Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190507


Dossier : A-41-18

Référence : 2019 CAF 114

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

 

 

SUZANNE DEMITOR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

WESTCOAST ENERGY INC.

(FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE SPECTRA ENERGY TRANSMISSION)

 

 

intimée

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 9 avril 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 mai 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 


Date : 20190507


Dossier : A-41-18

Référence : 2019 CAF 114

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

SUZANNE DEMITOR

appelante

et

WESTCOAST ENERGY INC.

(FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE SPECTRA ENERGY TRANSMISSION)

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE RIVOALEN

I.  Introduction

[1]  Suzanne Demitor (l’appelante) interjette appel d’un jugement rendu le 20 décembre 2017 par le juge Roy (le juge) de la Cour fédérale (2017 CF 1167). Le juge a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelante visant une décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) le 31 janvier 2017 (no de dossier 20140770), laquelle approuvait la recommandation formulée par un enquêteur dans son rapport préparé au titre du paragraphe 44(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi), de ne pas renvoyer la plainte devant le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal). Dans sa décision, la Commission a [traduction] « rejet[é] la plainte parce que la défenderesse a fourni une explication pour ses actes qui n’est pas un prétexte de discrimination fondée sur l’âge ou l’état matrimonial » (dossier d’appel, volume 1, page 60).

[2]  Devant la Cour fédérale, l’appelante n’a pas contesté la décision de la Commission en tant que telle. La seule question dont a été saisi le juge consistait à savoir si la Commission avait contrevenu aux principes d’équité procédurale. Le juge a estimé que ce n’était pas le cas. Je suis du même avis. Pour les motifs qui suivent, je rejetterais le présent appel avec dépens.

II.  Les faits

[3]  Le juge a résumé les faits essentiels en l’espèce aux paragraphes 5 à 47 de ses motifs. J’en répéterai les plus importants dans les paragraphes suivants pour mettre la présente décision dans son contexte.

[4]  L’appelante a été une employée de Westcoast Energey Inc. (faisant affaire sous le nom de Spectra Energy Transmission) (l’intimée) de 1991 à la fin de 1996, lorsqu’il a été mis fin à son emploi. Dès la fin de son emploi, et jusqu’au 23 juillet 2013, l’appelante a travaillé pour l’intimée à titre de consultante en vertu de nombreuses ententes de services de consultation et, dans les dernières années, en vertu d’une série de contrats impliquant différentes entités. La dernière entente a été conclue avec Demitor Holdings Inc. DBA Cicada Systems (Cicada Systems). Le 23 juillet 2013, l’intimée a résilié son contrat avec Cicada Systems.

[5]  Vers la fin de sa relation de travail avec l’intimée, l’appelante devait, entre autres, coordonner le système de gestion de l’information sur l’inventaire environnemental et l’inventaire de produits chimiques, le programme d’eau potable, et les fiches signalétiques des produits.

[6]  Le 16 juillet 2013, l’époux de l’appelante a envoyé un courriel au gestionnaire de la santé et de la sécurité de l’intimée, dans lequel il s’est présenté comme étant [traduction] « Tim Demitor, de Cicada System ». Le courriel est signé : « Tim Demitor, Demitor Holdings, inc., Dba Cicada Systems ». Le message a été envoyé en copie conforme à plusieurs autres cadres travaillant pour l’intimée.

[7]  Le 17 juillet 2013, l’appelante a envoyé un courriel au spécialiste des questions environnementales de l’intimée, annonçant que son époux serait désormais la [traduction« personne-ressource principale pour toutes les questions touchant les contrats, les négociations ou les affaires en général », car [traduction] « il était le mieux placé pour gérer ce volet des affaires » (dossier d’appel, volume 2, page 218).

[8]  Le 23 juillet 2013, l’appelante a reçu un courriel du spécialiste de la gestion des contrats de l’intimée l’avisant que le contrat de Cicaca System était résilié.

[9]  Le 24 juin 2014, l’appelante a déposé une plainte à la Commission, alléguant qu’elle avait [traduction] « des motifs raisonnables de croire [qu’elle] avai[t] été victime de discrimination fondée sur un ou plusieurs motifs de distinction illicite prévus par la Loi », nommément, l’état matrimonial et l’âge (dossier d’appel, volume 1, page 82).

