Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20130705

Dossiers : A-102-13

A-101-13

 

Référence : 2013 CAF 177

 

CORAM : LE JUGE EN CHEF BLAIS

                   LE JUGE MAINVILLE

                   LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

Dossier : A-102-13

GEORGE ASSINIBOINE,

MARVIN DANIELS et RUTH ROULETTE

appelants

et

DENNIS MEECHES

intimé

 

 

 

ENTRE :

Dossier : A-101-13

DAVID MEECHES

appelant

et

DENNIS MEECHES

intimé

 

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 25 juin 2013.

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2013.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                                LE JUGE NEAR

 


Date : 20130705

Dossiers : A-102-13

A-101-13

Référence : 2013 CAF 177

 

CORAM : LE JUGE EN CHEF BLAIS

                   LE JUGE MAINVILLE.

                   LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

Dossier : A-102-13

GEORGE ASSINIBOINE,

MARVIN DANIELS et RUTH ROULETTE

appelants

et

DENNIS MEECHES

intimé

 

 

 

ENTRE :

Dossier : A-101-13

DAVID MEECHES

appelant

et

DENNIS MEECHES

intimé

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Notre Cour est saisie de deux appels réunis d’un jugement, en date du 26 février 2013, publié sous la référence 2013 CF 196 (les motifs), par lequel le juge Russell de la Cour fédérale (le juge qui a instruit la demande) a déclaré que le comité d’appel en matière d’élections de la Première Nation de Long Plain (le comité d’appel en matière d’élections ou le comité) avait rendu une décision définitive et obligatoire imposant la tenue de nouvelles élections pour les postes de chef et de conseillers.

 

FAITS ET PROCÉDURES

            a) Résumé des procédures

[2]               La Première Nation de Long Plain (la Première Nation) est une bande au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5. La gouvernance de cette bande est assurée par un chef et quatre conseillers formant un conseil de bande sous l’égide de la Loi sur les Indiens. Le chef et les conseillers sont élus pour un mandat de trois ans en vertu de la Loi électorale de la Première Nation de Long Plain (la Loi électorale ou la Loi), code électoral adopté par la Première Nation. Les dernières élections ont eu lieu en avril 2012 et ont été remportées par l’appelant David Meeches, au poste de chef, et par les appelants George Assiniboine, Marvin Daniels et Ruth Roulette, aux postes de conseillers. Mme Daniels Barbara Esau, qui n’est pas partie aux présents appels, a elle aussi été élue comme conseillère.

 

[3]               Aux termes de la Loi électorale, le chef et les conseillers forment le [traduction] « gouvernement tribal », expression empruntée au droit amérindien des États‑Unis. Quoique l’expression « gouvernement de la Première Nation de Long Plain » conviendrait davantage, j’emploierai dans les présents motifs l’expression « gouvernement tribal » puisqu’on la trouve dans la Loi électorale.

 

[4]               Plusieurs appels portant sur les résultats des élections tenues en avril 2012 ont été présentés au comité d’appel en matière d’élections constitué en vertu de la Loi électorale. L’un d’entre eux a été interjeté par l’intimé Dennis Meeches, candidat malheureux au poste de chef qui est revenu à l’appelant David Meeches. Après avoir examiné les appels dont il était saisi, le comité a conclu que, dans l’ensemble, le processus électoral semblait s’être déroulé de façon équitable, mais il a tout de même recommandé que les élections soient annulées et reprises.

 

[5]               La Première Nation a ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale pour faire annuler cette décision. Une requête en sursis à l’exécution de la décision en attendant que la demande de contrôle judiciaire soit définitivement tranchée a été présentée concurremment. Le juge Harrington (le juge saisi de la requête) a rejeté la requête en sursis au motif que le comité avait simplement recommandé la tenue de nouvelles élections, et qu’il ne s’agissait pas d’une « décision » ou d’une « ordonnance » que la Première Nation devait accepter ou à laquelle elle devait donner suite. Il a cependant noté que, si le comité d’appel en matière d’élections ordonnait la tenue de nouvelles élections, une nouvelle requête en sursis pouvait au besoin être présentée. La Première Nation a retiré sa demande peu après.

[6]               L’intimé Dennis Meeches a alors présenté sa propre demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. C’est la décision relative à cette demande qui est visée par le présent appel. Concluant qu’il n’était pas lié par la précédente décision du juge saisi de la requête, le juge qui a instruit la demande a, quant à lui, conclu que le Comité avait rendu une décision obligatoire en ce qui a trait à la tenue de nouvelles élections.

 

[7]               L’intimé a donc déposé devant la Cour fédérale une requête fondée sur l’article 431 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue de faire appliquer le jugement rendu par le juge qui a instruit la demande. Cette requête a été rejetée par la juge Strickland le 11 avril 2013 au motif que le jugement était purement déclaratoire et qu’il ne pouvait donc pas être exécuté en vertu de l’article 431 des Règles.

 

[8]               Les appelants ont ensuite demandé à la Cour de rendre une ordonnance en sursis du jugement du juge qui a instruit la demande. J’ai accordé ce sursis le 29 avril 2013 pour les motifs publiés sous la référence 2013 CAF 114. Compte tenu des circonstances, j’ai également ordonné que les appels réunis fassent l’objet d’une procédure accélérée.

 

b) La Loi électorale

[9]               Il convient de reproduire d’emblée les principales dispositions en cause de la Loi électorale.

 

[10]           L’article 5 de la Loi électorale concerne la conduite des candidats pendant les élections : il interdit expressément l’achat de votes et prévoit des sanctions pour ceux qui se livreraient à cette pratique :

[traduction]

5.4 Il est interdit d’acheter des votes de quelque manière que ce soit, par exemple en remettant de l’argent, en achetant de l’alcool, ou en offrant ou en échangeant tout objet ayant une valeur monétaire, entre la date de clôture des candidatures et le jour du scrutin.

 

[...]...

 

5.11 Le défaut de respecter les articles 5.1 à 5.10 emporte inéligibilité du candidat.

 

 

[11]           L’article 8 de la Loi électorale concerne le Comité d’appel en matière d’élections et prévoit notamment ce qui suit relativement à sa composition, à ses fonctions et à ses pouvoirs :

[traduction
8.1 Le comité d’appel en matière d’élections est composé de trois (3) membres ne relevant pas de la tribu.

 

[...]

 

8.5 Le comité d’appel en matière d’élections a le pouvoir [...] d’enquêter et de décider si un élu a quitté son poste par application des dispositions de l’article 18.

 

8.6 Après avoir reçu une demande écrite à cet effet, le comité d’appel en matière d’élections enquête sur des questions d’importance portées à son attention concernant [...] des allégations au titre des articles 5 ou 17. La demande écrite peut être présentée au comité d’appel en matière d’élections par n’importe quel électeur.

