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Date : 20130801

Dossier : A-322-12

Référence : 2013 CAF 190

 

CORAM :      LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE GAUTHIER      

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

 

ALBERTA WILDLIFE ASSOCIATION,

WESTERN CANADA WILDERNESS COMMITTEE,

NATURE SASKATCHEWAN et

 GRASSLANDS NATURALISTS

appelants

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

intimés

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 19 mars 2013.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er août 2013.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                   LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                       LA JUGE GAUTHIER                        

                                                                                                          LE JUGE MAINVILLE         



 

Date : 20130801

Dossier : A-322-12

Référence : 2013 CAF 190

 

CORAM :      LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE GAUTHIER      

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

ALBERTA WILDERNESS ASSOCIATION,

WESTERN CANADA WILDERNESS COMMITTEE,

NATURE SASKATCHEWAN et

GRASSLANDS NATURALISTS

appelants

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

INTRODUCTION

 

[1]               La Cour est saisie de l’appel d’une ordonnance interlocutoire prononcée par le juge Scott (le juge des requêtes) dans le cadre d’une demande présentée par Alberta Wilderness Association, Western Canada Wilderness Committee, Nature Saskatchewan et Grasslands Naturalists (collectivement, les appelants), qui sollicitent l’intervention de la Cour quant à la prise d’un décret d’urgence en vertu de l’article 80 de la Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002, ch. 29 (la Loi) et à la modification du programme de rétablissement du Tétras des armoises (le programme de rétablissement). Si je comprends bien l’avis de demande tel qu’il a été rédigé, les appelants demandent soit une ordonnance de mandamus, si aucune recommandation visant la prise d’un décret d’urgence n’a été faite, soit le contrôle judiciaire de la décision refusant de recommander la prise d’un tel décret d’urgence, le cas échéant. Le problème inhérent à ce type d’acte de procédure qui ratisse large est amplifié par la thèse du ministre de l’Environnement (le ministre), qui soutient qu’il n’est pas tenu de dire s’il a pris une décision ni quelle décision il a prise, dans le cas où il en aurait pris une. Pour l’instant, l’avis de demande est au point mort en raison d’une question de production de documents qui, selon ma compréhension de l’affaire, est prématurée et non nécessaire.  

 

FAITS ET HISTORIQUE DES PROCÉDURES

 

[2]               Selon les appelants, le Tétras des armoises est une espèce en péril dont l’habitat au Canada est confiné à de petites régions du sud-est de l’Alberta et du sud-ouest de la Saskatchewan. Son aire de répartition actuelle est d’environ 6 % de son aire historique. Entre 1988 et 2006, la population canadienne totale du Tétras des armoises a diminué de 88 %. En 2010, on comptait environ 42 Tétras des armoises mâles répartis dans deux aires de reproduction fréquentées en Saskatchewan, alors qu’en 2011, il ne subsistait en Alberta qu’environ 13 mâles sur une population totale de 30 oiseaux.

 

[3]               Les appelants affirment que le déclin de la population du Tétras des armoises est principalement attribuable à la destruction ou à la dégradation continue de son habitat causée par le développement des ressources pétrolières et gazières, le surpâturage et la culture du sol. 

 

[4]               Au mois de février 2012, les appelants ont estimé que d’ici un an le Tétras des armoises disparaîtrait de l’Alberta, et qu’il serait impossible de le trouver au Canada dans dix ans, à moins que des mesures de protection ne soient prises à l’égard des oiseaux existants et de leur habitat.

 

[5]               L’article 80 de la Loi dispose :

 

80. (1) Sur recommandation du ministre compétent, le gouverneur en conseil peut prendre un décret d’urgence visant la protection d’une espèce sauvage inscrite.

 

 

 (2) Le ministre compétent est tenu de faire la recommandation s’il estime que l’espèce est exposée à des menaces imminentes pour sa survie ou son rétablissement.

 

 (3) Avant de faire la recommandation, il consulte tout autre ministre compétent.

 

80. (1) The Governor in Council may, on the recommendation of the competent minister, make an emergency order to provide for the protection of a listed wildlife species.

 

 

 (2) The competent minister must make the recommendation if he or she is of the opinion that the species faces imminent threats to its survival or recovery.

 

 (3) Before making a recommendation, the competent minister must consult every other competent minister.

 

 

[6]               Le 23 novembre 2011, les appelants ont écrit au ministre pour lui faire savoir qu’à leur avis :

[traduction]

 

a) le gouvernement fédéral dispose de suffisamment d’informations pour désigner d’autres sites d’habitat comme « habitats essentiels ». La Loi définit l’habitat essentiel comme « [l]’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce »;

 

b) pendant que le ministre tarde à protéger l’habitat essentiel du Tétras des armoises et à désigner d’autres sites d’habitat essentiel, en vue de le protéger, la population du Tétras des armoises continue de décroître; 

 

c) le déclin du nombre de Tétras des armoises est principalement attribuable aux perturbations anthropiques comme le développement des ressources pétrolières et gazières dans les habitats du Tétras des armoises ou à proximité de ceux-ci;

 

d) le Tétras des armoises disparaîtra de l’Alberta d’ici 2013, et de tout le Canada au cours de la prochaine décennie, à moins que des mesures de conservation et de protection ne soient prises;

 

e) les gouvernements de l’Alberta et de la Saskatchewan n’ont pas protégé de façon suffisante et efficace le Tétras des armoises sur leur territoire respectif.