[10]  Après avoir reçu la plainte, l’enquêteur a interrogé l’appelante, son époux ainsi que deux des membres du personnel de l’intimée. Au cours de son enquête, il a également analysé les positions des parties ainsi que tous les éléments de preuve documentaire qu’elles ont produits, y compris les courriels échangés par les parties et dont il a été question dans les paragraphes précédents. Il a préparé un rapport détaillé, dont l’objectif était d’aider la Commission à décider : [traduction] « a) si un conciliateur devrait être nommé pour tenter de régler la plainte; b) si une enquête plus approfondie par le Tribunal canadien des droits de la personne est justifiée ou c) si la plainte devrait être rejetée » (dossier d’appel, volume 1, page 65). Le rapport reproduit intégralement le courriel envoyé le 16 juillet 2013 par l’époux de l’appelante à l’intimée. L’enquêteur recommandait le rejet de la plainte.

[11]  Le rapport a été remis aux parties, qui ont ensuite présenté leurs observations et leurs réponses écrites à la Commission.

[12]  La Commission a écrit à l’appelante pour l’informer qu’après avoir examiné le rapport et les observations présentées en réponse à celui-ci, elle avait décidé [traduction] « de rejeter la plainte parce que la défenderesse a fourni une explication pour ses actes qui n’est pas un prétexte de discrimination fondée sur l’âge ou l’état matrimonial » (dossier d’appel, volume 1, page 60).

III.  La décision de la Cour fédérale

[13]  Devant la Cour fédérale, l’appelante, alors représentée par un avocat, a fondé sa demande de contrôle judiciaire sur le seul motif que la Commission avait manqué aux principes d’équité procédurale.

[14]  Ainsi, étant donné que l’appelante ne contestait pas le bien-fondé de la décision de la Commission, le juge a concentré son analyse sur les manquements allégués à l’équité procédurale. Le juge a fait observer que le rapport reproduisait dans son intégralité le courriel envoyé le 16 juillet 2013 par l’époux de l’appelante. Comme l’a affirmé le juge au paragraphe 51 de ses motifs, ce courriel « est littéralement la pièce centrale ».

[15]  L’appelante a allégué trois manquements à l’équité procédurale devant le juge de la Cour fédérale. En premier lieu, elle a avancé que la Commission n’avait pas tenu compte de son courriel dans lequel elle essayait de rectifier la date à compter de laquelle elle n’avait plus eu accès au système informatique de l’intimée. Dans ses observations écrites à la Commission, elle a affirmé avoir été privée d’accès à compter du 31 mai 2013. Dès qu’elle s’est aperçue que l’accès au système informatique de l’intimée lui avait plutôt été retiré le 30 juin 2013, l’appelante a tenté de rectifier ses observations écrites en envoyant un courriel à la Commission pour l’aviser d’une correction de date (paragraphes 41 à 43 des motifs de la Cour fédérale).

[16]  En deuxième lieu, elle a affirmé que l’enquête n’avait pas été menée avec rigueur. Elle a repris l’argument de la correction de date, puis a ajouté que l’enquêteur avait omis d’interroger un membre du personnel de l’intimée qui était, selon elle, un témoin important. Elle a également ajouté qu’elle n’avait pas annoncé que son époux serait son représentant avant le 17 juillet 2013, soit le lendemain du jour où son époux a envoyé le courriel à l’intimée.

[17]  En troisième lieu, l’appelante a soutenu que le personnel de la Commission avait fait preuve de fermeture d’esprit à l’égard de sa plainte.