 

8.7 Le comité d’appel en matière d’élections a le pouvoir discrétionnaire de définir la portée des enquêtes; une fois qu’elles sont terminées, il transmet par écrit ses conclusions au gouvernement tribal dans les deux (2) jours.

 

8.8 Advenant le cas où le comité d’appel en matière d’élections recommande que le poste d’un élu soit déclaré vacant par suite d’une contravention, le gouvernement tribal déclare le poste vacant et tient sans délai une élection complémentaire. La déclaration prend la forme d’une résolution du conseil de bande adoptée lors d’une assemblée du gouvernement tribal dûment convoquée.

 

[12]           L’article 12 de la Loi porte sur les appels liés aux candidatures et prévoit un mécanisme d’appel pour les candidats dont le fonctionnaire électoral a décidé qu’ils étaient inaptes à se présenter à une élection :

[traduction
12.1 Si, au regard de sa
candidature, le candidat est déclaré inéligible par le fonctionnaire électoral, il peut interjeter appel dans les deux (2) jours de la date de clôture des candidatures.

 

12.2 Le candidat doit présenter une lettre et des documents justificatifs expliquant les motifs de son appel.

 

12.3 Le comité d’appel en matière d’élections convoque immédiatement une réunion avec le candidat inéligible appelant pour qu’il présente son appel.

 

12.4 Le comité d’appel en matière d’élections discute de la question et formule une recommandation dans les trois (3) jours de l’assemblée de mise en candidature sur la question de savoir si le candidat déclaré inéligible doit être réintégré.

 

12.5 La décision du comité d’appel en matière d’élections est obligatoire et définitive.

 

 

[13]           L’article 17 concerne les appels en matière d’élection. Il énumère les dispositions régissant les appels relatifs aux résultats d’un vote :

[traduction
17.1 Tout candidat ou électeur a le droit d’interjeter appel des résultats d’une élection dans les sept (7) jour
s de la date du scrutin.

 

17.2 Les motifs d’appel se limitent aux pratiques électorales qui contreviennent à la présente loi électorale.

 

17.3 L’appel, dûment signé, doit être présenté sous forme écrite au fonctionnaire électoral; il doit contenir les détails et les documents justificatifs relatifs aux motifs sur lesquels il est fondé et inclure un dépôt non remboursable de 100 $ payable par chèque certifié, mandat, traite bancaire ou en liquide pour couvrir les frais de l’appel.

 

17.4 Le comité d’appel en matière d’élections décide si l’appel doit donner lieu à une audience.

 

17.5 S’il est conclu que la preuve est suffisante pour justifier l’audition de l’appel, le comité d’appel en matière d’élections fixe une réunion formelle deux (2) jours après la date limite de présentation d’un appel électoral.

 

17.6 L’audition de l’appel prend la forme d’une réunion formelle à laquelle prennent part :

Le fonctionnaire électoral

Le comité d’appel en matière d’élections

Le candidat ou l’électeur qui interjette appel.

 

17.7 La décision du comité d’appel en matière d’élections est irrévocable, obligatoire et définitive. La décision doit être rendue publique dans les deux jours de l’audition de l’appel et être affichée dans les bureaux du gouvernement tribal, au bureau de l’Administration et au Centre des conférences de Keeshkeemaqua.

 

 

[14]           L’article 18, intitulé [traduction] « Vacance », prévoit divers motifs d’exclusion de membres élus du gouvernement tribal, notamment pour cause de pratiques électorales malhonnêtes :

[traduction
18.1 Un poste du gouvernement tribal devient vacant lorsque son titulaire :

 

[...]

 

d. A été déclaré coupable de manœuvre corruptrice en rapport avec une élection à la suite d’une décision du comité d’appel en matière d’élections. On entend notamment par manœuvre corruptrice le fait de trafiquer le processus électoral, d’offrir des pots-de-vin ou d’exercer de la coercition en rapport avec l’élection, de faire campagne alors que les bureaux de scrutin sont toujours ouverts et d’accomplir tout acte que le comité d’appel en matière d’élections juge être une manœuvre corruptrice.

 

[...]

 

i. Si un Ogema [chef] ou un Oginjigan [conseiller] cesse d’exercer ses fonctions en raison des alinéas 18.1c) à 18.1h) inclusivement, il est déclaré inéligible à ces postes pour les dix années suivantes.

 

 

c) L’appel électoral interjeté par l’intimé et le rapport du comité d’appel en matière d’élections

 

[15]           Après sa défaite à l’élection pour le poste de chef en avril 2012, l’intimé Dennis Meeches a déposé un appel électoral devant le comité par lequel il soulevait deux questions principales : a) les infractions à la Loi électorale commises durant les élections appellent-elles un nouveau scrutin? b) le chef élu, l’appelant David Meeches, a-t-il commis des actes qui le rendent inapte à occuper ce poste pendant dix ans, et son poste devient‑il en conséquence vacant et une élection complémentaire doit‑elle être tenue en vue de le pourvoir? : affidavit de Dennis Meeches au paragraphe 11, page 70 du dossier d’appel (DA). D’après les principales allégations d’inconduite soulevées par l’intimé, l’appelant David Meeches s’est servi de fonds appartenant à la bande pour sa campagne et s’est livré à un achat de votes généralisé, en contravention de la Loi électorale : ibidem au paragraphe 10, pages 69, 70, 121 et 122 du DA.

 

[16]           Le comité d’appel en matière d’élections a tenu une série de réunions et a communiqué par téléphone avec un certain nombre de personnes. Il a également tenu une réunion pour entendre l’intimé et d’autres électeurs. Il a entendu l’appelant et chef élu David Meeches, mais aucun des conseillers élus.

 

[17]           Le comité d’appel en matière d’élections a formulé ses conclusions dans un rapport écrit (mais non daté) que l’intimé a reçu au début de mai 2012 (le rapport).

 

[18]           En ce qui concerne les infractions à la Loi électorale, le comité a conclu dans son rapport que [traduction] « [b]ien que, comme nous l’avons déjà vu, on ait pu constater certaines entorses à la Loi électorale de la Première Nation de Long Plain, il semble que, dans l’ensemble, l’élection se soit déroulée de façon équitable ». Il ajoute cependant ceci : [traduction] « Toutefois, comme la Loi électorale constitue un élément clé de la gouvernance de la Première Nation et que cette loi a été édictée pour régir le déroulement des élections, nous recommandons que l’élection soit annulée et qu’un processus électoral qui respecte la lettre de la loi soit suivi » : rapport à la page 6, DA à la page 143.

 

[19]           Le comité a également examiné dans son rapport les allégations d’inconduite d’un candidat, qui visaient principalement le chef élu, l’appelant David Meeches, et a formulé à ce sujet les observations suivantes (rapport à la page 5, DA à la page 142) :

[traduction] Les deux autres appels font état d’allégations d’inconduite, visant principalement l’individu élu l’Ogema [chef], lors de l’élection d’avril 2012.