 

Dossier d’appel (D.A.), pages 38-39

 

[7]               Dans la même correspondance, les appelants demandaient que le ministre recommande la prise d’un décret d’urgence en vertu de l’article 80 de la Loi. Ils demandaient également au ministre de désigner d’autres sites d’habitat essentiel par voie de modification au programme de rétablissement, en application de l’alinéa 41(1)c) et du paragraphe 45(1) de la Loi. Les appelants donnaient au ministre jusqu’au 16 janvier 2012 pour répondre à leur lettre : voir le D.A., page 29.

 

[8]               Les appelants soutiennent qu’en date du 14 février 2012, le ministre avait omis ou refusé de s’acquitter des obligations lui incombant en vertu de la Loi, soit celles exposées dans leur lettre du 23 novembre 2011.

 

[9]               Par conséquent, le 14 février 2012, les appelants ont déposé la demande donnant lieu au présent appel. Dans leur avis de demande, les appelants demandaient à la Cour de prononcer une ordonnance de mandamus au regard de l’omission du ministre de recommander la prise d’un décret d’urgence et de modifier le programme de rétablissement, en plus de demander le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le ministre refusait de recommander la prise d’un décret d’urgence, de désigner d’autres sites d’habitat essentiel et de modifier en conséquence le programme de rétablissement.

 

[10]           Cette demande de portée très générale concluait par une demande de transmission de documents présentée conformément à l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles). C’est cette demande de transmission de documents qui est à l’origine du présent appel.

 

[11]           La requête fondée sur l’article 317 des Règles est ainsi rédigée :

[traduction] Les demandeurs demandent que le ministre leur transmette, ainsi qu’au greffe, la copie certifiée conforme des documents et des éléments matériels suivants qu’ils n’ont pas, mais qui sont en la possession du ministre :

 

1. Le dossier des documents dont disposait le ministre de l’Environnement Canada et de Parcs Canada à la date de la présente demande au sujet des obligations que lui impose l’article 80 de la Loi sur les espèces en péril à l’égard du Tétras des armoises au Canada;

 

2. Si le ministre a refusé de prendre la décision de recommander la prise d’un décret d’urgence, ou s’il a pris la décision de ne pas faire de recommandation en ce sens, à la suite de la lettre du 23 novembre 2011 transmise par l’avocat des demandeurs, ou en réponse à cette lettre, les documents ou les éléments matériels dont disposait le ministre de l’Environnement Canada et de Parcs Canada à la date de son refus ou de sa décision de ne pas faire de recommandation, ainsi que les motifs écrits justifiant ce refus ou cette décision;

 

3. Si le ministre a refusé de désigner d’autres sites d’habitat essentiel pour le Tétras des armoises par une modification au programme de rétablissement, ou qu’il a pris la décision de ne pas en désigner d’autres, à la suite de la lettre du 23 novembre 2011 transmise par l’avocat des demandeurs, ou en réponse à cette lettre, les documents ou les éléments matériels dont disposait le ministre de l’Environnement Canada et de Parcs Canada à la date de son refus ou de sa décision de ne pas faire de recommandation, ainsi que les motifs écrits justifiant ce refus ou cette décision;

 

4. Tout autre document pouvant être en la possession, sous le contrôle ou sous la garde du ministre de l’Environnement et de Parcs Canada qui pourrait être pertinent pour la présente affaire.

 

[12]           Le 15 mars 2012, l’avocat des intimés, avant de prendre toute autre mesure dans la procédure, a transmis à l’avocat des appelants un document intitulé [traduction] Attestation et opposition fondée sur l’article 318 des Règles des Cours fédérales (attestation et opposition) où il est déclaré, entre autres choses, que le gouvernement n’avait pas terminé son processus décisionnel de sorte qu’il était prématuré de conclure que le ministre avait refusé ou omis de s’acquitter de son obligation de protéger le Tétras des armoises.

 

[13]           L’attestation et opposition précise ensuite que le gouverneur en conseil a le pouvoir de prendre un décret d’urgence comme le demandent les appelants. Toutefois, comme la décision de prendre un tel décret implique l’intervention du Cabinet, elle est couverte par la confidentialité des délibérations du Cabinet. Par conséquent, [traduction] « il n’est pas possible de révéler si le ministre a recommandé ou recommandera au gouverneur en conseil de prendre un décret d’urgence » : D.A., page 29.