[18]  Dans une décision bien motivée, le juge a examiné tous les manquements allégués à l’équité procédurale d’une manière ordonnée et rigoureuse et a conclu qu’il n’y avait eu aucun manquement pour les motifs suivants :

  1. La date à laquelle l’appelante a cessé d’avoir accès au système informatique de l’intimée n’est pas pertinente (paragraphes 56 à 63 des motifs de la Cour fédérale);

  2. L’argument du manque de rigueur doit être rejeté au motif que les questions essentielles soulevées par la plainte ont été examinées par l’enquêteur. Le juge a conclu qu’il ne s’agissait pas d’une enquête clairement déficiente ou d’une enquête où on avait omis d’examiner des éléments de preuve manifestement essentiels. De plus, l’appelante avait omis d’indiquer la teneur des renseignements qu’aurait pu apporter le membre du personnel de l’intimée qu’elle estimait être un témoin important (paragraphes 64 à 73 des motifs de la Cour fédérale); et

  3. Absolument rien dans la preuve ne montrait que le personnel de la Commission avait fait preuve de fermeture d’esprit ou de partialité à l’égard de la plainte de l’appelante (paragraphes 74 à 87 des motifs de la Cour fédérale).

[19]  Le juge a répété au paragraphe 92 de ses motifs que le « rôle [de la Commission] est limité : il lui suffit d’être convaincue que [l’intimée] n’a pas exercé de discrimination contre [l’appelante] conformément à la Loi et non de savoir si la résiliation était justifiée ». Puisqu’elle a jugé que l’explication fournie pour justifier la résiliation était raisonnable et ne constituait pas un prétexte camouflant un acte discriminatoire, la Commission a rejeté la plainte. Le juge a rappelé que l’appelante n’a pas contesté le bien-fondé des conclusions de la Commission en les qualifiant de déraisonnables, mais a plutôt choisi de soutenir que la procédure était entachée de vices et qu’on avait manqué à l’équité procédurale. Le juge n’a constaté aucun manquement à l’équité procédurale.

IV.  La position des parties devant notre Cour

[20]  Devant notre Cour, l’appelante a soutenu que le juge a commis une erreur et a demandé que nous renvoyions l’affaire devant le Tribunal. L’appelante a énoncé 35 motifs d’appel dans son avis d’appel.

[21]  Dans son mémoire des faits et du droit ainsi que durant ses observations orales, elle a réduit ses observations essentiellement aux suivantes :

  1. Premièrement, la question de la correction de la date continue d’être à la base de son appel. Elle a soutenu que le courriel du 16 juillet 2013 n’était pas menaçant et qu’elle n’avait pas accès aux renseignements confidentiels de l’intimée à ce moment, car on lui avait retiré l’accès au système informatique le 30 juin 2013;

  2. Deuxièmement, elle a affirmé qu’elle n’avait pas annoncé que son époux était son représentant avant le 17 juillet 2013, soit le lendemain de l’envoi du courriel du 16 juillet 2013;

  3. Troisièmement, elle a soutenu que le juge a commis une erreur en analysant les questions dont il était saisi sous l’angle du droit de travail, plutôt que sous l’angle de la discrimination dans le contexte des droits de la personne; et

  4. Quatrièmement, elle a accusé l’intimée d’avoir fait de fausses déclarations, ce qui avait induit le juge en erreur.

[22]  Dans ses observations orales, l’appelante a attiré l’attention de notre Cour sur le paragraphe 18 du mémoire des faits et du droit de l’intimée, où il est écrit que l’appelante avait affirmé, dans un courriel adressé à la Commission, que son erreur concernant la date à laquelle on lui avait retiré l’accès au système informatique [traduction] « ne changeait rien d’important dans [sa] plainte » alors qu’elle avait plutôt écrit que la date [traduction] « ne changeait absolument rien à quoi que ce soit d’autre dans [ses] observations [...] » (dossier d’appel, volume 1, page 168).

[23]  En réponse à l’observation de l’appelante voulant que l’intimée eût mal cité ses propos quant à l’importance de la correction de la date, l’avocat de l’intimée a reconnu dès le début de ses observations orales qu’il aurait pu utiliser un langage plus précis dans la rédaction de son mémoire des faits et du droit. En faisant référence au dossier, il a porté à notre attention le fait que ce même passage se retrouvait dans le courriel du 9 janvier 2017 de l’appelante, dans lequel il était écrit : [traduction] « En ce qui concerne la question en cause, la date ne change absolument rien. » (Dossier d’appel, volume 1, page 168.)