 

Elles concernent notamment l’achat de votes, l’ingérence dans le déroulement des élections et l’usage de fonds appartenant à la bande en vue de se faire réélire.

 

S’agissant des fonds de la bande, on rapporte notamment la publication d’un bulletin de Long Plain juste avant le scrutin tenu à Brandon. D’après les documents fournis, la préparation de ce bulletin a été payée par le gouvernement tribal. Le comité a été informé que sa préparation et son impression avaient donné lieu à un malentendu. Les documents indiquent qu’Arrowhead Development Corporation avait initialement payé les coûts de ce bulletin, ce qui a ensuite été corrigé. Le comité a obtenu des reçus attestant que le candidat au poste d’Ogema [chef] a remboursé Arrowhead Development Corporation et payé Mayfair Printing pour le bulletin.

 

On fait également valoir dans l’appel que les frais d’utilisation d’une salle de réunion réservée par le même candidat ont été acquittés à partir des fonds de la bande. Les reçus montrent que la salle de réunion a été payée par l’individu en question. Son nom et celui de la Première Nation figurent sur les documents.

 

[...]

 

Les allégations d’achat de votes posent un défi de taille pour le comité d’appel en matière d’élections. La Loi électorale confère au comité d’appel en matière d’élections un vaste mandat pour enquêter sur les affaires qui lui sont confiées, mais les allégations d’achat de votes reposent sur des déclarations faites par des individus et sur l’interprétation de conversations qui ont été surprises au cours du déroulement du scrutin et qui ont été signalées par les scrutateurs de l’agent électoral de la personne qui a interjeté appel.

 

Un seul document a été produit à l’appui de l’allégation concernant l’achat de voix. Le document est signé par une personne déclarant avoir reçu 20 $ en échange de son vote pour l’un des candidats au poste d’Ogema [chef]. Cette personne indique cependant clairement qu’elle aimerait rester anonyme. L’individu qui a présenté l’appel lui a demandé de comparaître devant le comité d’appel, ce à quoi elle a répondu que sa déclaration était véridique et correcte.

 

 

 

d) La demande de contrôle judiciaire initiale et l’ordonnance rendue par le juge saisi de la requête

 

[20]           Peu après la publication du rapport, la Première Nation a déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale afin que la décision du comité soit annulée et que le chef et les conseillers élus soient autorisés à demeurer en fonction (la demande de contrôle judiciaire initiale). Une requête en sursis provisoire de la décision du comité a été déposée en même temps devant la Cour fédérale.

 

[21]           L’intimé s’est vu signifier la demande de contrôle judiciaire initiale et la requête en sursis le mercredi 9 mai 2012 : affidavit de Dennis Meeches au paragraphe 32, DA à la page 75. La requête en sursis a été instruite peu après, le vendredi 11 mai 2012, par téléconférence. L’intimé Dennis Meeches a participé à cette audience, mais n’était pas représenté par un avocat en raison du court préavis.

[22]           À l’audience, le juge saisi de la requête a rejeté la requête en sursis provisoire pour un motif qu’il semble avoir soulevé lui-même. Voici les extraits pertinents de son ordonnance, publiée sous la référence 2012 CF 570 :

[traduction
[6]        Je m’arrête immédiatement sur le mot « recommande » [dans le rapport du comité]. Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales traite des demandes de contrôle judiciaire d’une « décision » ou d’une « ordonnance » d’un « office fédéral ». J’ai soulevé le fait qu’une « recommandation » vise une entité autre, dans le cas qui nous occupe, peut-être le gouvernement tribal. Il ne s’agit pas d’une « décision » ou d’une « ordonnance » comme telle. Il s’agit d’une mesure que l’on peut ou non accepter et à laquelle on peut ou non donner suite.

 

[...]

 

[8]        Le demandeur craint que, dans ce contexte, la recommandation du comité d’appel en matière d’élections n’ait en fait été une décision. Le comité d’appel en matière d’élections n’a pas recommandé que la charge d’un élu soit déclarée vacante par suite d’une contravention et il n’est donc pas nécessaire que le gouvernement tribal déclare qu’un poste est devenu vacant et qu’il tienne une élection complémentaire. Comme l’article 8.8 [de la Loi électorale] ne s’applique pas, il convient de donner à l’expression « nous recommandons » son sens ordinaire.

 

[...]

 

[10]      Le défendeur a soulevé des questions qui appellent certains commentaires.

 

[11]      La première est de savoir si la « recommandation » peut être interprétée comme une « décision » ou une « ordonnance ». À mon avis, non.

 

[...]

 

[14]      Si les circonstances venaient à changer, en ce qu’il serait donné suite à la « recommandation » et qu’une ordonnance prescrirait la tenue d’une nouvelle élection, le demandeur pourrait de nouveau présenter sa requête, et les défendeurs auraient alors pleinement la possibilité de la contester.

 

 

[23]           La Première Nation s’est désistée de la demande de contrôle judiciaire initiale peu après que cette ordonnance a été rendue.

LA DÉCISION FRAPPÉE D’APPEL

[24]           À la suite de l’ordonnance rendue par le juge saisi de la requête, l’intimé Dennis Meeches a adressé une lettre au comité d’appel dans laquelle il lui demandait de clarifier sa position sur son appel à l’égard de l’élection : affidavit de Dennis Meeches au paragraphe 36 et document joint en pièce H, DA pages 76, 176 et 177. Le comité n’a pas répondu.

 

[25]           L’intimé a donc déposé devant la Cour fédérale sa propre demande de contrôle judiciaire par laquelle il sollicite diverses mesures de réparation visant à faire annuler les élections et à obtenir la tenue de nouvelles élections.

 

[26]           Le juge qui a instruit la demande a considéré que cette demande visait principalement à faire exécuter la décision du comité appelant à la tenue de nouvelles élections. Cette approche l’a amené à analyser a) le pouvoir du comité d’appel en matière d’élections d’imposer la tenue de nouvelles élections (motifs, aux paragraphes 75 à 87); b) la nature et la portée de la décision rendue par le comité dans cette affaire (motifs, au paragraphe 88 à 114).

 

[27]           S’agissant d’abord du pouvoir du comité d’appel en matière d’élections, le juge qui a instruit la demande a reconnu que la Loi électorale opérait une distinction entre, d’une part, la plainte concernant la conduite d’un candidat en exercice passible de destitution et susceptible d’entraîner la vacance d’un poste électif (articles 8.5, 8.8 et 18.1 de la Loi) et, d’autre part, l’appel visant les résultats d’une élection fondé sur des pratiques électorales contraires à la Loi (article 17.1 à 17.7 de la Loi).

