis. Ce pouvoir est fondé sur l'article 50 de la Loi sur les Cours fédérales, précité, et sur la « plénitude de compétence » de la Cour de gérer et de régler ses propres procédures : Ministre du Revenu national c. Compagnie d'assurance vie RBC, 2013 CAF 50, Association des compagnies de téléphone du Québec Inc. c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 203. Comme il est expliqué dans Compagnie d'assurance vie RBC, cette plénitude de compétence ne se distingue pas du pouvoir inhérent qu'ont les cours supérieures provinciales de gérer et de régler leurs propres procédures.

 

[9]               L'appelant a affirmé que la Cour ne pouvait suspendre les appels réunis qui s'il est satisfait au critère à trois volets énoncé dans l'arrêt RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

 

[10]           Je ne suis pas d'accord. En l'espèce, la Cour ne doit déterminer que si un sursis est dans l'intérêt de la justice : Mylan Pharmaceuticals ULC c. AstraZeneca Canada, Inc., 2011 CAF 312, aux paragraphes 3 à 14, Loi sur les Cours fédérales, précité, alinéa 50(1)b).

 

[11]           Comme il est expliqué dans Mylan, il y a une différence entre le fait que la Cour suspende des procédures dans le but d'interdire à un autre organisme d'exercer sa compétence et le fait que la Cour suspende des procédures dans le but de ne pas exercer sa propre compétence dans un appel en instance. Le critère énoncé dans l'arrêt RJR‑MacDonald, un critère applicable aux injonctions, s'applique dans le premier cas. Dans le deuxième cas :

[...] la Cour exerce un pouvoir qui n'est pas sans ressembler à l'établissement d'un calendrier ou à l'ajournement d'une affaire. Ce genre de décision repose sur des considérations discrétionnaires d'ordre général. Il y a les considérations d'intérêt public — la nécessité que les instances se déroulent équitablement et avec célérité —, mais il s'agit, sur le plan qualitatif, d'un facteur différent des considérations d'intérêt public qui s'appliquent lorsque la Cour interdit à un autre organisme de faire ce que le législateur l'autorise à faire. Par conséquent, les critères rigoureux énoncés dans l'arrêt RJR‑MacDonald ne s'appliquent pas dans un tel cas. [...]

 

(Mylan, précité, au paragraphe 5.)

 

[12]           La question de savoir si la Cour suspendra les procédures dans le but de ne pas exercer sa propre compétence dans un appel en instance — c'est‑à‑dire le suspendre ou le reporter — dépend des faits présentés à la Cour, tout en se fondant sur certains principes. Ces principes sont notamment « d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » : Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, article 3.

 

[13]           D'autres principes guident la Cour dans l'exercice de sa plénitude de compétence pour gérer et régler les procédures. Si aucune partie ne subit un préjudice déraisonnable et qu'il est dans l'intérêt de la justice — des considérations essentielles dont on doit toujours tenir compte — la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire afin d'éviter de gaspiller les ressources judiciaires. Une certaine déférence s'impose à l'égard des fonds publics et des contribuables. Aussi, les affaires sont liées les unes aux autres : une affaire se retrouve avec des centaines d'autres affaires qui doivent être examinées. Consacrer des ressources à une affaire sans bonne raison en prive les autres affaires sans bonne raison.

 

[14]           En appliquant ces principes, j'estime que suspendre les appels réunis jusqu'à ce que la Cour fédérale ait statué sur la demande visant à faire déclarer que l'appelant a agi de façon vexatoire ne porte pas préjudice à l'appelant et est dans l'intérêt de la justice :

 

a.         Si l'appelant obtient gain de cause dans son opposition à la demande devant la Cour fédérale, on pourrait considérer que les appels réunis, comme ils sont liés à la demande, sont théoriques (sous réserve des observations à cet égard) et qu'il n'est donc pas nécessaire de poursuivre.