[24]  Hormis cette concession, l’avocat de l’intimée a soutenu que le juge avait bien défini la norme de contrôle applicable, soit la décision correcte, et l’avait bien appliquée tout au long de ses motifs. Il soutient que le juge a bien pris en compte, analysé et rejeté toutes les questions soulevées par l’appelante. Il a rappelé à notre Cour que l’appelante, devant la Cour fédérale, avait présenté sa demande de façon à ce que le juge examine seulement la question de l’équité procédurale, ce que le juge aurait fait sans commettre d’erreur susceptible de révision.

V.  Norme de contrôle et analyse

[25]  Avant d’examiner les arguments invoqués par l’appelante, il serait utile de souligner la norme de contrôle applicable en l’espèce. Dans les appels visant les demandes de contrôle judiciaire, le rôle de notre Cour consiste à déterminer si le juge a établi la bonne norme de contrôle et s’il l’a bien appliquée (Agraira c. Canada (Sécurité publique et protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47).

[26]  L’équité procédurale était la seule question dont était saisi le juge. Dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2018] A.C.F. no 382 (QL), notre Cour a rappelé que « [l]a cour qui apprécie un argument relatif à l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » et que « [t]enter de caser la question de l’équité procédurale dans une analyse relative à la norme de contrôle applicable est [...] un exercice non rentable » (aux paragraphes 54 et 55). Bien qu’on ait traditionnellement parlé de contrôle selon la norme de la décision correcte, les questions d’équité procédurale ne sont assujetties à aucune norme particulière. Il s’agit plutôt d’une question de droit que la Cour doit trancher. Lorsque la Cour examine une question d’équité procédurale, elle doit être convaincue que celle-ci a été respectée.

[27]  Dans son analyse, le juge s’est dûment concentré sur la question à savoir si la Commission avait manqué aux principes d’équité procédurale et si ces principes avaient été respectés, eu égard à l’ensemble des circonstances.

[28]  Quant aux observations de l’appelante, d’abord, en ce qui a trait à la question de la correction de la date, l’appelante soutient que le juge a été induit en erreur, car il se serait fondé sur une série de faits importants que l’intimée lui aurait mal ou faussement présentés, notamment le moment où l’appelante s’est fait retirer son accès au système informatique de l’intimée, la question de savoir si l’intimée a [traduction] « agi rapidement » pour lui retirer l’accès au système informatique et la question de savoir si elle avait dit dans ses courriels à la Commission que la correction de la date ne changeait rien quant à sa [traduction] « plainte » ou à ses [traduction] « observations ». Selon l’appelante, l’intimée a [traduction] « inventé une histoire » qui a servi de prétexte pour justifier son congédiement. Dans ses observations, l’appelante a soutenu que son époux n’avait pas accès aux renseignements confidentiels, car son accès au système informatique de l’intimée avait été révoqué avant le courriel du 16 juillet 2013.

[29]  Je conclus que le juge a correctement examiné cette question et je souscris à l’analyse qu’il a exposée aux paragraphes 56 à 63 de ses motifs. Je conclus que la date à laquelle l’intimée a révoqué l’accès de l’appelante à son système informatique n’a pas été un facteur dans le rejet de la plainte par la Commission. Cette dernière a conclu que [traduction] « [l]a défenderesse a agi selon l’hypothèse, qu’elle soit vraie ou fausse, que [l’appelante] a manqué aux exigences de confidentialité, et non en raison de son état matrimonial » (rapport d’enquête, paragraphe 76; dossier d’appel, volume 1, page 77). Le juge a constaté qu’aucun élément de preuve n’a été produit pour montrer que les renseignements confidentiels figurant dans le courriel du 16 juillet 2013 pouvaient seulement avoir été obtenus au cours des deux premières semaines de juillet 2013 (paragraphe 58 des motifs de la Cour fédérale).

[30]  Deuxièmement, dans ses observations écrites, l’appelante affirme que son courriel du 17 juillet 2013 représente la première fois qu’elle a annoncé que son époux agirait à titre de représentant. Dans ses observations orales devant notre Cour, l’appelante a admis avoir su avant la résiliation du contrat avec Cicada Systems que son époux avait eu des conversations téléphoniques avec des représentants de l’intimée et a affirmé qu’ils avaient eu [traduction] « de très bons échanges ».