[28]           Le juge qui a instruit la demande a également reconnu que, dans le cas d’une plainte visant une inconduite passible de destitution,  la Loi électorale précise que la « recommandation » alors formulée par le comité d’appel en matière d’élections est contraignante pour le gouvernement tribal (article 8.8 de la Loi); dans le cas d’un appel visant les résultats de l’élection, le comité rend plutôt une « décision » [traduction] « irrévocable, obligatoire et définitive » (article 17.7). Le juge a d’ailleurs noté que cette dernière disposition n’indiquait pas pour qui cette « décision » était obligatoire. Il a conclu, en s’appuyant sur une interprétation téléologique de la Loi électorale, qu’une décision du comité d’appel fondée sur l’article 17.7 lie le gouvernement tribal, qui doit y donner suite sans délai : motifs, au paragraphe 87.

 

[29]           Il a estimé qu’en déclenchant de nouvelles élections dans cette affaire, le comité déclarait en substance que le gouvernement tribal n’était pas légitime : motifs, au paragraphe 101. À son avis, il était donc à la fois inapproprié et assez absurde d’autoriser les membres du gouvernement tribal concernés à ne pas tenir compte de l’avis du comité : motifs, au paragraphe 103. Il a par ailleurs conclu qu’il « ne [pouvait] trouver nulle part dans la Loi électorale de “recommandation” qui ne soit pas obligatoire », concluant ainsi qu’une recommandation fondée sur cette loi « est une décision obligatoire à laquelle on doit donner suite » : motifs, au paragraphe 107.

 

[30]           Le juge qui a instruit la demande a reconnu que cette conclusion contredisait directement l’ordonnance précédente du juge saisi de la requête. Cependant, il ne s’estimait pas lié par celle‑ci, car : a) il tranchait l’affaire sur la base d’éléments différents; b) l’ordonnance du juge saisi de la requête était interlocutoire et non définitive; c) elle n’était pas convaincante puisqu’elle reposait sur des éléments différents : motifs, aux paragraphes 111 et 112.

 

[31]           Quant à la nature et à la portée de la décision rendue par le comité dans cette affaire, le juge qui a instruit la demande a reconnu que même si le comité avait estimé qu’il y avait eu des entorses à la Loi électorale durant les élections, il avait néanmoins conclu que, dans l’ensemble, ces élections s’étaient apparemment déroulées de façon équitable.

 

[32]           Cependant, s’appuyant sur la jurisprudence Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, le juge qui a instruit la demande s’est dit d’avis que les conclusions du comité devaient être lues au regard du contexte général de son rapport et de tout le dossier dont il disposait. Après avoir lui-même examiné le dossier, le juge a conclu que le comité avait déclenché de nouvelles élections au motif que l’inconduite du candidat était suffisante pour avoir une incidence sur l’issue des élections; paragraphe 95 et 114 de ses motifs : 

[95] Après avoir tiré ces conclusions, le comité d’appel en matière d’élections formule ensuite sa décision suivant laquelle, même si dans l’ensemble, il semble que l’élection se soit déroulée de façon assez équitable (c.‑à‑d. que les accrocs constatés n’étaient pas généralisés), les accrocs qui s’étaient effectivement produits justifiaient l’annulation de l’élection et la tenue de nouvelles élections. La raison invoquée était que [traduction] « la Loi électorale constitue un élément clé de la gouvernance de la Première Nation ». En d’autres termes, les accrocs qui se sont produits ont eu [traduction] « un effet important sur les résultats des élections », de sorte qu’il convenait d’annuler les élections.

 

[...]

 

[114] Lorsque j’examine la preuve dont disposait le comité d’appel en matière d’élections en l’espèce, je constate qu’il y avait des éléments de preuve au sujet de l’achat de votes. Au lieu de tirer des conclusions sur cette question, le comité d’appel en matière d’élections se contente de dire que [traduction] « les allégations d’achat de votes posent un défi de taille pour le comité d’appel en matière d’élections ». Au lieu de formuler des recommandations au sujet de l’achat de votes, le comité d’appel en matière d’élections se contente de recommander la tenue de nouvelles élections en raison d’accrocs importants à la Loi électorale. Il choisit de ne pas préciser ce qu’il entend par accrocs importants. Le comité d’appel en matière d’élections devait évidemment savoir qu’une décision sur l’achat de votes et une recommandation formulée en vertu de l’article 8.8 empêcheraient les représentants élus de se porter candidats à nouveau pour une période de dix ans, ce qui serait une conséquence fort malheureuse tant pour la Première Nation de Long Plain que pour les personnes concernées. Les individus accusés d’achat de votes ont dû pousser un grand soupir de soulagement lorsque le comité d’appel en matière d’élections a plutôt choisi de traiter toute l’affaire en vertu de l’article 17 et de décider qu’il y avait lieu d’ordonner la tenue d’une nouvelle élection.

 

 

LES QUESTIONS SOULEVÉES EN APPEL

[33]           Les questions soulevées par le présent appel peuvent être formulées en ces termes :

a.       Le juge qui a instruit la demande a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’était pas lié par les motifs de l’ordonnance rendue par le juge saisi de la requête?

b.      Dans la négative, a-t-il commis une erreur en concluant que le comité d’appel en matière d’élections avait le pouvoir d’imposer la tenue de nouvelles élections en vertu de l’article 17 de la Loi électorale?

c.       Dans la négative, a-t-il commis une erreur en concluant en l’espèce que le comité d’appel en matière d’élections avait rendu une décision irrévocable, obligatoire et définitive imposant la tenue de nouvelles élections?

d.      Dans la négative, la décision du comité d’appel en matière d’élections doit‑elle être malgré tout annulée?

 

a) Les motifs de l’ordonnance rendue par le juge saisi de la requête liaient‑ils le juge qui a instruit la demande?

 

[34]           En l’espèce, les appelants font principalement valoir que le juge qui a instruit la demande ne pouvait pas statuer sur la demande de contrôle judiciaire de l’intimé en s’appuyant sur un autre motif que celui qu’a donné le juge de la requête pour rejeter la requête en suspension provisoire relative à la demande de contrôle judiciaire initiale. Les appelants soutiennent que les principes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, de l’abus de procédure et de l’attaque indirecte empêchaient tous le juge qui a instruit la demande de statuer sur l’affaire comme il l’a fait.

 

[35]           La thèse des appelants est fondamentalement viciée en ce que le juge saisi de la requête a rejeté la requête provisoire en suspension de la décision du comité d’appel en matière d’élections, et empêché ainsi l’intimé Dennis Meeches d’en appeler de cette ordonnance. En effet, les appels ne visent pas les motifs de l’ordonnance ou du jugement : Rathiopharm Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2007 CAF 261, 367 N.R. 103; Konecny c. Ontario Power Generation, 2010 CAF 340, au paragraphe 7. Par ailleurs, l’intimé ne pouvait pas contester cette demande de contrôle judiciaire initiale sur le fond puisqu’elle a été retirée. Dès lors, il est un peu douteux que les appelants invoquent la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, l’abus de procédure et l’attaque indirecte.