 

[14]           De plus, en ce qui concerne la modification du programme de rétablissement, il est déclaré dans l’attestation et opposition que d’autres démarches ont été entamées, notamment avec des propriétaires fonciers et d’autres intervenants qui, selon le ministre, sont directement touchés par cette modification. Il s’ensuit que l’avis de demande et la demande de transmission de documents sont prématurés.

 

[15]           Les conclusions de l’attestation et opposition sont les suivantes :

 

[traduction]

1) atteste, tel qu’en fait foi la signature du directeur, programme d’intégration des espèces sauvages, ministère de l’Environnement, que les documents dont dispose le ministre en rapport avec l’article 80 de la Loi sont considérés comme des renseignements confidentiels du Cabinet.

 

2) s’oppose à la production des documents pertinents qui sont en la possession du ministre au motif qu’ils sont considérés comme des renseignements confidentiels du Cabinet.

 

3) s’oppose à la production des documents concernant la décision du ministre de refuser de recommander la prise d’un décret d’urgence et la modification du programme de rétablissement aux motifs que cette demande « repose sur des conclusions prématurées » et qu’elle est donc sans effet.

 

4) s’oppose à la production des documents pertinents au motif qu’une telle demande équivaut à communication de documents dans le cadre d’une action, ce qui n’est pas indiqué dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire.

 

[16]           L’attestation et opposition a mené à l’échange d’un certain nombre de lettres entre les avocats des parties, qui, en définitive, n’ont rien réglé. En conséquence, le 17 mai 2012, l’avocat des appelants a présenté un avis de demande sollicitant les mesures suivantes :

 

[traduction]

1- Une ordonnance enjoignant aux intimés de faire savoir aux appelants si le ministre a pris la décision de recommander la prise d’un décret d’urgence en vertu du paragraphe 80(2) de la Loi;

 

a) si le ministre n’a pas encore pris de décision en vertu du paragraphe 80(2) de la Loi, une ordonnance enjoignant aux intimés d’informer les requérants de la prise de cette décision et de sa teneur dans les 7 jours de la date où elle sera prise.

 

2- Une ordonnance déclarant que l’« attestation et opposition fondée sur l’article 318 des Règles des Cours fédérales » est invalide ou illégale, ainsi qu’une ordonnance enjoignant aux intimés de transmettre immédiatement au greffe et aux requérants la copie certifiée conforme du dossier de documents en la possession du ministre de l’Environnement Canada et de Parcs Canada à la date où cette décision a été prise, de même que les motifs écrits justifiant la décision du ministre.

 

3- Une ordonnance portant que toute autre attestation et opposition formulée par les intimés, ou l’une ou l’autre de ces procédures, tiendra compte des éléments suivants :

 

a) l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5, ne saurait jouer lorsque la question à trancher est celle de savoir si le ministre a rendu une décision en application du paragraphe 80(2) de la Loi, ou s’il a décidé de recommander ou non la prise d’un décret d’urgence;

 

b) l’article 39 de la LPC ne saurait s’appliquer à la documentation préparée à l’intention du ministre afin qu’il la prenne en considération dans l’exercice de ses fonctions consistant à recommander la prise d’un décret d’urgence pour la protection du Tétras des armoises en application du paragraphe 80(2) de la LEP;

 

4- L’autorisation pour les requérants de présenter immédiatement une demande d’audience;

 

5- Conformément aux articles 400 et 401 des Règles des Cours fédérales, une ordonnance enjoignant aux intimés de payer immédiatement aux requérants les dépens entre avocat et client afférents la présente requête, quelle que soit l’issue de la cause; 

 

6- Toute autre mesure que la nature de la présente requête exige et que la Cour estime juste.

 

[17]           Entre le moment où l’avis de demande a été déposé et celui où la requête a été instruite, l’avocat des intimés a produit l’attestation prévue à l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985 ch. C-5, signée par le greffier du Conseil privé, M. Wayne Wouters (le certificat du greffier). M. Wouters y déclarait avoir examiné deux documents distincts, décrits ci‑dessous, et attestait qu’ils constituaient, ou que certains d’entre eux constituaient, des éléments confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada, et qu’il s’opposait à la communication de ces documents.

 

[18]           Le premier de ces deux documents est une note de service adressée au directeur général de l’Agence des Parcs Canada, en date du 21 décembre 2011, intitulée [traduction] « Note de service à l’intention du ministre. Objet : Examen de la prise possible d’un décret d’urgence concernant la protection de l’habitat essentiel du Tétras des armoises ». Le deuxième document est une note de service à l’intention de l’honorable Peter Kent, datée du 16 janvier 2012, concernant [traduction] « des propositions destinées au Conseil ».