[31]  Le juge a examiné cet argument aux paragraphes 37 et 39 de ses motifs. Comme il l’a affirmé, « [l]a question de savoir si [l’appelante] avait soutenu que [son époux] devait être un représentant ou non avant le courriel du 16 juillet 2013 n’est pas importante puisqu’il s’est lui-même présenté comme un représentant de Demitor Holdings Inc. Dba Cicada Systems et parlant en leur nom » (paragraphe 39 des motifs de la Cour fédérale). Fait plus important, dans son courriel du 17 juillet 2013, l’appelante a clairement fait savoir qu’elle était d’accord pour que son époux s’occupe d’une partie de ses affaires, entre autres [traduction] « les contrats, les négociations ou les affaires en général » (dossier d’appel, volume 2, page 218). Il était donc raisonnable pour l’intimée de croire que l’époux de l’appelante agissait au nom de cette dernière. Que l’appelante ait annoncé ou non auparavant que son époux était son représentant est sans importance.

[32]  Troisièmement, en ce qui a trait à l’argument voulant que le juge ait commis une erreur en analysant la question en litige sous l’angle du droit du travail plutôt que celui des droits de la personne et de la discrimination, je fais observer que l’appelante n’a soulevé cette question ni dans son avis d’appel ni dans son mémoire des faits et du droit. Il ne fait aucun doute que le juge s’est dûment concentré sur la question des possibles manquements à l’équité procédurale dans le contexte d’une allégation de discrimination, et non sur des questions de droit du travail. Il l’affirme expressément aux paragraphes 22, 52 et 53 de ses motifs. Quoi qu’il en soit, le rôle de notre Cour dans le présent appel est d’examiner les manquements à l’équité procédurale qui seraient survenus devant la Commission. Comme je l’ai dit précédemment, lorsqu’elle examine une question d’équité procédurale, la Cour doit être convaincue que l’équité procédurale a été respectée eu égard aux circonstances de l’affaire.

[33]  Quatrièmement, l’appelante a soutenu que l’intimée avait inventé une histoire de toutes pièces en guise de prétexte pour la congédier. Je ne suis pas entièrement convaincue que ces allégations générales de fausses déclarations ont été présentées au juge. Quoi qu’il en soit, je conclus que l’appelante n’a pas démontré que la Commission s’est fondée sur l’une ou l’autre des fausses déclarations alléguées pour rejeter la plainte. De plus, dans la mesure où la Commission a pu se fonder sur un énoncé qui pourrait être faux, l’histoire qui, selon l’appelante, aurait été inventée n’aurait pas constitué un facteur dans la décision de la Commission.

[34]  La présente affaire repose sur le courriel du 16 juillet 2013 qu’a envoyé l’époux de l’appelante aux membres de l’équipe de la gestion et de la direction de l’intimée. Le courriel est au cœur du rapport, et c’est sur le fondement de ce document que la Commission a accepté la recommandation de l’enquêteur de ne pas renvoyer la plainte devant le Tribunal. Le courriel est également reproduit à l’annexe A des motifs du juge. La Commission et le juge ont accepté que l’intimée ait trouvé le courriel à la fois menaçant et ait jugé qu’il constituait un manquement à ses exigences de confidentialité. J’ai conscience que mon rôle ne consiste pas à déterminer s’il y a eu discrimination ou congédiement injustifié, mais plutôt à déterminer s’il y a eu un manquement à l’équité procédurale. L’appelante ne m’a pas convaincue qu’il y a eu violation de son droit à une audience équitable devant la Commission.

VI.  Conclusion

[35]  Je conclus que la Commission n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux énoncés par le juge aux paragraphes 56 à 96 de ses motifs.

[36]  Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel, avec dépens.

« Marianne Rivoalen »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Judith Woods, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-41-18

 

INTITULÉ :

SUZANNE DEMITOR c. WESTCOAST ENERGY INC. (FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE SPECTRA ENERGY TRANSMISSION)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 avril 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

DATE DES MOTIFS :

Le 7 mai 2019

COMPARUTIONS :

Suzanne Demitor (pour son propre compte)

POUR L’APPELANTE

David G. Wong

POUR L’INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L’INTIMÉE

 

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