 

[36]           Ces doctrines s’inscrivent dans le cadre d’une politique publique visant à favoriser le caractère définitif des décisions judiciaires et destinée à servir l’intérêt de la justice : Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, [2001] 2 R.C.S. 460 (Danyluk), au paragraphe 19. En l’espèce, ces doctrines sont invoquées par les appelants dans un contexte qui exclut l’intérêt de la justice. Comme le notait le juge Binnie dans l’arrêt Danyluk, au paragraphe 1, une « doctrine élaborée par les tribunaux dans l’intérêt de la justice ne devrait pas être appliquée mécaniquement et donner lieu à une injustice. »

 

[37]           Dans le récent arrêt Penner c. Niagara (Commission régionale de services policiers), 2013 CSC 19, 356 D.L.R. (4th) 595, aux paragraphes 40 et 41, les juges Cromwell et Karakatsanis ont expliqué que ces doctrines jouent lorsque les parties ont eu une possibilité raisonnable d’avancer leur thèse, que les questions soulevées ont été tranchées et qu’il est possible de faire réexaminer la décision. Ces observations ont été formulées dans une affaire où la préclusion découlant d’une question déjà tranchée était invoquée après qu’un tribunal disciplinaire policier eut rendu sa décision, mais ils sont néanmoins pertinents  en l’espèce :

[40]      Si l’instance antérieure a été inéquitable envers une partie, ce serait redoubler l’iniquité que cette partie soit liée par l’issue en résultant aux fins d’une action ultérieure. Par exemple, dans Danyluk, la décision administrative antérieure découlait d’un processus dans le cadre duquel Mme Danyluk n’avait pas été informée des allégations formulées par l’autre partie et n’avait pas eu la possibilité d’y répondre.

 

[41]      Bon nombre des facteurs établis dans la jurisprudence, dont les garanties procédurales, l’existence d’un droit d’appel et l’expertise du décideur, ont trait à la possibilité de participer à la procédure administrative et au caractère équitable de cette dernière. Ces considérations sont importantes parce qu’elles permettent de déterminer si les parties ont eu une possibilité raisonnable de présenter leur position, si les questions soulevées ont été tranchées et s’il est possible de faire réexaminer la décision. Dans la négative, il pourrait se révéler injuste qu’elles se voient liées par la première décision aux fins d’autres actions.

 

 

[38]           En l’espèce, la requête provisoire en sursis a été déposée en même temps que la demande de contrôle judiciaire initiale ou peu après, ce qui laissait peu de temps à l’intimé Dennis Meeches pour retenir les services d’un avocat ou préparer une réponse appropriée. L’audience relative à cette requête a donc eu lieu sans que l’intimé eut bénéficié des conseils d’un avocat. De plus, le motif qui a servi à trancher la requête a été soulevé par le juge lui-même à l’audience, ce qui ne permettait pas tout à fait à l’intimé d’y répondre correctement. Plus important encore, le juge saisi de la requête a décidé s’il convenait ou non d’accorder un sursis provisoire sur la base d’un dossier incomplet et d’arguments limités quant au bien-fondé de la demande sous-jacente. Tous ces facteurs m’amènent à conclure que le juge qui a instruit la demande a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en estimant qu’il n’était pas lié par les motifs du juge saisi de la requête.

 

[39]           En règle générale, le juge saisi d’une requête provisoire ne doit pas statuer sur le fond de l’instance pour rechercher s’il convient ou non d’accorder le sursis. En appliquant le critère à trois volets énoncé dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S.4 311 (RJR-MacDonald), il doit évidemment se livrer à une appréciation préliminaire du bien-fondé de l’instance au fond pour s’assurer qu’elle soulève une question sérieuse. Cependant, ce critère est facile à remplir, puisque c’est généralement le cas lorsque l’instance au fond n’est ni futile ni vexatoire : RJR-MacDonald, à la page 337.

 

[40]           Par conséquent, au stade de la requête en sursis, « [i]l n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire » : RJR-MacDonald, à la page 338. Le juge saisi de la requête en sursis ne doit se pencher sérieusement sur le fond que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque le droit que le sursis vise à protéger ne peut s’exercer qu’immédiatement ou pas du tout, ou que le résultat sera d’imposer à une partie un préjudice tel qu’il n’y a plus aucun avantage à tirer d’un procès : ibidem. Le juge saisi de la requête n’était en présence d’aucune de ces circonstances exceptionnelles lorsqu’il a tranché la requête en sursis.

 

[41]           Il existe en l’occurrence d’importantes considérations de politique judiciaire. En effet, il est généralement malvenu de se prononcer sur les droits respectifs des parties au litige en l’absence d’un dossier et d’arguments complets sur toutes les questions. Le juge saisi de la requête en sursis doit donc faire preuve de retenue en ce qui touche le bien-fondé de l’instance au fond, et s’efforcer de ne pas trancher de questions de fond, à moins que des circonstances spéciales ne l’y obligent.

 

b) Le comité d’appel en matière d’élections avait-il le pouvoir d’imposer de nouvelles élections en vertu de l’article 17 de la Loi électorale?

 

[42]           Les appelants soutiennent par ailleurs que le juge qui a instruit la demande a commis une erreur de droit en concluant que le comité d’appel en matière d’élections avait le pouvoir de déclencher de nouvelles élections en vertu de l’article 17 de la Loi électorale. D’après eux, le seul pouvoir contraignant dont jouit le comité est prévu aux articles 8.7 et 8.8 de la Loi électorale, reproduits plus haut, et concerne le renvoi du candidat en exercice pour inconduite. Ils soutiennent que, pour pouvoir déclencher une nouvelle élection en vertu de l’article 17, le comité doit d’abord établir une inconduite passible de destitution visée à l’article 8. Comme tel n’a pas été le cas, les appelants concluent que les articles 8.7 et 8.8 ne s’appliquent pas, et qu’on ne peut dès lors déclencher des élections en vertu de l’article 17.

 

[43]           Je ne peux retenir ces conclusions.

 

[44]           Tout au long de la Loi électorale sont énoncés clairement et sans ambiguïté les pouvoirs du comité d’appel en matière d’élections. Lorsque le comité recommande, en vertu de l’article 8, que le poste d’un fonctionnaire élu soit libéré pour cause d’inconduite passible de destitution, le gouvernement tribal doit déclarer le poste vacant et tenir sans délai une élection complémentaire : articles 8.7 et 8.8 de la Loi. Lorsque le comité recommande la réintégration ou la non‑réintégration dans son poste d’un candidat ayant été déclaré inéligible par le fonctionnaire électoral, cette décision est obligatoire et définitive : articles 12.4 et 12.5 de la Loi. Lorsqu’il rend une décision à la suite d’un appel électoral au titre de l’article 17, celle-ci est [traduction] « irrévocable, obligatoire et définitive » : article 17.7 de la Loi. Le texte est clair et non équivoque.