 

[19]           Le moment est sans doute venu de reproduire les dispositions de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada :

 

39. (1) Le tribunal, l’organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s’opposent à la divulgation d’un renseignement, tenus d’en refuser la divulgation, sans l’examiner ni tenir d’audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), un « renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada » s’entend notamment d’un renseignement contenu dans :

a) une note destinée à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;

b) un document de travail destiné à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l’examen du Conseil;

 

c) un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal de ses délibérations ou décisions;

 

d) un document employé en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;

e) un document d’information à l’usage des ministres sur des questions portées ou qu’il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l’objet des communications ou discussions visées à l’alinéa d);

 

f) un avant-projet de loi ou projet de règlement.

 (3) Pour l’application du paragraphe (2), « Conseil » s’entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.

 

 (4) Le paragraphe (1) ne s’applique pas :

a) à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l’existence remonte à plus de vingt ans;

 

 

b) à un document de travail visé à l’alinéa (2)b), dans les cas où les décisions auxquelles il se rapporte ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.

39. (1) Where a minister of the Crown or the Clerk of the Privy Council objects to the disclosure of information before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information by certifying in writing that the information constitutes a confidence of the Queen’s Privy Council for Canada, disclosure of the information shall be refused without examination or hearing of the information by the court, person or body.

 

 

 

(2) For the purpose of subsection (1), “a confidence of the Queen’s Privy Council for Canada” includes, without restricting the generality thereof, information contained in

 

    (a) a memorandum the purpose of which is to present proposals or recommendations to Council;

 

    (b) a discussion paper the purpose of which is to present background explanations, analyses of problems or policy options to Council for consideration by Council in making decisions;

 

    (c) an agendum of Council or a record recording deliberations or decisions of Council;

 

    (d) a record used for or reflecting communications or discussions between ministers of the Crown on matters relating to the making of government decisions or the formulation of government policy;

 

    (e) a record the purpose of which is to brief Ministers of the Crown in relation to matters that are brought before, or are proposed to be brought before, Council or that are the subject of communications or discussions referred to in paragraph (d); and

 

    (f) draft legislation.

 

 

(3) For the purposes of subsection (2), “Council” means the Queen’s Privy Council for Canada, committees of the Queen’s Privy Council for Canada, Cabinet and committees of Cabinet.

 

(4) Subsection (1) does not apply in respect of

 

  

 (a) a confidence of the Queen’s Privy Council for Canada that has been in existence for more than twenty years; or

 

 

    (b) a discussion paper described in paragraph (2)(b)

 

        (i) if the decisions to which the discussion paper relates have been made public, or

 

        (ii) where the decisions have not been made public, if four years have passed since the decisions were made.

 

[20]           Aux termes de l’attestation du greffier, M. Wouters a invoqué la confidentialité des délibérations du Cabinet aux termes des alinéas 39(2)d) et e) de la Loi sur la preuve au Canada.

 

[21]           Le 28 juin 2012, par une décision non publiée, le juge des requêtes a rejeté la requête des appelants. Sa décision portait principalement sur la demande de confidentialité des délibérations du Cabinet formulée dans l’attestation et opposition ainsi que dans l’attestation du greffier.

 

[22]           Le juge des requêtes a signalé que le processus décisionnel du Cabinet était amorcé et qu’il n’était pas arrivé à son terme puisqu’aucune décision n’avait été prise au regard du décret d’urgence prévu au paragraphe 80(2) de la Loi. Il a aussi déclaré que le régime législatif prévoit un processus de consultation, comme celui dont il est question au paragraphe 80(3), qui dispose que le ministre doit consulter tout autre ministre compétent avant de faire une recommandation au gouverneur en conseil. Selon lui, ces consultations se font habituellement au moyen [traduction] « de documents de travail, de mémoires au Cabinet et de documents de breffage rédigés par des cadres supérieurs de la fonction publique » : voir D.A., page 12.

 

[23]           Le juge des requêtes s’est appuyé sur le fait que l’attestation et opposition ainsi que l’attestation du greffier énonçaient clairement que les questions à l’étude avaient été ou seraient déférées au Cabinet (ou au gouverneur en conseil – J’utiliserai les deux termes de façon interchangeable dans les présents motifs) : voir D.A., page 12. Le juge des requêtes a cité la décision de la Cour suprême du Canada rendu à l’occasion de l’affaire Babcock c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 57, [2002] 3 R.C.S. 3, (Babcock) et il a statué que le critère à quatre volets énoncé dans cet arrêt en vue de la délivrance de l’attestation prévue par l’article 39 avait été respecté :

 

1- l’attestation du greffier a été délivrée par le greffier du Conseil privé;

2- les renseignements dont la protection est recherchée tombent dans les catégories établies au paragraphe 39(2);

 

3- l’exercice de ce pouvoir découle de la loi;

4- le pouvoir a été exercé pour préserver la confidentialité des délibérations du Cabinet à l’égard de documents qui n’avaient pas encore été divulgués.

 

[24]           Par conséquent, le juge des requêtes a conclu qu’aucune raison ne justifiait le prononcé de l’ordonnance sollicitée par les appelants.