 

b.         Si l'appelant n'obtient pas gain de cause, que la demande est accueillie et qu'il est déclaré comme ayant agi de façon vexatoire, il peut interjeter appel devant notre Cour. L'appel pourra alors être réuni aux appels réunis ou entendu en même temps. S'il a gain de cause lors des appels réunis, notre Cour pourra décider s'il est toujours pertinent de déclarer qu'il a agi de façon vexatoire. Et, bien entendu, s'il interjette appel de la décision à notre Cour, l'appelant pourra soulever d'autres moyens d'appel admissibles.

 

c.         Je ne suis pas convaincu qu'il serait inéquitable ou qu'il porterait préjudice à l'appelant de permettre l'instruction de la demande devant la Cour fédérale comme prévu. En fait, si une requête avait été présentée devant notre Cour dans le but de surseoir à l'instruction de la demande devant la Cour fédérale jusqu'à ce que notre Cour rende sa décision dans les appels réunis, il aurait fallu qu'il soit satisfait au critère énoncé dans l'arrêt RJR‑MacDonald (voir le paragraphe 11 ci‑dessus). Rien ne me permet de conclure que l'appelant subirait un préjudice ou un inconvénient, encore moins le type de préjudice ou d'inconvénient nécessaire pour accorder un sursis.

 

[15]           Dans ses observations, l'appelant souligne qu'à l'audition de la demande devant la Cour fédérale, il fera valoir que les appels réunis devant notre Cour doivent d'abord être entendus et tranchés. Si l'appelant avance cet argument, la Cour fédérale devra l'examiner compte tenu des documents dont elle dispose, sans se fonder sur les remarques formulées dans les présents motifs. Il se peut bien que la Cour fédérale connaisse d'autres éléments qui ne se trouvent pas dans le dossier dont je dispose.

 

[16]           Par conséquent, je vais rendre une ordonnance portant sursis aux appels réunis.

 

[17]           De plus, au moment du dépôt devant notre Cour d'un avis d'appel du jugement de la Cour fédérale relativement à la demande visant à faire déclarer que l'appelant a agi de façon vexatoire ou à l'expiration du délai pour le faire, selon la première de ces éventualités, j'ordonne au greffe de me renvoyer les dossiers des appels réunis afin que je puisse inviter les parties à présenter des observations sur l'état des appels. J'ordonne également que, quoi qu'il en soit, dans quatre mois, le greffe me retourne les appels réunis afin que je puisse les examiner et, si nécessaire, donner d'autres directives.

 

C.        Autres questions

[18]           L'appelant a présenté une requête visant à déterminer le contenu du dossier d'appel et à obtenir une réparation connexe dans les appels réunis. Comme les appels seront suspendus, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la requête pour l'instant.

 

[19]           L'appelant est également un des appelants devant la Cour dans les appels réunis A‑409‑12, A‑410‑12 et A‑411‑12. Dans ces appels réunis, en raison du comportement antérieur des appelants, j'ai estimé qu'il était nécessaire d'ordonner que le greffe n'accepte aucune requête en réexamen ou en modification des ordonnances rendues par notre Cour de leur part, à moins que l'avis de requête n'énonce des motifs qui sont expressément énumérés aux articles 397 et 399 des Règles des Cours fédérales. Compte tenu du comportement antérieur, je vais rendre la même ordonnance en l'espèce. Cette ordonnance sert seulement à insister sur le fait que l'appelant doit se conformer strictement aux Règles des Cours fédérales. Cela contribue à éviter le dépôt de requêtes en réexamen ou en modification qui ne sont pas fondées et qui minent les principes énoncés aux paragraphes 12 et 13 ci‑dessus.

 

[20]           J'ordonne au greffe de déposer une copie des présents motifs dans le présent dossier et dans le dossier A‑104‑13.

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-150-13

 

 

INTITULÉ :                                                  Anthony Coote c. Lawyers' Professional Indemnity Company

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             Le juge Stratas

 

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 30 mai 2013

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Anthony Coote

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Raj Anand

Faren H. Bogach

 

POUR L'INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WeirFoulds LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L'INTIMÉE

 

 

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