 

[45]           La thèse portant que la décision du comité au titre de l’article 17.7 n’est pas exécutoire parce qu’elle ne précise pas à qui elle s’adresse est incongrue et illogique. La Loi électorale est le résultat d’un exercice d’autonomie gouvernementale de la part des membres de la Première Nation. S’ils précisent qu’une décision du comité d’appel en matière d’élections au titre de l’article 17 est [traduction] « irrévocable, obligatoire et définitive », tous, y compris les appelants, comprennent qu’une telle décision s’impose à pour la Première Nation dans son ensemble, ce qui comprend toutes ses structures de gouvernance comme le gouvernement tribal et le fonctionnaire électoral. S’il en était autrement, on aboutirait au cas de figure bizarre où une décision fondée sur l’article 17 de la Loi électorale pourrait être ignorée à son gré par un gouvernement tribal illégitimement élu.

 

c) Le comité d’appel en matière d’élections a-t-il rendu une décision imposant la tenue de nouvelles élections?

 

[46]           S’appuyant largement sur les motifs du juge saisi de la requête, les appelants soutiennent en outre que le comité d’appel en matière d’élections a formulé une « recommandation » non exécutoire appelant à la tenue d’une nouvelle élection, plutôt qu’une « décision » visée par l’article 17.7 de la Loi électorale.

 

[47]           Les mots employés par le comité d’appel en matière d’élections dans sa décision sont les suivants : [traduction] « nous recommandons que l’élection soit annulée et qu’un processus électoral qui respecte la lettre de la loi soit suivi ». Selon le juge qui a instruit la demande, cette formulation indiquait que la décision était obligatoire. Je suis d’accord.

 

[48]           Selon le contexte, une « recommandation » peut passer pour un avis facultatif ou une décision contraignante : voir à titre comparatif Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture ), [1992] 1 R.C.S. 385 avec Therrien (Re), 2001 CSC 35, [2001] 2 R.C.S. 3, aux paragraphes 42 et 43; voir aussi R. c. British Coal Corp., [1935] UKPC 33, [1935] A.C. 500.

[49]           Dans l’affaire Therrien (Re), précité, la question était de savoir si la « recommandation » de la Cour d’appel du Québec concernant la destitution d’un juge provincial pouvait être considérée comme une décision définitive. Le juge Gonthier a conclu par l’affirmative, oui, compte tenu du contexte, notant au paragraphe 43 que « le rapport de la Cour d’appel constitue bien davantage que l’expression d’une simple opinion, mais revêt un caractère décisionnel important ».

 

[50]           Une analyse contextuelle et téléologique s’impose donc en l’espèce pour rechercher si la recommandation du comité d’appel en matière d’élections doit être considérée comme un avis ou comme une décision obligatoire.

 

[51]           Dans ses dispositions, la Loi électorale appelle le comité d’appel en matière d’élections à formuler des « recommandations », qu’elle assimile néanmoins à des décisions obligatoires. L’article 8.8 de la Loi prévoit ainsi qu’« [a]dvenant le cas où le [comité] recommande que le poste d’un élu soit déclaré vacant par suite d’une contravention, le gouvernement tribal déclare le poste vacant et tient sans délai une élection complémentaire ». De même, dans le cas d’un appel lié à une candidature, l’article 12.4 de la Loi prévoit que le comité d’appel « formule une recommandation [...] sur la question de savoir si le candidat déclaré inéligible doit être réintégré », recommandation que l’article 12.5 qualifie [traduction] « [d’]obligatoire et définitive ».

 

[52]           Par conséquent, si l’on adopte une interprétation contextuelle et téléologique, lorsque le comité formule une « recommandation » concernant la tenue de nouvelles élections, cette « recommandation » doit être considérée comme une décision [traduction] « irrévocable, obligatoire et définitive » aux termes de l’article 17.7 de la Loi.

 

[53]           Lorsqu’il a produit son rapport recommandant la tenue de nouvelles élections, le comité d’appel en matière d’élections n’a pas pu souhaiter que ses conclusions n’aient qu’une portée consultative et qu’elles demeurent sans effet. Les appels électoraux fondés sur l’article 17 visent justement à obtenir un nouveau scrutin, et l’aspect obligatoire d’une telle conclusion est incontestable eu égard à l’article 17.7 de la Loi. Par conséquent, indépendamment du libellé exact dudit rapport, en appelant à la tenue de nouvelles élections dans son rapport, le comité rendait ainsi une décision obligatoire au sens de l’article 17.7.

 

d) La décision du comité d’appel en matière d’élections doit-elle être malgré tout annulée?

 

[54]           Les appelants sollicitent subsidiairement le contrôle judiciaire de la décision du comité d’appel en matière d’élections. Ils soutiennent que celui-ci a) a commis une erreur de droit et de fait en appelant à la tenue de nouvelles élections; b) a contrevenu aux principes d’équité procédurale en rendant sa décision. Par conséquent, et dans l’éventualité où leurs autres observations seraient rejetées, ils demandent que la décision du comité soit infirmée et que l’affaire lui soit renvoyée en vue d’un nouvel examen.

 

[55]           L’intimé note que les appelants ont eu la possibilité de contester la décision du comité d’appel dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire initiale, mais qu’ils ont décidé de se désister de cette demande. Il en conclut qu’ils ne devraient pas être autorisés à avancer cette thèse. Je ne puis retenir cet argument.

 

[56]           Il est impossible d’ignorer que les appelants ont retiré la demande de contrôle judiciaire initiale à cause des motifs indiqués dans l’ordonnance du juge saisi de la requête. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, du fait que l’intimé lui-même cherchait à obtenir par sa demande l’annulation et l’infirmation de la décision du comité et du fait qu’il est primordial de s’assurer du caractère équitable de ces procédures, il y a lieu d’examiner les arguments soulevés par les appelants au sujet de la validité de la décision du comité. De plus, le juge qui a instruit la demande disposait des éléments de preuve sur lesquels était fondée cette contestation.

 

[57]           J’examinerai d’abord les erreurs de fait et de droit reprochées au comité.

 

[58]           Les appelants soutiennent essentiellement que les accrocs au processus électoral relevés par le comité n’étaient pas assez graves pour influer sur l’issue du scrutin, et donc qu’il n’était pas raisonnable qu’il déclenche de nouvelles élections. Ils ajoutent que le comité ne disposait d’aucune preuve susceptible d’étayer l’achat de votes, et que, quoi qu’il en soit, ce type d’allégations relève de l’article 8 de la Loi électorale plutôt que de l’article 17.

 

[59]           L’article 17.2 de la Loi électorale précise que les motifs d’appel électoraux fondés sur l’article 17 [traduction] « se limitent aux pratiques électorales qui contreviennent à la présente loi électorale », ce qui inclut certainement les allégations d’achat de votes, pratique expressément interdite par l’article 5.4. Par conséquent, le comité pouvait, en vertu de l’article 17, examiner les allégations d’inconduite d’un candidat à l’élection, y compris celles qui concernaient l’achat de votes.