 

[25]           S’appuyant sur la décision Delisle c. Canada (Procureur général), 2004 CF 788, [2004] A.C.F. no 966, au paragraphe 13, le juge des requêtes a aussi retenu la thèse avancée par les intimés selon laquelle la demande formulée dans l’avis de demande voulant que le ministre indique aux appelants si une décision avait été rendue et, dans l’affirmative, quelle en était la teneur, équivalait à une demande d’ordonnance provisoire de mandamus, un recours qui n’existe pas en droit canadien.

 

[26]           Enfin, le juge des requêtes a rejeté la demande des appelants en adjudication des dépens entre avocat et client en leur faveur, sous forme d’une somme globale. Premièrement, les appelants n’ont pas eu gain de cause et n’ont donc pas, à première vue, droit aux dépens. Deuxièmement, la conduite des intimés n’a pas été répréhensible, scandaleuse ou outrageante et ne donne pas ainsi ouverture à l’adjudication de dépens entre avocat et client. En ce qui concerne la requête des appelants en vue d’obtenir l’autorisation de déposer immédiatement une demande d’audience, le juge des requêtes a renvoyé cette question au juge responsable de la gestion de l’instance. 

 

ÉNONCÉ DES QUESTIONS EN LITIGE

 

[27]           Les questions en litige sont fondamentalement les mêmes que celles dont était saisi le juge des requêtes.

 

[28]           La principale question à trancher consiste à rechercher si le privilège du Cabinet invoqué dans l’attestation et l’opposition est valide.

 

[29]           La deuxième question à trancher consiste à rechercher si la Cour doit ordonner au ministre de dire si la décision de recommander ou non la prise d’un décret d’urgence a été prise et, dans l’affirmative, d’informer les appelants de sa teneur.

 

ANALYSE

 

[30]           La Cour est saisie d’un appel d’une ordonnance interlocutoire prononcée par un juge des requêtes dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire ne soulevant que des questions de droit. La norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, comme il est énoncé au paragraphe 9 de l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235.

 

L’avis de demande 

 

[31]           Avant de nous pencher sur le fond de l’appel, je crois qu’il serait utile de dire quelques mots sur l’avis de demande des appelants.

 

[32]           L’article 302 des Règles dispose que, sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée. En l’espèce, l’avis de demande a une portée telle qu’il donne ouverture à au moins cinq décisions ou ordonnances distinctes visant notamment :

1- l’omission du ministre de prendre une décision après que les appelants lui eurent demandé de recommander la prise d’un décret d’urgence en vertu de l’article 80 de la Loi.

 

2- le refus du ministre de faire une recommandation au Cabinet en vue de la prise d’un décret d’urgence en vertu de l’article 80 de la Loi.

 

3- l’omission par le ministre de désigner l’habitat essentiel qui est nécessaire à la survie ou au rétablissement du Tétras des armoises.

 

4- l’omission du ministre de modifier le programme de rétablissement du Tétras des armoises et d’inscrire au registre public des espèces en péril la version finale du programme de rétablissement du Tétras des armoises.

 

5- le refus du ministre de désigner l’habitat essentiel qui est nécessaire à la survie ou au rétablissement du Tétras des armoises.

 

[33]           Par les points 1 et 4, il est sollicité une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre de prendre une décision sur l’opportunité de recommander la prise d’un décret d’urgence et la modification du programme de rétablissement. Par les points 2 et 5, il est sollicité le contrôle judiciaire de la décision du ministre en ce qui concerne ces questions. Par le point 3, il est sollicité une déclaration justifiant la demande d’ordonnance de mandamus.

 

[34]           Il semble être évident qu’il n’est pas logique d’alléguer qu’une décision n’a pas été prise et qu’elle a été rendue, ne fût-ce que par défaut. Le recours en mandamus est seulement possible si aucune décision n’a été prise. Le contrôle judiciaire (à d’autres fins que pour le mandamus) n’est possible qu’au regard d’une décision qui a été prise et qui est illégale. La demande d’ordonnance de mandamus forçant la prise d’une décision, ou subsidiairement, une demande de contrôle judiciaire d’une décision déjà rendue implique nécessairement que cette décision est défavorable au demandeur. Rien ne permet de supposer qu’une décision discrétionnaire ira dans un sens ou dans l’autre.

 

[35]           Interrogé sur cette façon de procéder pour le moins inhabituelle, l’avocat des appelants a déclaré qu’il suivi cette demande afin de gagner du temps, de façon à ne pas devoir reprendre les procédures chaque fois qu’une décision était rendue. 

 

[36]           Le déroulement de la présente instance démontre que, comme c’est le cas dans la vie, le vieux dicton [traduction] « ouvrage hâté, ouvrage gâté » n’a jamais été aussi vrai. Cette tentative bien intentionnée, mais peu judicieuse, de gagner du temps n’a eu pour seul effet que de garder au point mort, depuis plus d’un an, la question procédurale de la production de documents, qui ne porte ni de près ni de loin sur le bien-fondé de la préoccupation légitime des appelants à l’égard de la survie des derniers Tétras des armoises.

 

[37]            Les parties et le juge responsable de la gestion de l’instance ou le protonotaire doivent régler la question du contenu de l’avis de demande avant que la présente affaire puisse aller plus loin. S’ils ne le font pas, il se pourrait que d’autres problèmes de nature procédurale prolongent la procédure plus longtemps qu’il n’en faudra au Tétras des armoises, pour la protection duquel ces procédures ont été instituées, pour disparaître.

 

La demande d’immunité fondée sur la confidentialité des délibérations du Cabinet

 

[38]           Vu que la prémisse sur laquelle repose la demande d’ordonnance de mandamus est que la décision en cause n’a pas été prise, à première vue, l’article 317 des Règles, dont le texte est reproduit ci-dessous, ne s’applique pas :  

 

 (1) Toute partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas, mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés. [Je souligne]

 (1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested. [my emphasis]

 

[39]           La jurisprudence de la Cour fédérale a enseigne qu’en l’absence de décision prise par un décideur, aucune ordonnance ne peut faire l’objet d’une demande. Par conséquent, l’article 317 des Règles ne joue pas dans ce cas : voir Gaudes c. Canada (Procureur général), 2005 CF 351, [2005] A.C.F. n434, au paragraphe 16, Western Wilderness Committee c. Canada (Ministère de l’Environnement), 2006 CF 786, [2006] A.C.F. no 1006 (QL) (Western Wilderness), au paragraphe 8. Tout argument fondé sur l’interprétation des lois mis à part, les décisions prononcées par les juges de la Cour fédérale sont parfaitement raisonnables car, en matière de mandamus, ce n’est pas la légalité de la décision qui est en cause, mais bien l’absence de décision rendue. Sur cette question, les documents en la possession du décideur ne sont pas pertinents, sous réserve de quelques exceptions bien précises, lesquelles ne jouent pas en l’espèce : voir Western Wilderness, au paragraphe 8.

 

[40]           Par conséquent, le bien-fondé de la demande des appelants fondée sur l’article 317 des Règles, en ce qui concerne la requête d’ordonnances de mandamus, n’a pas été établi. Cela dit, la demande fondée sur l’article 317 des Règles demeure valide pour ce qui est des autres ordonnances sollicitées dans l’avis de demande, dans sa formulation actuelle.

 

[41]           Il est utile, à ce stade, de préciser ce qui n’est pas controversé. Le greffier du Conseil privé a déposé une attestation en vertu de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, alléguant que les renseignements contenus dans les deux documents décrits à l’annexe jointe au certificat constituent des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada et qu’ils sont donc soustraits à la divulgation, ce que les appelants ne contestent pas : voir le mémoire des faits et du droit des appelants, au paragraphe 27. Par ailleurs, les appelants déclarent que l’attestation et opposition ne constitue pas une attestation valide au sens de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, ce que les intimés ne nient pas : voir le mémoire des faits et du droit des intimés, au paragraphe 27.

 

[42]           Les intimés n’ont pas soutenu que l’immunité de la Couronne en common law ou que les articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada jouaient. Si une demande d’immunité de la Couronne avait été présentée, la Cour aurait pu exiger la production des documents visés par la demande afin de les examiner et de rechercher si l’intérêt du public dans la divulgation primait l’intérêt public dans le maintien du privilège : voir Carey c. Ontario, [1986] 2 R.C.S. 637, [1986] A.C.S. no 74.

 

[43]           L’essentiel de la thèse des intimés semble être que, parce que les délibérations du Cabinet sont confidentielles, tous les renseignements qui leur sont rattachés sont aussi de ce seul fait confidentiels. Cette thèse ressort de l’observation suivante, tirée de l’attestation et opposition :

[traduction] Par conséquent, étant donné que le Cabinet examine actuellement l’opportunité de prendre un décret d’urgence, il n’est pas possible, à ce stade du processus dans cette affaire, de révéler si le ministre a recommandé ou recommandera au gouverneur en conseil de prendre un décret d’urgence.

 

Attestation et opposition, D.A., page 45.

 

 

[44]           Cette déclaration peut être interprétée comme une demande de confidentialité des délibérations du Cabinet, ou bien comme voulant dire que la demande de renseignements est prématurée étant donné qu’une décision définitive n’a pas été prise. Cette ambiguïté est dissipée par le mémoire des faits et du droit des intimés :

[traduction] 26. Les intimés ont répondu en toute bonne foi en produisant l’attestation et opposition à la demande de documents présentée par les appelants en vertu de l’article 317 des RCF [Règles des Cours fédérales]. L’attestation et opposition expose que le processus décisionnel du Cabinet est protégé par la règle de la confidentialité.