 

[60]           Le comité a donc deux possibilités lorsqu’il s’agit d’apprécier les allégations d’inconduite d’un candidat dans le cadre d’une élection, notamment celles qui ont trait à l’achat de votes : il peut les examiner a) soit au titre de l’article 8 de la Loi (article 8.6), b) soit au titre de l’article 17.

 

[61]           Dans le cas de l’article 8, le comité s’intéresse surtout aux allégations visant l’inconduite  de l’individu concerné dans le contexte de procédures de destitution: articles 8.5 et 8.7. Si le comité conclut que les allégations sont fondées, le candidat en exercice doit quitter le poste auquel il a été élu, et une élection complémentaire doit être tenue sans délai pour le remplacer : article 8.8 de la Loi. De plus, le candidat en exercice est déclaré inéligible au poste de chef ou de conseiller pour une période de dix ans : alinéa 18.1i) de la Loi. Ces mesures jouent, que l’inconduite ait eu une incidence importante sur l’issue de l’élection, ou non. Il s’agit d’une différence importante par rapport à l’article 17 de la Loi électorale.

 

[62]           L’article 17 porte sur un autre sujet : les pratiques électorales elles-mêmes. Dans le cas d’un appel électoral fondé sur cette disposition, la question que doit trancher le comité est de savoir si les pratiques électorales qui contrevenaient à la Loi électorale pouvaient avoir un impact important sur les résultats de l’élection : article 17.1. En l’espèce, il ne s’agit pas principalement de la destitution d’un candidat dont il a été établi qu’il a enfreint la Loi qui est en cause, mais plutôt des pratiques électorales elles-mêmes en vue d’assurer la légitimité des résultats d’une élection et, par voie de conséquence logique, de la légitimité électorale du gouvernement tribal lui-même : articles 17.6 et 17.7.

 

[63]           En règle générale, et contrairement à la destitution, une élection ne sera pas annulée si ses résultats ne paraissent pas avoir été compromis par les irrégularités alléguées. Cette règle a été formulée dans les décisions Camsell c. Rabesca, [1987] N.W.T.R. 186 et Flookes and Longe c. Shrake (1989), 100 A.R. 98, 70 Alta. L.R. (2d) 374 (B.R.), et confirmée par la Cour suprême du Canada par l’arrêt Opitz c. Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55, [2012] 3 R.C.S. 76 (Opitz), aux paragraphes 55 à 57. La règle a été exprimée en ces termes dans la décision Flookes and Longe c. Shrake, précitée :

[traduction] À mon avis, après examen des précédents et sous réserve de modifications de la Loi, la règle peut être résumée de la façon suivante : le scrutin n’est considéré comme entaché de vices que s’il est démontré que les irrégularités étaient telles que, selon la prépondérance des probabilités, le résultat des élections aurait pu être différent, et, deuxièmement, que le scrutin ne pouvait pas être considéré comme un scrutin, c’est‑à‑dire que, dans l’ensemble, il n’a pas été mené conformément aux pratiques électorales prévues par les lois actuelles.

 

 

[64]           C’est précisément en ces termes que le comité d’appel en matière d’élections concevait sa mission aux termes de l’article 17 : [traduction] « Le comité s’est demandé si les entorses aux dispositions de la Loi auraient un effet important sur les résultats des élections » : rapport à la page 2, DA à la page 139.

 

[65]           À l’élection pour le poste de chef, l’appelant David Meeches a remporté 618 voix, contre 586 pour l’intimé Dennis Meeches. Si 17 des voix accordées à David Meeches étaient allées à Dennis Meeches, ce dernier aurait été élu chef. Dennis Meeches a sollicité la tenue d’une nouvelle élection parce que, à son avis, cet écart négligeable était attribuable à l’inconduite de David Meeches, qui concerne notamment l’usage des fonds de la bande pour soutenir sa campagne et l’achat de votes généralisé.

 

[66]           Le comité d’appel en matière d’élections a reconnu que l’appelant David Meeches s’était servi de fonds appartenant à la bande pour sa campagne, mais a noté qu’il les avaient ensuite remboursés : rapport à la page 4, DA à la page 142. Il a également admis qu’il y avait eu des allégations d’achat de votes par l’appelant David Meeches, qu’étayaient certains éléments de preuve : ibidem. David Meeches a lui-même reconnu avoir donné de l’argent à un électeur le jour de l’élection, mais il soutient qu’il s’agissait d’un prêt charitable : affidavit de David Meeches, au par. 2, reproduit aux pages 219 et 220 du DA. Notons cependant que l’article 5.4 de la Loi électorale interdit de [traduction] « remet[tre] de l’argent [ou d’]offr[ir] ou [d’]échang[er] tout objet ayant une valeur monétaire entre la date de clôture des candidatures et le jour du scrutin ».

 

[67]           Le juge qui a instruit la demande a conclu que le comité d’appel en matière d’élections avait conclu que de nouvelles élections étaient requises, car l’inconduite du candidat était assez grave pour avoir une incidence sur l’issue du scrutin : motifs, aux paragraphes 95 et 114, reproduits plus haut. Je conviens avec lui qu’il s’agit d’une interprétation raisonnable de la décision du comité en ce qui concerne l’élection pour le poste de chef, compte tenu de l’ensemble des circonstances et du dossier. Comme l’ont observé avec justesse les juges Rothstein et Moldaver dans l’arrêt Optiz, au paragraphe 43, « [u]ne fraude, une manœuvre frauduleuse ou un acte illégal sont des inconduites graves. Ce sont des inconduites qui ébranlent le processus électoral ». Voir également Sideleau c. Davidson (Controverted election for the Electoral District of Stanstead), [1942] R.C.S. 306.

 

[68]           Cependant, comme les allégations d’inconduite d’un candidat ayant une incidence sur l’issue du scrutin concernaient surtout le chef élu David Meeches, je ne comprends pas comment le comité a pu déclencher de nouvelles élections pour les postes de conseillers compte tenu des éléments de preuve dont il disposait. Aucune allégation grave d’achat de votes ou d’autres inconduites électorales n’a d’ailleurs été soulevée contre les conseillers élus. Comme le notait le comité dans son rapport, les allégations d’inconduite étaient principalement dirigées contre David Meeches : rapport à la page 5, DA à la page 142.

 

[69]           Le comité ne disposait donc d’aucun élément de preuve d’inconduite des conseillers élus, et a d’ailleurs conclu que le processus électoral paraissait s’être déroulé de manière équitable. De plus, le dépouillement des votes n’indique pas que l’élection des conseillers aurait pu se solder différemment en raison d’irrégularités ou d’allégations d’achat de votes. Par exemple, 122 voix séparaient l’intimé Marvin Daniels (519 voix) et le candidat défait ayant reçu le plus de voix après lui (397) : rapport du fonctionnaire électoral, DA aux pages 80 et 81.