 

[45]           Il importe de reconnaître qu’il existe une distinction entre la confidentialité et l’immunité, qui permet de se soustraire à l’obligation de produire un document ou une communication dans le cadre d’un contentieux. Alors que la confidentialité est un élément essentiel de la communication privilégiée, elle ne confère pas à elle seule un privilège ou une immunité. À cet égard, le fait que les délibérations du Cabinet soient confidentielles signifie qu’il est possible de présenter une demande d’immunité. Les moyens de le faire sont toutefois limités. Les intimés peuvent invoquer l’immunité de la Couronne en common law ou les articles 37 à 39 de la Loi sur la preuve au Canada. Selon mon interprétation de leur mémoire des faits et du droit, leur demande d’immunité est fondée uniquement sur l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada.

 

[46]           La faiblesse de l’argument selon lequel, même en l’absence de l’attestation nécessaire, l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada vise toutes les procédures entourant la prise d’un décret d’urgence apparaît évidente à la seule lecture de l’article 80, qui est reproduit ci‑dessous, par souci de commodité :   

 

80. (1) Sur recommandation du ministre compétent, le gouverneur en conseil peut prendre un décret d’urgence visant la protection d’une espèce sauvage inscrite.

 

 (2) Le ministre compétent est tenu de faire la recommandation s’il estime que l’espèce est exposée à des menaces imminentes pour sa survie ou son rétablissement.

 

 (3) Avant de faire la recommandation, il consulte tout autre ministre compétent.

 

80. (1) The Governor in Council may, on the recommendation of the competent minister, make an emergency order to provide for the protection of a listed wildlife species.

 

 (2) The competent minister must make the recommendation if he or she is of the opinion that the species faces imminent threats to its survival or recovery.

 

 (3) Before making a recommendation, the competent minister must consult every other competent minister.

 

 

[47]           L’article 80 n’exclut pas la possibilité que le ministre conclue, selon la preuve qui lui a été présentée, qu’une espèce n’est pas exposée à des menaces imminentes pour sa survie ou son rétablissement. Le ministre peut donc décider qu’aucune recommandation visant la prise d’un décret d’urgence ne doit être faite au Cabinet. Dans ce cas, il n’y a pas de recommandation au Cabinet. Ainsi, la décision du ministre de ne pas faire de recommandation n’entre pas dans les prévisions des dispositions de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, ne s’agissant pas d’une question « [portée] ou qu’il est prévu de porter devant le Conseil ». Ainsi que cela est signalé dans l’arrêt Babcock, une des conditions de validité de l’attestation délivrée en vertu de l’article 39 est que « le renseignement doit appartenir à l’une des catégories décrites au paragraphe 39(2) » : voir Babcock, au paragraphe 24.

 

[48]           Si l’argument avancé par les intimés est sain, il aurait pour effet d’exclure tout contrôle de chaque décision par laquelle le ministre refuserait de recommander la prise d’un décret d’urgence. Il ne peut en être ainsi. Le pouvoir discrétionnaire du ministre de refuser de faire une recommandation au Cabinet doit être exercé dans les limites du cadre juridique établi par la loi. Ce principe est au moins aussi ancien que l’arrêt de principe Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, à la page 140 :

 

[traduction] Dans une réglementation publique de cette nature, il n’y a rien de tel qu’un pouvoir discrétionnaire absolu et sans entraves, c’est-à-dire celui où l’administrateur pourrait agir pour n’importe quel motif ou pour toute raison qui se présenterait à son esprit; une loi ne peut, si elle ne l’exprime expressément, s’interpréter comme ayant voulu conférer un pouvoir arbitraire illimité pouvant être exercé dans n’importe quel but, si fantaisiste et hors de propos soit-il, sans avoir égard à la nature ou au but de cette loi.  La fraude et la corruption au sein de la commission ne sont peut-être pas mentionnées dans des lois de ce genre, mais ce sont des exceptions que l’on doit toujours sous-entendre. Le pouvoir discrétionnaire implique nécessairement la bonne foi dans l’exercice d’un devoir public. Une loi doit toujours s’entendre comme jouant dans une certaine optique, et tout écart manifeste de sa ligne ou de son objet est tout aussi répréhensible que la fraude ou la corruption.

 

[49]           La décision du ministre de refuser de faire une recommandation est donc une décision susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité : voir Halifax (Municipality) c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2012 CSC 29, [2012] 2 R.C.S. 108, au paragraphe 43.

 

[50]           Pour revenir à la question de la demande de confidentialité des délibérations du Cabinet figurant dans l’attestation et opposition, si le ministre a refusé de faire une recommandation au Cabinet en vertu de l’article 80 de la loi, l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada ne joue pas. Pas plus qu’il ne s’applique si le ministre n’a pas encore décidé de faire ou non la recommandation prévue à l’article 80. Dans l’éventualité où le ministre aurait fait une telle recommandation au Cabinet, l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada pourrait s’appliquer, mais en l’espèce, aucune attestation n’a été produite en vertu de cet article en ce qui concerne cette recommandation. En résumé, ni l’attestation et opposition ni le certificat du greffier ne justifient, sur le plan juridique, de refuser de divulguer si une décision de recommander ou non la prise d’un décret d’urgence a été prise et la teneur de cette décision.

 

[51]           Puisque tel est le cas, la présente affaire doit être renvoyée au juge responsable de la gestion de l’instance ou au protonotaire, étant entendu que le ministre transmettra sa position de façon non équivoque et que les appelants reformuleront leur avis de demande en conséquence. Il devrait alors être possible de régler de a présente affaire sans autre délai.

 

QUESTIONS DIVERSES

 

[52]           Compte tenu du paragraphe précédent, la demande présentée par les appelants en injonction au ministre de les informer si une décision a été prise doit être rejetée.

 

[53]           Les appelants avaient aussi sollicité une ordonnance leur accordant l’autorisation de déposer immédiatement une demande d’audience. Comme le juge des requêtes, je suis d’avis qu’il s’agit d’une question relevant du juge responsable de la gestion de l’instance ou du protonotaire.

 

[54]           Les appelants ont demandé l’adjudication de dépens entre avocat et client dans la mesure où ils auraient gain de cause et ils ont aussi demandé d’être libérés de l’obligation de payer des dépens s’ils étaient déboutés. À mon avis, les deux parties se partagent à parts égales la responsabilité de l’état lamentable de l’instance. J’ai déjà fait état des difficultés que soulève l’avis de demande des appelants. Quant aux intimés, s’il est vrai que la confidentialité de délibérations du Cabinet pourrait être invoquée à l’égard de certains aspects du litige, il n’en reste pas moins que leur demande d’immunité était indûment large et reposait sur un fondement juridique très ténu. Il s’agit d’une situation où chaque partie devrait assumer ses propres dépens devant notre Cour et la Cour fédérale.

 

CONCLUSION

 

[55]           Si je comprends bien la décision du juge des requêtes, il a conclu à la validité de la demande de confidentialité des délibérations du Cabinet présentée en vertu de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. Comme je l’ai déjà signalé, les appelants n’attaquent pas cette conclusion.

 

[56]           La confidentialité des délibérations du Cabinet vise uniquement les renseignements qui figurent dans une attestation signée par un ministre ou le greffier du Conseil privé, et qui respectent les exigences de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada et la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Babcock. Le juge des requêtes a commis une erreur dans la mesure où il a confondu le certificat du greffier et l’attestation et opposition, et qu’il a étendu l’immunité visant les délibérations confidentielles du Cabinet à des renseignements sur des questions non portées devant le Cabinet.

 

[57]           Par conséquent, j’accueillerais l’appel, j’annulerais l’ordonnance du juge des requêtes, et rendant l’ordonnance que le juge des requêtes aurait dû rendre, j’ordonnerais que :

 

1- La requête des appelants en injonction des intimés de faire savoir aux appelants si le ministre de l’Environnement a pris la décision de recommander la prise d’un décret d’urgence en vertu du paragraphe 80(2) de la Loi sur les espèces en péril est rejetée. Cette question est renvoyée au juge responsable de la gestion de l’instance ou au protonotaire de façon à ce que le ministre puisse informer les appelants de l’état d’avancement de son processus décisionnel et que les appelants puissent reformuler leur avis de demande en conséquence.  

 

2- La requête des appelants en déclaration d’invalidité de l’« attestation et opposition fondée sur l’article 318 de la Loi sur la preuve au Canada » est accueillie en ce qui concerne la requête en mandamus présentée par les appelants. Il est aussi déclaré que l’attestation et opposition ne constitue pas une demande valable de confidentialité des délibérations du Cabinet fondée sur l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada.

 

3- La requête des appelants en déclaration portant que toute attestation et opposition subséquente tienne compte des considérations énoncées au paragraphe 3 de l’avis de demande des appelants est rejetée parce qu’elle est redondante, étant donné que les intimés sont liés par la loi, tel qu’il est indiqué dans les présents motifs, sous réserve de leur droit d’appel.

 

4- La requête des appelants en autorisation de déposer immédiatement une demande d’audience est rejetée et cette question devra être tranchée par le juge responsable de la gestion de l’instance ou le protonotaire.

 

5- Les parties assumeront leurs propres dépens devant notre Cour et la Cour fédérale.

                                                                                                             « J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

      Johanne Gauthier, j.c.a, »                         

 

« Je suis d’accord.

      Robert M. Mainville, j.c.a. »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme.

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-322-12

 

 

INTITULÉ :                                                  Alberta Wilderness Association,  Western Canada Wilderness Committee, Nature Saskatchewan et  Grasslands Naturalists c. Procureur général du Canada et le Ministre de l’Environnement                  

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 19 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                            LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                   LA JUGE GAUTHIER

                                                                        LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 1er août 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Sean Nixon/Melissa Gorrie

POUR LES APPELANTS

 

Angela Fritze

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ecojustice

Vancouver (C.-B.)

POUR LES APPELANTS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS

 

 

 

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