 

[70]           Les seules allégations visant les conseillers élus faisaient état d’irrégularités administratives dans le déroulement des élections, lesquelles n’étaient pas de nature à influer sur l’issue des élections. Les juges Rothstein et Moldaver observaient récemment par l’arrêt Opitz, au paragraphe 2, que les irrégularités administratives sont souvent inévitables lors d’élections et ne peuvent justifier en soi l’annulation d’un scrutin, vu la nécessité du caractère définitif des résultats électoraux et la confiance du public à cet égard.

 

[71]           Il était déraisonnable que le comité déclenche de nouvelles élections pour les postes de conseillers eu égard à l’ensemble des circonstances et aux principes juridiques applicables.

 

[72]           Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que les observations des conseillers appelants touchant les prétendus manquements à l’équité procédurale du comité d’appel en matière d’élections soient examinées dans le cadre de la présente décision. Je noterai simplement qu’en déclenchant de nouvelles élections sans entendre les conseillers élus visés, le comité d’appel en matière d’élections a manqué aux principes d’équité procédurale. Lors de futurs appels électoraux, le comité ferait bien de s’assurer que tous les conseillers concernés soient entendus avant de rendre une décision.

 

[73]           Cependant, bien qu’il ait comparu devant le comité, l’appelant David Meeches fait également valoir des manquements à l’équité procédurale. Il soutient que le comité ne lui a pas fourni de détails sur les allégations d’inconduite (achat de votes) dirigées contre lui, ce qui est une atteinte à l’équité procédurale : affidavit de Davis Meeches au paragraphe 3, DA aux pages 220 à 222.

 

[74]           Il incombe à tout organisme public qui rend des décisions administratives touchant les droits, privilèges ou biens d’une personne, de respecter l’équité : Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504, au paragraphe 38. Il s’agit toutefois de rechercher dans chaque cas « ce que l’obligation de respecter l’équité dans la procédure peut raisonnablement exiger des autorités en tant que droit précis en matière de procédure dans un contexte législatif et administratif donné ».

 

[75]           Les exigences en matière d’équité procédurale doivent donc à chaque fois être appréciées suivant le contexte et en fonction du cadre législatif et administratif : Knight c. Indian Head School Division no 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la page 682; Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711, à la page 743; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 21; Therrien (Re), précité, au paragraphe 82; May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809, au paragraphe 9; Canada (Procureur général) c. Mavi, précité, au paragraphe 39.

 

[76]           Comme je l’ai déjà signalé, le comité d’appel en matière d’élections a décidé d’examiner les allégations d’inconduite au titre de l’article 17 de la Loi électorale plutôt que de l’article 8. Les exigences liées à l’équité procédurale varient selon qu’il s’agit de l’article 17, qui intéresse la légitimité des résultats d’une élection, ou de l’article 8, qui concerne les inconduites entraînant la destitution et l’inéligibilité pour une durée de dix ans.

 

[77]           L’article 17 de la Loi n’exige pas formellement qu’une copie des documents relatifs à l’appel électoral soit transmise au candidat. En l’espèce, le comité a néanmoins convoqué le chef élu David Meeches à une audience, dont il savait très bien que le principal enjeu était l’allégation d’achat de votes dirigée contre lui. Le comité lui a donné la possibilité de se faire entendre sur la question. Dans les circonstances, je ne puis conclure que le comité a enfreint les règles d’équité procédurale au point de vicier sa décision concernant l’élection au poste de chef.

 

CONCLUSIONS

[78]           Par les motifs qui précèdent, je ferais droit en partie aux appels, j’annulerais le jugement du juge qui a instruit la demande et, rendant la décision que la Cour fédérale aurait dû rendre, j’annulerais la partie de la décision du comité qui invalidait les élections des conseillers (Oginjigan) et appelait à la tenue de nouvelles élections pour ces postes. Je confirmerais la partie de la décision du comité qui annulait l’élection du chef (Ogema) et appelait à la tenue de nouvelles élections pour ce poste, et j’ordonnerais aux fonctionnaires et employés de la Première Nation, y compris les membres appelants du conseil de bande ou du gouvernement tribal et le fonctionnaire électoral, d’organiser sans délai de nouvelles élections conformément à la Loi électorale pour la durée restante du mandat du chef. Ces élections devront se tenir aux dates fixées par le fonctionnaire électoral, mais dans un délai minimum de quarante-cinq (45) jours et maximum de soixante‑quinze (75) jours à partir de la date du présent jugement.

 

[79]           Pour éviter toute ambiguïté, comme le comité d’appel en matière d’élections a rendu sa décision en vertu de l’article 17 de la Loi électorale et n’a formulé aucune recommandation au titre des articles 5.4 ou 8.8 de la Loi, l’appelant David Meeches peut continuer à occuper le poste de chef jusqu’à ce que soient connus les résultats de l’élection dont la tenue a été ordonnée. De plus, et par le même motif, la décision du comité d’appel en matière d’élections n’a pas pour effet de l’empêcher de se présenter à cette nouvelle élection.

 

[80]           L’intimé devrait avoir droit aux dépens qu’il a engagés pour les procédures devant la Cour fédérale et devant notre Cour pour l’appel relatif au dossier A‑101‑13; ces dépens devront être acquittés par l’appelant David Meeches. Aucuns dépens ne sont adjugés pour l’appel se rapportant au dossier A‑102‑13.

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

    Pierre Blais, j.c. »

 

« Je suis d’accord.

    D.G. Near, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIERS :                                                                          A-102-13

                                                                                                A-101-13

 

APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE LE 26 FÉVRIER 2013, NO T-1068-12, PAR MONSIEUR LE JUGE RUSSELL.

 

INTITULÉ :                                                                          Meeches c. Meeches

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 Le 25 juin 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                     LE JUGE MAINVILLE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                           LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 5 juillet 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Lafontaine Guerra

POUR LES APPELANTS

GEORGE ASSINIBOINE, MARVIN DANIELS ET RUTH ROULETTE

 

Timothy J. Fry

Alfred Thiessen

 

POUR L’APPELANT

DAVID MEECHES

Harley I. Schachter

Kaitlyn Lewis

POUR L’INTIMÉ

DENNIS MEECHES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myers Weinberg LLP

Winnipeg (Manitoba)

POUR LES APPELANTS

GEORGE ASSINIBOINE, MARVIN DANIELS ET RUTH ROULETTE

 

Tapper Cuddy LLP

Winnipeg (Manitoba)

POUR L’APPELANT

DAVID MEECHES

 

Duboff Edwards Haight & Schachter

Winnipeg (Manitoba)

POUR L’INTIMÉ

DENNIS MEECHES

 

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